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24/11/2013

Des moustaches de Vercingétorix à la cuirasse de Jeanne

Novembre, encore:

Vercingétorix et le Poilu.jpg

Je voudrais revenir sur le petit monument aux morts de Vallica: le soldat mourant étreint dans un dernier geste de  fidélité patriotique  le drapeau tricolore tandis qu'un prêtre-soldat lui promet, avec sa bénédiction, une place au paradis. De part et d'autre de cette scène, un Poilu, héros anonyme, et Vercingétorix, parangon de l'héroïsme national gaulois.

drapeaux français et casque.jpg

Sous cette scène, deux drapeaux français entrecroisés autour du casque du Poilu et de sa croix de guerre, largement méritée.

Vallica monument aux morts.jpg

Le tout sous la protection victorieuse et sonore du coq gaulois,

coq gaulois.jpg

triomphant,

grâce au sacrifice des héros de Vallica,

morts pour la France.jpg

morts pour la France.

Sous cet arc triomphal, la Vierge serre son enfant endormi sur son coeur, et avec lui tous les enfants sacrifiés de Vallica, et  tenant son coeur saignant à la main, s'adresse dans un lamentu véhément à son Fils mort sur la Croix. Là-haut, deux anges attendent les Poilus avec les palmes du martyre . Pour compléter le discours, deux pots-à-feu évoquent la flamme éternelle du souvenir...

 

Je ne sais rien de la commande ni de la date de ce petit monument aux morts dressé dans l'église paroissiale de VALLICA. En revanche Bernard Mondet (merci à lui!) m'a transmis ces photos de monuments aux morts très proches dans leur esprit:

Bourg Lastic (63).jpeg

celui de Bourg-Lastic (Auvergne)

Néré (17) (1).jpeg

et celui de Néré (Charente Maritime)

En ce qui concerne les monuments aux morts de Corse, je vous invite vivement à lire le remarquable article publié en 2010 dans les Cahiers de la Méditerranée par Jean-Paul Pellegrinetti et Georges Ravis-Giordani, les auteurs de "Du deuil à la mémoire", publié chez Albiana,

article passionnant que vous pourrez retrouver sur ce site:


http://cdlm.revues.org/5594.

 

On y apprend qu'au lendemain de la guerre, l'attachement à la France reste profond, en témoignent ces monuments aux "morts pour la France". Dans le même esprit l'on voit apparaître dans les églises  le pendant féminin du patriotisme français, je veux parler de Jeanne, la bonne Pucelle, l'héroïne incontestée dont on voit tant de statues dans nombre de paroisses corses - ce qui ne manque pas d' intriguer grandement les visiteurs continentaux!

Jeanne d'Arc Occhiatana.jpg

(derrière Jeanne, Ste Lucie)

Ici le sculpteur Damaso Maestracci a emprunté les traits de sa fille (du moins il me semble)  pour donner vie à Jeanne la Lorraine, Lorraine récupérée avec l'Alsace sur l'Allemagne après la Grande Guerre ...

" Souviens-toi, Jeanne, souviens-toi de l'attente des envahis (...)

Leurs pères ne croyaient plus en ton Dieu, mais ta légende leur faisait croire  encore en la France, en sa vocation singulière de consolatrice et de libératrice parmi les nations, - vocation féminine dont tu as  imprégné pour toujours la masse profonde de notre peuple, au moment où une grande pitié pencha ton coeur sur ce gisant, livré au mépris de techniciens superbes, envahi de honte et de désespoir."

(Louis Massignon, Parole donnée- 10/18)


Il faudra attendre les monuments aux morts beaucoup plus tardifs pour voir apparaître en Corse d'autres symboles :

 

Pietra di Verde monument aux morts.jpg

Comme ici à Pietra di Verde,

Pietra di Verde le coq.jpg

où le coq gaulois

Pietra di Verde tête de maure.jpg

partage" le deuil et la mémoire" pour parler comme G.Ravis-Giordani

avec la tête de Maure ...


"Ainsi dans ce discours d’inauguration prononcé par le maire de la commune de Pietricaggio, en 1920 : « Dormez en paix, vous qui avez tant sacrifié pour notre salut, vous les héros de Cyrnos, vous les dignes fils de Sambucucciu, Sampiero, Paoli et du grand Napoléon ».

" ( tiré de l'article cité plus haut des Cahiers de la Méditerranée de Jean-Paul Pellegrinetti et Georges Ravis-Giordani)



 

 

 

12/11/2013

11 novembre, suite: vue de la Corse, la guerre de 1914

Comptes ...

et conséquences de la Grande Guerre en Corse

 

Belgodère copie.jpg

le monument aux morts de Belgodère


Je propose de relire ces quelques articles: à chacun de se faire son opinion.

1/ Une prise de position de Michel Rocard dans le Monde du 31 Août 2000,

http://felina.pagesperso-orange.fr/doc/reg/corse_rocard.htm

dont voici un extrait:

"(...)

  • que, pendant la guerre de 1914-1918, on a mobilisé en Corse, ce qu'on n'a jamais osé faire sur le continent, jusqu'aux pères de six enfants.

  • que, de ce fait, encore en 1919, il n'y avait pratiquement en Corse presque plus d'hommes valides pour reprendre les exploitations agricoles. Les tout jeunes n'ont pas eu le temps de recevoir la transmission des savoir-faire. C'est ainsi qu'ils sont devenus postiers et douaniers.

  • que c'est donc à ce moment que la Corse devient une économie assistée, ce qu'elle n'était pas auparavant. L'apparition de la " paresse corse " dans les blagues, les chansons et le folklore datent de là. On n'en trouve pas trace avant.

  • (...)"


 

Murato monument aux morts.jpg

Murato, le monument aux morts, si chargé de noms.

Il faudrait comparer cette liste à celle des confrères du village:

tableau des confrères.jpg

le tableau des confrères de Murato


2/ Cet article de Libération du 15 janvier 2013

Jerôme Cahuzac corse le bilan de la Grande Guerre - Libération

www.liberation.fr/.../jerome-cahuzac-corse-le-bilan-de-la-grande-guerre.

Avec 1 350 000 soldats tués, la France est ressortie meurtrie de la Grande Guerre. La Corse, comme toutes les régions rurales, a connu la mobilisation d’une grande part de ses hommes, dont beaucoup sont venus nourrir les rangs de l’infanterie, et dont beaucoup ne sont pas revenus. Combien ? Après la guerre, le nombre de 30 000, voire 40 000 morts, sera longtemps avancé. «Tout à fait surestimé», affirme l’historien Jean-Paul Pellegrinetti, qui évoque une fourchette comprise entre 10 000 et 12 000 morts. Cet écart substantiel n’étonne guère l’historien Nicolas Offenstadt :«Il y avait déjà à l’époque de très forts clivages régionaux. Et avec le temps, ces chiffres sont devenus un enjeu de mémoire. En Corse, les nationalistes n’ont cessé de mettre en avant l’idée que l’Etat colonial avait spécifiquement envoyé les insulaires à la mort». L’affaire est à ce point sérieuse qu’au milieu des années 1990, les gendarmes corses ont même fait l’index des monuments aux morts pour obtenir un décompte précis. La Corse n’a pas été la seule région à mettre en avant le sang versé. En Bretagne, les indépendantistes ont également contribué à entretenir la polémique, sur la base d’estimations peu fiables. Le mémorial de Sainte-Anne-d’Auray évoque ainsi les 240 000 morts bretons de la Grande Guerre. Peu importe que nul historien n’y prête le moindre crédit, le chiffre est régulièrement brandi : en novembre 2008, des militants d’Adsav, le Parti du peuple breton, se sont retrouvés à Sainte-Anne-d’Auray «afin de rendre hommage aux 240 000 Bretons sacrifiés par la France». On a même assisté à une joute entre Corses et Bretons, les deux revendiquant la tête du classement des régions les plus meurtries. Sur Internet, un site nationaliste corse rend ainsi hommage aux 30 000 poilus tombés lors de la Grande Guerre : «La Corse a été le "département français" qui a eu le plus de morts. La Bretagne comptait en 1914, 3,2 millions d’habitants et a eu 125 070 tués. La Corse en 1914 comptait, elle, 280 000 habitants et a eu 30 000 morts. Est-il besoin de faire un dessin ?» Un dessin, non. Mais un calcul, peut-être.

La chose n’est pas aisée. «Il est impossible de trancher précisément, explique l’historien Antoine Prost, la meilleure base serait d’avoir le nombre de morts par zone de recrutement». Un travail titanesque qui ne sera jamais mené. Une autre méthode, moins satisfaisante, permet pourtant de se faire une idée. Elle consiste à exploiter la base de données «Mémoire des hommes morts pour la France» du ministère de la Défense qui recense nommément - et par lieu de naissance - les 1,3 million de soldats tombés au combat. On peut ainsi calculer le nombre de décès par département de naissance et rapporter ce nombre aux populations départementales du recensement de 1911. Deux historiens, Yann Lagadec et Jean Yves Le Naour, se sont livrés à ce calcul. Il en ressort que le département qui a payé le plus lourd tribut à la Première Guerre mondiale est en réalité la Lozère : 6 239 natifs du département sont tombés, soit 5,08% de la population de 1911. Suivent la Mayenne (4,48%), la Vendée (4,37%) puis les Côtes-d’Armor (4,26%). La Corse est plus loin. Contrairement à l’idée reçue, véhiculée à son insu par Jerôme Cahuzac, elle est 45e sur 87 départements, avec 3,41%, à peine plus que la moyenne nationale (3,06%)."

Cédric MATHIOT et Baptiste BOUTHIER

Gavigano monument morts blog.jpg

(Gavignano, monument aux morts dans l'église)


3/ cet article de Corse-Matin du 11 novembre 2008

"  La Corse a perdu son dernier Poilu, Joseph Mondoloni, en 2004. Mais, aujourd'hui encore, toutes les composantes de la société seront présentes autour des monuments aux Morts de l'île pour honorer ceux qui tombèrent pour la France lors du conflit qui ensanglanta l'Europe de 1914 à 1918. La 90e célébration d'un armistice qui prend une dimension particulière à la lumière des dernières recherches produites sur la Première guerre mondiale. Car, à la différence du devoir de mémoire, qui fixe le souvenir, le travail de l'historien ne cesse d'interroger les événements pour leur rendre leur part de vérité. Dérangeante parfois, surtout lorsqu'il s'agit de la Corse.

Sébastien Ottavi, agrégé d'histoire et enseignant au lycée Fesch, à Ajaccio, a consulté de multiples archives pour mieux saisir ce que fut la mobilisation des Corses aux premiers jours de la guerre. « Deux visions se sont longtemps opposées, explique ce spécialiste. Une vision qui voit dans l'engagement massif des Corses un moment d'apogée du patriotisme, et une autre, héritée des premiers régionalistes des années 20, qui dénonce une exploitation quasi coloniale de la population insulaire durant ce conflit. »

Levée en masse


Avec 48 000 mobilisés, sur une population totale d'environ

270 000 âmes, l'île a connu une véritable levée en masse.

Ces Corses, souvent d'origine rurale, iront dans leur grande

majorité grossir les rangs de l'infanterie. Pour ou contre ?

Comme dans toutes les campagnes françaises, un grand nombre

accomplira son devoir parce qu'il le faut bien, sans exprimer

un patriotisme débordant, ni remettre en cause la nécessité de

se battre. Pourtant, un fait longtemps considéré par certains

comme un mythe ne manque pas d'émouvoir la population

dès le début du conflit...


« La Corse étant une île, elle avait statut de place forte. Il était donc prévu de mettre sur le pied de guerre des réservistes âgés, jusqu'à 48 ans, qui n'étaient pas censés combattre. Dans la confusion du premier mois de la guerre, plusieurs centaines de ces réservistes ont pourtant été envoyées au front, observe Sébastien Ottavi. Et là surgit un paradoxe. Tout en proclamant son patriotisme, la « Corse officielle » - sénateurs, députés, conseil général en tête - demande des comptes à la suite de plaintes. Le ministère de la Guerre admet qu'il y a bien un problème, mais le mal est fait et ces hommes resteront en première ligne. »

Un excès de zèle de la part des autorités militaires qui ne restera malheureusement pas unique dans son genre. « En avril 1915, des protestations sont émises sur les bancs de l'Assemblée nationale sur la façon dont sont conduits les conseils de révision en Corse. Des gens sont envoyés au front sans avis médical, raconte l'historien. Interpellé par le gouvernement, le général commandant la 15e région militaire, dont dépend la Corse, convient que ces conseils ont été sévères, mais nécessaires car les Corses mettaient de la mauvaise volonté à rejoindre les armées... »

Voile pudique

Parfaitement au courant de ces situations en marge du droit commun - notamment par le biais de la presse insulaire qui s'en fait l'écho -, la société corse jettera dessus un voile pudique au lendemain du conflit. Restera cette mobilisation massive, ce « grand vide d'hommes » dans les villages et ce besoin de reconnaissance par la France du sacrifice accompli. Quitte à surévaluer le niveau des pertes. Dans les années 30, on évoque ainsi le chiffre de 40 000 Corses morts dans les combats...

« Sur ce sujet, comme pour le reste, il faut être prudent, remarque Sébastien Ottavi. Il existe diverses sources et l'on ne peut qu'établir une fourchette de 12 000 à 15 000 tués. Et même si l'on ne retient que le chiffre de 10 000 morts natifs de Corse, cela nous ramène à un pourcentage un peu supérieur à celui enregistré au niveau national, soit 18,2 % contre 16,8 %. »

Une saignée ? En tout cas le coup de grâce asséné à une société pastorale déjà sur le déclin. Preuve que la Première guerre mondiale a encore beaucoup à nous apprendre sur ce qu'était la société corse de l'époque et sur le fait que l'île était, à certains égards, un territoire périphérique de la République"

 
 
4/ Cet autre article de Corse-Matin du 4 février 2013
 

Guerre 14-18: la bataille des chiffres n'est pas ... - Corse-Matin

www.corsematin.com › Haute-Corse  Bastia
 

Depuis la digression de Jérome Cahuzac, ministre du Budget,

lors d’une interview du début du mois la question du nombre de poilus

insulaires tués au combat est de nouveau au cœur d’une polémique.

Toute digression n'est pas bonne à faire. En tant que ministre du Budget,

Jérôme Cahuzac aurait mieux fait de réviser les statistiques de la

Grande Guerre avant de s'aventurer sur le sujet.

Car depuis son intervention au début du mois, la bataille des chiffres

est relancée chez les historiens.

« J'ai passé les fêtes de fin d'année en Corse, qui à l'époque ne formait qu'un seul

département, et qui est le département qui a payé en pourcentage le plus lourd

tribut à la guerre 14-18 ».

Une phrase relayée, commentée, critiquée qui a nourri la polémique.

Le journal Libération a même mis en ligne un dossier dans lequel,

il apparaît que la Corse, avec 3,41 % de soldats tués,

ne serait que le 47e département français le plus touché par la guerre.

En revanche, la Lozère serait la région qui a vu le plus de sang couler

au front.

Calculs erronés et vérités bafouées

Des analyses qui reposent sur des calculs établis à partir du nombre de

décès par département de naissance et rapporté aux populations du

recensement de 1911. En exploitant notamment la base de données du

ministère de la Défense, Mémoires des hommes morts pour la France.

Une opération qui ne permet toujours pas de mettre tout le monde

d'accord.

« Pour avoir un chiffre proche de la réalité, il faudrait d'abord croiser les fiches

des morts pour la France avec le listing des noms relevés sur les monuments

aux morts insulaires et du Continent », explique Sylvain Gregori, docteur

en histoire, tout en insistant sur la nécessité de mettre en parallèle

« le nombre de tués à la guerre par rapport aux actifs corses mobilisables ».

25 % des soldats mobilisés tués au combat

Ceux qui étaient en âge de porter les armes. Des hommes dont le plus

jeune en Corse avait 17 ans et demi et le plus ancien 73 ans. Mais là encore,

les statistiques peuvent être discutées.

D'une part parce qu'il y aurait 1 335 soldats locaux qui n'auraient pas été

reconnus mais aussi parce que le nombre de 13 600 soldats inscrits sur les

monuments pourrait être erroné. « Il existe un problème de double inscription

», souligne Jean-Raphaël Cervoni, historien et coauteur de l'ouvrage

La Corse et la Grande Guerre. « Dans les années 1920, les villages tenaient à

conserver le plus grand nombre de noms de ceux qu'on appelait les martyrs.

Il est arrivé qu'un soldat soit à la fois inscrit dans le village où il est né

mais aussi où il a vécu ». Les historiens l'avouent, les années passent mais

les désaccords persistent. Néanmoins, le nombre le plus souvent annoncé

demeure celui de 12 000 tués sur les 40 000 mobilisés et non 10 000.

« Ce qui représente 25 % des mobilisés », assure Sylvain Gregori.

Si ces calculs étaient retenus, la Corse serait bien plus haut dans le

classement des départements marqués et fragilisés par la Première Guerre

mondiale. « Quel que soit le bilan, cela n'a eu qu'un effet accélérateur dans le

processus de déstructuration de la société. Cela a porté un coup économique et

démographique incalculable et déclenché un courant régionaliste et identitaire »,

poursuit l'historien.

Et c'est donc une nouvelle idée reçue qui tombe. La surestimation du

bilan humain évoqué un temps en Corse (30 000 poilus morts) ne serait

pas l'œuvre des nationalistes pour témoigner du traitement de l'île par

l'État. « Dès l'entre-deux-guerres, les chiffres des morts aux combats ont été

gonflés par une population qui a voulu montrer son attachement à la France(*) »,

précise Gilles Guerrini, professeur d'histoire. Une façon de s'inscrire

dans un élan patriotique. Les partis politiques n'auraient alors fait

qu'utiliser des chiffres « gonflés » et déjà revendiqués.

Une nouvelle fois, les historiens ont témoigné qu'il est aisé de faire dire

aux chiffres tout et son contraire mais surtout d'affirmer que ce n'est pas

tant le nombre mais les répercussions de la Grande Guerre qui compte !"

 

Vallica monument aux morts.jpg

(Vallica, le petit monument aux morts dans l'église.)

Tout y est dit, pour le meilleur et pour le pire:

le coq victorieux, le poilu et "son ancêtre le Gaulois" (sic!), la Vierge

- mère douloureuse de tous ses fils "morts pour la France", 

 la croix, le drapeau français ... et le nom des disparus de Vallica.

***

A lire absolument: cet excellent travail d'Olivier Maestrati, paru en 2006:

compte des morts de la guerre de 14-18 en corse,le mémorial des poilus corses

 

compte des morts de la guerre de 14-18 en corse,le mémorial des poilus corses


Enfin je vous invite à découvrir ce très beau travail de mémoire

fait par Jean-Claude Fieschi et François Petreto, et sorti cet été :

 

compte des morts de la guerre de 14-18 en corse

 

compte des morts de la guerre de 14-18 en corse


 

 

 



11/11/2013

11 novembre: à la mémoire de tous les poilus et du grand-père Marcel

 le 11 novembre,

la mémoire de la grande Guerre de 1914- 1918

sur les monuments aux morts de la Corse

Occhiatana gisant copie.jpg

(Occhiatana, le monument aux morts de Damasu Maestracci)

On le sait, des monuments aux morts incroyablement

chargés de noms ...

à retrouver sur ce site formidable en gestation:


Monuments aux Morts Corses 14-18

monuments-morts-corses.fr/
 
ainsi que le livre de Georges Ravis-Giordani:
 
" Du deuil à la mémoire: les monuments aux morts de la Corse
(Guerre 1914-1918)"
de Georges Ravis-Giordani, Jean-Paul Pellegrinetti,
photographies de Beate Kiehne,
Editions Albiana
 

 


Afin que nul n'oublie, d'où qu'il vienne...

 

grand-père Marcel copie.jpg

Nous avons tous, dans chaque famille, perdu l'un des nôtres dans

cette tragique boucherie: ici notre grand-père Sarthois Marcel,

mort le 19 février 1915 en Champagne dans la terrible bataille

de Perthes-les Hurlus:

600 hommes de son 124° régiment d'infanterie perdent la vie au cours

de ces jours dont plus de cent le 19 février .

citation.jpg

Une bien pauvre consolation , ce laconique communiqué:


la petite Madeleine n'avait que 9 mois. Marcel, partant à la guerre

en août 1914 -comme le plus grand nombre, la fleur au fusil- ,

écrivait quasiment chaque jour à Berthe, sa jeune épouse,

lui donnant au passage des conseils pour gérer la ferme familiale

et bien persuadé que cette guerre serait vite gagnée,

qu'on repousserait rapidement ces "cochons de Boches" à l'intérieur

de leurs frontières et qu'il serait bientôt de retour pour les travaux

de la ferme.

Au fil des lettres, bien vite l'horreur surgit, le doute ("mais on ne

nous dit pas tout"), l'inquiétude aussi de ne pas recevoir assez

de courrier de la maisonnée ...

Cet homme de la campagne avait reçu une bonne instruction,

il détenait son Brevet Supérieur: sa belle écriture aisée court serrée

sans aucune rature ni faute d'orthographe  sur ces feuillets pliés

en quatre, pieusement conservés dans une modeste boîte de bonbons.

Sept mois de lettres. Ecrire pour survivre.

 

Longtemps, avant la découverte récente de ces lettres,

mon grand-père maternel fut pour moi une image désincarnée,

une histoire familiale qui avait fait de ma mère une pupille

de la Nation: ce « mort à la guerre » avait donné à ma grand-mère

devenue veuve un nouveau statut. Ma mère répétait à l’envie

qu’à cette époque les femmes étaient devenues des maîtresses,

non seulement chefs de famille, mais aussi, dans le cadre de

cette vie rurale, chef d’entreprise si l’on peut dire.

 

Pour moi, l’ouverture de la petit sépulture en fer-blanc des lettres

a redonné chair et cohérence à  ce grand-père éparpillé, réduit en

bouillie, l’a exhumé de cet anonymat sanglant partagé par ces

milliers de jeunes victimes de l’absurdité de la grande Guerre.


Et l’on peut continuer de dire si l’on  veut « mort pour la France »,

« mort sur le champ d’honneur": il importe surtout de ne jamais

oublier qu'avant d'être de la chair à canons ce furent des hommes.

,

Les restes inidentifiables de "mon" Marcel reposent sans doute

dans l'un des ossuaires de la nécropole de la Crouée,

à Souain-Perthes-les Hurlus, en compagnie de milliers d'autres

soldats français morts dans ce secteur de Champagne:


- sur une superficie de 60.384 m2, 30.734 sépultures,

dont seulement 9.050 identifiées - 

21.688 soldats reposent dans 8 ossuaires ...


Signalons que le cimetière allemand du même lieu accueille

13.786 soldats allemands ...


Occhiatana Poilu copie.jpg

(le poilu d'Occhiatana)

Enfin, j'ajoute que Marcel avait un frère, Louis, "tué à l'ennemi" aussi

dès le 26 septembre1914 sur un autre champ de bataille de cette

maudite guerre.

Une histoire banale, en somme, dont est mort de chagrin mon arrière-

grand-père.

 

perthes-les-hurlus,les poilus,guerre de 191461918

(sur la place de l'église, le monument aux morts de Souligné)