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23/12/2008

Noël en famille

Pour la première fois depuis plus de quinze ans, tous les enfants Pardon seront au réunis pour Noël: de la petite famille initiale (2+5) nous nous retrouverons à 15... Fiesta et grosses tambouilles en perspective!

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Premier arrivage de Paris: Augustin forge sa lame pour découper les sanglier.
Deuxième arrivage, de Marseille:
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A peine arrivés, nous avons mis nos jeunes travailleurs immigrés au travail. Travaux de terrassements devant la gare inondée avec Martin, Noé et Alice: je suis rassurée, le Père Noêl pourra passer dans son char. J'attends incessamment du renfort de La Réunion. A dopu!

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10/12/2008

petite mélodie de fin d'automne sous Costa

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"L'oiseau qui vole, expliquait à Miss Fletcher un Indien dakota, s'arrête pour faire son nid. L'homme qui marche, s'arrête où il lui plaît. Ainsi de la divinité: le soleil est un endroit où elle s'est arrêtée, les arbres, les animaux en sont d'autres. C'est pourquoi on les prie, car on atteint la place où le sacré stationne et on obtient ainsi de lui assistance et bénédiction" ( Roger Caillois," L'homme et le sacré")
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Tôt ce matin de fin d'automne, je fais mon marché de bénédiction près de chez moi. Il fait froid, le jour vient de se lever. Les pierres sortent de la nuit. J'entends déjà au loin le grondement du ruisseau,  transformé en rivière tumultueuse par ces jours de pluies incessantes en novembre. La grande prairie sous Costa s'est gorgée d'eau et ruisselle et gargouille sous les pas.
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...ça et là  de la glace s'est formée, la végétation reste engourdie, le froid ourle et festonne les feuilles du bouillon blanc. Savoir qui loge pelotonné en son coeur?
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Au milieu du champ, figé par le feu depuis des années, le berger noir garde les pierres de l'ancien  palmentu.
TROPE:
Tant et tant de pierres, arrachées au sol - un labeur de femmes, me disait cette vieille dame amie disparue elle même depuis une trentaine d'années en parlant de la maisonnette voisine du Tizzone: "c'est ma grand-mère qui les portait sur sa tête" -, choisies, appareillées avec promptitude et constance, avec le coup d'oeïl et le temps qu'il faut pour le faire. Tant et tant de pierres à extraire à mains nues  pour signer la terre commune, bâtir, consolider, entretenir les terrasses sur les pentes, emmurer les champs, paver au pas de l'homme et de l'âne e ricciate (chemins dallés "en hérisson": chaussures de ville, s'abstenir!),   revêtir l'aghja (aire de battage) de ses meilleurs habits, parfois pierres d'églises douces à la plante des pieds, et dresser ses baroni (ses limites fichées en gardiennes), recueillir les sources dans leur déversoir, conduire l'eau dans les bassins, construire  a casa (la maison), u fornu (le four),  u pagliaghju (le paillier) , u frangju ( le moulin à huile), u palmentu (le pressoir)... et tant d'autres petites constructions qui surgissent à l'improviste parfois totalement cachées par les ronces à la lisière d'un champ abandonné et qui disent la lutte opiniâtre pour survivre...
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... pierres petites ou grandes, pierres d'angle ou cailloux pointillés, pierres taillées ou trouvées...
... nobles comme pour l'entrée d'un temple rupestre, liées à la chaux et au tuf, à la sueur et à l'amour...
La porte, arrachée de ses gonds laisse entrer les bêtes qui viennent parfois mourir là, adossées à la cuve. Carcasse desséchée. Limite entre le dehors et le dedans. Dedans  la pénombre, l'immobilité. Dehors le troupeau d'Antoine déambule et bêle et aboie, comme un nuage de vie qui passe sur la plaine. Dedans, le silence  accueille pour une mort paisible la vieille bête fatiguée bien à l'abri de ces pierres sensibles qui ont peut-être aussi accueilli sa naissance - pour donner la vie et pour mourir souvent les bêtes se cachent - résillées de lierre, habillées de mousses, 
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 menu potager pour les insectes et les esprits minuscules du lieu: herbe à Robert, fines fougères dont j'ai oublié le nom... et je ne peux vous dire ce parfum si délicat, si précis de ces pierres habitées, une offrande musicale.
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Là haut, à flanc de coteau, Costa se réveille (je n'oublie pas son petit orgue),  allume ses cheminées, enrubanne de fumées le sommet des arbres, ne descend plus guère dans sa plaine silencieuse. Seul, le berger et son troupeau. Ou, le dimanche, la battue aux sangliers, le chaos bruyant et mortifère à travers les terrasses éboulées, lointain écho communautaire d'un besoin préhistorique.
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Un peu plus loin, je rejoins le Pinzu Corbu, rugissant entre ses rives nettoyées de ses vieilles souches. Les murs de ses berges, autrefois entretenus par nécessité pour protéger les jardins, s'effondrent inéxorablement sous la violence des eaux. La force fracassante de la nature efface désormais ce qui n'est plus en usage et régénère le lit de la rivière: les algues noirâtres qui souillaient son lit cet été ont disparu, arrachées par les crues successives de ces jours. Je me dis que si, comme on le croit communément en Corse l'esprit des morts habite les ondes,  la traque aux reflets des vivants en miroir calme doit être abandonnée pour un temps au profit du surf.  De même est-il plus prudent pour moi d'oublier ces jours mes rêveries en eaux vives.
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Je laisse aux aulnes le soin de consigner dans l'entrelacs de leurs racines  les secrets bouillonnants du ruisseau. Même la bauge des sangliers a momentanément disparu, nettoyée. Il m'est arrivé une fois de les voir au crépuscule alors que je dessinais tranquillement au milieu du ruisseau: une mère et ses marcassins, ils ne m'avaient pas sentie ni vue...
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Un instant je me sens observée: curiosité réciproque au paradis.
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Dans mon panier du jour, j'ajoute ces quelques fruits de fusain, pour la couleur.
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... et puis,  près du moulin en ruine, cette  autre calligraphie éphémère, délicieuse et commune en cette saison comme le choux et les pommes de terre.
Au retour, je passe rendre visite à San Bastianu sur son rocher.
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Un mur de pierres, en parties réutilisées de la chapelle je pense,  borde le rocher.
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Béante, avec ses départs de voûtes,
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la vieille église -"femme de pierre", comme dit Pierre Jean Jouve,   veille sur la mer au loin,
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 ouvre le ciel de son mur unique, juste l'instant d'une apparition du soleil,
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regarde Costa. San Bastianu, avec son compère San Roccu, a pour mission de protéger les communautés des épidémies de peste: chapelles sentinelles, on les plante en aval des villages, là d'où vient le danger. Heureux temps où l'on savait reconnaître le danger. Aujourd'hui, à quel saint faudrait-il se vouer pour se protéger des dangers multiples qui naviguent à notre insu à l'intérieur de nous mêmes et polluent  nos neurones? Toutes ces pierres  signent notre paysage comme on exorcise le mal et nous enracinent dans notre humanité : petit patrimoine au regard des grandes oeuvres, mais patrimoine tenace, en dehors du temps, habité pour qui prête l'oreille... et connait le poids des pierres.
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04/12/2008

avec Philippe JACCOTET et "Le MOT JOIE"

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Speloncato à l'ombre de ses montagnes.
Voici un court poème de Philippe JACCOTET qui me parle bien, tiré de ses "PENSEES SOUS LES NUAGES", et plus précisément de " LE MOT JOIE".

" Cette montagne a son double dans mon coeur.

 

Je m'adosse à son ombre,

Je recueille dans mes mains son silence

afin qu'il gagne en moi et hors de moi,

qu'il s'étende, qu'il apaise et purifie.

 

Me voici vêtu d'elle comme d'un manteau.

 

Mais plus puissante, dirait-on, que les montagnes

et toute lame blanche sortie de leur forge,

la frêle clef du sourire."

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

14:22 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : montagne, speloncato |  Facebook |

28/11/2008

La Résistance de Martin Ambrosini et la transmission du chant religieux de Speloncato

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La Résistance de Martin AMBROSINI 

 Un passage transitoire de la transmission du chant à Speloncato:

de gauche à droite: Jacques PAPI, Eric PAPI, Augustin PARDON, Martin AMBROSINI.

 Mardi 25 au petit matin, vers 5h, Martin Ambrosini, enfant de Speloncato,  s'est éteint. Il avait 86 ans. Sur cette photo...  la première qui me soit remontée de mon bazard de photos..., prise il y a une douzaine d'années, Martin, à droite, chante la messe de Speloncato en compagnie de Jacques Papi, de son fils Eric Papi, de mon jeune (et alors lycéen) fils Augustin Pardon. Une répétition, entre autres, de la transmission du chant religieux de Speloncato. Jacques nous a quittés il y a plusieurs années déjà, nos deux plus jeunes ne sont plus actifs à Speloncato, Martin est parti hier matin.

Le chant reste, et la mémoire des belles figures qui l'ont revivifié. Le chant reste : mieux, il continue de revivre et de s’enrichir grâce à la Confrérie Sant’Antone Abbate, reconstituée en 2001 dans la foulée de cette réappropriation  initiée avec le fidèle, le juste, le droit, le colèreux, le généreux Martin.. Ce projet improbable à l'époque de vouloir réveiller dans sa communauté le chant traditionnel de Speloncato fut alors rendu possible par la conjonction de deux événements proches dans le temps :

 1°/ Tout d'abord l'enregistrement fait in extremis à Bastia, en 1986, par l'Abbé Gérard SQUARCIONI - alors curé de la paroisse- et Jean-Dominique POLI des deux frères COLOMBANI, le Chanoine et l'ancien chantre de Speloncato, tous deux décédés peu après, des chants, du moins du versu en seconde, de la messe des vivants et celle des morts. Voix de personnes âgées, déjà éloignées du bord de la vie villageoise, fil fragile de la mémoire de ce qui fut la fierté de Speloncato. A cet enregistrement, il faut ajouter celui, beaucoup plus ancien, fait par Felix Quilicci en 1949: lacunaire par le nombre des chants , mais ô combien dense quant à son contenu! Les chantres de l'époque y chantent en polyphonie, entre autres, un extraordinaire LIBERA ME DOMINE, qui saisit par sa vitalité et peut dérouter les tenants d'un Libera Me plus coutumier, plus sombrement pietoso... Impression de liberté tonique: à les entendre, je les vois arpenter au quotidien les chemins raides qui grimpent de la plaine au village...

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au bord du chemin dallé qui descend dans la plaine, la chapelle San Filippu

 - Martin, né à côté de l'église, me disait que sa jeunesse s'était passée dans cette étroite connivence de l'église et des champs: chaque jour, avant de descendre en plaine, il allait à l'église comme on embrasse sa mère au saut du lit, et le soir de même  au retour. Ce double enracinement ne l'a jamais empêché de s'engager très jeune pour les idées qu'il pensait justes: résistant pendant la guerre, solidaire en pensée, en parole et par action. Est-il besoin d'ajouter qu'il est resté jusqu'à la fin de ses jours fidèle à ses engagements : Martin, le résistant, le charitable pourfendeur  d'iniquités -

 

 

 2°/ La restauration, en 1991, par Antoine MASSONI, de l'orgue Crudeli de la Collégiale. A cette époque, Gérard Squarcioni m'avait demandé d'accepter la charge d'organiste à Speloncato. Ce que j'ai bien volontiers accepté tout en mettant une condition: que l'on mette en chantier avec tous les volontaires de l'époque, la renaissance du chant polyphonique de Speloncato. Il me semblait que cette  réappropriation d'un double et somptueux patrimoine, celui du chant et celui de l'orgue était riche de sens pour nous tous. Dans cette synergie des années 90, l'enthousiasme et l'engagement de personnalités aussi diverses a fait merveilles: la mémoire de Martin, mais aussi du jeune Pierre DOTTORI, et des femmes du village, Marie QUILICCI, Josette GIOVANSILY, nous ont permis d'avancer, d'enrichir ce qui n'avait pas été enregistré. Aux côtés de Martin, qui n'avait jamais été chantre,  notre cher Jacques PAPI, plus habitué dans sa jeunesse à pratiquer la sérénade que le chant de messe, mais qui trouvait là une belle occasion de chanter généreusement et avec quel naturel ! un "répertoire" différent, où la langue latine lui jouait parfois des tours étranges... L'air, ça allait, les paroles c'était moins évident: combien de fois au début, chez certains, ai-je entendu, dans le Gloria, à la place de "propter magnam gloriam tuam" un "Prosper (youp la boum!) magnam etc..." qui me laissait rêveuse. J'ai vite compris que chacun s'approprie les choses à sa façon, je ne fais du reste pas autrement. Le chant, fût-il sacré, est comme la vie: une auberge espagnole où chacun apporte un peu de sa tambouille personnelle.

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A leurs côtés aussi, Pierre Dottori, fou de chant et amoureux de son village, Eric Papi, le fils de Jacques, et puis aussi le tout jeune Julien Gray, un lycéen lorrain surdoué et engagé, et mon Augustin qui n'avaient tous deux encore guère de poils au menton. A leurs côtés aussi, et peut-être devrais-je dire, d'abord, "notre missionnaire" Santu MASSIANI, descendant fidèlement à toutes les répétitions de son Ghjunsani voisin, compagnon de la première heure, artisan du chant communautaire dès l'aube du renouveau à Pioggiola, à Olmi Cappella, renouant les fils embrouillés du monde ancien, les retissant inlassablement dans la trame effilochée de nos jours...

            Martin, dans sa restitution des chants, était parfois en divergence avec l'enregistrement des frères Colombani, ce qui faisait parfois débat houleux: les arcanes de la mémoire peuvent se révéler contradictoires et impérieux...

Mon cher Martin, où que tu sois, repose en paix. Tu as longuement servi "ton" église, comme sacristain et plus, car il y avait affinité profonde, : d'un amour jaloux et exigeant, avec ton caractère bouillonnant, "soupe au lait", sauvant comme tu le pouvais ce patrimoine menacé de disparition par l'évolution du temps, l'inconscience et l'incurie de quelques uns, l'acceptation fataliste par d'autres de la chronique annoncée de l'agonie lente de cet héritage effacé en quelques décennies. Même si une partie de ta vie active s'est faite, comme pour beaucoup de gens dans les villages, en dehors de ton village, propulsé à la fin de la guerre comme tant d'autres enfants de Speloncato à Lyon, tu  étais à jamais pétri de ta terre natale, enfant modeste de ce village, crapahutant dans la campagne avec les enfants de ta génération, vivant à la saison chaude dans ces paillers au sol de terre battue pour travailler sur place aux champs, aux bêtes...

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L'image imprimée au plus profond de toi était encore celle d'une communauté solidaire et respectueuse et c'est bien ce qui m'a touché chez toi, avec cette franchise et cette simplicité qui n'évitaient pas les coups de gueule mais faisaient de notre amitié, en dépit de nos différences d'âge, d'origine etc... un terrain solide pour travailler à retrouver ensemble du sens à une commune humanité.  Il était question là d'une fraternité naturelle et toute bête, plus que d'institution. Plus que dans la forme, tu étais dans l'esprit.

Je raconterai une autre fois cette aventure du chant renoué avec l'aide de tant de belles personnes. Juste un souvenir particulièrement précieux: était-ce en 1992 ? Je n'ai pas trop la mémoire des dates. Toujours est-il que nous avions décidé de célébrer "entre nous" , pour la première fois depuis tant d'années, le Vendredi  Saint et de rechanter tous ces chants qui accompagnaient traditionnellement la Passion à Speloncato. A cette époque, la confrérie n'était recréée, mais se faisait jour une intention puissante de renouer, à travers ce chant, avec la communauté, celle des anciens et celle d'aujourd'hui. Pas de prêtre. Tu chantais "Ti adoro, o Gesu Bono" et "Gesu Gesu, mio bene..." et, avec ceux qui l'avaient travaillé, "la Vita di Gesu" exhumée auprès de Marie et de Josette... et le "Stabbat Mater", et avec tous, le "Perdono" etc...  Ce soir là, l'église était pleine, malgré le froid, et l'on a alors, avec une imperfection évidente, et une émotion et une fierté encore plus tangibles contribué à ce petit miracle qui peut tirer les individus de devant leur petit écran et les aider à s'ancrer dans un monde où chacun se sent relié à l'autre dans une reconnaissance commune.. RESISTANCE.

 Enfin la Confrérie de Speloncato, dont tu rêvais depuis son abandon en 1970, est renée le 15 Août 2001, sous l'impulsion de Pierre Dottori et des jeunes et moins jeunes du village: tu en as été le premier Prieur, on te le devait bien, toi qui avais porté et réassemblé tant de petites et grosses pierres ramassées sur les sentiers de ta mémoire.

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 Tu as vu: mardi soir les confrères de Speloncato et ceux de Costa, Ghjunsani, Nessa t'ont rendu l'hommage fraternel de l'Office des Morts à la Casazza di Santa Catalina, l'église pour laquelle tu t'es tant battu, souffrant de la voir "retourner au siècle" (euphémisme), et aujourd'hui rendue à son usage de confrérie. Un Office que tu méritais de droit et que tu as dû écouter et regarder de là haut avec plaisir, tout en, je te connais, rouscaillant peut-être au passage sur tel ou tel détail, sacré Martin! Il n'empêche, ils ont fait des progrès, ces petits, tu ne trouve pas? Et tu l'as entendu, ce Libera me d'ici, comme ils le sortent aujourd'hui! Raphaël s'en est imprégné autant qu'il a pu... Nous a-t-il fait transpirer, ce chant: c'est que vous aviez tous en tête le Libera me "habituel", celui qu'on entend dans les enregistrements les plus courants de "la" tradition, comme si tous les villages devaient chanter le même versu et se conformer à une seule tradition! Enfin, tu vois, ça avance, même si ça n'est pas facile et même si tu ne reconnais peut-être pas tous ces chants: l'important est que ça continue au milieu des tiens, et non pas dans un laboratoire de musicologues... Et puis il faut du temps pour se repenser en commun...

Et mercredi après-midi, pour ton enterrement, l'église était si pleine de gens amicaux, le choeur bien habité de confrères, les chants de la messe des morts de Speloncato étaient bien beaux, tranquilles comme il faut, un vrai bercement comme je l'aime: je suis sûre que tu en as été heureux comme tu nous a rendus heureux de le faire pour toi ... Pour les tiens, qui sont dans la peine, une reconnaissance et un réconfort apaisants. Pour ta communauté, un acte qui resserre les liens et un signe que le chant, forgé au fil des jours au sein du village, peut devenir un outil de la cohésion sociale.

 

Speloncato, transmission chant 2.jpg Merci Martin. Pour moi, tu m’as donné à Speloncato une famille de cœur. Tu fais partie de ces gens qui nous enracinent à la Corse plus sûrement que tous les discours, fussent-ils généreux. Notre affection accompagne Vitto, ton épouse si forte, et tes enfants, Maryse et Joël, et tes petits enfants, Arnaud et Olivier, Jérôme et Julien dont je sais le chagrin énorme - Julien qui t’a accompagné d'un amour fusionnel et a tant reçu de toi, juste parmi les justes, passeur d’âme parmi les passeurs. Te voilà aujourd'hui libéré de ton corps meurtri et diminué des derniers mois et tu viens de rejoindre mon petit Panthéon lumineux des gens aimés et bienveillants qui veillent sur nous au quotidien.

 

Gilbert, le Prieur actuel de la Confrérie de Speloncato, a évoqué ta disparition, lors de l'Office chanté en ton honneur, en parlant de toi comme d'un arbre qui a cessé de respirer: mon cher Gilbert, permets-moi de penser au contraire que Martin plonge aujourd'hui ses racines dans la lumière hors du temps.

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18/11/2008

Volterra , les Etrusques et la "Compagnia della Misericordia"

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à VOLTERRA
Lundi dernier nous étions là,  sur cette petite route qui descend sous VOLTERRA (Toscane) et nous conduit à travers les oliviers jusqu'à l'entreprise où Pierre va chercher son albâtre. Lumière de fin d'après-midi éclairant les "Balze", l'église St Clemente et St Giusto, faisant vibrer les feuilles des oliviers de Toscane en pleine récolte...
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Une autre culture de l'olivier que chez nous en Corse: pas de tronc puissant, pas d'arbres plusieurs fois centenaires, mais des versants couverts de ces jeunes arbres graciles, fervents et chargés d'olives. Une vieille dame en tablier, grimpée sur une échelle, peigne soigeusement avec son rateau les branches d'abondance, son chien aboie sur notre passage, des voix tranquilles s'interpellent quelque part les arbres, dehors; il fait frais, on annonce de la pluie pour demain, avançons la cueillette. 
Au ras de la route, les sépultures  éventrées: c'est une "zone archéologique" étrusque, on vit avec.
Un peu au-dessus, au milieu des champs d'oliviers quelques hypogées aménagés pour la visite.Volterra hypogée 2 escalier.jpg
 Emotion d'enfance, descendre, retrouver le ventre maternel.
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Ici, les parois sont couvertes d'une mousse épaisse et douce, accueillante.
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Autour d'un pilier central massif, la banquette. Pour banqueter. Une forme de solidarité des vivants et des morts. Paix à vos mannes.
Il est temps de retourner à la surface.
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Dehors, le crépuscule s'installe, nous avons un autre rendez-vous à Volterra. Au Dôme.
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Dans la pénombre de sa chapelle, la Déposition (XIII°s). Silence.
Le Christ ne tient plus à la Croix, à la terre, que par un clou qu'on va enlever. Son corps aérien semble en état d'appesanteur, il s'élève déjà, retenu à peine, de part et d'autre,  par Marie et Jean, et par Joseph qui l'empoigne à grand peine. Tout est consommé, il faut juste faire les gestes nécessaires, les gestes terrestres de la tendresse et de la solidarité des vivants. Pas de pathos superflu, aucune lourdeur, le sens et la lumière, même ténue comme ce soir, circulent ici comme entre les branches des oliviers dans la campagne volterrane. 
Il est cinq heures, le sacristain nous invite doucement mais fermement à sortir, c'est l'heure de fermeture.
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Juste accolée à la cathédrale et toujours ouverte, la chapelle de la Compagnia della Misericordia di Volterra explique son histoire et son fonctionnement: toujours active, cette antique confrérie de Volterra (créée à la fin du XIII°s) a pour vocation l'aide aux malades et la sépulture des défunts. Un panneau et quelques objets significatifs évoquent son activité passée et présente dans la communauté de Volterra... Le confrère sur la photo - un laïc comme il se doit- porte cagoule (pour qu'on ne puisse le reconnaître dans son acte charitable), cordelière et rosaire. 
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Parmi d'autres, une sorte de catalettu pour transporter les malades. Aujourd'hui les membres de cette Confrérie de la Miséricorde sont toujours les ambulanciers de la ville. Pour ceux que le monde des confréries intéresse, je vous invite à regarder le site de cette Compagnia della Misericordia di Volterra, en tapant:
"Sette secoli di solidarietà - Misericordia Volterra". Vous y trouverez l'histoire de cette confrérie de charité.
Dans la chapelle, restaurée et bien entrenue, sur sa tribune trône un petit orgue:
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En vérité, je ne sais rien de lui, sinon qu'il est bien là...
Peint sur sa tribune, un blason signe sa fonction:
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Décidément, les morts et les vivants partagent volontiers la musique...
A bientôt, notre chère Volterra!