10/10/2010
Gaubert: recherches sur les origines de la Corse par les Monuments
Je vous transmets, grâce à l'amie Jéromine Boussard (Campa in Altiani) cet extra-ordinaire document que je viens de découvrir:
"GAUBERT, Dessins pris sur place de 1886 à 1889, Recherches sur les origines de la Corse par les Monuments"
A ouvrir sans modération sur le site:
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Bravo à l'auteur de cette mise en ligne! Cela dit, on aimerait en savoir un peu plus sur ce Gaubert et sur son aventure en Corse.
Très étonnant, même si les dessins ne sont pas toujours très fidèles, et si les monuments décrits avec le savoir d'un homme curieux de l'époque ont évolué - certains, hélas, vers une ruine avancée ...
11:49 Publié dans chapelles romanes corses, les pierres qui signent | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
03/10/2010
Altiani, suite et fin : deux toiles de Giacomo GRANDI et autres ...
ALTIANI, église de l'Annonciation, suite:
deux peintures de Giacomo GRANDI
1°/ La Vierge du Scapulaire avec l'Enfant Jésus
entre saint Antoine de Padoue
et saint Nicolas
Cette toile pleine de douceur nous présente la Vierge apparaissant avec l'Enfant Jésus à Saint Antoine de Padoue et à Saint Nicolas. Une athmosphère intime règne dans cette pièce, ouverte sur un paysage familier des alentours. La Vierge d'une main délicate tend le Scapulaire à Saint Antoine, cet objet de dévotion que l'on mettait au cou des enfants pour les protéger des entreprises du Diable et de la gente malfaisante des mauvais esprits et autres sorcières malveillantes ... Pochette (ici double et peinte) contenant des morceaux de cierge béni de la Chandeleur ... et du sel (on n'est jamais trop prudent: les sorcières, on le sait, détestent le sel)
La Vierge, toute de bienveillance, ouvre largement les bras, tout en gardant debout contre elle l'Enfant Jésus: ce blondinet tout frisotté pose sa menotte bien gentiment sur la tête de l'humble Saint Antoine, en prière devant un livre sacré et tout confit de tendresse. Dans l'autre main, Jésus tient le globe terrestre: le message est simple ... les hommes - et plus précisément nos bons villageois d'Altiani - peuvent s'en remettre à ces deux bons saints intercesseurs, Antoine et Nicolas.
De l'autre côté l'évêque Saint Nicolas de Bari regarde intensément la Vierge. Il porte un somptueux habit épiscopal, manteau chatoyant de roses rouges par-dessus sa robe travaillée de dentelles raffinées. C'est l'Eglise glorifiée à travers la richesse et la beauté de son costume chamarré ... Ce style fleuri est l'une des marques propres à l'inspiration de Giacomo Grandi .
Le grand saint Nicolas, si populaire dans toute l'Europe, porte la mitre, la crosse pastorale et un livre surmonté de trois boules d'or (or donné anonymement par le bon Nicolas pour empêcher la prostitution de trois jeunes filles pauvres que leur père s'apprêtait à livrer au bordel, faute d'argent ... terrible histoire, non?). On connait aussi l'autre histoire, celles des " trois petits enfants qui s'en allaient glaner aux champs" , "mis au saloir comme des pourceaux" et ressucités par saint Nicolas... Nous la chantions tous les ans le soir du 6 décembre , en bonnes petites filles de notre papa lorrain, pour fêter dignement notre grand saint Nicolas et en espérant bien que le Père Fouettard ne viendrait pas à sa place nous tourmenter.
... tandis que par la fenêtre la vie continue...
2°/ La Mort de Saint Joseph en compagnie de la Vierge Marie et de Jésus
Saint Joseph est au bout du rouleau, il vit ses derniers instants. A son chevet, la Vierge le soutient de ses prières et à ses côtés Jésus plein de compassion l'accompagne de sa bénédiction : ceci se passe avant le début de sa vie publique. Un angelot bouclé s'apprête à donner au vieillard l'huile de l'extrême onction . Joseph git sur son joli lit aux pieds artistement travaillés: c'est que, toute sa vie, le bon Joseph a travaillé comme "falegname"," bancalaru", bref comme un honnête et excellent menuisier. Il a même, dit-on, travaillé jusqu'à son dernier souffle, en témoignent ses outils qui jonchent le sol: scie, hache, marteau, tenailles, rabot, équerre, compas, rien ne manque ... C'est que Saint Joseph est le patron des menuisiers, et Dieu sait s'il a du travail en cette région de Corse où poussent tant d'arbres magnifiques ...
A la tête du lit un élégant récipient qui pourrait bien être un pot de chambre: Saint Joseph n'est plus en état de se lever ... scène bien familière pour accompagner la fin de celui que l'on vénère ici aussi comme le " le patron de la Bonne Mort" : mourir dans son lit, entouré de l'amour des siens, et muni des sacrements de l'Eglise, un espoir pour des populations soumises à bien des risques de mort subite ...
Giacomo GRANDI, peintre originaire de Milan, a choisi de vivre en Corse où l'on suit sa riche production picturale de 1742 à 1772. Après avoir vécu en Balagne dans le village de Monticello où il s'était marié, il se remarie en 1758 après le décès de sa première épouse avec une jeune fille de Quercitello , village qui surplombe La Porta, en Castagniccia, et y vit de nombreuses années avant de s'éteindre (1772) à Borgo où il est enterré.
Beaucoup d'indices nous font penser que Grandi et Carli se connaissaient, Carli ayant peut-être même travaillé dans l'atelier de Grandi avant de voler de ses propres ailes: en tous cas, leur style est proche, sans toutefois se confondre. Pour l'anectote, leurs nuages en forme de galettes bretonnes semblent sortir de la même fabrique .
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... Dernières oeuvres ...
Saint Michel terrassant le Dragon de son épée de feu:
peinture anonyme du XVIII°siècle. M.E. Nigaglioni pense qu'il s'agit peut-être du "Maître des Anges Musclés" (sic !), bon peintre fort prolifique de la deuxième moitié du XVIII° que nous rencontrons souvent en Balagne.
(la sale Bête)
En attendant de découvrir enfin dans quelque fond de tiroir de sacristie le nom de cet artiste qui ne signe jamais, mais compose toujours fort habilement ses toiles et ses séries de Chemin de Croix, je remarque que notre saint Michel d'Altiani a bien sa place dans l'église paroissiale, doublant ainsi la dévotion déjà en place à la chapelle romane qui lui est dédiée un peu plus bas dans la campagne. Nos amis d'Altiani ont entrepris de sauver cette chapelle aujourd'hui ruinée mais qui dut être fort belle et ornée de fresques ... dont nous avons retrouvé quelques traces, en particulier au fond de l'abside. Restes trop lacunaires pour pouvoir imaginer l'iconographie de l'ensemble. Cela dit, surmontant le maître-autel de cette chapelle romane de saint Michel, l'on aperçoit encore l'épée brandie par l'arhange:
... deux épées qui se ressemblent étrangement!
( l'ensemble, bien que fort dégradé, laisse voir encore ce décor fleuri et élégant)
Revenons à l'église paroissiale pour une toile accrochée en dehors de toute dévotion d'autel: sans doute un legs du cardinal Fesch, mais dont on ne saisit pas , à ce jour le sens. En tous cas, une belle toile du XVII° siècle, en mauvais état hélas.
Les personnages gardent beaucoup de présence,
figés dans une gestuelle noble et efficace ... mais demeurée mystérieuse.
Voilà, mes bons amis d'Altiani! Bon courage pour votre courageuse entreprise de sauvegarde du patrimoine!
18:11 Publié dans corse, découverte du patrimoine en Corse, la mort, patrimoine populaire de Corse | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : altiani, giacomo grandi, mort de saint joseph, vierge du sacapulaire, saint nicolas de bnari, saint antoine de padoue | Facebook |
ALTIANI, suite
Continuons notre visite virtuelle de l'église paroissiale d'Altiani avec deux autres toiles de Francescu CARLI :
3°/ La Vierge à l'Enfant entre saint ROCH et saint ALEXIS, Francescu CARLI
La Vierge à l'Enfant entre Saint Roch et un Saint que j'avais tout d'abord pris pour Saint Jacques Majeur (à cause de son bourdon), mais qui est beaucoup plus sûreme Saint Alexis: il existe, non loin du village d'Altiani, une petite chapelle dédiée à ce saint (Sant Alessio):
... dont voici l'image naïve en sa chapelle ...
Détail du chien de St Roch, avec en prime un paysage de montagne bien local et une feuille roulée dont il faudrait décrypter le texte ... mais qui est très certainement la lettre retrouvée entre les doigts du saint mendiant à sa mort le désigant comme "Alessio romano":
" Ce mendiant fort populaire, dont la légende remplace l’histoire, était l’objet d’un culte populaire extraordinaire au point que le Pape Innocent XII dut déclarer le jour de sa fête, jour chômé au 17ème siècle. Fiancé contre son gré, il s’était enfui de Rome en pleine cérémonie nuptiale et s’embarqua pour la Syrie. Il gagna Edesse, mendiant sous les porches. Devant la popularité qui l’entourait, il reprit la mer. Le navire, à cause des vents contraires, le ramena à Rome. Sa fiancée lui était restée fidèle. Ni ses parents ni elle ne le reconnurent dans ce miséreux couvert de loques. Il resta dix-sept ans, dormant sous l’escalier extérieur de la maison paternelle, visitant les églises, maltraités par les esclaves qui lui jetaient des détritus. Une voix céleste révéla sa présence à l’empereur et au pape qui vinrent sous l’escalier et le trouvèrent mort, serrant un manuscrit racontant ses origines. "
( site : nominis.cef.fr)
Saint Alexis est le patron des pélerins, des mendiants, des portiers, mais aussi, comme saint Joseph, on l'invoque pour recevoir la grâce d' une "bonne mort" .
4°/ La Décollation de Saint Jean-Baptiste, Francescu CARLI
Certainement l'un des fleurons de cette église: si certains thèmes précédents (Annonciation, Rosaire) illustrés par Carli se retrouvent fréquemment dans d'autres églises de Corse, celui-ci est infiniment plus rare ...
La tête du saint, pour peu de temps encore sur ses épaules, se trouve au centre de la toile entre les deux groupes: d'un côté les deux femmes à l'instigation de ce meurtre, de l'autre le bourreau.
La scène saisit l'instant crucial où le bourreau va trancher la tête de Jean-Baptiste qui s'apprête à gagner, par les voies les plus rapides, le ciel (un ange brandit déjà la couronne du martyre) : Jean-Baptiste, le cousin du Christ, devient le premier "proto-martyre" du monde chrétien (martyrisé avant la mort du Christ). A ses pieds la croix enlacée d'un phylactère annonçant le Christ. Cela se passait sous le règne d'Hérode Antipas
ces chipies de dames : Hérodiade ( veuve de Philippe Antipas et épouse de son beau-frère Hérode Antipas) et sa fille, la divine Salomé, mine boudeuse. Hérodiade, la torche à la main, vérifie que le travail sera bien fait. Salomé, elle nous regarde, indécise, nous prend à partie: danser pour l'amour, oui! mais pour la mort ? Serait-elle dans le regret?
(détail: le bourreau, aux traits accusés, "à la mauresque")
Bastia, Eglise Saint Jean Baptiste: merci à l'historien de l'art Michel Edouard Nigaglioni qui m'a communiqué ce cliché et l'article suivant:
"Anonyme
(école romaine du XVIIe siècle, copie d’après Gerrit Van Hornthorst)
La décollation de saint Jean-Baptiste
XVIIe siècle
Huile sur toile (420 cm x 274 cm), châssis rectangulaire vertical
Eglise paroissiale Saint-Jean-Baptiste
ICONOGRAPHIE
- Saint Jean-Baptiste est représenté agenouillé, en prière, devant un bourreau brandissant une hache (à droite). Au-dessus du saint, un ange apporte une couronne de feuillage. A gauche de la composition, sont figurées Salomé tenant un plateau sous le bras, et Hérodiade brandissant une torche.
- Cette œuvre est la copie d’un grand retable, peint en 1618 par Gerrit Van Hornthorst (dit : « Gherardo delle notti ») pour l’église Santa Maria della Scala à Rome, à la demande du cardinal Scipione Borghese.
HISTORIQUE
- Le peintre hollandais Van Hornthorst (né à Utrecht en 1590, mort dans cette même ville en 1656) séjourna à Rome une dizaine d’années, entre 1610 et 1620, où il travailla pour l’aristocratie et les princes de l’église. Il acquit alors une réputation internationale. Surnommé Gherardo delle notti parce qu’il aimait peindre principalement des sujets nocturnes.
- Ce tableau, qui représente le martyre du saint titulaire de l’édifice, fut vraisemblablement commandé pour orner originellement le maître-autel de l’église primitive (érigée en église paroissiale en 1618 par Paul V). Après la reconstruction de l’église (1636-1665) la toile ne prit pas place dans le nouveau chœur et fut installée dans une chapelle latérale. Le plus ancien plan connu de l’église, daté de 1693, mentionne que la chapelle porte le vocable de « La decollazione ».
- L’œuvre est classée Monument Historique au titre d’objet mobilier (30 - 07 - 1970)."
(Michel Edouard Nigaglioni)
Michel Edouard Nigaglioni estime que nous avons ici à Altiani, avec la toile de la Décollation, la preuve que Francescu Carli a visité les églises de Bastia : il est vrai qu'il semble bien s'être inspiré de la toile de Bastia, mais en mettant sa touche personnelle dans la réalisation de cette scène ...
"Francescu CARLI est né dans l'Etat de Lucques, vers 1735. Il s'installe très jeune en Corse, à San Lorenzo (en Castagniccia) où ilé pouse une jeune fille du village. Carli est mort à San Lorenzo, le 17 août 1821, à l'âge de 86 ans.
(...) Francescu Carli est l'un des peintres les plus productifs de l'école corse, on lui doit plusieurs centaines d'oeuvres (tableaux d'autel, bannières de procession, chemins de croix) (...)
Michel Edouard Nigaglioni , dans CORSE ( page 43) ouvrage collectif publié par Christine Bonneton.
(à suivre! Prochaine note sur Altiani: deux toiles de Giacomo GRANDI))
18:09 Publié dans corse, découverte du patrimoine en Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : altiani, francescu carli, saint alexis, décollation de st jean baptiste, hérodiade et salomé, des mots clefs | Facebook |
ALTIANI , avec le village, visite de la Santa Nunziata
J'étais venue rencontrer ce village en février 2010, un coup de coeur! Une fois enjambé le Tavignano sur le beau "Ponte à u Larice", la route grimpe par lacets jusqu'à Altiani qui domine ainsi la vallée du haut de ses 600 m: lumière et vents assurés. J'avais en février évoqué la chapelle romane San Michele qui fait l'objet d'un solide projet de restauration, mais aujourd'hui, place à la peinture baroque de Corse! Lors de ma première visite j'avais été émerveillée de la richesse iconographique de cette église, voyez plutôt ... et n'oublions jamais que le but premier de ces peintures était d'éduquer les gens par l'image ...
I° L' ANNONCIATION ( Francescu CARLI)
Tout d'abord, cette toile de l'Annonciation, qui domine le maître autel: c'est le patronnage de l'église. Peinture de Francescu CARLI . Né en 1735, originaire de l'état de Lucca, en Toscane, il devient l'un des peintres les plus productifs (plusieurs centaines d'oeuvres) de l'Ecole corse du XVIIIème siécle, puisque c'est en Corse qu'il a choisi de vivre, de se marier (avec une jeune fille Franceschi de San Lorenzu) et de travailler jusqu'à sa mort, en 1826 ...
Ici, L'Annonciation met en scène les trois personnages requis: traversant la nuée peuplée d'angelots, la Colombe de l'Esprit Saint est déjà à l'oeuvre, dardant le divin rayon sur la Vierge agenouillée sur son prie-Dieu à droite, une main ouverte pour l'acceptation, l'autre retournée vers le sol pour la frayeur. On peut la comprendre! Robe rose de son humanité, manteau bleu de son appartenance céleste ...
A gauche, l'archange Gabriel, le beau Messager chatoyant, d'une main tend le lys de la pureté à Marie et de l'autre brandit son index droit vers le ciel, annonçant fermement le message d'en Haut:
" Réjouis-toi, pleine de grâce. Le Seigneur est avec toi. Tu es bénie parmi les femmes. (...) Et voici u'un ange debout devant elle disait: " " Ne crains pas, Marie, tu as trouvé grâce devant le maître de toute chose. Tu concevras de son Verbe " (Protoévangile de Jacques)
Remarquez qu'au même instant le Verbe sort bien du bec de la Colombe...
Notez aussi ce nuage lenticulaire en forme de gâteau roulé aérodynamique sur lequel surfe Gabriel avec beaucoup d'aisance: on retrouvera cette même représentation des nuages célestes chez Giacomo Grandi, un autre peintre fort proche de Carli et présent également dans cette église. En écho, le décor végétal du prie-Dieu.
Le style de Carli est immédiatement reconnaissable: un univers pastel et rococo où les personnages mis en scène se meuvent avec grâce et délicatesse, des visages enfantins, des mains élégantes aux longs doigts graciles ...
sans oublier les humbles outils du quotidien ...
Marie, surprise dans sa prière, son ouvrage à ses pieds, le couvercle du panier entrouvert: filer, inlassablement le voile du Temple, le fil du Destin, mêler sur la trame des jours le bon et le mauvais, l'âpre et le doux, la prière et l'imprécation, racommoder la déchirure, broder l'enfance ... bref, incessant travail de femme.
II° LA VIERGE DU ROSAIRE ET LES ÂMES DU PURGATOIRE ( Francescu CARLI)
Une représentation habituelle - on en trouve dans un très grand nombre d'églises - de cette dévotion du Rosaire ... mais pour autant savons-nous encore la lire?
La Vierge et l'Enfant, bien installés sur leur drôle de nuage, remettent le Rosaire à St Dominique, à gauche et Ste Catherine de Sienne, à droite: Dominique, le fondateur de l'ordre des dominicains est reconnaissable à sa robe blanche, son manteau noir, et à la petite étoile qui brille au-dessus de sa tête; il est accompagné de son chien fidèle portant le brandon allumé de l'ardeur de la foi ("Domini canes": en un temps sombre de l'Eglise, les dominicains furent les grands inquisiteurs et firent allumer des bûchers de sinistre mémoire. Paix à la mémoire des uns et des autres.) . Et de l'autre côté, la dominicaine Catherine de Sienne, reconnaissable aux stigmates qui percent ses mains ...
Regards tendres et gestes raffinés de gens bien éduqués, phalanges musiciennes et petits doigts en l'air de buveurs de thé ...
Venons-en aux 15 Mystères du Rosaire qui encadrent et justifient la scène:
Autour du visage enfantin et paisible de la Vierge et de l'Enfant, 15 tableautins pour réviser son cathéchisme en récitant le Rosaire, 10 Ave Maria pour chaque Mystère: 5 Mystères Joyeux, 5 Mystères Douloureux, 5 Mystères Glorieux, bref, en tout 150 Ave Maria (aujourd'hui il faudrait rajouter à cette iconographie les 5 Mystères Lumineux ...)
Un investissement de temps précieux en ces temps difficiles où la survie du plus grand nombre dépendait d'une lutte acharnée avec la nature: terrains souvent en terrasses, pierreux, pentus, dont il fallait inlassablement entretenir, remonter les murs, avec ces risques imprévisibles d'une météo capricieuse, voir d"une guerre fratricide où brûlent les moissons, mais un vrai livre ouvert de cathéchisme en images doublé d'un vrai acte de charité envers ...
... ces pauvres Âmes du Purgatoire qui grillent (pendant quelques centaines de milliers d'années, parait-il: 800.000 ans pour une peccadille!) leurs imperfections en attendant de pouvoir enfin sortir de la fournaise, nettoyées et légères. Réciter un Rosaire fait avancer le compte à rebours de façon notoire (moins 200.000 ans, m'a-t-on dit!) et témoigne d'une réelle solidarité des vivants pour les morts ...
Je rappelle ici le rôle de l'église du Purgatoire : il s'agit de cette "scession de rattrapage" qui permet de débarrasser - par le feu, par l'absence - l'âme de ses scories (les péchés) pour ne garder que le métal pur de la spiritualité. C'est aussi une forme d'assurance sur l'Au-delà . Ainsi va notre pauvre humanité, toujours inquiète , édifiant inlassablement des systèmes pour se rassurer contre l'inéluctable ... En ce qui concerne notre monde occidental, je vous renvoie aux excellents ouvrages de Jean DELUMEAU: La Peur en Occident, Le Péché et la Peur, Rassurer et protéger, l'Aveu et le Pardon" etc ... (éditions Fayard) . Cette pastorale de la Peur n'est plus guère de mise aujourd'hui: nous prenons des assurances multirisques pour la vie, la maladie, la mort, la voiture, le vol, le bris de glace, bref, nous essayons de prévoir sur un laps de temps somme toute plutôt court (une vie d'homme, bien peu de chose au regard de l'éternité) ...
Avons-nous vraiment changé ou sommes-nous simplement devenus myopes? Je ne prendrai pas partie mais dirai seulement ceci: les bons Pères de l'Eglise qui ont développé cette pastorale par l'image étaient de fabuleux publicistes!
(à suivre pour les autres toiles d'Altiani)
18:08 Publié dans corse, découverte du patrimoine en Corse, patrimoine de la solidarité humaine, patrimoine populaire de Corse | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : corse, altiani, francescu carli, giacomo grandi, âmes du purgatoire, annonciation, jean delumeau | Facebook |
02/10/2010
A propos de la confrérie des femmes de Nessa: sorelle, pinzocole, pisochje ...
A propos des "Pisochje" , représentées ici sur la petite fresque en péril de la chapelle saint Pierre de Nessa : confrérie de femmes, revêtues d'une robe et d'un voile blanc :
- photo prise ce matin -
voici deux rares exemples de représentations de ces confréries féminines dédiées à la Vierge:
à l'église de l'Assomption de Pino (Cap Corse), ce beau tryptique ( 1520) :
la Vierge à l'Enfant entre saint Pierre et saint François.
Sous ses pieds, la confrérie des femmes :
(merci Michel Edouard!)
E Pinzocole, les dames dévotes, le chef couvert d'un voile caractéristique (ça me rappelle quelque chose!), dans une attitude de prière à la Vierge Marie, le plus grand intercesseur parmi les saints...
A propos de ce voile, il semble jouer là encore un rôle communautaire, atténuant, dans sa modestie uniformisante les différences sociales exprimées par les robes de ces dames.
Et, à Belgodère (village proche de Nessa), église saint Thomas, cette peinture sur bois (1595) , "ancona" qui faisait sans doute partie d'un retable, oeuvre d'Aicardo et Castellini. Cette oeuvre a été mise en lumière dans un ouvrage que je ne saurais trop vous recommander: "Deux tableaux avec portraits de donateurs, Belgodère et Palasca vers 1600", oeuvre collective de Louis Belgodère de Bagnaja, Eric Beretti, Antoine Franzini, Michel-Edouard Nigaglioni, éditée chez Albiana.
La Vierge à l'Enfant, entre saint Thomas et saint Pierre, avec les donateurs: neuf hommes et neuf femmes. Sous cet ensemble, une représentation de la Cène.
Les sorelle de la "Cumpagnia del Corpo Cristo" et de la " Compagnia delle Donne pinzocole" ( sans doute des soeurs dans la mouvance des tertiaires franciscaines ) et leurs prieures ... Ces confréries féminines se sont en particulier développées , à l'instar des confréries masculines, autour de la dévotion à la Vierge Marie après le Concile de Trente (1545/1563) et quelques années plus tard après la victoire des chrétiens sur le monde ottoman , lors de la bataille de Lépante (1571) .
Ce sont des associations pieuses de femmes dévotes (ici, à Belgodère, leur costume indique qu'il s'agit, pour certaines d'entre elles, de femmes de notables), placées sous le contrôle des curés, obéissant à des statuts stricts ("Regole delle donne") édictés par les évêques et où les exercices spirituels, la pratique du jeûne, des saints sacrements tenaient une grande place ... avec, à la clef, l'espoir de gagner ces précieuses indulgences dont dépend le sort des Âmes du Purgatoire ...
Je vous renvoie au très intéressant ouvrage collectif qui vient de sortir pour accompagner l'exposition temporaire de Corte:
"Les CONFRERIES de CORSE, une société idéale en Méditerranée"
Publié par la Collectivité Territoriale de Corse, Musée de la Corse, chez ALBIANA
Il serait cependant intéressant de connaître leur éventuelle (et souhaitable!) implication dans la vie sociale et idéale de leur communauté: oeuvres de charité, soins aux malades, accompagnement des agonisants ...
(à suivre)
17:17 Publié dans patrimoine de la solidarité humaine, patrimoine des chapelles à fresques en Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nessa, pino, belgodere, confréries féminines | Facebook |