05/12/2011
L'Immaculée Conception : un testament mystique d'El Greco
Regards
le chef-d'oeuvre mystique de l'Immaculée Conception
peint par le Greco pour le maître Autel de la Chapelle Oballe de San Vicente, à Tolède,
achevée en 1613 et aujourd'hui exposée au Musée Santa Cruz de Tolède
(avec Francisco Correa de Arauxo,
"Tres Glosas sobre Todo el mundo en General" ...)
http://youtu.be/uNcVfj2B4yY
Habituellement dénommée"Assomption", cette grande toile de 348 x 174,5 cm semble bien davantage représenter l'Immaculée Conception comme on le verra à certains détails qui s'apparentent aux "Arma Virginis", symboles des Litanies de la Vierge.
Quoi qu'il en soit, le Greco nous emporte dans le flux ardent de sa vision, où tout communique et crépite dans un mouvement sans début ni fin, le bas et le haut, l'obscur et le lumineux, l'éclatant et le livide, le visible et l'invisible, le proche et le lointain ... Corps distendus, happés par la vision, non pas broyés mais tourbillonnants dans l'extase comme derviches en prière ...
le grand ange dans sa longue diagonale jaune cru
nous entraîne en apesanteur
au-dessus d'une terre irréelle
de son aile puissante de rapace
zèbrant le ciel d'orage
pour recevoir la Vierge
la porter
dans sa descente sur terre
ou son assomption
qui peut le dire
mais un angelot commente
l'index levé
attention
grâce
pure
venue de l'infini
bien centrée
la Colombe de l'Esprit Saint a pénétré
de ses ailes immaculées
douces lames de Tolède
l'épaisseur du ciel
ourlée d'une couronne angélique
tournoyante
de la chair des roses
plane
dans les ascendances
inonde la Vierge d'une lumière spirituelle
rayonnante un peu froide
embrase de glace
la transparence du manteau
http://www.youtube.com/watch?v=XwTZJar17C8&feature=colike
la Vierge entourée d'anges musiciens
attentifs
celui-là le grand rouge au luth
et l'autre qui s'apprête à jouer
hautbois ou cialambella
et le gambiste grave
frottant doucement l'archet courbe
sur sa moitié vibrante
anges musiciens suspendus
à la pensée divine qui crée
sans début ni fin
un ciel nocturne de bourrasques
embrasé de fulgurences
le soleil pour l'éclat
et vêtir la femme de l'Apocalypse
le croissant de lune pour la chasteté
la mélancolie
la défaite des ténèbres
en bas à gauche
la terre
Tolède
reflet fantomatique sous la fuite des nuages
tandis qu'à droite
malgré le Serpent qui fuit
les symboles diaphanes des Litanies de la Vierge
dans "un jardin clos"
"hortus conclusus"
"ma soeur mon épouse est un jardin fermé
une source bien close
une fontaine scellée"
"miroir sans tâche"
"puits d'eaux vives"
au loin s'approche
un vaisseau
voiles gonflées
et sous les pieds nus de l'ange
seuls bien vivants
seuls bien terrestres
les roses et les lys
fleurissent entre les épines
exhalent
le lourd parfum de la pureté
http://www.youtube.com/watch?v=6wm6VwibV9g&feature=colike
23:08 Publié dans el Greco, regards sur l'art, spiritualité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : el greco, immaculée conception, musée santa cruz de tolede, correa de arauxo, todo el mundoen general, tolède | Facebook |
03/12/2011
Découvrir la Pieve du Rustinu avec Toussaint Quilici
Lorsque les enfants du pays s'attellent à leur patrimoine
et partagent plus de quarante ans de passion éclairée et de découvertes:
Le samedi 17 décembre 2011, à partir de 16 h 30 à la salle des Fêtes de Valle di Rustinu (village)
présentation de l’ouvrage (746pages)
« A Pieve di Rustinu des origines aux temps modernes, patrimoine et culture »
de Toussaint Quilici et Jean-Pierre Mannoni (avec la collaboration d’Alain Polifroni et Jean - Pascal Braccini)
Toussaint Quilici en compagnie de son ami Jean-Pascal Braccini lors d'une toute récente découverte fortuite d'un nouveau site préhistorique de gravures rupestres ... à retrouver lors de la parution du livre : je peux témoigner que l'émotion était au rendez-vous !
Pour tous ceux qui, amoureux de leur territoire comme Toussaint Quilici et ses amis, arpentent leur sol et font des découvertes fortuites, et nul n'étant censé ignorer la loi, voici une notice précieuse à lire et à connaître sur toutes les questions que l'on peut se poser sur l'archéologie:
gravure anthropomorphe, cupules ...
à découvrir dans l'ouvrage de Toussaint Quilici et de ses amis.
Avis: ce livre sera aussi distribué à la Fnac.
(à suivre!)
09:18 Publié dans corse, découverte du patrimoine en Corse, les pierres qui signent, Livre, préhistoire corse, racines de pierre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : livre sur le la pieve du rustinu, toussaint quilici, législation sur l'archéologie, législation sur les découvertes fortuites en archéologie | Facebook |
01/12/2011
l'orgue de Corbara retrouve son éclat:1°/ restitution du décor du buffet/tribune/tambour
L'orgue de Corbara vient de retrouver sa voix et son esthétique du début XIX° siècle
1°/ la restitution du décor du buffet/tribune / tambour par l'atelier d' Ewa POLI
Classé Monument Historique par arrêté du 18 janvier 2007, l'orgue Agati-Tronci (1890) de la Collégiale A Nunziata de Corbara vient de faire l'objet d'un excellent relevage sous la direction de Michel COLIN, Technicien - Conseil agréé pour les Monuments Historiques.
Le relevage de la partie instrumentale de l'orgue a été confié à Alain FAYE et Alain SALS, la restauration du décor du buffet, de la tribune et du tambour à Ewa POLI.
Commençons par la partie la plus visible : la transformation saisissante de l'ensemble buffet/tribune/tambour:
Voici cet ensemble tel que nous avions l'habitude de le voir depuis des lustres, imposant par sa taille et son architecture, uniformisé sous ses repeints tardifs (fin XIX° siècle, lors de la reconstruction de l'orgue par la firme Agati Tronci) et lourdement vernissés.
Le voici aujourd'hui, restitué par l'atelier d'Ewa Poli après de longs mois d'un travail minutieux et plein d'embûches, récompensé par de belles découvertes ...
Il ne manque plus que les deux anges buccinateurs, miraculeusement retrouvés et en cours de restauration, qui retrouveront bientôt leur envol, au-dessus du buffet. Ils étaient en très fâcheuse posture et leur restauration a tenu de la chirurgie réparatrice des plus pointues ...
... des anges "à la Saladini", comme ceux de Costa ou de Speloncato:
ici, à Costa:
là aussi, feu l'ami Pierre Sibieude avait dû mettre tout son talent pour consolider et rendre à leur état initial les anges existants, ravagés par les prédateurs xylophages ...
le travail en cours , dégagement centimètre par centimètre ...
Un travail extrêmement délicat pour retrouver la grande qualité de ce décor en chiquetage ou mouchetage, des faux marbres, pour restituer l'argenture ... Cet ensemble nous rappelle irrésistiblement le petit orgue de Costa, ici sous la voûte peinte par Francescu Giavarini autour de 1820:
Le type de décor en chiquetage ou mouchetage n'apparaît en Corse que sur les buffets de Corbara, de Costa et sur les panneaux entourant le clavier du précieux petit orgue (Marracci 1780) de La Porta.
"Dans les deux cas, divers indices plaident pour évoquer l'hypothèse vraisemblable d'instruments antérieurs à leur présentation actuelle. A Costa, la rambarde, réemploi manifeste, signale un transfert après les temps révolutionnaires. A Corbara, il pourrait s'agir d'un transfert interne. Il paraîtrait en effet tout-à-fait curieux qu'une collégiale aussi bien dotée, regorgeant d'orfèvrerie, de somptueux vêtements liturgiques, et déployant une telle magnificence dans l'emploi du marbre, n'ait pas disposé d'un orgue dès le XVIII° siècle"
( Michel Foussard, alors technicien conseil agréé pour les orgues historiques, complément d'étude pour le relevage de l'orgue de Corbara, 2008)
Une même date, 1819, la seule retrouvée dans les deux cas, apparait à Costa comme à Corbara
A Costa, c'est la signature de l'artiste décorateur qui signale ostensiblement son oeuvre au-dessus du clavier: BERNARDO ZIGLIARA CYRNENSI AB ALGAJOLA INAURATORE ANNO DOMINI. 1819. 9 APRILIS
A Corbara, la date sur le volet (gauche) peint représentant sainte Cécile - sous les traits, dit la légende, de Davia, sultane du Maroc ...
et la signature de Francescu Giavarini sur le volet (droit) du Roi David
"F. Giavarini dipinse"
Enfin,
" Nous relevons la même parenté d'architecture sur les buffets de Costa et de Corbara, où le fronton s'avère toutefois plus lourd, bien qu'identique dans sa ligne, à celui de Costa. Nous retrouvons ce dessin dans un grand nombre de buffets réalisés par Anton Giuseppe Saladini (1763 - 1841). Il se pourrait que le buffet de Costa, d'un raffinement de dessin et d'exécution bien supérieur, témoigne d'une main accomplie du XVIII° siècle, et provienne, tout le suggère, d'un transfert après les saisies révolutionnaires. Son décor peint aurait alors été entièrement repris par Zigliara, assez probablement sur un existant dégradé.
Le décor d'attique, en revanche, avec ses volutes, son soleil, ses angelots, porte à l'évidence la marque d'Anton-Giuseppe Saladini, tants le thème, et l'exécution, se retrouvent dans maints de ses instruments postérieurs. Rajouté sans doute à Costa lors de l'installation de l'instrument dont nous ne connaissons pas la localisation première, il pourrait de même couronner à Corbara un orgue plus ancien. (...)
(...) tout le détail des motifs sculptés, soleils, rinceaux, têtes d'angelots ou d'hommes, fleurs, volutes ... sur les buffets, coques, et tambours de Costa et de Corbara portent la forte marque d'Anton-Giuseppe, telle qu'on la reconnaît contamment dans ses oeuvres. Leur décor peint, vert et or, s'y retrouve tout de même invariablement reproduit. (...)
(Michel Foussard, idem)
L'hypothèse de Michel Foussard s'est trouvée confortée par la découverte, lors de la restauration par Ewa Poli, d'une signature au crayon d'Anton Giuseppe Saladini,
difficilement lisible, mais l'on distingue clairement:
" ANTONIO JOSEPH SALADINI SPELONCATO HOC OPUS FECIT(?)
Rappelons qu'Anton Giuseppe Saladini, originaire de Speloncato, fut un artisan ébéniste de grand renom à son époque - à cheval sur le XVIII° et le XIX° siècles - , doué d'un savoir-faire diabolique, disait-on : on parlait de lui jusqu'à Bastia en disant "ce diable d'homme"! Notons au passage qu'il faisait aussi partie de la confrérie de Costa , en même temps que de celle de Speloncato, ce qui conforte la conviction qu'il travailla également sur l'ensemble tribune et buffet de l'orgue de Costa.
Un grand coup de chapeau à Ewa Poli et son équipe pour cette magnifique restitution parsemée d'embûches et d'heureuses découvertes ...
(à suivre pour le relevage par Alain Faye et Alain Sals de la partie phonique de l'orgue de Corbara )
09:36 Publié dans corse, orgues historiques de Corse, restauration du patrimoine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : orgue de corbara, anton giuseppe saladini, restauration de l'orgue de corbara, zigliara, giavarini, ewa poli | Facebook |
28/11/2011
Le précieux voile de Véronique (El Greco à Tolède, suite)
Regards:
la sainte Véronique du Musée Santa Cruz à Tolède
Dialogue silencieux et mise en abîme:
Elle
surgie
décentrée d'une nuit noire
donnant à regarder
la Face miraculeuse
détournant son pâle visage
perdue au-dedans d'elle-même
ne voulant plus voir
n'ayant plus besoin de voir
d'amour
ce qui s'est imprimé dans son coeur
Lui
qui l'a regardée
te regarde bien en face
pas du regard de l'Inquisition
d'un oeïl qui sonde et l'autre qui sourit
sous la couronne d'épines
sanglantes mais pas trop
fixé sur la trame d'un simple torchon
plus que d'un voile préfigurant le linceul
mais bien vivant
sous l'ondulation des longs cheveux
répandus sur le tissu
non pas collés de sueur ou d'angoisse
avec la douce barbe qui frisotte
de celles qui ne blessent pas au baiser
qu'on aurait presque envie de toucher
du bout des doigts
pour lui caresser le menton
pour vérifier que c'est bien lui
mais on n'ose pas
et puis
depuis tout ce temps
figure de même substance
tirée de notre nuit
(à suivre)
Parmi les innombrables oeuvres attribuées au Greco ou à son atelier, disant et redisant souvent avec génie, ressassant à satiété les thèmes réclamés par les commanditaires, celle-ci, comme une icône baignant dans un silence musical, fait partie de ce qui nous touche le plus: langage mystique plus que religieux, poétique plus que polémique, lumineux plus que descriptif.
(On est loin de la vision hollywoodienne de la Passion, version Mel Gibson ...)
08:40 Publié dans el Greco, poésie, regards sur l'art, spiritualité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : le greco, la sainte face, tolede, sainte veronique, l | Facebook |
23/11/2011
El Greco à Tolède : la "nuit obscure" de l'Ame
L'ardent cantique de l'âme:
portraits des Apôtres d'El Greco
( Dhomenikos Theotokopoulos, Candie en Crète 1541 - Tolède 1614 ),
en compagnie de saint Jean de la Croix:
"En una noche oscura
con ansias en amores inflamada
oh dichosa ventura
sali sin ser notada
estando ya mi casa sosegada " ( ...)
" Par une nuit obscure,
Ardente d'un amour plein d'angoisses,
Oh! l'heureuse fortune!
Je sortis sans être vue,
Ma maison étant désormais accoisée
A l'obscur et en assurance,
Par l'échelle secrète, déguisée,
Oh! l'heureuse fortune!
A l'obscur et en cachette,
ma maison étant désormais accoisée.
Au sein de la nuit bénie,
En secret - car nul ne me voyait,
Ni moi je ne voyais rien -
Sans autre lueur ni guide
Hors celle qui brûlait en mon coeur.
Et celle-ci me guidait,
Plus sûre que celle de midi,
Où Celui-là m'attendait
Que je connaissais déjà,
Sans que nul en ce lieu ne parût.
O nuit! toi qui m'a guidée,
O nuit! plus aimable que l'aurore,
O nuit! toi qui as uni
L'Aimé avec son aimée,
L'aimée avec son Aimé transformée.
Sur mon coeur couvert de fleurs,
Qui se gardait, entier, pour lui seul,
Il reste là -endormi-
Et moi, je le caressais,
L'éventant de l'éventail des cèdres.
L'air qui soufflait du créneau,
Quand je lui caressais les cheveux,
De sa main sereinement
Venait me blesser au cou,
Et tenait en suspend tous mes sens.
Je me tins coi, dans l'oubli,
Le visage penché sur l'Aimé.
Tout cessa. Je restai là,
Abandonnant mon souci,
Parmi les fleurs des lis, oublié."
(La montée du Mont Carmel)
(les fleurs de l'Assomption, vers 1612, Musée Santa Cruz)
(les larmes de saint Pierre: attribué au Greco ou à son atelier )
à écouter, Roland de Lassus:
http://youtu.be/zjHVO0MU0g8
"Où T'es-Tu caché, Ami,
Toi qui me laissas dans les gémissements?"
le saint Luc de la sacristie de la Cathédrale de Tolède. La série des Apôtres de la cathédrale fut exécutée, pense-t-on, entre 1601 et 1610.
douceur mystique du visage allongé, strabisme troublant de ce regard perdu en dedans: le strabisme de l'âme .
C'est peut-être un autoportrait
Voici le dernier cycle des "Apostolados", peinte par El Greco entre 1610 et 1614, juste avant sa mort. Cette série avait été peinte à l'origine pour l'hôpital de Santiago à Tolède.
On peut aujourd'hui l'admirer au Musée d'El Greco à Tolède, où la proximité des toiles rend encore plus intense la rencontre de ces visages souvent inachevés ...
Saint Pierre
et son visage
saint Paul
saint Jean: tenant la coupe empoisonnée.
Probable intervention des collaborateurs de l'atelier.
son visage juvénile ...
et sa main:
réminiscence de l'art premier de Greco le Crétois
saint Barthélémy
Puissant!
saint Jacques Majeur
et son visage, si proche
Saint Jacques Mineur
son visage, avec cette assymétrie troublante ...
et sa main
Saint Thomas
et son visage ...
saint Philippe
son visage: le nez pointu, une constante.
Saint André
et son visage ...
Saint Jude Thaddée
et son visage: un oeïl interrogatif pour vous scruter, l'autre pour le dedans
Saint Simon
et son visage: concentré sur le Livre
Saint Mathieu
son visage: nulle frontière entre le dehors et le dedans, rien n'est fermé, tout est passage
... et sa main ...
enfin, le Christ Rédempteur,
comme une icône de Christ Pantocrator
mais les yeux dans les yeux.
"O vive flamme d'amour
Qui navres avec tendresse"
(Saint Jean de la Croix)
à écouter: Manus tuae Domine, Cristobal de Morales
http://www.youtube.com/watch?v=WuHZnghwtJQ&feature=colike
Le Greco, partagé à Tolède avec mon Pierre, le bon apôtre:
un vrai air de famille ...
(à suivre)
00:41 Publié dans el Greco, regards sur l'art | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tolède, el greco, les apôtres, musée el greco, saint jean de la croix, montée du mont carmel | Facebook |