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25/02/2012

Ampugnani: les stèles ésotériques de Truchinacce (suite à suivre)

 

Entre Casalta et Silvareccio, ce site onirique de Truchinacce dans l'Ampugnani continue de nous interroger.

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et chacun y peut apporter ses analyses et chacun peut y nourrir ses rêves les plus poétiques: le langage symbolique est constitutif de l'homme.

 Pour le moment, en attendant la connaissance du site avant son pillage avéré (voir les notes précédentes du 2/1 et du 10/1/2012), et l'analyse du lieu par les amis préhistoriens qui pourrait confirmer ou infirmer que nous sommes bien en présence d'une expression mégalithique, nous tentons d'explorer son  univers symbolique le plus récent.

Premier constat, les trois stèles gravées qui nous restent sont alignées face à l'est. Ce "recto" comporte de très nombreux symboles qu'il conviendrait d'analyser dans un contexte historique  précis. Le verso comporte toujours - entre autres signes - une grande croix. Beaucoup d'éléments nous incitent de plus en plus à penser que nous sommes devant un discours gravé lié au monde de la carboneria (carbonarisme), bien ancrée dans l'Ampugnani du XIX° siècle .

On lira avec grand profit l'écrit consacré à ce sujet par Francis POMPONI : "La voie corse du passage du carbonarisme napolitain à la Charbonnerie française sous la Restauration (1818-1823)", dans  "Secret et République (1775-1840)" par Bernard GAINOT, publié aux Presses Univ. Blaise Pascal en 2004.

Je vous invite aussi à découvrir dans l'Encyclopédie Imago Mundi le long article qui traite du carbonarisme :

http://www.cosmovisions.com/$Carbonari.htm

En voici un extrait, témoignant d'un rituel chargé de symboles:

 

"On a souvent confondu le Carbonarisme avec la Franc-maçonnerie, dont il n'est, en réalité, qu'un dérivé. Comme la Franc-maçonnerie, ou l'ordre des Illuminati (Illuminisme), dont on a parfois dit que les Carbonari avaient pu s'inspirer, le Carbonarisme a son cérémonial particulier, son langage symbolique, dont les termes sont empruntés au commerce du charbon. C'est ainsi que le lieu d'assemblée s'appelle hutte, en italien baracca; le pays où se tient l'assemblée, la forêt; la réunion elle-même, - ce qu'en langage maçonnique on nomme la tenue, - la vente, en italien vendita. Une réunion de huttes est une république. Purger la forêt des loups signifie délivrer la patrie des tyrans et des oppresseurs. De là, le cri de ralliement du Carbonarisme : Vengeance au mouton opprimé par le loup. Les statuts et règlements sont particulièrement sévères contre les parjures et les traîtres. L'indiscrétion, même involontaire, a son châtiment.

Chaque associé jurait de garder le secret sur l'existence du Carbonarisme, sur ses signes, son règlement et ses mots de passe; d'obéir aveuglément et sans réserve aux ordres intimés par la vente suprême, les choses commandées cessant d'être injustes dès qu'elles deviennent un moyen d'arriver au bonheur commun et, d'obtenir le but général; de dévouer sa fortune et même sa vie à la cause de la liberté et de la patrie.

En outre, pour être prêt à résister à l'oppression, à secourir ses « frères », appelés ici ses bons cousins, tout Carbonaro devait se munir, à ses frais, d'un fusil de munition et de cinquante cartouches à balle. Le parjure était puni de mort. Les grades par lesquels devait passer successivement le « bon cousin » étaient ceux d'apprenti, de maître et de grand-élu.

Un rituel d'initiation.
Voici, d'après Saint-Edme (Constitution et organisation des Carbonari), les détails du cérémonial usité pour une initiation au troisième grade : la vente se tient loin des profanes, dans une grotte obscure, cachée et connue seulement des Carbonari déjà reçus grands élus. La salle est triangulaire, tronquée aux trois pointes. Le grand maître, grand élu, qui préside la réunion, est placé sur un trône, à l'orient, dans l'angle tronqué supérieur. En face de lui, à l'occident, au milieu de la base même du triangle, se trouve la porte de la grotte. Elle est défendue par deux gardiens nommés flammes ou porte-épée, tenant à la main des sabres faits comme des flammes de feu. Les assistants sont rangés en deux files, à droite et à gauche du président. Ils ont la face tournée vers lui pour se conformer à tous ses mouvements, quand il fera des avantages ou autres cérémonies et solennités. Deux des assistants, ceux qui sont placés à l'extrémité des files, se nomment premier et second éclaireur; un troisième qui sert d'orateur est appelé étoile. Trois lumières en forme de soleil, de lune et d'étoile sont suspendues aux trois angles pour la clarté de la vendita. Le trône et les bancs sont couverts de drap rouge parsemé de flammes nombreuses. Le grand élu est en costume de l'ordre, ainsi que les autres assistants. Il a le front enveloppé d'un long mouchoir rouge enroulé en forme de turban, Il porte des sandales bleues, une tunique de même couleur et, au-dessus de la tunique, une longue robe noire serrée par une ceinture de laine rouge à laquelle sont suspendus une hachette et un poignard. Outre le costume ci-dessus, commun à tous les assistants, le grand élu président porte en sautoir un large ruban moiré tricolore, bleu céleste, jaune et vert, où sont attachés trois bijoux, marques de sa dignité : un triangle azur, image du ciel et de la divinité, un soleil d'or et un globe terrestre d'un vert pâle.

« LE GRAND ÉLU. - Bon cousin, premier éclaireur, quelle heure est-il?

LE PREMIER ECLAIREUR . - Respectable grand élu, le tocsin sonne de toutes parts et retentit jusque dans les profondeurs de notre grotte. Je pense que c'est le signal du réveil général des hommes libres.

LE GRAND ÉLU. - Bon cousin, second éclaireur, à quelle heure doivent s'ouvrir nos travaux secrets?

LE SECOND ÉCLAIREUR. - A minuit, respectable grand élu, lorsque les masses populaires, conduites par nos affidés, les bons cousins directeurs, sont rassemblées, organisées, marchent contre la tyrannie et sont prêtes à frapper les grands coups.

LE GRAND ÉLU. - Bons cousins, flammes et gardiens de la sûreté de notre asile, êtes-vous sûrs qu'il ne s'est glissé parmi nous aucun profane et que tous les carbonari réunis dans cette vendita sont bien grands maîtres, grands élus?

UNE DES FLAMMES. - Oui, vénérable grand élu, les Introducteurs ont fait leur devoir. Il n'existe ici ni profane, ni Carbonaro subalterne.

LE GRAND ÉLU. - Tous les directeurs des divers grades carboniques, destinés au mouvement général qui va s'opérer, sont-ils à leur poste, bien armés, mes bons cousins, premier et second éclaireurs?

LES DEUX ÉCLAIREURS en même temps. - Oui, vénérable grand élu; tous sont partis après avoir réitéré le serment sacré de périr ou de vaincre.

LE GRAND ÉLU. - Puisque tout est si bien disposé, mes bons cousins, je vous invite à m'aider dans l'ouverture de nos travaux nocturnes en célébrant le septuple avantage que je commence à l'instant. A moi, mes bons cousins.

1° Au Créateur de l'Univers; 2° au Christ, son envoyé sur la terre, pour y rétablir la philosophie, la liberté, l'égalité; 3° à ses apôtres et prédicateurs; 4° à saint Tibaldo, fondateur des Carbonari; 5° à François Ier, comme notre protecteur et l'exterminateur de nos anciens oppresseurs; 6° à la chute éternelle de toutes les tyrannies; 7° à l'établissement d'une liberté sage et sans fin, sur la ruine éternelle des ennemis des peuples. »

Les sept avantages étant célébrés par les acclamations d'usage, lecture est faite aux assistants du procès-verbal de la dernière séance; puis, le procès-verbal adopté, le grand élu donne la parole à l'orateur appelé Etoile. Celui-ci explique et développe le but de la réunion. Après avoir fait une description de l'âge d'or, où les humains, obéissant aux lois de la nature, étaient bons et vertueux, l'orateur décrivait la situation malheureuse de la belle Ausonie et présentait le tableau navrant de son affreuse destinée.
« Elle obéit maintenant, disait-il, à trente soi-disant souverains, qui, rétrécis dans ce qu'ils appellent leurs domaines, n'en tyrannisent qu'avec plus d'impudence les peuples infortunés soumis à leur autorité dure, mais chancelante. C'est pour en débarrasser le sol que nos aïeux, les premiers bons cousins, ont établi la respectable Carboneria. Exilées du monde, n'osant se montrer au grand jour, la liberté, l'égalité, se réfugièrent dans les rand se cachèrent dans les ventes, dans les grottes les plus reculées, et là, reprenant la robe virile dont nous sommes revêtus, aiguisèrent leurs hachettes et leurs poignards et jurèrent de renverser en un seul jour tous les oppresseurs de ces belles contrées. Nous avons tous fait, sur le signe éclatant de la rédemption du Sauveur du monde, le serment sacré de rétablir sa sainte philosophie. Le moment est arrivé, mes bons cousins ; le tocsin de l'insurrection générale a sonné, les peuples armés sont en marche. Au lever de l'astre du jour, les tyrans auront vécu, la liberté sera triomphante. Employons le peu d'heures qui vont s'écouler avant d'arriver aux moments d'une courte et terrible vengeance, à relire et proclamer les nouvelles lois qui vont régir la belle Ausonie, la réunir en un seul peuple dans ses limites naturelles et la rendre libre, heureuse, florissante à l'exemple du reste de l'univers. »
Ce discours achevé, le grand élu président prononçait à haute voix la formule du serment :
« Moi, citoyen libre de l'Ausonie, réuni avec mes frères sous le même gouvernement et les mêmes lois populaires que je me dévoue à établir, dût-il m'en coûter tout mon sang, je jure, en présence du grand maître de l'univers et du grand élu, bon cousin, d'employer tous les moments de mon existence à faire triompher les principes de liberté, d'égalité, de haine à la tyrannie, qui sont l'âme de toutes les actions publiques et secrètes de la Carboneria. Je promets de propager l'amour de l'égalité dans toutes les âmes sur lesquelles il me sera possible d'exercer quelque ascendant. Je promets, s'il n'est possible de rétablir le régime de la liberté sans combattre, de lutter jusqu'à la mort. Je consens, si j'ai le malheur de devenir parjure à mes serments, à être immolé par mes bons cousins les grands élus, de la manière la plus douloureuse. Je me dévoue à être mis en croix au sein d'une vendita, nu, couronné d'épines et de la manière que le fut le Christ, notre rédempteur et notre modèle. Je consens de plus à ce que mon ventre soit ouvert de mon vivant, que mon coeur et mes entrailles soient arrachés et brûlés, que mes membres soient coupés et dispersés et mon corps privé de sépulture. Telles sont nos obligations à tous, mes bons cousins, jurez-vous de vous y conformer?

TOUS LES ASSISTANTS à la fois. - Nous le jurons.

LE GRAND ÉLU. - Dieu vous entend, mes bons cousins! son tonnerre gronde; vos serments sont agréés. Le peuple est prêt à combattre, il triomphera! Malheur à vous si vous le trahissiez! »

L'orateur donnait ensuite lecture du pacte constitutionnel de l'Ausonie, qui devait être soumis à la sanction de la nation libre et unie."
 
Comme on peut le voir, les bons cousins ne plaisantent pas!
 Voici une première grille de lecture de ces trois stèles proposée par un jeune chercheur féru d'ésotérisme en Corse:

 

   

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(la face nord de la stèle centrale)

Je cite:

" Cœur (placé au sommet):  N'est pas sans rappeler l'anthropomorphisme dont étaient dotées certaines « stantare ». Le coeur tient lieu de visage et s'apparente par la forme à la feuille de peuplier (arbre initiatique tenu pour sacré dans l'antiquité, lié à la résurrection).  

Croix celtique écourtée (gauche) :

Symbole solaire apparenté à la roue solaire. Cycle (saison, course du temps …).

Symbole apparaissant dès le néolithique ou, si plus tardif, chrétien (signaculum domini = plaies du Christ).

Soleil (droite): Symbole solaire classique.

Croissant de lune vers le bas :

Symbole de minuit (passage du soleil à l’antipode).

Obscurité=secret=occulte

Croix : Se rapporter à la symbolique chrétienne et solaire.

Deux cercles concentriques radiants :

Couronne – Œil de la Providence – Soleil

Symbole surmonté par une croix.

Course du soleil (croix + astre) ou suprématie du «Christ-Roi» (couronne + croix + radiance)

Niveau (Figure centrale): Figure maçonnique (essentiellement celle du grade de surveillant) = équilibre ou harmonie, l'œuvre est réalisé et équilibré.

Figures pointues avec point au centre (sur les côtés du niveau): symbole inconnu. Possibilité d'être la lettre « D » dans l'alphabet maçonnique.

Eventuellement une allégorie des deux colonnes du temple (J et B)

Soleil et lune (gauche et droite) : Symboles maçonniques classiques.

Les gravures circulaires et rectangulaires, voire carrées, semblent être en rapport avec les degrés dans la hiérarchie des maçons ou compagnons ayant œuvré sur le site.

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(la face ouest de cette stèle centrale et son percement au sommet, qui disait-on, laissait passer un rayon de soleil qui illuminait l'église pievane de Casalta)

 

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(la face ouest de la stèle de droite)

 

INRI : Igne Natura Renovatur Integra (la nature est intégralement renouvelée par le feu).

Parole du rituel de Chevalier Rose+Croix (REAA) héritée de l’alchimie.

Croix à pointe aiguisée : Symbole héraldique (tranchant, aiguisé). Certainement un rapport avec l’arme (poignard rituel du Carbonaro ou Pinatu du Topu Pinutu).

Deux soleils : Symbole maçonnique typique. Saint Jean de l’Apocalypse (Solstice d’hiver)  et Saint Jean le Baptiste (Solstice d’été), similitudes avec le dieu Janus aux deux visages.

 

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(la face est de cette même stèle: le chêne qui a poussé entre temps ne permet pas de faire une photo d'ensemble)

 

 

stèle 1 bis.jpg

(la face nord de la stèle de gauche)

 

Œil de la providence : Elément courant dans la symbolique maçonnique.

2 : Symbole évident de la dualité. En rapport certainement avec les deux colonnes du temples, les deux surveillants et le damier initiatique (noir et blanc).

S : Certainement symbole du serpent (symbole compagnonnique du tailleur de pierre).

Pentagramme : Elément maçonnique du grade de compagnon.  5 éléments (eau, terre, air, feu, éther) ou 5 sens.

Humain accompli et achevé.

Deux lunes superposées au dessus de l’horizon : Apogée et périgée.

4 : Chiffre de la matière. Croix dont l’axe horizontal et l’axe vertical sont reliés. Chiffre du carré.

3 : Trinité. Peut être même Troïka (organisation de cellules de 3 personnes). Chiffre du triangle.

(Peut-être le Chapitre 4 verset 3 des Corinthiens: « Si notre Evangile est encore voilé, il est voilé pour ceux qui périssent »)

Compas : Sert à tracer le cercle, qui garde en lui les secrets de l’initié. Symbole de l’esprit et composante des 3 grandes lumières.

Les trois dernières figures sont un rappel évident de la géométrie et sa symbolique ésotérique.

Cette stèle est certainement celle d’un compagnon devenu maitre. Elle a du être gravée progressivement du bas vers le haut

stèle 1 verso blog.jpg

(la face ouest de cette stèle)

 
... et enfin, sa première conclusion:

Les monolithes sont certainement très anciens.

Il est essentiel de pratiquer un relevé topographique de la disposition des monuments ainsi qu’une analyse géologique des pierres.

Les éléments disparus ont de toute évidence, de façon coutumière en Corse, été certainement récupérés et insérés dans le paysage architectural (probablement dans les environs proches du site), que ce soit dans une bergerie ou dans les parois d’une maison.

Nous pouvons, aux vues des symboles et « styles » de gravures, qu’il s’agit d’une œuvre collective. Les gravures ont du se succéder au fur et à mesure du temps.

L’iconographie religieuse et maçonnique est quasiment classique mais la présence conjointe de celle-ci avec des éléments chrétiens nous laisse à penser qu’une société secrète du XVIIIème  ou XIXème siècle a utilisé ces éléments en vue de rituels.

La maçonnerie dite « du bois », les Pinnuti ou Carbonari sont effectivement à l'origine des gravures. Des références au Compagnonnage sont évidentes. "

 

(à suivre ...)

 
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16/02/2012

patrimoine: le pistachier-lentisque de Ghisonaccia

" Tous les pays qui n'ont plus de légende

Seront condamnés à mourir de froid ..."

(Patrice de la Tour du Pin)

Patrimoine naturel de la Corse:

Le pistachier-lentisque de Ghisonaccia élu l'arbre de l'année 2011

(je relaie ici l'article envoyé par les amis d'Altiani)

le pistachier lentisque de Ghisonaccia.jpg

 

"LE PISTACHIER LENTISQUE DE GHISONACCIA A ETE ELU ARBRE REMARQUABLE DE L’ANNEE 2011

Retrouvez les 26 autres arbres du concours sur www.arbredelannee.com

« C’est au lieu dit « Gattone » (parcelles ZA 13 et 14), sur la commune de Ghisonaccia en Haute Corse, située à la jonction de la route nationale reliant Bastia à Bonifacio et de la route départementale 344 reliant la commune à Ghisoni, chef lieu du canton, que nous a été signalé cet arbre pittoresque. Il s’agit d’un pistachier lentisque, arbuste aux feuilles persistantes, formées de folioles pointues, tout d’abord cotonneuses puis devenant coriaces leur permettant ainsi de résister à la déshydratation. Il fournit de petites baies rouges puis brunes.  Le tronc quant à lui exsude une résine qui entre dans la composition de vernis, ou qui est utilisée, après distillation, pour des confitures ou des pastilles. "Dans l'Empire ottoman, les femmes turques, grecques, arméniennes et juives mâchent avec délices cet odorant mastic, surtout le matin ; il se ramollit, parfume l'haleine, fortifie les gencives et blanchit les dents. On le brûle dans des cassolettes pour parfumer les appartements, on le mêle à la pâte et on en fait un pain agréable". (Larousse)

Ce « pistachier lentisque de Ghisonaccia » est considéré comme un arbre vénérable d’un mètre quatre-vingt-douze de diamètre pour une hauteur de 7 mètres alors que leur taille habituelle maximum tourne aux alentours des 6 mètres.

Son âge est difficile à déterminer même par les professionnels car la croissance normale de cet arbre est très lente. A la date de ce jour, son âge est donné pour 700 ans mais certains lui donnent entre 1000 et 1500 ans… aussi des tests vont être entrepris afin d’en obtenir une plus grande précision scientifique... lorsque nous connaitrons le résultat de ces tests, nous serons alors plus à même de vous communiquer son âge avec une plus grande précision.

Corse Matin - 6 juillet

Il n'est pas rare en Corse de trouver plantes, fleurs ou arbres étonnants, voire extraordinaires. Parmi eux, certains ont même obtenu le label "d'arbre remarquable". Le dernier en date est un pistachier lentisque, découvert par Elise Inversin à Ghisonaccia-gare.

Pour entrer dans cette catégorie recherchée, l'arbre a notamment satisfait à des critères de rareté, dimensions, position, âge, et pour sa force symbolique.

C'est en démaquisant une parcelle de terrain à la végétation particulièrement dense qu’Elise Inversin a mis à jour le pistachier lentisque, envahi par des plantes lianescentes et quasiment recouvert de gravats et de déblais. Le reverdissement du feuillage a permis d'admirer un tronc au tronc dense de 1,90 m de circonférence, d'une hauteur de près de 7 mètres et avec une surface de houppier de près de 80 M2. Ses racines se perdent dans une construction enfouie qui pourrait être un ancien four romain.

Son âge reste à déterminer : les spécialistes l'estiment entre 800 et 1000 ans, peut-être davantage. Son tronc est si dense que les carottages n'ont pu avoir lieu pour l'instant. Mais l'arbre pourrait être le plus ancien de Corse.

Après plusieurs observations de professionnels en la matière, et grâce à la ténacité d'Elise Inversin, ce pistachier a été finalement répertorié "arbre remarquable".

Il est désormais en cours d'inscription sur la liste des "arbres vénérables" classés par l'Unesco.

Entretenu régulièrement par celle qui l'a découvert, le pistachier lentisque de Gattone n'a dû sa survie qu'aux attentions qu'elle lui a prodiguées. Pour continuer le travail, Louis Cesari, adjoint au maire et chargé de l'urbanisme, tente de faire localiser les propriétaires de ce lopin de terre, même si les recherches sont infructueuses pour le moment.

 

La mairie a cependant décidé de commencer quelques travaux afin de donner enfin, à l'arbre de Gattone, la trace privilégiée qu'il mérite.

"Nous allons préserver ses abords, installer une clôture solide, le protéger des incendies autant que faire se peut, le signaler aussi de manière à ce qu'on puisse venir l'admirer et sensibiliser les habitants de notre région et notamment les écoliers sur la valeur de cet arbre magnifique véritable joyau de notre patrimoine."

Lily Figari

(1) La loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, permet le classement d'un arbre, ou d'un alignement d'arbres."


... Et sur le site http://www.arbredelannee.com/ :

"De juillet à octobre 2011, le grand public a pu voter par Internet pour élire le lauréat du public.
Le 24 novembre dernier, le jury présidé par Didier Van Cauwelaert a désigné l’arbre de l’année 2011 : le pistachier lentisque de Guisonaccia.
Tous les arbres “nominés” sont désormais visibles sur les grilles de l’UNESCO à Paris dans le cadre d’une très belle exposition en plein air de photos d’Emmanuel Boittier, photographe au magazine Terre sauvage.
Elles feront l’objet d’un numéro spécial d’Arbres et Forêts, hors série de Terre sauvage à paraître en mars 2012.
Vous pourrez bientôt déposer de nouvelles candidatures pour élire l’arbre de l’année 2013 !"

 

le tronc du pistachier de GH..jpg

Que ces arbres "remarquables" - et leurs frères - trouvent un regain d'intérêt qui les sauve de la destruction: la Corse reste, malgré les incendies, un refuge d'élection pour tant d'arbres vénérables. On comprend que la religiosité des anciens corses se soit tournée vers sa Nature: arbres, rochers, sources ont une âme, et celle de ces arbres remarquables nous plonge en des temps où se perdait l'homme individuel au profit d'une sève commune et  sacrée. Si la déforestation de la planète - commencée il y a près de dix mille ans à l'époque où les hommes commencent à vouloir exploiter la nature par l'agriculture et l'élevage - s'est accélèrée au cours des dernières décennies avec les techniques actuelles d'exploitation forestière jusqu'à un point de non retour pour de nombreuses régions du globe, on peut craindre pour l'avenir des hommes. Toutefois, il faut garder espoir: que, responsable et consciente, chaque population locale prenne en main la sauvegarde de son patrimoine naturel, et en assume la gestion.


Enfin, vous pouvez voter ( jusqu'à la fin du mois de février) pour que ce pistachier lentisque de Ghisonaccia devienne le héros européen de l'année, en votant sur le site:

http://www.treeoftheyear.org/?lang=fr


Vous pouvez aussi, si vous ne l'avez pas encore, découvrir le très beau livre poétique (photos d'arbres de Corse ) du photographe Tomas HEUER:

RACINES CELESTES / RADICHE SUPRANE

édité par Alain Piazzola.


12/02/2012

la mort du héron cendré

 

Le beau héron cendré qui volait encore

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l'an dernier en janvier

le héron cendré janvier 2011.jpg

du côté du ruisseau, sous Belgodère,

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a redu son âme d'oiseau, ce matin, au ruisseau:

hier soir il était encore en vie, grelottant sur la berge

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est-il mort de froid (glacial cette nuit) ou de faim, ou des deux conjugués ?

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 si léger ... l'hiver est impitoyable cette année..

11/02/2012

Février

 

Février neigeux


éloge du doux éphémère

 

 

fenêtre blog.jpg

éloge du silence

 du dedans où se taire

en regardant dehors

voleter

blanche

l'éphémère pensée

 

il neige.jpg

éloge du dehors

des mots vagabonds

légers

comme neige

à peine

audibles

où se recueillir avant de fondre

 

 

Février Bréviaire Grimani-1450-1510 miniature sur parchemin bibliothèque nationale, Venise.jpg

et du petit garçon qui fait pipi entre deux sur le pas de sa porte

(Miniature du Bréviaire Grimani, XV° siècle, Bibliothèque Nationale de Venise)

 

bréviaire grimani venise

(au col de Battaglia: merci Carole et Marie-Laure!)bréviaire grimani venise

(à Castellu di Rustinu: merci Toussaint!)

Légèreté des flocons, mais quelle chappe au fil des heures!

 

04/02/2012

le sepolcru de Castellu sort de l'ombre

Ce 31 janvier, à Castellu di Rustinu,

peu avant la neige ...

 

Castellu sepolcru ensemble montage blog.jpg

Bien sûr, ce n'est pas encore la saison, mais ... un grand merci , Richard!

A l'occasion de la rédaction d'un article sur les sepolcri peints de la Semaine Sainte en Corse pour la belle revue "Art Sacrés", et reprenant contact avec les amis de Castellu di Rustinu pour éclairer ce sujet, j'ai eu le grand plaisir de voir sortir de sa cachette et monté, tant bien que mal, pour la première fois depuis environ 80 ans, le magnifique sepolcru peint de Castellu. Son état actuel - chassis vermoulu, toiles très fragilisées ... n'a pas permis de le dresser totalement comme il le devrait, les deux panneaux latéraux épousant normalement exactement la forme trapézoïdale du" plafond" de la Résurrexion. Mais tel que (merci, Richard!) cet ensemble parle comme jamais jusqu'ici je ne l'avais entendu: la colline du Golgotha faisant le lien entre les trois panneaux. Ce remontage , très éphémère (il ne peut rester ainsi dans l'église) signe la prise de conscience de la communauté de Castellu qu'elle possède ici un héritage précieux et rare de la dévotion de ses ancêtres, et qui aboutira, j'en suis certaine, à une restauration: la municipalité  est impliquée dans la restauration de son patrimoine: outre celle de la chapelle san Tumasgiu et de ses fresques, qui devrait débuter très prochainement, il  est prévu de continuer l'effort de restauration dans la très belle église paroissiale : l'ensemble des autels et de leurs toiles dans un temps relativement proche également ... Le sepolcru suivra, je n'en doute pas, dans la foulée, et ... espérons-le aussi,  l'orgue de Saladini retrouvera sa voix ...

Quelques détails du sepolcru

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le Jugement de Ponce Pilate en compagnie de Caïphe (reconnaissable à son vêtement jaune, signe distinctif longtemps imposé aux Juifs ...)

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Jésus chargé de sa croix: le trou dans la toile a probablement, comme les autres du sepolcru, été fait par la flamme des bougies ...

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un premier groupe de cavaliers

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Jésus tombe sous le poids de la croix, et Simon de Cyrène est appelé à la rescousse

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En haut du panneau central, la scène de la Crucifixion

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le groupe de soldats de la crucifixion. A noter les armes, très codifiées de ces messieurs (on les retrouve dans les sepolcri et les chemins de croix  du XVIII° siècle) et leurs casques pointus. Le cavalier porte a baretta misgia, cette sorte de bonnet phrygien qui faisait partie du costume des montagnards corses, et un cimeterre tout-à-fait turc ou barbaresque. Une armée qui va pieds-nus ...

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... les solutions techniques de la crucifixion ...

pas facile, mais nos gens ont de la ressource!

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chorégraphie de la Déposition de croix

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le groupe douloureux de la Déploration du Christ: la Vierge, Mater Dolorosa,  a reçu sur ses genoux  le corps supplicié de son fils et l'expose à,la compassion de tous, tandis que  Marie-Madeleine - en robe jaune et cheveux dénoués,- pleure en saisissant la main de Jésus.

 

 

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 la Mise au tombeau. Je propose cette lecture:  Joseph d'Arimathie à la tête du Christ et Nicomède à ses pieds, et le groupe de Marie-Madeleine et de  saint Jean entourant la Vierge

la Vierge et M Madeleine détail blog.jpg

détail: Marie-Madeleine soutient la Vierge

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... et le tombeau du Christ (partie basse du panneau central): oups! les anges sont assez effrayants. De mauvaises langues en déduiraient que le Christ leur a faussé compagnie dès qu'Il a pu ...

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le panneau de la Résurrection formant plafond:

ce thème de la Résurrection est suffisamment rare dans les sepolcri de Corse pour être signalé: un Christ triomphant, dans toute sa gloire. Généralement les sepolcri s'arrêtent à la Déploration de la mort du Christ et le message de Pâques reste à venir... ...


  Il y a une quinzaine d’années, les hasards d’une recherche sur les orgues de Corse m’avaient conduite à Castellu di Rustinu, un village de montagne proche de la Castagniccia : seules quelques fumées paresseuses s’élevant des toits de lauze dans la lumière de janvier et au passage, une télé tonitruante mariée à une bonne odeur de soupe  témoignaient encore de la vie au milieu de ces hautes maisons de schiste aux volets trop souvent clos. La délicieuse vieille dame qu’on m’avait indiquée m’accompagna pour me faire les honneurs de son église – elle venait de finir son déjeuner, me dit-elle avec un sourire serein, et n’avait rien d’autre à faire -   Malgré l’état un peu dégradé des lieux, à l’époque, j’avais été frappée par la joyeuse propreté qui régnait ici, nappes impeccables soigneusement repassées, profusion attendrissante d’angelots joufflus et de fleurs artificielles, et par la qualité et la richesse du patrimoine : datant en majorité du XVIII° siècle, décors muraux, chaire de prêche et élégants autels de stuc baroques, retables, quatorze tableautins peints d’un intéressant chemin de croix populaire,

sepolcri de corse,le sepolcru de castellu di rustinu,semaine sainte en corse

(ici le Christ mis en croix: chemin de croix peint par Giacomo Grandi pour Castellu au milieu du XVIII° siècle)

et, un peu plus tardif, un orgue hélas muet, bref  … c’était ici l’une de ces surprenantes églises de la région qui racontent à foison une communauté dynamique à une époque où la majorité des Corses vivaient dans leurs villages, et où l’expression d’une religiosité dramatique et festive resserrait les liens.
  Puis, passant derrière le maître-autel, ce fut pour moi un choc imprévu : contre le mur s’entassaient, abandonnées en vrac, plusieurs toiles rectangulaires,  grossières et en mauvais état, de très grande taille, clouées sur des châssis vermoulus. Peintes à la détrempe, elles n’avaient rien à voir avec l’art savant des retables de l’église, mais s’apparentaient plus à l’esprit vernaculaire du chemin de croix – j’y reviendrai : elles disaient d’une façon immédiate et émouvante la Passion du Christ. Sur un premier panneau, du haut du perron de son prétoire, Pilate, enturbanné comme un oriental, prononçait son jugement, puis Jésus se trouvait chargé de la croix , gravissait un Golgotha où se tordaient de grands arbres, trébuchait, martyrisé par des soldats bigarrés, barbus,  moustaches  retroussées, une soldatesque disparate aux  pieds nus, coiffés de casques ronds, de la barreta misghia (une sorte de bonnet phrygien, coiffure traditionnelle des corses jusqu’à la fin du XIX° siècle), armée de cimeterres, de lances et de hallebardes, montée sur de magnifiques chevaux, le tout dans un paysage abrupt de montagne … Sur un deuxième, c’était la crucifixion et la douleur de la Vierge, de saint Jean et des saintes femmes, et sur un autre, la déposition de croix,  la déploration du Christ,  la mise au tombeau efficacement racontées dans l’émotion, et enfin une dernière toile en forme de trapèze exaltait la Résurrection du Christ  …
Comme je m’étonnais de la présence et de l’importance de ces décors, Laurence M. m’expliqua qu’il s’agissait du « Sepolcru », qu’on ne le sortait plus depuis longtemps, que lorsqu’elle était petite on le dressait dans l’église dès le jeudi saint pour accueillir le Christ mort, que chaque famille était chargée d’apporter un litre d’huile d’olive pour entretenir la flamme des lampes qui veilleraient sur le Crucifié en compagnie des fidèles : « c’est qu’ ici, on ne laisse jamais le mort seul » … et elle se souvenait de sa terreur, petite fille, lorsqu’il s’agissait  de pénétrer la nuit dans cet espace étrange peuplé de ces silhouettes inhabituelles dansant à la lueur des cierges et des lampes… Par la suite, j’ai appris que ces grandes toiles servaient aussi autrefois de décor pour une Passion jouée par les villageois de Castellu -  dramaturgie évoquée par les derniers anciens, et dont Laurence est désormais le dernier témoin vivant. Il semble que ce sepolcru anonyme du début XIX° siècle ne soit plus ressorti en situation depuis 1930 … Telle fut ma première rencontre avec ce monde si attachant des sepolcri peints de la Corse et elle a le visage rond et souriant d’une vieille dame optimiste née en 1917 …

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le fronton triomphal que l'on n'a pas pu replacer sur le "plafond", faute de solidité