12/11/2010
Corte: l'exposition sur les Confréries de Corse
Corte, le 9 novembre dernier (enfin!),
visite au Musée de la Corse de l'exposition
" Les CONFRERIES de CORSE,
Une société idéale en Méditerranée"
1°/ les "objets"
Une exposition qui présente dans une scénographie recherchée un ensemble bien représentatif d'oeuvres et d'objets liés au monde des confréries - encore si présent dans la Corse d' aujourd'hui . Parole d'épouse de confrère!
le maître-autel de la Confrérie Santa Croce de Corte
M'étaient familières un grand nombre de ces oeuvres présentées, pour les avoir visitées, admirées, reconnues dans les églises ou les chapelles de confrérie de notre région, chacune ayant une histoire, un rôle à jouer, exprimant dans une grande diversité une même communauté d'esprit.
Visite d'autant plus utile qu'elle avait été préparée par la lecture du très intéressant "catalogue" conçu pour accompagner l'exposition.
On ne préserve bien que ce que l'on a appris à connaitre.
Lorsque ces "objets" regagneront leur pénates, on aimerait être sûrs que, grâce à cette exposition, leur signification soit désormais à nouveau lisible, re-connaissable pour tous ceux qui les rencontreront à nouveau, touristes de passage ou villageois dans leur communauté où ces objets sont nés d'une certaine nécessité et pour un certain usage.
L'un des tableaux de présence de confrérie rencontrés "in situ" dans une petite église, objet remarquable qui dit beaucoup: ce système de "pointage" indiquant l'emplacement de quatre réunions mensuelles , portant des listes successives collées les unes sur les autres de noms (de générations) , implique une contrainte librement consentie, l'acceptation de la règle et l'effacement de l'individu au profit de la solidarité de la communauté (microrégionale!) des vivants. Probablement l'un des "objets" les plus parlants lorsque l'on veut évoquer le monde des confréries. Je reviendrai là-dessus plus longuement: il s'agira alors d'évoquer le rôle politique - au sens premier du mot - de la confrérie au sein de sa communauté. Autrefois.
Mais aussi solidarité avec les morts: voyez ces petites âmes du Purgatoire, en particulier celle-ci qui s'exerce à la corde à noeuds - le cordon de la robe de bure du bon Saint Antoine de Padoue - pour s'extraire des flammes ...
La bannière de confrérie (Francescu Carli, actif en Corse pendant le dernier tiers du 18°s et mort en 1821) peinte pour la confrérie de Stoppia Nova: faire pénitence, contempler, adorer et imiter , enfin ... tenter! , et se conduire au mieux des intérêts profonds de la communauté. L'on sait que Pasquale Paoli et son frère Clemente furent confrères dans cette confrérie, mais ont- ils connu cette bannière?
***
Qu'il soit occasionnellement visible pour certains objets, comme les claquoirs, heurtoirs, crécelles du Vendredi Saint, palmes, tableaux de présence, chandeliers,
(en Castagniccia, ce chandelier des Ténèbres, le petit frère de celui que vous verrez à l'exposition)
à l'arrière des ailes de notre ange, un document collé, écrit en français et en italien daté de 1790 ...
... lanternes, bannières de procession, installations des sepolcri ...
"A sera,dopu cena, si falava in chjesa à veghnà u sepolcru canatndu "U Perdono".
A matina di u Venneri Santu, si aspettava cruciani chi falanu per "visità" u nostru belli sepolcru; facianu e so ppreghere è si ne cullavanu.
Tandu, nisunu manghava carne, ove, casgiu è mancu si biia latte; si facia Quaresimu severu."
(Petru Vachet-Natali: Monografia , Tupunumia di Ficaghja, éditions Anima Corsa)
Ici le sepolcru de Ficaghja, peint par Francescu Carli installé pour la Semaine Sainte 2010 (vous verrez à Corte celui de San Damianu) : à l'origine, le prêtre officiait à l'intérieur de cette chapelle constituée par ces grands panneaux peints amovibles, sur un petit autel dressé aufond de l'ensemble, derrière le panneau/antependium de la Déploration du Christ. Un bel exemple de ce patrimoine fragile et éphémère comme peut l'être un décor de théâtre démontable et à usage ponctuel : trois jours par an ... Nous qui sommes gavés d'images et de sons, nous n'avons pas même idée de l'émotion que pouvait provoquer chez les gens de Ficaghja cette mise en scène de la Passion :
Imaginez-vous un instant à cette époque - sans ce matracage audiovisuel continu qui nous pétrit les neurones aujourd'hui à longueur de journée, ( je sais, presque impossible d'y échapper sauf dans une cellule monacale ) , pénétrant lors de la Semaine Sainte dans la pénombre de l'église seulement éclairée, au fond, par la lueur crépitante des bougies et des lampes à huile, accueillis par ces deux redoutables personnages moustachus gardiens du sepolcru. Dans l'odeur âcre des cierges , horreur, délices et compassion font leur oeuvre, d'autant que tout cela se vit ensemble ...
Conditionnement redoutable, me direz-vous. Certes. Mais faut-il préférer le nôtre?
Autre patrimoine éphémère: celui tressé pour les processions de la Cerca (ici à l'oeuvre une jeune femme travaille au grand palme de Brandu le Jeudi Saint 2010). Le rôle, alors de la transmission...
La transmission par le geste: attention! ces vieilles mains sont très agiles et cela va très vite! Brando, Jeudi Saint 2010.
ou que ce patrimoine soit plus quotidien, plus "habituel" - je veux dire que l'on ne le regarde même plus tant on a l'habitude de le voir - comme ces autels de dévotion, leurs décors peints ou leurs toiles, souvent emberlificotés de fleurs artificielles dans des pseudo-vases chinois, de guirlandes électriques et de statues saint-sulpiciennes emplâtrées d'amour, ce patrimoine est en danger dès lors qu'on n'en possède plus le sens. Mais il est bien aussi en danger lorsqu'il devient uniquement esthétique et qu'il cesse de s'inscrire dans une trame humaine où l'on sent que l'on a encore sa place, que l'on soit pieux ou non. Quelque part je préfère un patrimoine qu'on tripote avec amour qu'un patrimoine mis sous cloche.
même ripolinée (!) la Vierge de Miséricorde (Santa Croce) protège les confères de Corte . Un univers symbolique qui s'adresse à tous ... Un désir de protection universellement partagé et immédiatement lisible mais aussi un ripolinage hautement symbolique: rénover n'est pas restaurer!
Le rôle d'une telle exposition ne serait-il pas avant tout de nous apprendre à re- connaître notre patrimoine matériel et immatériel pour le préserver et le transmettre aux générations qui nous suivent: pas de transmission sans connaissance, pas de connaissance sans émotion, pas d'émotion sans récepteurs désencrassés.
Encore faudrait-il s'entendre sur le sens profond de ce monde des confréries. Un monde multi-pistes, plus facile à appréhender avec les yeux, les oreilles, l'analyse historique ou ethnographique qu'avec les outils de l'affect. Aujourd'hui, entre débâcle et nostalgie, déliquescence et reconstruction ... Un monde comme moribond qui se refuse à mourir par tous les moyens, et qui sait qu'il doit transmettre parce qu'il ressent sa légitimité mais transmettre quoi, au juste?.
Je n'ai pas encore trouvé une analyse satisfaisante du rôle des confréries d'autrefois, en particulier par leur implication dans la vie sociale et politique de leur temps, ni de cette résistance inventive des confréries d'aujourd'hui, avec leurs failles et leurs forces, oscillant entre la forme et l'esprit ... Il faut peut-être essayer de faire sortir ces confréries de la naphtaline où on les entrepose parfois sans en être conscient au risque d'en donner une image identitaire passéiste, celle dont sont friands nos amis touristes de passage ...
L'article de Marie-Eugénie Poli-Mordiconi consacré à ce sujet dans le catalogue de l'exposition sous le titre:" Confréries et société contemporaine, ou l'histoire d'un dialogue ininterrompu", apporte des éléments de réflexion très intéressants. Cela dit, il me semble que l'inventaire des confréries de Corse d'aujourd'hui reste à faire, chacune étant porteuse de ses particularités et de son histoire, et ne pouvant rentrer dans un simple questionnaire administratif: les personnalités qui composent ces confréries ne forment pas un matériau stable ni homogène. L'usure des bonnes volontés parfois se fera ici sentir très tôt, ailleurs au contraire, l'énergie résistante et créatrice d'un seul dynamisera un ensemble plus vaste dans une région, ou encore un certain esprit de compétition amènera à des rebondissements inattendus, à de nouvelles créations. Pourtant de plus en plus il m'apparait qu'en absence d'une réflexion communautaire sur le véritable enjeu de la confrérie, le ciment du chant retrouvé et des gestes renoués ne suffira plus à consolider l'édifice: l'enjeu se passe ailleurs, et c'est bien cela qu'il faudrait arriver à analyser.
Parmi d'autres, une question demeure en suspens: quelle relation possible entre démocratie contemporaine et confraternité ? Le sous-titre de l'exposition: "UNE SOCIETE IDEALE EN MEDITERRANEE" devrait nous ouvrir les portes d'une certaine réflexion ... à condition d'accepter de s'engager sur un terrain dépourvu de garde-fous.
A propos des confréries d'aujourd'hui, je vous invite à découvrir, car c'était une découverte pour moi, le beau blog des Bonifaciens et Amis de Bonifacio, de CANONICI: à propos des confréries, voir sa note des cérémonies au cimetière San Franzè de Bonifacio, 2 novembre 2010 ...
(à suivre)
13:56 Publié dans patrimoine de la solidarité humaine, patrimoine populaire de Corse | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
06/11/2010
Cimetière: Bonifaziu
Le cimetière marin de Bonifacio,
( quelques pas avec Jean Tardieu, Philippe Jaccottet, Jean-Baptiste Stachino et Paul Valéry)
le 20 septembre dernier, la ville des morts, vue sur la mer
" Choeur d'enfants
(à tue-tête et très scandé)
Tout ça qui a commencé
il faut bien que ça finisse:
la maison zou l'orage
le bateau dans le naufrage
le voyageur chez les sauvages.
ce qui s'est manifesté
il faut que ça disparaisse:
feuilles vertes de l'été
espoir jeunesse et beauté
an-ci-en-nes vérités.
Moralité.
Si vous ne voulez rien finir
évitez de rien commencer.
Si vous ne voulez pas mourir,
quelques mois avant de naître
faites-vous décommander"
( Jean TARDIEU dans"Chansons avec ou sans musique",
Le fleuve caché , édition Poésie Gallimard)
petite tombe sous sa couette fleurie:
"S'il se pouvait (qui saura jamais rien?)
qu'il ait encore une espèce d'être aujourd'hui,
de conscience même que l'on croirait proche,
serait-ce donc ici qu'il se tiendrait,
dans cet enclos, non pas dans la prairie?
Se pourrait-il qu'il attendît ici
comme à un rendez-vous donné "près de la pierre"
qu'il eût l'emploi de nos pas muets, de nos larmes?
Comment savoir? Un jour ou l'autre, on voit
ces pierres s'enfoncer dans les herbes éternelles,
tôt ou tard il n'y a plus d'hôte à convier
au repère à son tour enfoui,
plus même d'ombres dans nulle ombre."
(Philippe Jaccottet: "A la lumière d'hiver"
édition nrf, Poésie Gallimard)
et celle là, dans un coeur:
"LIBRE"
En fait dans notre errance au cimetière, je cherchais un nom, celui de l'ancien organiste de Sainte Marie Majeure, J.B. STACHINO, rencontré chez lui vers 1988 à Bonifacio. Alors très âgé - plus de quatre vingt dix ans - il nous avait reçus très gentiment, nous montrant le Cahier d'orgue manuscrit de son père, à qui il avait succédé dans sa charge d'organiste à Ste Marie. Témoignage précieux d'un répertoire joué au XIX° siècle à Bonifacio : entre deux messes, entre deux hymnes, des transcriptions d'airs d'opéras à la mode mises à la sauce liturgique, pour des entrées et des sorties tonitruantes, des offertoires musclés, des élévations sentimentales, des communions guillerettes, bref, un univers musical bien éloigné de l'esprit de nos concerts actuels mais certainement moins fade que la soupe insipide que l'on doit trop souvent servir aux messes d'aujourd'hui ...
Puis il s'était mis à son vieil harmonium asthmatique, pédalant avec la dernière énergie pour plaquer de ses mains immenses quelques grands accords fièvreux : tout ce qui lui restait de ce monde ancien où la vie musicale des gens de Bonifacio passait par l'église ... Je rappellerai seulement que Bonifacio était riche au début du XX°s. de ses quatre orgues de facture italienne, hélas tous hors d'usage actuellement :
- Saint Dominique (orgue classé aujourd'hui): L.De Ferrari 1843. Cet orgue comporte des éléments du XVIII° s et l'on nourrit des espoirs de le voir restauré dans les années à venir.
- Saint Erasme : A. De Ferrari ?
- Saint François: L. et G. De Ferrari 1852
- Sainte Marie Majeure: L. et G. De Ferrari 1842.
Cet orgue que jouaient les Stachino père (Lazare) et fils (Jean-Baptiste) avait été remanié à plusieurs reprises: actuellement il git dans un état alarmant, démonté et entreposé dans l'église saint Dominique ... de quoi se retourner dans sa tombe!
faux sommier, étiquettes de registre ...
abrégé ...
le clavier (refait) de 54 notes (pas d'octave courte),
et les grandes mains fantômes de Lazare et Jean Baptiste dessus ...
... tuyaux ... misère de misère!
Est-ce une tombe de la famille de "notre" Stacchino? Toujours est-il que cette rencontre reste accrochée dans ma mémoire comme une présence douce-amère et tisse des liens avec ce cimetière de Bonifacio ...
un forum des morts
fragile pertpétuité
(...) "Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change!
Après tant d'orgueil, après tant d'étrange
Oisiveté, mais pleine de pouvoir,
Je m'abandonne à ce brillant espace,
Sur les maisons des morts mon ombre passe
Qui m'apprivoise à son frêle mouvoir (...)
éternité sanglée
(...) Les morts cachés sont bien dans cette terre
Qui les réchauffe et sèche leur mystère.
Midi là-haut, Midi sans mouvement
En soi se pense et convient à soi-même ...
Tête complète et parfait diadème,
Je suis en toi le secret changement. (...)
(...) Le vent se lève! ... Il faut tenter de vivre!
L'air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs!
Envolez-vous, pages tout éblouies!
Rompez, vagues! Rompez d'eaux réjouies
ce toit tranquille où picoraient des focs!"
(Paul VALERY: LE CIMETIERE MARIN)
17:38 Publié dans corse, la mort, poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bonifacio, cimetière, lazare stachino organiste, orgue sainte marie de bonifacio, jean tardieu, philippe jaccottet, paul valéry | Facebook |
22/10/2010
Petite séquence autour d'Eve
Eve, San Quilicu di Cambia
A la nostalgie
Tombée du paradis en deuil et pour ces crimes
Navrée ton oeil profond sous le poids des cheveux
Vêtue ou dévêtue de ces malheurs affreux
Tu es femme d'un grand silence et d'un poil pur
Aime ou sois éloignée d'aimer
(...)
(Pierre-Jean JOUVE: Matière céleste, édition Poésie Gallimard)
14:11 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
10/10/2010
Gaubert: recherches sur les origines de la Corse par les Monuments
Je vous transmets, grâce à l'amie Jéromine Boussard (Campa in Altiani) cet extra-ordinaire document que je viens de découvrir:
"GAUBERT, Dessins pris sur place de 1886 à 1889, Recherches sur les origines de la Corse par les Monuments"
A ouvrir sans modération sur le site:
Aller sur ARCHIVES
Bravo à l'auteur de cette mise en ligne! Cela dit, on aimerait en savoir un peu plus sur ce Gaubert et sur son aventure en Corse.
Très étonnant, même si les dessins ne sont pas toujours très fidèles, et si les monuments décrits avec le savoir d'un homme curieux de l'époque ont évolué - certains, hélas, vers une ruine avancée ...
11:49 Publié dans chapelles romanes corses, les pierres qui signent | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
03/10/2010
Altiani, suite et fin : deux toiles de Giacomo GRANDI et autres ...
ALTIANI, église de l'Annonciation, suite:
deux peintures de Giacomo GRANDI
1°/ La Vierge du Scapulaire avec l'Enfant Jésus
entre saint Antoine de Padoue
et saint Nicolas
Cette toile pleine de douceur nous présente la Vierge apparaissant avec l'Enfant Jésus à Saint Antoine de Padoue et à Saint Nicolas. Une athmosphère intime règne dans cette pièce, ouverte sur un paysage familier des alentours. La Vierge d'une main délicate tend le Scapulaire à Saint Antoine, cet objet de dévotion que l'on mettait au cou des enfants pour les protéger des entreprises du Diable et de la gente malfaisante des mauvais esprits et autres sorcières malveillantes ... Pochette (ici double et peinte) contenant des morceaux de cierge béni de la Chandeleur ... et du sel (on n'est jamais trop prudent: les sorcières, on le sait, détestent le sel)
La Vierge, toute de bienveillance, ouvre largement les bras, tout en gardant debout contre elle l'Enfant Jésus: ce blondinet tout frisotté pose sa menotte bien gentiment sur la tête de l'humble Saint Antoine, en prière devant un livre sacré et tout confit de tendresse. Dans l'autre main, Jésus tient le globe terrestre: le message est simple ... les hommes - et plus précisément nos bons villageois d'Altiani - peuvent s'en remettre à ces deux bons saints intercesseurs, Antoine et Nicolas.
De l'autre côté l'évêque Saint Nicolas de Bari regarde intensément la Vierge. Il porte un somptueux habit épiscopal, manteau chatoyant de roses rouges par-dessus sa robe travaillée de dentelles raffinées. C'est l'Eglise glorifiée à travers la richesse et la beauté de son costume chamarré ... Ce style fleuri est l'une des marques propres à l'inspiration de Giacomo Grandi .
Le grand saint Nicolas, si populaire dans toute l'Europe, porte la mitre, la crosse pastorale et un livre surmonté de trois boules d'or (or donné anonymement par le bon Nicolas pour empêcher la prostitution de trois jeunes filles pauvres que leur père s'apprêtait à livrer au bordel, faute d'argent ... terrible histoire, non?). On connait aussi l'autre histoire, celles des " trois petits enfants qui s'en allaient glaner aux champs" , "mis au saloir comme des pourceaux" et ressucités par saint Nicolas... Nous la chantions tous les ans le soir du 6 décembre , en bonnes petites filles de notre papa lorrain, pour fêter dignement notre grand saint Nicolas et en espérant bien que le Père Fouettard ne viendrait pas à sa place nous tourmenter.
... tandis que par la fenêtre la vie continue...
2°/ La Mort de Saint Joseph en compagnie de la Vierge Marie et de Jésus
Saint Joseph est au bout du rouleau, il vit ses derniers instants. A son chevet, la Vierge le soutient de ses prières et à ses côtés Jésus plein de compassion l'accompagne de sa bénédiction : ceci se passe avant le début de sa vie publique. Un angelot bouclé s'apprête à donner au vieillard l'huile de l'extrême onction . Joseph git sur son joli lit aux pieds artistement travaillés: c'est que, toute sa vie, le bon Joseph a travaillé comme "falegname"," bancalaru", bref comme un honnête et excellent menuisier. Il a même, dit-on, travaillé jusqu'à son dernier souffle, en témoignent ses outils qui jonchent le sol: scie, hache, marteau, tenailles, rabot, équerre, compas, rien ne manque ... C'est que Saint Joseph est le patron des menuisiers, et Dieu sait s'il a du travail en cette région de Corse où poussent tant d'arbres magnifiques ...
A la tête du lit un élégant récipient qui pourrait bien être un pot de chambre: Saint Joseph n'est plus en état de se lever ... scène bien familière pour accompagner la fin de celui que l'on vénère ici aussi comme le " le patron de la Bonne Mort" : mourir dans son lit, entouré de l'amour des siens, et muni des sacrements de l'Eglise, un espoir pour des populations soumises à bien des risques de mort subite ...
Giacomo GRANDI, peintre originaire de Milan, a choisi de vivre en Corse où l'on suit sa riche production picturale de 1742 à 1772. Après avoir vécu en Balagne dans le village de Monticello où il s'était marié, il se remarie en 1758 après le décès de sa première épouse avec une jeune fille de Quercitello , village qui surplombe La Porta, en Castagniccia, et y vit de nombreuses années avant de s'éteindre (1772) à Borgo où il est enterré.
Beaucoup d'indices nous font penser que Grandi et Carli se connaissaient, Carli ayant peut-être même travaillé dans l'atelier de Grandi avant de voler de ses propres ailes: en tous cas, leur style est proche, sans toutefois se confondre. Pour l'anectote, leurs nuages en forme de galettes bretonnes semblent sortir de la même fabrique .
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... Dernières oeuvres ...
Saint Michel terrassant le Dragon de son épée de feu:
peinture anonyme du XVIII°siècle. M.E. Nigaglioni pense qu'il s'agit peut-être du "Maître des Anges Musclés" (sic !), bon peintre fort prolifique de la deuxième moitié du XVIII° que nous rencontrons souvent en Balagne.
(la sale Bête)
En attendant de découvrir enfin dans quelque fond de tiroir de sacristie le nom de cet artiste qui ne signe jamais, mais compose toujours fort habilement ses toiles et ses séries de Chemin de Croix, je remarque que notre saint Michel d'Altiani a bien sa place dans l'église paroissiale, doublant ainsi la dévotion déjà en place à la chapelle romane qui lui est dédiée un peu plus bas dans la campagne. Nos amis d'Altiani ont entrepris de sauver cette chapelle aujourd'hui ruinée mais qui dut être fort belle et ornée de fresques ... dont nous avons retrouvé quelques traces, en particulier au fond de l'abside. Restes trop lacunaires pour pouvoir imaginer l'iconographie de l'ensemble. Cela dit, surmontant le maître-autel de cette chapelle romane de saint Michel, l'on aperçoit encore l'épée brandie par l'arhange:
... deux épées qui se ressemblent étrangement!
( l'ensemble, bien que fort dégradé, laisse voir encore ce décor fleuri et élégant)
Revenons à l'église paroissiale pour une toile accrochée en dehors de toute dévotion d'autel: sans doute un legs du cardinal Fesch, mais dont on ne saisit pas , à ce jour le sens. En tous cas, une belle toile du XVII° siècle, en mauvais état hélas.
Les personnages gardent beaucoup de présence,
figés dans une gestuelle noble et efficace ... mais demeurée mystérieuse.
Voilà, mes bons amis d'Altiani! Bon courage pour votre courageuse entreprise de sauvegarde du patrimoine!
18:11 Publié dans corse, découverte du patrimoine en Corse, la mort, patrimoine populaire de Corse | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : altiani, giacomo grandi, mort de saint joseph, vierge du sacapulaire, saint nicolas de bnari, saint antoine de padoue | Facebook |