02/01/2012
l'énigme des stèles ésotériques de Casalta, pieve d'Ampugnani
L'univers symbolique des stèles de "Truchinacce"
entre Casalta et Silvarecciu,
dans cet espace perdu quelque part au milieu de la chênaie dans la montagne: un lieu puissant, visité mercredi 28 décembre 2011 ...
Je reprends brièvement cette première note sur le sujet de la fin décembre 2011, car, entre temps, nous avons eu quelques informations complémentaires sur ce sujet: il est clair que ce lieu pose quantité d'énigmes toutes aussi passionnantes les unes que les autres.
La première information, et de taille! est que ce site comportait beaucoup plus de stèles qu'aujourd'hui, une vingtaine selon la mémoire orale. Ce qui signifie que ce lieu a été pillé par des gens qui ont jugé ces stèles dignes d'être volées (pour en faire quoi ???) . La deuxième information nous signale qu'il existe ... et qu'il a existé ailleurs dans cette même région d'autres stèles gravées, elles aussi menacées de disparition. Le fait que ce site a comporté un aussi grand nombre de pierres levées nous inciterait à interroger les amis préhistoriens sur l'éventualité d'une occupation très ancienne. Enfin la densité des signes et des symboles sculptés ici (gravés probablement au 19° siècle: les visiteurs éclairés d'il y a une vingtaine d'années confirment avoir lu sur ces stèles disparues des dates de ce siècle) , entre signes religieux (calices, ostensoirs, croix...) et symboles ésotériques (pentacles, compas ...) nous pousse également à solliciter l'avis éclairé des uns et des autres de quelque famille qu'il soient ... Notre sculpteur appartenait-il à une loge maçonnique ou une société secrète du style des Carbonari, présents en Corse et dans l'Ampugnani en particulier?
ce "cimetière" ancien - du moins nous semble-t-il - ( il est dit, toujours dans la tradition orale, qu'ici étaient enterrés des ecclésiastiques liés à la piévanie de l'Ampugnani de l'ancien évêché d'Accia: l'église piévane, Santa Maria, se trouve plus bas dans la plaine au nord, sur le territoire de Casalta).
l'église santa Maria de Casalta, piévanie de l'Ampugnani.
J'y consacrerai prochainement une note. Faut-il rappeler ici que le petit diocèse d'Accia, avec sa minuscule cathédrale plantée au sommet du San Pedrone, comportait seulement deux pieve: l'Ampugnani et le Rustinu, et que dans ces deux pieve l'on trouve des pierres gravées, et des manifestations "magico-religieuses" pré-chrétiennes fort dérangeantes pour l'Eglise, et qu'elle cherchera toujours à rechristianiser ...
un "cimetière, donc, où veillent trois stèles énigmatiques comme sentinelles
ce mercredi dernier, en la bonne compagnie des amis Toussaint Quilici et Jean-Pierre Mannoni, les infatigables arpenteurs/défenseurs de leur région, auteurs du livre " Pieve di Rustinu" (Editions Anima Corsa), nous découvrons ce monde étrange: trois pierres dressées tels de petits menhirs, gravées recto-verso de signes et d'inscriptions qui nous laissent perplexes,
difficilement datables : ici, est-ce vraiment une date, 1853 ? Ou bien une référence à Isaïe ?
messages symboliques : au sommet, une forme solaire irradiante d'où s'écoule une profonde rigole, surmonte une sorte de coeur,
un coeur qui m'évoque fortement le coeur qui orne les cetere,
comme ici la cetera de Salvadore Saladini
à moins qu'il ne s'agisse d'une feuille de peuplier, auquel cas la symbolique est doublement funéraire, le peuplier noir signant les enfers et la douleur, le peuplier blanc, "consacré à Héraclès qui l'avait découvert près du fleuve Achéron lorsqu'il était descendu aux enfers" (Encyclopédie des symboles) annonçant la régénérescence et le salut ...
Puis, sous une inscription, vient un pentacle: une étoile à cinq branches riche de significations symboliques ... pour Pythagore, harmonie du corps et de l'âme, pour les gnostiques, figure centrale du "Néant suressentiel", pour les amulettes "ABRAXAS", protection magique, pour les chrétiens, témoignage des cinq plaies du Christ ... pentacle présent dans les tombes égyptiennes comme sur les céramiques étrusques, signe des cinq éléments pour les alchimistes comme pour les gnostiques manichéens (la lumière, l'air, le vent, le feu, l'eau), cher à la Franc-Maçonnerie ... enfin, une figure - telle un talisman - bien propre à chasser Satan et ses démons ...
et sous les nombres, un A campé sur ses jambes comme le compas du Grand Architecte? bref, notre sculpteur inconnu a des messages codés à faire passer ... et de bons outils pour travailler, creuser, percer (... ces nombreux "trous" qui ponctuent le discours)
autre stèle: "ostensoir", "calice" ...
pentacle, nombres, chandelier (?) ...
le chêne a poussé entre temps.
grande croix, cercles ...
INRI: l'acronyme de Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum
(Jésus le Nazaréen Roi des Juifs: version habituelle)
notre homme illuminé est un lettré, un initié?
... d'autres choix:
Igne Natura Renovatur Integra
( la Nature Intègre est Régénérée par le Feu )
Ineffabile Nomen Rerum Initium
(le Nom ineffable est le commencement de toutes choses)
Intra Nobis Regnum Ieovah
(au dedans de nous le règne de Jehovah)
Iesus Nazareth Raphael Iudas
etc ...
coeur, croissant de lune inversé, croix, soleil rayonnant ...
écriture ... pour le plaisir du geste ?
ou message crypté pour les initiés?
" J'enfouis ce témoignage,
Je scelle cette révélation
au coeur de mes disciples"
(Isaïe 8 - 16)
Ici, l'inscription IHS (Iesus Hominum Salvator)
et PAX VOBIS (du moins me semble-t-il: ou nobis ?)
grande croix et sommet de la stèle percé de part en part
Selon certains informateurs, le soleil passant à travers ce trou viendrait désigner le site de Santa Maria de Casalta (il faudrait vérifier ...)
et sous cette croix, le mystère du triangle inversé contenant à nouveau un pentacle: image féminine? triangle alchimique ? Quelle inspiration secrète a guidé le ciseau initié de ce sculpteur original (quelle date? probablement XIX° siècle - les arbres ont poussé depuis ces inscriptions, semble-t-il) pour célébrer la mémoire des siens ? ou bien pour les protéger ? ...
et quelle origine pour ces stèles dressées comme stantare ?
Toujours est-il que nous sommes ici dans un univers symbolique qui nous interroge: dans toute la région l'on retrouve des gravures rupestres remontant à la préhistoire, signes dont on recherche encore le sens (cf "la Pieve di Rustinu" citée plus haut). Notre mystérieux sculpteur s'inscrit en tous cas dans cette nécessité de laisser une trace durable et visible par tous, sinon lisible. Stèles.
Cette stèle, en particulier, évoquerait bien une figure anthropomorphe: le coeur représentant alors en fait un visage. Ces stèles auraient-elles, dans un passé très ancien, été déjà primitivement gravées, et notre ou nos sculpteurs plus récents n'auraient-ils pas réutilisé l'existant ?
"Religion lumineuse
L'Empereur, -- père de toutes les croyances, et estimant en chacune d'entre elles la Raison qui est une, -- veut que ceci, prêt à s'effacer par négligence, soit reporté sur une table neuve et marqué du sceau de son règne :
L'Être admirable, n'est-ce pas l'Unité-Trine, le Seigneur sans origine, Oloho ? Il a divisé en croix les parties du monde ; décomposé l'air primordial ; suscité le Ciel et la terre ; lancé le soleil et la lune ; créé le premier homme dans une parfaite harmonie.
Mais Sa-Than répandit le mensonge, proclama l'égalité des grandeurs et mit la créature dans le lieu de l'Éternel. L'homme perdit la voie et ne put la retrouver.
Viennent ensuite des promesses : une incarnation ; un supplice ; une mort ; une résurrection. Or cela n'est pas bon à faire trop savoir aux hommes.
Que nul n'ose donc ajouter de commentaires ici. Que nul ne cherche un enseignement ici. Afin que sans fruits ni disciples la Croyance Lumineuse meure en paix, obscurément."
(Victor Segalen: Stèles, Face au Midi)
et, un peu plus loin du côté de Silvarecciu, ce rocher gravé par le même (dirait-on) et mangé par le lichen ...
Merci à Colette pour ses photos et aux amis Quilici et Mannoni pour cette troublante rencontre lors de cette riche journée!
En attendant, bonne préparation de réveillon!
(à suivre pour cette enquête à mener et pour l'église piévane Santa Maria de Casalta et les gravures rupestres de Petricaghju, sous Castellu di Rustinu ... qui firent l'objet de cette journée ).
12:15 Publié dans corse, les pierres qui signent, les stèles de Trucchinacce, racines de pierre, spiritualité | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : inri, symbolique du pentacle, abraxas, franc-maçonnerie en corse, carbonari, gnostiques, le triangle, le compas, le chandelier, pianu, casalta, silvarecciu, pierres gravées, campiestru, victor segalen | Facebook |
Commentaires
Souhaite être informée de vos recherches. Merci
Écrit par : Lélia Giovangigli | 25/01/2014
Je vous applaudis pour votre exercice. c'est un vrai exercice d'écriture. Développez .
Écrit par : Marion | 12/08/2014
Les commentaires sont fermés.