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10/04/2010

le sepolcru de Frassu

Pieve du RUSTINU, anciennement diocèse d'ACCIA,
à  FRASSU ce Vendredi 2 Avril 2010:
une imprévisible renaissance
Frassu le montage du sepolcru.jpg
   Nous avions proposé une journée de découverte de quelques sepolcri de la région du RUSTINU et de CASTAGNICCIA, visibles uniquement lors de la Semaine Sainte et nous avions rendez-vous ce vendredi saint au matin avec Marie-Laure S. qui avait bien aimablement accepté de nous ouvrir la petite église saint Côme et saint Damien de FRASSU. Je connaissais depuis des années l'existence cachée de ces toiles de sepolcru, et souhaitais, avec l'aide de Marie-Laure les faire connaître. Cette dame m'avait dit au téléphone qu'elle avait des souvenirs de petite fille autour de cette installation et que depuis une cinquantaine d'années on n'avait plus dressé ce reposoir. Dans l'enthousiasme du moment  nous est venu le désir d'essayer de le monter à l'emplacement qui était autrefois le sien pour la Semaine Sainte : les échelles, les bras amis (en particulier merci Martine et merci Marie-Laure!) et nos efforts conjugués ont réussi à réveiller de son sommeil le vieux sepolcru ...
Frassu sepolcru blog.jpg
   Fermant cet espace du sepolcru, l'on retrouve les deux personnages incontournables et peu amènes des soldats romains gardiens du tombeau du Christ: casqués, cuirassés, moustachus et barbus à souhait, sortis tout droit de l'imaginaire populaire et de l'épouvante barbaresque .
Frassu sepolcru gardien gauche copie.jpg
regard mauvais et casque agressif  ...
Frassu sepolcrugardien droite copie.jpg
    Au-dessus, occupant l'arc, la représentation des instruments de la Passion, tels qu'on les retrouve aussi souvent sur les croix de la Passion: le coq du reniement de St Pierre, la colonne de la flagellation, la lance , l'éponge, le visage du Christ sur le linge de sainte Véronique etc ...
Frassu sepolcru anges et calice.jpg
   Et ce dernier élément, que nous n'avons pas su replacer avec certitude et qui devait accompagner le crucifix: ces anges nous invitant à bien comprendre l'enjeu de tout cela ...
Aujourd'hui l'enquête a commencé auprès des derniers anciens de ce village : j'espère que grâce à ce support visuel de la dévotion d'autrefois remonteront des souvenirs qui permettront aux gens de Frassu de se réapproprier leur mémoire et la manifestation particulière de cette période de Pâques. Chaque village est comme une famille qui développe au cours des générations des gènes particuliers où chacun se retrouve ... Frassu est Frassu et ce n'est pas Bisinchi ni même Castellu di Rustinu, deux communautés fort proches ... 
2 chapelle de[1]...jpg
(l'église saint Côme et saint Damien, vue depuis san Tumasgiu)
   Je rappelle que Frassu n'a été rattaché à la commune de Pastureccia di Rustinu que le 14/04/1857, formant ainsi, avec les communautés des hameaux de Gratte et Casa Pitti  la commune de Castellu di Rustinu. Toute cette région est riche de témoignages historiques et de patrimoine, et notre ami Toussaint Quilici en est le plus fervent chercheur et serviteur. Un peu plus haut, dominant Frassu, c'est la belle chapelle de SanTumasgiu et ses fresques qui vont être restaurées cette année, et, au bout de l'imposant éperon rocheux, les ruines de l'antique Castellu du Rustinu ... Toussaint, on attend avec impatience la publication de vos travaux!
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(le vaste paysage, depuis les ruines du Castellu: dominant la vallée du Golo, le regard vertigineux vole jusqu'au village, dans le lointain, de Moltifau ...)
Encore plus haut, c'est le village plus important de Castellu (anciennement Pastoreccia) qui nous attend avec d'autres belles surprises ...
En attendant, cette scénographie du modeste sepolcru de Frassu participe à cette oeuvre commune de la dévotion populaire de la Semaine Sainte en Corse, avec force et dignité. L'état des toiles n'est pas excellent , comme on peut en juger. Espérons là aussi que notre regard aimant posé sur ce patrimoine particulier entrainera dans un jour prochain reconnaissance et volonté de sauvetage et de restauration ...
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Ici, cet énigmatique blason de stuc (M.E. Nigaglioni propose le 18ème siècle), au-dessus de la porte d'entrée de l'église de Frassu: un chapeau d'évêque à trois rangées de pompons, la tiare papale, crosse et clés de St Pierre, deux palmes de martyres (St Côme et St Damien?) merci, Toussaint Quilici pour la photo!
(à suivre!)

04/01/2010

mes voeux pour 2010 (suite!)

 
reflet palazzu voeux blog.jpg
Moi qui  ne voyage guère et  connais peu le vaste monde,
voici  en vrac  - l'ordre n'est pas mon fort -,
quelques voeux d'ici:
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(le ruisseau du Tizzone, sous Costa)
N'en déplaise aux gnostiques, que la vie continue en ses merveilles et son infinie complexité! Que l'eau de mon ruisseau coule toujours pure et sans  phosphates ni huiles de vidange, et qu'elle sache toujours se regénérer pour que dansent encore au Tizzone les gyrins en patins d'argent!
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(en Castagniccia, sur la route d'Orezza)
... que nos cousins cochons de la forêt nous enseignent le partage, l'amour maternel, la propreté et l'avenir de la salciccia bio !
 
 
 
 
 
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(dégagé à Sant' Andrea di Boziu par Ewa POLI)
... que mes amis restaurateurs réveillant d'une main légère et aimante l'ange mélancolique sous son badigeon d'oubli ...
chaire de prêche Valle d'Orezza voeux blog.jpg
(ici, la chaire de prêche de Valle d'Orezza, 1740, restauration en cours de l'église paroissiale par Jean-Claude Torre,  Jean-Christophe Desrues, Jérôme Sanguinetti, Loïc Corcuff ...)
 
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(détail: la signature d'Ignazio Saverio Raffali, découverte sous un badigeon lors de la restauration)
 
 
...  trouvent du travail à la mesure de leur talent,  et qu'ils contribuent à dévoiler le visage vrai de nos petites églises de Corse! Au fait, lequel ? du 17ème ? du 18 ème ? ou du 19 ème siècle ? Quel casse-tête!
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(la chapelle San Quilicu de Cambia, avant sa restauration par Madeleine Allegrini)
... que nos chapelles à fresques retrouvent leurs couleurs et que l'on veille au bon état de leur toiture ...
Piedicroce église ensemble côté orgue.jpg
(L'orgue historique Spinola, restauré par Alain Sals en 1985, en attente d'un relevage en son église d'adoption, Saint Pierre et Saint Paul de Piedicroce)
... que nos  orgues restaurés soient joués , et que l'on considère
qu'ils sont un patrimoine riche et vivant de la Corse! ...
que les communautés qui les détiennent les entretiennent attentivement et qu'elles en tirent plaisir et fierté ... (et qu'on ne me cherche pas noise sur ce masculin pluriel  volontairement attribué!  Je laisse bien volontiers le féminin pluriel aux grandes orgues de Notre-Dame de Paris)
orgue speloncato voeux.jpg
(L'orgue de Giovanni Crudeli, 1810, restauré par Antoine Massoni en 1991/92, fidèlement entretenu par Jean-François Muno, en attente d'un relevage)
... que l'orgue de Speluncatu, que j'ai la fierté de servir, fête dignement en cette année 2010 le deux-centième anniversaire de sa naissance en ce village,  que nous trouvions une solution financière pour accompagner son relevage devenu nécessaire ...
... que les facteurs d'orgue continuent de pouvoir exercer leur art dans le respect le plus scrupuleux et inspiré de notre patrimoine pour redonner sa voix à chaque instrument dans nos églises,
et que les organistes fassent des petits!
 
 
 
 
... et que, d'une manière générale, tous les hommes et femmes de bonne volonté qui oeuvrent pour garder du sens à notre vie, poursuivent leurs efforts sans compter leur fatigue ni rechercher de récompense, et que le bien de tous soit leur guide!
retour du jardin soir voeux.jpg
(la plaine sous Occhjatana)
... enfin  que la lumière du soir comme un paisible oracle nous fasse passer de l'autre côté de la nuit:
je peux bien alors dire adieu en paix jusqu'à la mer...

11/08/2009

A BANDERA

Je fais cette note pour répondre aux questions nombreuses et récurentes des amis qui m'accompagnent lors des parcours de la Montagne des Orgues et s'interrogent sur la signification identitaire de la tête de Maure sur le drapeau corse, que l'on voit aux côtés du drapeau européen et du drapeau français sur la façade des mairies de Corse ... et sur tee-shirts, tongs, gâteaux, fromages, enseignes, affiches faisant la promotion économique de l'identité corse ... 

Voici donc quelques textes écrits sur le sujet glanés ça et là... Bonne lecture!

  A propos de A TESTA MORA (la tête de Maure) sur A BANDERA, le drapeau de la Corse.

drapeau-corse.jpg
DRAPEAU DE LA NATION CORSE
(musée ethnographique corse de Bastia)
"mis en sûreté après Ponte-Novo, ce drapeau, actuellement conservé au Musée de Bastia, peut être considéré comme le drapeau officiel de la Nation au temps de Pascal Paoli."
(in: Histoire de la Corse, un ouvrage collectif édité par Privat en 1996)

 

Le Maure, ou le jeu de l’altérité.

 

 

L’opposition entre Maures et chrétiens a certainement été, dans les cultures européennes, un moyen commode de désigner la différence entre soi et les autres, ceux que l'on voulait rejeter. Le théâtre populaire issu du Siècle d'or espagnol confond Maures, hérétiques et protestants; dans la pastorale basque, les «méchants» sont toujours appelés «Turcs».

Chacun, sous le regard de celui qui veut l'exclure, peut devenir le «Maure» et tel a été le destin des Corses. Des gravures du XVIIIème siècle, représentant des Grecs réfugiés en Corse et vêtus à l'ottomane, furent légendées sans vergogne «Habitants de l'Isle de Corse». Les portraits gravés du roi Théodore le représentent parfois vêtu comme un oriental et l'on s'est demandé (jusqu'à Orson Welles) si Sampiero Corso n'avait pas fourni à Shakespeare le modèle d'Othello: Le Maure de Venise. En 1722, dans ses Annotazioni..., le gouverneur génois Felice Pinelli est encore plus explicite: il déclare qu'en raison des costumes féminins, du rituel de leurs funérailles, de leurs danses, de leur sombre aspect, les Corses «ont du Moresco» dans leur apparence.

Les hasards de l'Histoire ont fait, enfin, qu'une tête de Maure figure sur les armes de la Corse. Cette figure héraldique que l'on pouvait donner au chevalier chrétien vainqueur d'un Infidèle, la Corse la devrait au royaume d'Aragon, qui prétendit à la suzeraineté sur l’île entre le XIIème et le XVème siècle. La tête de Maure est, quoi qu'il en soit, devenue l'emblème de la Corse et ses habitants ont donc dû lui trouver un sens. D'aucuns disent que la Testa mora est celle d'un sultan tué par le jeune homme auquel il avait ravi sa promise, d'autres y voient le visage d'un esclave libéré par son maître ou le symbole même d’une Corse en lutte contre ses oppresseurs. Le Maure peut être une figure de l'Autre. Il peut aussi, dans certains cas, devenir une image de soi. Mais n'est-ce pas toujours d'eux-mêmes - de leurs peurs et de leurs désirs - que les chrétiens ont parlé en parlant des Maures? »

 

 

 

Marlène ALBERT-LLORCA - Jean-Marc OLIVESI

 

Moresca – Exposition temporaire du 10/07 au 30/12/1998

Musée de la Corse – Citadelle de Corte

 

 

Testa mora

 

Dans la langue très codifiée des héraldistes, les armoiries de la Corse sont ...

... «d'argent, à la tête de Maure de sable, tortillée du champ»

 

Pour «traduire» cette description, il faut d'abord préciser que l'héraldique utilise des émaux, comprenant (notamment) cinq couleurs et deux métaux.

Les cinq couleurs: azur (bleu), gueules (rouge), sinople (vert), pourpre (rouge profond violacé), et sable (noir). Les deux métaux: or et argent.

Ces émaux peuvent être figurés en enluminure (couleurs réelles), ou par des signes conventionne (hachures...), notamment pour les ouvrages imprimés (en noir et banc). Le signe conventionnel de l'argent est un simple fond blanc.

La description commence par le champ, c'est-à-dire le fond:

«d'argent...»

«à la tête de Maure de sable», c'est-à-dire noire (certains traités d'héraldique notent qu'il est inutile de préciser cette couleur: la tête de Maure est forcément «de sable».)

«tortillée du champ» signifie que la tête porte le bandeau, qui en héraldique couronne toujours la tête de Maure, et que celui-ci est d'argent, comme le «champ».

Enfin, à l'origine, les armoiries sont destinées à figurer sur l'écu d'un chevalier. La figure (tête de Maure, par exemple) est tournée vers la dextre: c'est-à-dire vers la droite du chevalier et... vers la gauche de celui qui regarde.

On a beaucoup glosé sur tous ces éléments, et Pascal Paoli lui-même a voulu attribuer au bandeau la signification de la souveraineté retrouvée des Corses (Antonetti, 1980, p.26, n°36). Pour certains, ce bandeau blanc est en effet le signe d'une autorité royale (diadème des souverains hellénistiques par exemple). Pour Théodore de Neuhoff, cet aventurier allemand devenu roi de Corse d'Avril à novembre 1736, le bandeau descendu sur les yeux était, au contraire, le signe de la dépendance passée des insulaires, et il le souligna en ajoutant une chaîne aux armoiries. Le collier de perles et la perle d'oreille qui apparaissent fréquemment à cette époque sont moins des attributs héraldiques qu'une contamination du répertoire décoratif du temps. On dit aussi que la tête était tournée vers la gauche, alors que la tête est simplement tournée à dextre, ce qui correspond à la norme.

 

«Apparue à la fin du XIIIème siècle sur les sceaux d'un roi d'Aragon, portée peut-être par quelques chefs corses du parti aragonais aux XIVème et XVème siècles, reparue sur un atlas italien du XVIème siècle, répandue par lui à travers l'Europe des cartographes, ramenée en Corse par Théodore de Neuhoff en 1736, devenue avec Paoli l'emblème officiel de la Corse indépendante, telle est l'extraordinaire parabole historique de la tête de Maure» (Pierre Antonetti: «Le drapeau à tête de Maure», Études d'histoire corse - Ajaccio, La Marge, 1980).

Reste le choix de cette figure. Les armoiries peuvent être parlantes (lorsque la famille se nomme Mori, Morelli, Morazzani...) ou allusives: rappel de la victoire d'un chevalier chrétien sur un adversaire «maure»; mais de quel chrétien et de quel Maure s'agit-il? On a voulu voir, dans cette image, le souvenir de la reconquête de la Corse sur les Sarrasins. Pierre Antonetti rappelle que «l'emblème n'est pas né dans notre île, qu'il y a été importé par les rois d'Aragon». Toutefois, les Corses se le sont approprié, et il suffit de rappeler que le résistant Jean Nicoli le revendiquait jusque dans sa prison, avant d'être exécuté par les fascistes.

 

Jean-Marc OLIVESI

 

Moresca – Exposition temporaire du 10/07 au 30/12/1998

Musée de la Corse – Citadelle de Corte

bandera.gifLa tête de maure.

Il existe de nombreuses formes et représentations aptes à symboliser dans l'imaginaire des gens l'île de Corse ; citons ainsi, la forme de l'île (poing au pouce relevé), le mouflon, la silhouette de l'Empereur Napoléon 1er ou ses diverses représentations...
Toutefois, aucune d'entre elles ne pourrait mieux représenter notre île que la fameuse tête de maure (testa mora) qui reproduite sur le drapeau (a bandera) est le seul emblème officiel.

Malgré tout si le dessin est célèbre, son origine l'est moins et nul ne saurait avancer avec suffisamment de certitudes une explication quant à la provenance de ce visage noir au front ceint d'un bandeau blanc.
Loin de vouloir vous imposer la nôtre, nous aborderons donc toutes les explications.

Le Choix de la tête de maure.

Seule certitude : la Corse en fera le choix définitif lors de la Consulte du 24 novembre 1762 ; hélas nul ne peut savoir quelles étaient les motivations des membres de la Consulte lorsque en ce jour d'automne ils décidèrent de donner à la Corse un tel emblème.
Tout au plus peut on avancer sans risque de se tromper que les raisons de ce choix sont à rechercher plus dans l'histoire ancienne de la Corse que dans le contexte de 1762 ; d'autant que si le choix de sa représentation définitive sera fait en 1762 la tête de maure est connue depuis bien plus de temps dans l' île de beauté.

Pourquoi la tête de maure :

Il semble unanimement convenu que l'origine de la tête de maure soit à chercher dans une victoire remportée face à un envahisseur sarrasin. Mais par qui ?
Pour les uns cette tête symbolise la victoire des corses lorsque les sarrasins venaient piller la Corse au cours du IXe siècle, pour d'autres elle est l'héritage de la domination du roi d'Aragon (dont les armoiries comportaient 4 têtes et a qui la Corse fut confiée en 1297) qui lui avait remporté une victoire, pour d'autres encore nous la devons à l'Empereur Charlemagne qui aurait débarrassé l'île des sarrasins.

Les légendes corses ont quant à elles retenu une version flatteuse pour les habitants de Corse puisque la tête de maure représenterait une victoire acquise aux portes d'Aléria face à l'envahisseur mauresque.
L'histoire débute avec l'enlèvement d'une jeune fille par un cruel chef sarrasin, cette jeune fille aurait par la suite été délivrée par son fiancé venu la rechercher dans les possessions espagnoles du dit chef.
Par esprit de vengeance ce dernier aurait alors envoyé une partie de ses hommes dirigée par lui plus féroce de ces lieutenants récupérer la jeune fille par la force. L'armada maure débarqua alors aux environs de Piana et, semant la désolation sur son chemin, serait arrivée au bout de plusieurs jours de marche au portes d'Aléria.
Le fiancé qui avait été averti de l'arrivée des maures avait battu le rappel et les habitants de la ville se tenaient près à en découdre. La bataille s'engagea à distance mais bien vite les corses ne virent l'unique échappatoire que dans un combat au corps à corps, et à la nuit tombée au milieu d'une multitude de morts et blessés la tête du chez sarrasin se tenait là, plantée au bout d'une pique.
Emplis d'une joie justifiée, les vainqueurs auraient fait, durant plusieurs jours, le tour de l'île pour montrer la tête de village en village, en la tenant dans un drap blanc.

Évolution de la représentation.

Il n'y a pas que l'origine de l'emblème qui soit sujette à débat, la représentation en elle-même fait l'objet de controverses que nous allons à présent aborder, mais en guise de préliminaires rappelons l'unique caractéristique certaine : seule est représentée la face gauche du visage n'en déplaise aux publicitaires actuels).

La position du bandeau pose quant à elle problème, recouvrait-il les yeux ou pas ? Une version romantique pose en vérité que le bandeau couvrait à l'origine les yeux mais que Pascal Paoli aurait décidé de relever ce bandeau (signe d'esclavage) sur le front, symbolisant de la sorte la libération de la patrie.
Parmi ceux partisans de la théorie du bandeau déplacé, on en trouve également qui pensent que c'est à une décision de Théodore de Neuhoff (alors roi de Corse) que l'on doit la position actuelle du bandeau, puisque sauvé par son esclave noir d'une tentative d'assassinat il aurait demandé cette faveur en guise de reconnaissance.

Pour d'autres enfin, le bandeau n'aurait jamais été positionné sur les yeux mais cette croyance serait due au fait qu'initialement n'était représentés ni les yeux ni les oreilles, par conséquent l'imaginaire collectif aurait analysé le rajout ultérieur de ces détails comme un changement de position du bandeau.

( à retrouver sur: http://www.corsicanews.net)

 

Des rois d'Aragon à la Révolution ...

"(...) La tête de Maure n’apparaît pour la première fois qu’en 1281, sur un sceau du roi Pierre III dit le Grand. Elle est quadruple et entoure une croix. Les successeurs de Pierre III continuèrent à se servir de cet emblème pendant un bon siècle, et ce n’est qu’en 1387 que le roi Jean Ier revient au sceau à quatre pals de ses ancêtres  qu’il employa seul et que conservèrent ses successeurs tant que dura le royaume d’Aragon. 

(...)   En ce qui concerne la Corse, retenons que l’emblème n’est pas né dans notre île, qu’il y a été importé par les rois d’Aragon et qu’il n’y est attesté ni à la fin du XIIIè, ni au début du XIVè siècle. 

(...)    S’il n’est pas absolument exclu que certains chefs corses aient pu prendre la tête de Maure comme enseigne de leurs fanions et étendards, il est en revanche certain que le drapeau à la tête de Maure n’a pas été, en cette même période [XIIIè au XVIIè siècle], le drapeau officiel de la Corse. 

(...)   Le 12 mars 1736 débarquait à Aleria un baron allemand qui se paraît indûment de titres aussi prestigieux qu’empruntés " [...]  " Théodore de Neuhoff se faisait partout accompagner, dans sa marche triomphale à travers la Corse d’un portrait où il figurait en tenue d’apparat. Au bas de ce portait figurait un blason ainsi conçu : au centre, un écu carré surmonté d’une couronne royale, elle-même surmonté d’un globe. Dans l’écu, une tête de Maure, tournée vers la droite de celui qui la regarde, portant un bandeau sur les yeux, noué derrière la tête. 

(...)  C’est donc à ce " roi d’opérette ", à cet aventurier qui ne régna que six mois que l’on doit la présence de la tête de Maure sur le drapeau officiel de la Corse. Or la popularité de Théodore fut immense en Europe...  (...) Désormais, la tête de Maure est connue de l’Europe entière comme le symbole officiel des armes de la Corse 

(...)  C’est avec Pascal Paoli que le drapeau à tête de Maure est devenu l’emblème officiel de la nation corse. 

(...)  Au début de son " Généralat " Paoli ne songea à innover en cette matière. Il garda l’emblème choisi, en janvier 1735, par les chefs insurgés dont son père, à la " Consulta " de Corte. L étendard portait l’image de la Vierge Marie.

(...)  Mais en 1760 Paoli imagina un changement. 
(...)On voit qu'il introduisit une innovation importante, par rapport au drapeau de la Consulte de 1735, puisqu'il abandonne l'image de la Vierge Marie.
(...)  il reprend la tête de Maure telle qu'elle est figurée sur les cartes de l'époque et [..] sur les armes de Théodore. Mais par rapport à Théodore, il introduisit une nouvelle différence : la suppression de la chaîne.

 

 

(...) le 24 mai 1761, il fut décidé de fapper des monnaies "aux armes du Royaume". Ces monnaies[..]portent les armes de la Corse dans leur version définitive : un cartouche enferme une tête de Maure tournée vers la gauche avec un bandeau sur le front, noué derrière la nuque et un collier à deux ou trois grains. 

(...)  Paoli a décidé de relever le bandeau qui, on l’a vu, était placé sur les yeux dans les armes de Théodore. Un mot de lui, cité par l’un de ses biographes, nous donne la raison de cette déclaration : " Les Corses veulent y voir clair. La liberté doit marcher au flambeau de la philosophie. Ne dirait-on pas que nous craignons la lumière ? 

(...) Ces propos sont corroborés par Ambrogio Rossi : "  Le général avait coutume de dire en riant : " Désormais le bandeau royal est bien placé comme il faut et comme il convient à notre dignité et non pour notre honte, comme le voulaient nos ennemis. 

(...)  Là ne s’arrête pas l’histoire de la tête de Maure. (..)  Les Français la conservèrent en y ajoutant les fleurs de lys mais en supprimant complètement le bandeau. La Révolution, dans un premier temps donna au nouveau département de la Corse des armes où la tête de Maure voisinait avec les et une devise : La Loi, Le Roi . Mais, dès 1792 cette devise disparaît bien que la tête de Maure et les fleurs de lys subsistent encore. Lorsque Paoli forma le royaume anglo-corse, la tête de Maure associée aux armes du roi d’Angleterre redevint, de 1794 à 1796, l’emblème officiel de la Corse. 

(...) Apparue à la fin du XIIIè siècle sur les sceaux du roi d’Aragon, portée peut-être par quelques chefs corses du parti aragonais aux XIV et XVè siècles, reparue sur un atlas italien du XVIè siècle, répandue par lui à travers l’Europe des cartographes, ramenée en Corse par Théodore de Neuhoff en 1736, devenue avec Paoli l’emblème officiel de la Corse indépendante, telle est l’extraordinaire parabole historique de la tête de Maure."

(Extraits de l'Ouvrage : Trois Etudes sur Paoli par Pierre Antonetti  - La Marge édition)

 etc... Si vous circulez du côté de Bastia, vous apercevrez peut-être les affiches de l'humoriste PIDO pour son spectacle actuel... une "tête de Maure" (sic!) pour le moins dérangeante, un peu pâlichonne, mal rasée, l'oeïl malicieux ...

23/07/2009

Nouvelle brève du Purgatoire, San Giovanni de Corté

Le 22 Août 2007, je publiais une brève du Purgatoire un peu désespérée:

Avis de recherche du « cheval psychopompe » ….

 

 
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Depuis tous ces siècles, immobilisé (et "christianisé" ?) sous l’antique abside en cul de four d’une importante église pievane  de Corse, le cheval passeur des âmes du fond des âges a-t-il  rompu ses entraves pour reprendre librement son errance nocturne dans notre inconscient archaïque?

Trop de visiteurs incontrôlés ou pas assez d’engagement responsable ? On nous a répondu récemment qu'il valait mieux que le patrimoine ancien retourne sous les ronces pour y être préservé. Voilà une bonne solution pour ne pas s'embarrasser avec toutes ces vieilleries qui polluent notre espace et freinent le PROGRES!

Hier, en fin de journée lors de notre parcours dans la Vallée de l'Asco, Ghjuvellina et Cortenais, nous avons terminé ici, sur le site de San Giovanni, sur la commune de Corté:

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En cette fin d'après-midi, dans le calme et la lumière, le baptistère et la grande église piévane en deshérance...

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Hier je n'avais pas l'appareil photo, je le regrette! L'état général du site s'est dégradé depuis ces photos (2007). La porte cadenassée du baptistère a été défoncée, des poubelles gisent au sol, une colonne brisée a été déplacée. Un tel vandalisme imbécile dépasse l'entendement et l'inertie des autorités en charge de ce haut lieu historique de la Corse est incompréhensible.
Rappelons tout de même ce qu'est ce site de San Giovanni Battista de Corté, classé M.H. en 1968:

Dans la vallée du Tavignano, dans un espace majestueux et largement ouvert sur les montagnes environnantes, peut-être sur l'emplacement de l'antique ville romaine de Venicium, à quelques mètres  à peine du Palazzu ( maison forte) du semi mythique Comte Ugo della Colonna, le héros de la Reconquista de la Corse lors de la croisade contre les Maures au début du IX° siècle, ce site fut probablement déjà occupé dès la préhistoire:  la colline du Poggio dello Palazzo (dont Madame Moracchini Mazel pense que le sommet est couronné d'une triple enceinte mégalithique)  disparait aujourd'hui sous la végétation et l'on ne peut même plus distinguer les vestiges du Palazzo. Voici, juxtaposés,  l'église-mère et le baptistère de la Piève de Venaco : fouillée en 1956/58 par Mme Moracchini Mazel, l'église préromane dont il reste la belle abside en cul de four et la base des murs, des piliers séparant les trois nefs, et le baptistère de plan tréflé, recouvert d'une charpente et d'un toit de lauzes. Notre ami Etienne Jacquemin, hier, rappelait que le relevage du baptistère fut l'oeuvre de l'Armée, alors propriétaire des lieux ... Ces deux édifices, leur appareil archaïque (pierres cassées au marteau, utilisation d'un mortier  de chaux, de tuffeau)  et leur décor de bandes murales à la façon des églises lombardes permettent d'estimer leur construction du début du IX° siècle... Comme souvent on retrouve là la permanence de l'occupation humaine sur un site sacré, vestiges mégalithiques, nombreux éléments de tuiles et poteries romaines réemployés dans la maçonnerie des deux édifices...

Le petit "cheval psychopompe" disparu, c'est désormais un peu de l'âme du lieu qui  qui nous manque.

 

 

 

                                                                                                                                  

 

 

05/06/2009

Monte Revincu: a Casa di l'Orcu et a Casa di l'Orca

 
Orcu civilisateur
(suite de la note précédente sur Piève):

 Légende de a Casa dell’Orcu et de a Casa di L’Orca, sur le Monte Revincu.

 
 
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(a casa dell'Orcu)

 

Dans ces temps lointains, vivaient dans  sur le Monte Revincu un Orcu ( ogre)  d’une force terrifiante et sa mère. Ils s’étaient construit chacun leur maison en dressant ces lourdes dalles de pierre que vous voyez ici. La plus grande était la demeure de l’Orcu, et un peu plus loin, celle  de la mère, plus petite, avec, pour l’une et l’autre, une vue imprenable sur les alentours et l’ouverture au soleil levant. Soulever ces lourdes pierres était un jeu d'enfant pour l'Orcu.

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(a casa di l'Orca)

L’Orcu, un jeune ogre très curieux des choses de ce monde,  terrorisait tous les pauvres gens de la région, déambulant à grandes enjambées sur les pentes fleuries du Monte Revincu, franchissant à la vitesse de l’éclair les vallons fertiles de l’Agriate, faisant jour après jour sa besogne d’ogre.

 

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Bien des téméraires avaient perdu la vie en essayant de l’attraper : mais sa force était prodigieuse et sa mère rusée arrivait toujours à déjouer toutes les embuscades … Pourtant un jour un jeune berger  - de ceux qui savent attraper les oiseaux tout en gardant leurs troupeaux -  inventa un piège d’un genre nouveau : pendant une nuit obscure d’hiver il déposa silencieusement devant la casa de l’Orcu une énorme et robuste botte en peaux de sanglier ( il en avait fallu 350 pour arriver à coudre quelque chose d’assez grand pour le pied géant de l’ogre : on avait mesuré ses empreinte s… ) enduite de poix à l'intérieur et sur la semelle. Le matin, l'ogre découvrit cette merveille et voulut aussitôt l’essayer : à grand mal il enfila son énorme pied dans l’énorme botte  et se trouva piégé. Les bergers qui s’étaient cachés derrière les rochers  se précipitèrent sur lui pour le tuer. L'ogre les supplia de le laisser vivre, leur faisant cette promesse : " si vous me laisser vivre  je vous promets de vous apprendre le secret de la fabrication du brocciu » ( en ce temps là, les bergers corses ne savaient pas encore fabriquer cette merveille à partir du petit lait de leurs chèvres) :  il leur révéla donc cette divine et mystérieuse recette  dérobée aux dieux. Les bergers, faisant fi de leur marché, voulurent  se débarrasser définitivement de l’ogre qui essaya encore de sauver sa peau en leur promettant –malgré les conseils prudents de sa mère -  de leur apprendre aussi le secret de la fabrication de la cire à partir du dernier petit lait … Peine perdue, les hommes massacrèrent l’ogre et sa mère avant d’avoir obtenu cette dernière révélation : c’est ainsi que s’est transmise à travers les âges la recette du précieux brocciu, tel que vous pouvez encore le déguster à la bonne saison si du moins vous allez le chercher chez les bergers qui se la transmettent de génération en génération depuis la nuit des temps. 

( d'après la légende récoltée par Adrien de Mortillet en 1883, rédigeant un rapport sur les "mégalithes de Corse")

 

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Toujours est-il que là haut vous pouvez encore voir ces coffres à usage funéraire, ces structures rectangulaires conservées dans une végétation généreuse, qui témoignent d'un art de la construction et d'une pratique cultuelle inscrits dans la durée: les fouilles archéologiques ont révélé un matériel lithique et céramique qui semble dater de la fin du Vème millénaire avant notre ère... Association entre l'usage des vivants et l'usage des morts:

 

 
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En espérant que les tirs de la Légion épargneront désormais  ce site fouillé  et désormais protégé par son acquisition par le Conservatoire  du littoral et des espaces lacustres
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Merci, Colette, pour les photos!