Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/09/2012

Jean Grosjean et Pierre Pardon (suite de l'exposition présente à la Galerie Sordini)

 

avec Gabriel Fauré (clic droit pour ouvrir le lien)


http://youtu.be/j2vZnr1o8RA

 


  Elégie

 


L'immense poète ( trop peu connu) Jean GROSJEAN

inspire Pierre PARDON


élégie 14 blog.jpg

 

Pierre Pardon, ardoise, Elégie 14

 au revers, ce texte gravé de Jean Grosjan:


 

               " Lève la tête dans le vent, qu’il déploie en noire nuée de Toussaint, sur ma figure, la chuchotante odeur de tes cheveux.

               Ah, ne te penche, comme le prêtre ou la Meuse, qu’avec des précautions d’ancien rituel sur les lichens bleus ou jaines qui , mille ans, rêvèrent de voir ta gorge respirer.

               Si lentement ton regard ou ta hanche se tournent aux prières que l’air marmonne dans les buis de frimaire, c’est un vantail qui s’ouvre sur des sources.

               Qu’à peine tu soulèves l’aile de tes cils, et me voilà dans une lumière pareille à celle sur qui béent nos sept cieux quand l’ange les scinde.

Quand tu n’aurais que passé par les bois pour y cueillir le jour et la mésange, j’entends tes pas dans les feuilles cuivreuses qui tour à tour embrassent ton talon et meurent longuement de ton reflet.

               Une fois éteintes nos phrases haletantes, les hiboux seuls y répondent d’arbre en arbre mais le soir est fauve un instant sur la souche où tu ne t’assoiras plus.

               La lune, juchée sur la ramure, a beau te dénombrer les tombes entre les ifs, tu savais combien sont hâtifs les hommes à part celui qui t’aime.

               Qu’une aube descelle tes paupières plombées, tu verrais qu’en mémoire de toi les givres pavoisent nos décombres.

               De peur que ne dorment encore sous les neiges neuves un fruit tiède, les défunts n’oseront de longtemps fouler le sol que tu hantas."

(Elégies, dans le recueil " La Gloire", nrf, Poésie Gallimard)


29/04/2012

"cartulaire de mon coeur"

à la mémoire en déshérence

avec Nicolas BOUVIER


 Hommage à la géographie ancienne

 

Cartulaire de mon coeur

paroles du monde ancien

vieux mots usés et sages

qui pour un temps m'aviez fait compagnie

et si souvent porté secours

d'où me revenez-vous ce soir?

bourdonnants, suspendus à mon cou

flammèches ou abeilles

sur l'étole du prélat défroqué

 

Mots du secret, du souci et de l'ombre

murmures, portée de rats, fourrure du souvenir

frileusement nichés sur mes genoux

que d'anxiété dans ces pétillantes prunelles

qu'attendez-vous encore de moi?

voilà si longtemps que nous nous sommes quittés

 

Il fait noir dans la cuisine

un peu d'alcool brille au fond du verre

tu te tais alors qu'il faudrait que tu hurles

Judas des mots

et tu n'as pas fini de payer ton silence

 

(Nicolas Bouvier, Genève, hiver 1977, dans: "le dehors et le dedans", éditions Zoé, 1998 )

 

 

 


23/01/2012

"l'encre serait de l'ombre", méditation avec Philippe Jaccottet et Rembrandt

 Méditation

avec Bach, "Ich ruf zu dir", Anne Qeffélec au piano
http://youtu.be/Zky2YUek4zo

la méditation du philosophe- 1631 Musée du Louvre.jpg

(Rembrandt, la méditation du philosophe, 1631, Musée du Louvre: une oeuvre minuscule par la taille (29 x 33 cm) dans ce labyrinthe du Louvre, mais que je vais régulièrement retrouver comme on visite les siens, à chaque passage à Paris ...)


avec Sweelinck, Fantasia cromatica, Helmut Walcha à l'orgue

(pour l'escalier en colimaçon ...)

http://youtu.be/vNghGPptA98


et Purcell, in guilty night

http://youtu.be/lEiGhP6-vNo


"L'IGNORANT

 

Plus je vieillis et plus je crois en ignorance,

plus j'ai vécu, moins je possède et moins je règne.

Tout ce que j'ai, c'est un espace tour à tour

enneigé ou brillant, mais jamais habité.

Où est le donateur, le guide, le gardien?

Je me tiens dans ma chambre et d'abord je me tais

(le silence entre en serviteur mettre un peu d'ordre),

et j'attends qu'un à un les mensonges s'écartent:

que reste-t-il? que reste-t-il à ce mourant

qui l'empêche si bien de mourir? Quelle force

le fait encor parler entre ses quatre murs?

Pourrais-je le savoir, moi l'ignare et l'inquiet?

Mais je l'entends vraiment qui parle, et sa parole

pénètre avec le jour, encore que bien vague:

 

"Comme le feu, l'amour n'établit sa clarté

que sur la faute et la beauté des bois en cendres ..."

 

Philippe Jaccottet, dans "L'IGNORANT", extrait (p.35)  de "L'encre serait de l'ombre" , la dernière parution de Philippe JACCOTTET chez Poésie/ Gallimard: notes, proses et poèmes choisis par l'auteur de 1946 à 2008 . A garder précieusement à portée de main,  petite flamme tenace dans la nuit.


avec Gesualdo: O vos omnes ...

http://youtu.be/I_MmCv08PVE

avec Tallis: O Nata Lux ...

http://youtu.be/-4pwX_ru7fc

 

 

et avec Purcell (again!), O Solitude, avec Alfred Deller

http://youtu.be/-W9BMgup7-A

... même si le silence reste le meilleur compagnon de ce beau texte de Jaccottet : " (le silence entre en serviteur mettre un peu d'ordre)" ...

philippe jaccottet,bach ich ruf zu dir,rembrandt,sweelinck fantaisie cromatique,gesualdo,tallis,purcell,alfred deller

(Georges de LA TOUR: Marie Madeleine, 1638- 43
 133,4 x 102,2 cm
Metropolitan Museum of Art, New York)



13/01/2012

"A la lumière d'hiver" avec Philippe Jaccottet

 

DSC01301.JPG

Avec Philippe Jaccottet, "A la lumière d'hiver", petite offrande à ma vieille mère, toujours prête à risquer ce pas dehors, entre deux marécages inconnus de la mémoire ...


" Lapidez-moi encore de ces pierres du temps

qui ont détruit les dieux et les fées,

que je sache ce qui résiste à leur parcours et à leur chute"

 

Si c'était quelque chose entre les choses, comme

l'espace entre tilleul et laurier, dans le jardin,

comme l'air froid sur les yeux et la bouche

quand on franchit, sans plus penser, sa vie,

si c'était, oui, ce simple pas risqué

dehors ...

              Pensée subtile, mais quelle pensée,

si l'étoffe du corps se déchire, la recoudra ?"




 

.. et puis, " avec Henry Purcell "

 

"Songe à ce que serait pour ton ouïe,

 

toi qui es à l'écoute de la nuit,

 

une très lente neige 

 

de cristal"

http://youtu.be/DkiuPAWrY74

www.youtube.com/watch?v=DkiuPAWrY74

... avec la version réjouissante et baroquissime de l'air du Génie du froid "What power art thou"  du King Arthur de Purcell par Harnoncourt à Salzburg ... 



28/11/2011

Le précieux voile de Véronique (El Greco à Tolède, suite)

 

Regards:

la sainte Véronique du Musée Santa Cruz à Tolède

sainte Veronique musée sta Cruz.jpg

  Dialogue silencieux et mise en abîme:

ste Veronique tenant le voile  musée sta Cruz Tolède détail véronique.jpg

Elle

surgie

décentrée d'une nuit noire

donnant à regarder

  la Face miraculeuse

détournant son pâle visage

perdue au-dedans d'elle-même

ne voulant plus voir

n'ayant plus besoin de voir

d'amour

ce qui s'est imprimé dans son coeur

la ste Face de Veronique.jpg

 Lui

qui l'a regardée

  te regarde bien en face

pas du regard de l'Inquisition

d'un oeïl  qui sonde et l'autre qui sourit

  sous la couronne d'épines

sanglantes mais pas trop

fixé sur la trame d'un simple torchon

plus que d'un voile préfigurant le linceul

mais bien vivant

sous l'ondulation des longs cheveux

  répandus sur le tissu

non pas collés de sueur ou d'angoisse

avec la douce barbe qui frisotte

de celles qui ne blessent pas au baiser

qu'on aurait presque envie de toucher

du bout des doigts

pour lui caresser le menton

pour vérifier que c'est bien lui

mais on n'ose pas

et puis

depuis tout ce temps

figure de même substance

tirée de notre nuit

 

(à suivre)

Parmi les innombrables oeuvres attribuées au Greco ou à son atelier, disant et redisant souvent avec génie, ressassant à satiété les thèmes réclamés par les commanditaires, celle-ci, comme une icône baignant dans un silence musical, fait partie de ce qui nous touche le plus: langage mystique plus que religieux, poétique plus que polémique, lumineux plus que descriptif.

(On est loin de la vision hollywoodienne de la Passion, version Mel Gibson ...)