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25/02/2012

Ampugnani: les stèles ésotériques de Truchinacce (suite à suivre)

 

Entre Casalta et Silvareccio, ce site onirique de Truchinacce dans l'Ampugnani continue de nous interroger.

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et chacun y peut apporter ses analyses et chacun peut y nourrir ses rêves les plus poétiques: le langage symbolique est constitutif de l'homme.

 Pour le moment, en attendant la connaissance du site avant son pillage avéré (voir les notes précédentes du 2/1 et du 10/1/2012), et l'analyse du lieu par les amis préhistoriens qui pourrait confirmer ou infirmer que nous sommes bien en présence d'une expression mégalithique, nous tentons d'explorer son  univers symbolique le plus récent.

Premier constat, les trois stèles gravées qui nous restent sont alignées face à l'est. Ce "recto" comporte de très nombreux symboles qu'il conviendrait d'analyser dans un contexte historique  précis. Le verso comporte toujours - entre autres signes - une grande croix. Beaucoup d'éléments nous incitent de plus en plus à penser que nous sommes devant un discours gravé lié au monde de la carboneria (carbonarisme), bien ancrée dans l'Ampugnani du XIX° siècle .

On lira avec grand profit l'écrit consacré à ce sujet par Francis POMPONI : "La voie corse du passage du carbonarisme napolitain à la Charbonnerie française sous la Restauration (1818-1823)", dans  "Secret et République (1775-1840)" par Bernard GAINOT, publié aux Presses Univ. Blaise Pascal en 2004.

Je vous invite aussi à découvrir dans l'Encyclopédie Imago Mundi le long article qui traite du carbonarisme :

http://www.cosmovisions.com/$Carbonari.htm

En voici un extrait, témoignant d'un rituel chargé de symboles:

 

"On a souvent confondu le Carbonarisme avec la Franc-maçonnerie, dont il n'est, en réalité, qu'un dérivé. Comme la Franc-maçonnerie, ou l'ordre des Illuminati (Illuminisme), dont on a parfois dit que les Carbonari avaient pu s'inspirer, le Carbonarisme a son cérémonial particulier, son langage symbolique, dont les termes sont empruntés au commerce du charbon. C'est ainsi que le lieu d'assemblée s'appelle hutte, en italien baracca; le pays où se tient l'assemblée, la forêt; la réunion elle-même, - ce qu'en langage maçonnique on nomme la tenue, - la vente, en italien vendita. Une réunion de huttes est une république. Purger la forêt des loups signifie délivrer la patrie des tyrans et des oppresseurs. De là, le cri de ralliement du Carbonarisme : Vengeance au mouton opprimé par le loup. Les statuts et règlements sont particulièrement sévères contre les parjures et les traîtres. L'indiscrétion, même involontaire, a son châtiment.

Chaque associé jurait de garder le secret sur l'existence du Carbonarisme, sur ses signes, son règlement et ses mots de passe; d'obéir aveuglément et sans réserve aux ordres intimés par la vente suprême, les choses commandées cessant d'être injustes dès qu'elles deviennent un moyen d'arriver au bonheur commun et, d'obtenir le but général; de dévouer sa fortune et même sa vie à la cause de la liberté et de la patrie.

En outre, pour être prêt à résister à l'oppression, à secourir ses « frères », appelés ici ses bons cousins, tout Carbonaro devait se munir, à ses frais, d'un fusil de munition et de cinquante cartouches à balle. Le parjure était puni de mort. Les grades par lesquels devait passer successivement le « bon cousin » étaient ceux d'apprenti, de maître et de grand-élu.

Un rituel d'initiation.
Voici, d'après Saint-Edme (Constitution et organisation des Carbonari), les détails du cérémonial usité pour une initiation au troisième grade : la vente se tient loin des profanes, dans une grotte obscure, cachée et connue seulement des Carbonari déjà reçus grands élus. La salle est triangulaire, tronquée aux trois pointes. Le grand maître, grand élu, qui préside la réunion, est placé sur un trône, à l'orient, dans l'angle tronqué supérieur. En face de lui, à l'occident, au milieu de la base même du triangle, se trouve la porte de la grotte. Elle est défendue par deux gardiens nommés flammes ou porte-épée, tenant à la main des sabres faits comme des flammes de feu. Les assistants sont rangés en deux files, à droite et à gauche du président. Ils ont la face tournée vers lui pour se conformer à tous ses mouvements, quand il fera des avantages ou autres cérémonies et solennités. Deux des assistants, ceux qui sont placés à l'extrémité des files, se nomment premier et second éclaireur; un troisième qui sert d'orateur est appelé étoile. Trois lumières en forme de soleil, de lune et d'étoile sont suspendues aux trois angles pour la clarté de la vendita. Le trône et les bancs sont couverts de drap rouge parsemé de flammes nombreuses. Le grand élu est en costume de l'ordre, ainsi que les autres assistants. Il a le front enveloppé d'un long mouchoir rouge enroulé en forme de turban, Il porte des sandales bleues, une tunique de même couleur et, au-dessus de la tunique, une longue robe noire serrée par une ceinture de laine rouge à laquelle sont suspendus une hachette et un poignard. Outre le costume ci-dessus, commun à tous les assistants, le grand élu président porte en sautoir un large ruban moiré tricolore, bleu céleste, jaune et vert, où sont attachés trois bijoux, marques de sa dignité : un triangle azur, image du ciel et de la divinité, un soleil d'or et un globe terrestre d'un vert pâle.

« LE GRAND ÉLU. - Bon cousin, premier éclaireur, quelle heure est-il?

LE PREMIER ECLAIREUR . - Respectable grand élu, le tocsin sonne de toutes parts et retentit jusque dans les profondeurs de notre grotte. Je pense que c'est le signal du réveil général des hommes libres.

LE GRAND ÉLU. - Bon cousin, second éclaireur, à quelle heure doivent s'ouvrir nos travaux secrets?

LE SECOND ÉCLAIREUR. - A minuit, respectable grand élu, lorsque les masses populaires, conduites par nos affidés, les bons cousins directeurs, sont rassemblées, organisées, marchent contre la tyrannie et sont prêtes à frapper les grands coups.

LE GRAND ÉLU. - Bons cousins, flammes et gardiens de la sûreté de notre asile, êtes-vous sûrs qu'il ne s'est glissé parmi nous aucun profane et que tous les carbonari réunis dans cette vendita sont bien grands maîtres, grands élus?

UNE DES FLAMMES. - Oui, vénérable grand élu, les Introducteurs ont fait leur devoir. Il n'existe ici ni profane, ni Carbonaro subalterne.

LE GRAND ÉLU. - Tous les directeurs des divers grades carboniques, destinés au mouvement général qui va s'opérer, sont-ils à leur poste, bien armés, mes bons cousins, premier et second éclaireurs?

LES DEUX ÉCLAIREURS en même temps. - Oui, vénérable grand élu; tous sont partis après avoir réitéré le serment sacré de périr ou de vaincre.

LE GRAND ÉLU. - Puisque tout est si bien disposé, mes bons cousins, je vous invite à m'aider dans l'ouverture de nos travaux nocturnes en célébrant le septuple avantage que je commence à l'instant. A moi, mes bons cousins.

1° Au Créateur de l'Univers; 2° au Christ, son envoyé sur la terre, pour y rétablir la philosophie, la liberté, l'égalité; 3° à ses apôtres et prédicateurs; 4° à saint Tibaldo, fondateur des Carbonari; 5° à François Ier, comme notre protecteur et l'exterminateur de nos anciens oppresseurs; 6° à la chute éternelle de toutes les tyrannies; 7° à l'établissement d'une liberté sage et sans fin, sur la ruine éternelle des ennemis des peuples. »

Les sept avantages étant célébrés par les acclamations d'usage, lecture est faite aux assistants du procès-verbal de la dernière séance; puis, le procès-verbal adopté, le grand élu donne la parole à l'orateur appelé Etoile. Celui-ci explique et développe le but de la réunion. Après avoir fait une description de l'âge d'or, où les humains, obéissant aux lois de la nature, étaient bons et vertueux, l'orateur décrivait la situation malheureuse de la belle Ausonie et présentait le tableau navrant de son affreuse destinée.
« Elle obéit maintenant, disait-il, à trente soi-disant souverains, qui, rétrécis dans ce qu'ils appellent leurs domaines, n'en tyrannisent qu'avec plus d'impudence les peuples infortunés soumis à leur autorité dure, mais chancelante. C'est pour en débarrasser le sol que nos aïeux, les premiers bons cousins, ont établi la respectable Carboneria. Exilées du monde, n'osant se montrer au grand jour, la liberté, l'égalité, se réfugièrent dans les rand se cachèrent dans les ventes, dans les grottes les plus reculées, et là, reprenant la robe virile dont nous sommes revêtus, aiguisèrent leurs hachettes et leurs poignards et jurèrent de renverser en un seul jour tous les oppresseurs de ces belles contrées. Nous avons tous fait, sur le signe éclatant de la rédemption du Sauveur du monde, le serment sacré de rétablir sa sainte philosophie. Le moment est arrivé, mes bons cousins ; le tocsin de l'insurrection générale a sonné, les peuples armés sont en marche. Au lever de l'astre du jour, les tyrans auront vécu, la liberté sera triomphante. Employons le peu d'heures qui vont s'écouler avant d'arriver aux moments d'une courte et terrible vengeance, à relire et proclamer les nouvelles lois qui vont régir la belle Ausonie, la réunir en un seul peuple dans ses limites naturelles et la rendre libre, heureuse, florissante à l'exemple du reste de l'univers. »
Ce discours achevé, le grand élu président prononçait à haute voix la formule du serment :
« Moi, citoyen libre de l'Ausonie, réuni avec mes frères sous le même gouvernement et les mêmes lois populaires que je me dévoue à établir, dût-il m'en coûter tout mon sang, je jure, en présence du grand maître de l'univers et du grand élu, bon cousin, d'employer tous les moments de mon existence à faire triompher les principes de liberté, d'égalité, de haine à la tyrannie, qui sont l'âme de toutes les actions publiques et secrètes de la Carboneria. Je promets de propager l'amour de l'égalité dans toutes les âmes sur lesquelles il me sera possible d'exercer quelque ascendant. Je promets, s'il n'est possible de rétablir le régime de la liberté sans combattre, de lutter jusqu'à la mort. Je consens, si j'ai le malheur de devenir parjure à mes serments, à être immolé par mes bons cousins les grands élus, de la manière la plus douloureuse. Je me dévoue à être mis en croix au sein d'une vendita, nu, couronné d'épines et de la manière que le fut le Christ, notre rédempteur et notre modèle. Je consens de plus à ce que mon ventre soit ouvert de mon vivant, que mon coeur et mes entrailles soient arrachés et brûlés, que mes membres soient coupés et dispersés et mon corps privé de sépulture. Telles sont nos obligations à tous, mes bons cousins, jurez-vous de vous y conformer?

TOUS LES ASSISTANTS à la fois. - Nous le jurons.

LE GRAND ÉLU. - Dieu vous entend, mes bons cousins! son tonnerre gronde; vos serments sont agréés. Le peuple est prêt à combattre, il triomphera! Malheur à vous si vous le trahissiez! »

L'orateur donnait ensuite lecture du pacte constitutionnel de l'Ausonie, qui devait être soumis à la sanction de la nation libre et unie."
 
Comme on peut le voir, les bons cousins ne plaisantent pas!
 Voici une première grille de lecture de ces trois stèles proposée par un jeune chercheur féru d'ésotérisme en Corse:

 

   

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(la face nord de la stèle centrale)

Je cite:

" Cœur (placé au sommet):  N'est pas sans rappeler l'anthropomorphisme dont étaient dotées certaines « stantare ». Le coeur tient lieu de visage et s'apparente par la forme à la feuille de peuplier (arbre initiatique tenu pour sacré dans l'antiquité, lié à la résurrection).  

Croix celtique écourtée (gauche) :

Symbole solaire apparenté à la roue solaire. Cycle (saison, course du temps …).

Symbole apparaissant dès le néolithique ou, si plus tardif, chrétien (signaculum domini = plaies du Christ).

Soleil (droite): Symbole solaire classique.

Croissant de lune vers le bas :

Symbole de minuit (passage du soleil à l’antipode).

Obscurité=secret=occulte

Croix : Se rapporter à la symbolique chrétienne et solaire.

Deux cercles concentriques radiants :

Couronne – Œil de la Providence – Soleil

Symbole surmonté par une croix.

Course du soleil (croix + astre) ou suprématie du «Christ-Roi» (couronne + croix + radiance)

Niveau (Figure centrale): Figure maçonnique (essentiellement celle du grade de surveillant) = équilibre ou harmonie, l'œuvre est réalisé et équilibré.

Figures pointues avec point au centre (sur les côtés du niveau): symbole inconnu. Possibilité d'être la lettre « D » dans l'alphabet maçonnique.

Eventuellement une allégorie des deux colonnes du temple (J et B)

Soleil et lune (gauche et droite) : Symboles maçonniques classiques.

Les gravures circulaires et rectangulaires, voire carrées, semblent être en rapport avec les degrés dans la hiérarchie des maçons ou compagnons ayant œuvré sur le site.

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(la face ouest de cette stèle centrale et son percement au sommet, qui disait-on, laissait passer un rayon de soleil qui illuminait l'église pievane de Casalta)

 

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(la face ouest de la stèle de droite)

 

INRI : Igne Natura Renovatur Integra (la nature est intégralement renouvelée par le feu).

Parole du rituel de Chevalier Rose+Croix (REAA) héritée de l’alchimie.

Croix à pointe aiguisée : Symbole héraldique (tranchant, aiguisé). Certainement un rapport avec l’arme (poignard rituel du Carbonaro ou Pinatu du Topu Pinutu).

Deux soleils : Symbole maçonnique typique. Saint Jean de l’Apocalypse (Solstice d’hiver)  et Saint Jean le Baptiste (Solstice d’été), similitudes avec le dieu Janus aux deux visages.

 

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(la face est de cette même stèle: le chêne qui a poussé entre temps ne permet pas de faire une photo d'ensemble)

 

 

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(la face nord de la stèle de gauche)

 

Œil de la providence : Elément courant dans la symbolique maçonnique.

2 : Symbole évident de la dualité. En rapport certainement avec les deux colonnes du temples, les deux surveillants et le damier initiatique (noir et blanc).

S : Certainement symbole du serpent (symbole compagnonnique du tailleur de pierre).

Pentagramme : Elément maçonnique du grade de compagnon.  5 éléments (eau, terre, air, feu, éther) ou 5 sens.

Humain accompli et achevé.

Deux lunes superposées au dessus de l’horizon : Apogée et périgée.

4 : Chiffre de la matière. Croix dont l’axe horizontal et l’axe vertical sont reliés. Chiffre du carré.

3 : Trinité. Peut être même Troïka (organisation de cellules de 3 personnes). Chiffre du triangle.

(Peut-être le Chapitre 4 verset 3 des Corinthiens: « Si notre Evangile est encore voilé, il est voilé pour ceux qui périssent »)

Compas : Sert à tracer le cercle, qui garde en lui les secrets de l’initié. Symbole de l’esprit et composante des 3 grandes lumières.

Les trois dernières figures sont un rappel évident de la géométrie et sa symbolique ésotérique.

Cette stèle est certainement celle d’un compagnon devenu maitre. Elle a du être gravée progressivement du bas vers le haut

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(la face ouest de cette stèle)

 
... et enfin, sa première conclusion:

Les monolithes sont certainement très anciens.

Il est essentiel de pratiquer un relevé topographique de la disposition des monuments ainsi qu’une analyse géologique des pierres.

Les éléments disparus ont de toute évidence, de façon coutumière en Corse, été certainement récupérés et insérés dans le paysage architectural (probablement dans les environs proches du site), que ce soit dans une bergerie ou dans les parois d’une maison.

Nous pouvons, aux vues des symboles et « styles » de gravures, qu’il s’agit d’une œuvre collective. Les gravures ont du se succéder au fur et à mesure du temps.

L’iconographie religieuse et maçonnique est quasiment classique mais la présence conjointe de celle-ci avec des éléments chrétiens nous laisse à penser qu’une société secrète du XVIIIème  ou XIXème siècle a utilisé ces éléments en vue de rituels.

La maçonnerie dite « du bois », les Pinnuti ou Carbonari sont effectivement à l'origine des gravures. Des références au Compagnonnage sont évidentes. "

 

(à suivre ...)

 
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