30/05/2009
SPELUNCATU: l'orgue historique (Balagne)
Les archives paroissiales nous informent que le 20 septembre 1808 le facteur d’orgue toscan Giuseppe CRUDELI (fils du célèbre facteur installé à Lucca, Michelangelo CRUDELI : 1728/1801), s’engage à construire « un orgue suffisant » pour la Collégiale Santa Maria Assunta de Speluncatu :
« Oggi 20 7bre 1808 in Speloncato
Giuseppe Crudeli si obliga formare un organo sufficiente per la nostra chiesa per la somma di scudi francesi di franchi sei l’uno, cento trenta (…) ( pour la somme de 130 écus français de 6 francs l’un …)
Les premières interventions repérables de Giuseppe CRUDELI en Corse sont signées en 1804 sur les orgues de l’église saint Georges d’Algajola et de la Confrérie San Carlu de Monticello. Ce n’est donc pas un inconnu que l’on a appelé pour ce chantier, l’on sait qu’il a, entre autres, aussi entretenu l’orgue de Muro et les orgues de St Jean-Baptiste et de Ste Croix de Bastia.
Pourtant, pour une raison à ce jour inconnue, Giuseppe fait faux-bond et c’est son fils, le tout jeune Giovanni CRUDELI, qui construira et signera l’orgue de la Collégiale en 1810 :
« Giovanni Crudeli di Lucca fece l’anno del Signore 1810 »
Il revient en 1812 pour « arranger les cinq tuyaux principaux de l’orgue, et la construction de la porte du tambour d’entrée si nécessaire pour empêcher le froid, parce que grande ouverte elle menace les prêtres qui doivent y pratiquer le culte » - je rappelle ici que Speluncatu est un beau village médiéval implanté à 550 m d’altitude et que les hivers peuvent y être rudes, parole d’organiste ! - A cette même époque il construit un petit orgue-armoire pour la chapelle privée d’une famille de notables du village : témoignage non négligeable de la vie sociale, religieuse et musicale d’un village important de Balagne à cette époque…
Le sommier porte une date plus ancienne : 1746, et d’autres éléments antérieurs à 1810 sont réutilisés pour ce nouvel orgue, en particulier les portes latérales du buffet, peintes des deux côtés, et qui sont sans doute à l’origine les volets d’un instrument plus petit (photo)
Le mystère reste entier : cet orgue de 1746 était-il déjà installé dans cette église Saint Michel qui n’allait pas tarder à recevoir le titre enviable et très honorifique de Collégiale - demandé en 1749, il sera accordé en 1766, faisant de l’église devenue Santa Maria Assunta l’une des quatre Collégiales de Corse : les autres étant à Corbara, Calenzana et Luri. Est-il nécessaire de souligner que pour ces quatre Collégiales, trois sont situées en Balagne et la quatrième à Luri: signe de prospérité indiscutable...
Ou bien l'orgue était-il dans l’église du Couvent capucin de Santa Maria di a Pace ? Speluncatu, jusqu’à cette époque, pouvait s’enorgueillir de posséder deux églises paroissiales (fait unique pour un village de Corse) et un Couvent : c’est dire si la communauté regorgeait de religieux, capucins, chanoines, prêtres…
Le village ne manquait pas non plus de musiciens de talent, éclos dans les milieux privilégiés des notables, rompus à la pratique musicale et capables de jouer aussi bien la musique savante " de chambre» que la musique religieuse. Et comme pour le reste de la vie "culturelle", ces musiciens suivent de près l'évolution du goût musical de l'époque, et naturellement encore à cette date, le goût italien malgré le rattachement récent à la France. Les chantres de l'église soignaient la réputation de Speluncatu bien autant qu'ils travaillaient à la gloire divine: le répertoire des chants polyphonique de Speluncatu est très riche et particulièrement intéressant (avec une tendance au "mode pélerin" qui se retrouve peut-être dans le choix des deux trompettes des anges donnant le sol et le la). Sans parler des nombreux chanteurs et musiciens villageois animant sérénades et autres danseries de fête…Les Corses, on ne le dira jamais assez, sont un peuple musicien.
Toujours est-il qu’en 1749 l’on y chantait les vêpres « au son des instruments » .
Cet engouement pour la musique et pour l'orgue se confirmera au début du siècle suivant avec la construction non seulement de ce magnifique orgue de la collégiale par le jeune Giovanni Crudeli, mais aussi des deux petits orgues privés, l'orgue armoire de G. Crudeli en 1812 dont nous avons parlé plus haut, et l'orgue commode du tout jeune facteur d'orgue Anton Pietro Saladini, en 1825, formé comme son père Anton Giuseppe Saladini au contact des Crudeli ... On peut du reste penser que ce chef-d'oeuvre d'ébénisterie est la création d'Anton Giuseppe.
Notons aussi, et cela n'est pas anodin, que Speloncato, historiquement, s'est trouvé au contact de Lucca (notre ami François Mariani nomme Speloncato: "le village aux soixantes seigneurs", seigneurs qui seraient venus au Moyen-Age de Lucques): les contacts entre la Balagne et la Toscane se trouvent en tous cas confirmés par le choix de facteurs toscans: Marracci, à La Porta, Pagnini, à Muro, Crudeli, à Speloncato...
Donc, en 1812, l’on va soigner non seulement la santé des prêtres qui officient mais aussi celle de leurs ouailles en construisant ce tambour. Quelques années plus tard, en 1821, cet ébéniste extrêmement renommé du village, Anton Giuseppe SALADINI, signe avec une fierté légitime la magnifique tribune de bois galbé en forme de conque marine, peinte la même année par Grunwaldo GRAFFINI.
On dit au village que les deux têtes sculptées sous la tribune représentent les deux fils d' Anton Giuseppe Saladini:
Cette tribune marquera durablement les esprits de son temps par sa majesté et son élégance, faisant de l’ensemble tribune, buffet et orgue un chef-d’œuvre de référence qui inspirera de nombreuses autres réalisations par la suite.
- En 1863, Victor MARCUCCI, artisan polyvalent et qui se présente comme "Maître Encyclopédique en de nombreuses choses » (!) signe un tuyau de façade. Ce personnage étonnant a pris le temps d’écrire « trois cents livres » pour démontrer passionnément sa grande découverte : oui, c’est bien le Soleil qui tourne autour de la Terre , et non l’inverse, contrairement à ce que veulent nous faire croire des pseudos scientifiques… preuves et observations en montagne à l’appui. Il se plaint amèrement que son travail n’a pas été admis à l’exposition universelle de Paris en 1900… (cf : l’orgue corse, de Sébastien Rubellin) C’était par ailleurs un excellent ébéniste doublé d’un bon musicien : il a construit un délicieux petit harmonium en 1880, restauré et en bon état de marche au village.
- En 1905, Antonio de FERRARI, dernier représentant d’une famille d’ « organari » venus de Ligurie, installé à Pigna, signe une réparation importante, remplaçant la vieille soufflerie à soufflets cunéiformes par une nouvelle « machine pneumatique carrée ».
- En mai-juin 1943, Claude HERMELIN, facteur d’orgue actif en Corse entre 1943 et 1954, réparant et entretenant dans des conditions difficiles de nombreux instruments sur l’île à une époque peu favorable au patrimoine suite à la guerre, va effectuer des travaux sur l’orgue. Il reconstruit le pédalier, recoupe les tuyaux pour les mettre au goût du jour, remet l’instrument en état de servir.
- L’orgue cesse de parler après la guerre, comme bien d’autres sur l’île. Les années passent. Les orgues de Corse souffrent d’abandon jusqu’au jour (1963) où a lieu une première résurrection, la restauration à l‘identique par Formentelli du petit orgue historique de La Porta … Un nouveau souffle va revivifier ce beau patrimoine oublié des orgues de Corse : Speluncatu à son tour se mobilise autour de son instrument et, en 1991, Antoine MASSONI va travailler, lors de sa restauration, à restituer la personnalité de l’orgue Crudeli de 1810 : il remplace la soufflerie à lanterne d’Antonio de Ferrari par deux soufflets cunéiformes de Saladini, datés de 1840 et retrouvés à Pigna.
Il redonne à l’orgue son ancienne registration, son pédalier de huit notes, ses accessoires (rossignol et trombe dell’angelo)…
A présent l’orgue est aux bons soins de Jean-François MUNO, depuis la disparition brutale d’Antoine Massoni. Actuellement il "revisite" (euphémisme!) le jeu des trompettes.
COMPOSITION
Principale, Ottava, Quintina (Quinta sopra l’ottava), Quinta decima, Decima nona, Vigesima seconda, Vigesima sesta, Vigesima nona.
Flauto dolce, Nazardo, Cornetto nei soprani (3 rangs), Cornetto nei bassi (2 rangs), Trombe nei Soprani, Trombe nei bassi, Voce umana.
Deux « trombe dell’angelo » donnant un sol et un la ;
Un tamburu et un rossignol.
( ici le mécanisme du rossignol)
Clavier de 45 notes (DO –DO5), octave courte. A noter la largeur exceptionnelle ( 2,30 cm en moyenne) des touches du clavier. (Marcel Perez disait à ce propos qu’à Speloncato, il « jouait en charentaises » !). Placage des touches en buis et ébène.
Pédalier de 8 notes à octave courte. Contrabassi 16’ et Bassi 8’ obligés. Les trois dernières notes font sonner les trombe dell'angelo (sol et la). Entre ces deux touches, celle qui appelle le Tamburo (deux tuyaux désaccordés en do)
DIAPASON : 437 HZ (à 25°)
TEMPERAMENT : mésotonique.
CONTACTS : la mairie de Speloncato (04 95 61 59 00)
et l’organiste titulaire: Elizabeth PARDON ( 04 95 61 34 85), qui facilite autant qu'elle peut l'accès à l'instrument pour les organistes de passage...
Email : elizabethpardon@orange.fr
Depuis le 15 Août 1991, jour de sa bénédiction par le curé Gérard Squarccioni et du premier récital donné par Maria Cecilia Farina (qui eut la charge insigne de faire redécouvrir leur instrument aux gens de Speloncato dans une église comble comme jamais: une fête mémorable!) , l’orgue n’a cessé de jouer en concert chaque année, recevant des organistes de grand talent : M.C. Farina S.Vartolo, M. Perez, J. Beraza, V. Loriaut, E. Baillot, G. Harlé, J. Martin Moro, U. Forni, M. Chapuis, M.H. Geispieler, S. Rodi, C. Glaenzer, B. Dercksen, P. Brezard, S. Rodi… et des ensembles qui se sont épanouis dans la belle accoustique de l’église : Arabesco Stravagante, Cimbalata Accademia…
Cet orgue est régulièrement servi en situation liturgique. Il sert de support à la formation musicale pour de jeunes enfants du village. Il fait aussi partie des visites de "LA MONTAGNE DES ORGUES" au cours desquelles on l'entendra sonner.
Nous ne remercierons jamais assez Sébastien RUBELLIN à qui l'on doit ce travail magnifique: "L'ORGUE CORSE de 1557 à 1963" (éditions Alain Piazzola).
Une pensée amicale pour Antoine MASSONI, disparu prématurément au printemps 2003.
En annexe, cette courte note sur la famille des Saladini:
Une famille d'organiers à SPELONCATO:
les SALADINI
Anton Giuseppe SALADINI nous est connu en qualité de « falegname » : Né en 1763 à Speloncato, il devient rapidement un artisan émérite et complet. En 1794 il fait une « garde-robe » pour la sacristie de Palasca et parmi les meubles qu’il a réalisés, on peut encore aujourd’hui voir celui de la sacristie de St-Nicolas de Feliceto, qu’il signe sur la corniche : ANT.JOSEPH SALADINI SPEL.AN. MDCCCXXI
En 1798 il travaille à la construction du buffet de l'orgue de Muro, de Tomaso Pagnini, un facteur d'orgue lucquois: c'est probablement sa première approche du monde de l'orgue.
En 1810 il assiste à la construction de l’orgue de son village par le jeune facteur d’orgue Giovanni CRUDELI : il signe avec quelque fierté en 1821 la tribune de ce bel orgue … Ce contact avec les CRUDELI, père et fils, semble déterminant pour son avenir et trace aussi celui de son jeune fils, Anton PIETRO qui signe à son tour en 1825 un petit orgue-commode : un véritable chef-d’œuvre de marqueterie.
Le goût de l’ébénisterie n’a jamais quitté la famille et nombre des descendants des Saladini continueront d’exercer ce don. En revanche Anton Giuseppe et Anton Pietro Saladini seront les seuls corses de cette époque à laisser leur nom dans l’histoire de la facture d’orgue de l’île. On peut admirer en Balagne plusieurs de ces belles tribunes en bois galbé : Pioggiola (1814), Speloncato (1821), Zilia (1831), Palasca (1833), Feliceto (1839) ...
L'atelier des Saladini jouxtait l'église, et l'on est étonné de l'exiguïté de l'espace où furent construits ces beaux instruments: la preuve, s'il en était besoin, que nous sommes là dans le monde modeste de l'artisanat. Modeste ... et fier de l'être!
(la signature ostensible d'un artisan fier de son ouvrage!)
17:02 Publié dans orgues historiques de Corse, Speloncato | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : speloncato, corse, patrimoine, orgues, crudeli, saladini, facture d'orgue corse, concerts, visites guidées | Facebook |
10/02/2009
Murato
Hier bel après-midi en compagnie de Pascal Magnan, l'un des saints gardiens - et promoteur émérite ! du patrimoine de MURATO, dans le Haut-Nebbio. Moisson plus que fructueuse d'informations, d'impressions, d'images... Outre le plaisir toujours immense de retrouver l'église pisane San Michele j'ai pu voir de plus près la tribune d'orgue de l'ancienne église conventuelle, aujourd'hui église paroissiale de l'Annonciation.
Présence forte sur la place du Couvent franciscain (propriété privée de nos jours), du Monument aux Morts qui domine une partie des maisons anciennes de Murato. Silencieuse, longue litanie pour que nul n'oublie. De ces noms je retrouverai la trace d'une façon inattendue à l'intérieur de l'église. Mémoire.
17:49 Publié dans orgues historiques de Corse | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : orgues conventuels corses, couvents franciscains corses, patrimoine | Facebook |
13/06/2008
Brève du Purgatoire: déshérence
Déshérence: "Absence d'héritiers pour recueillir une succession qui est en conséquence dévolue à l'Etat." (Robert)
18:28 Publié dans orgues historiques de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : patrimoine, corse, transmission patrimoniale | Facebook |
27/05/2008
notre regard patrimoine religieux en Corse
A propos des journées de Calvi des 23 et 24 mai derniers... et après ce programme, quelques réflexions sur notre relation au patrimoine religieux en Corse...
PRESENTATION DU CENTRE DE CONSERVATION PREVENTIVE
DES OBJETS MOBILIERS DE CORSE
(Calvi 23-24 mai 2008)
Salle des Fêtes de la Mairie de Calvi – 1, rue Albert 1er
Vendredi 23 mai
9h30 – 12h30
Présentation des journées.
o Simone Guerrini (Conseiller Exécutif déléguée à la Culture, au Patrimoine et à l’Audiovisuel) Ouverture des journées
o Jean-Marc OLIVESI (Directeur du patrimoine, CTC) / Nadège Favergeon (Chef de projet Centre de Conservation Préventive – CTC)
Présentation de centres à vocation régionale et territoriale.
o Jean-Bernard MATHON (Responsable du Centre de conservation et de restauration du patrimoine des Pyrénées-Orientales) Présentation du Centre de conservation et de restauration du patrimoine des Pyrénées-Orientales.
o Roland MAY (Directeur du Centre Interrégional de Conservation et de Restauration du Patrimoine - Marseille) Présentation du Centre Interrégional de Conservation et de Restauration du Patrimoine.
14h30 – 17h30
Traditions nationales et échanges internationaux:
L’Italie, la Belgique et La France.
Modérateur : Roland May
o Christiane NAFFAH (Directrice - Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France) Présentation du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France.
o Nathalie VOLLE (Chargée des grands projets - Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France) Les relations entre recherche et restauration : exemples de la Galerie des Glaces (Versailles), de la Galerie d’Apollon (Louvre) et du projet international Watteau.
o Myriam SERCK-DEWAIDE (Directrice Générale - Institut Royal du Patrimoine Artistique - Bruxelles) Présentation de l’Institut Royal du Patrimoine Artistique.
o Barbara PROVINCIALI (Istituto Superiore per la Conservazione ed il Restauro - Rome) Présentation de l’Istituto Superiore per la Conservazione ed il Restauro.
COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE - 22, Cours Grandval – BP 215 – 20 187 AJACCIO cedex 1 – 04 95 51 64 64
DIRECTION DU PATRIMOINE – Villa Ripert - 1, cours Général Leclerc – 20 000 AJACCIO – 04 95 10 98 19
Samedi 24 mai
9h30 -12h30
Musées et Monuments Historiques : méthodologies et expériences.
Modérateur : Myriam Serck-Dewaide
o Introduction de Monsieur Olivier POISSON (Inspecteur Général des Monuments Historiques) et Laurent HUGUES (Inspecteur des Monuments historiques pour la Corse) La conservation in situ : les Monuments Historiques.
o Ewa POLI et Hervé GIOCANTI (Conservateurs-Restaurateurs)
Présentation des exemples de restaurations dans des églises de Corse.
o Etienne FEAU (Département de Conservation préventive - Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France) Présentation du département Conservation préventive du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France.
o Béatrice SARRAZIN (Département Restauration- Centre de Restauration des Musées de France) Présentation du département Restauration du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France.
14h30-16h
Discours de Monsieur Ange SANTINI, Président du Conseil exécutif de Corse.
Présentation du Centre de conservation préventive des objets mobiliers de Calvi.
o Nadège FAVERGEON (Chef de projet Centre de Conservation Préventive – CTC) et Jean-François Devaux-Scamaroni (DIB CTC)
Etat des lieux de la Conservation préventive en Corse et présentation du projet du Centre de conservation préventive des objets mobiliers de Calvi.
o Hugues FONTENAS –Isabelle LATAPPY (Architectes) - Pierre DIAZ PEDREGAL (Consultant en conservation préventive)
Présentation du projet architectural du Centre de conservation préventive des objets mobiliers de Calvi.
COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE - 22, Cours Grandval – BP 215 – 20 187 AJACCIO cedex 1 – 04 95 51 64 64
DIRECTION DU PATRIMOINE – Villa Ripert - 1, cours Général Leclerc – 20 000 AJACCIO – 04 95 10 98 19
Soldatesque romaine sur un décor peint de sepolcru ( XVIIIe Carli)
Ces deux journées marathoniennes de présentation à Calvi d’un projet des plus ambitieux pour le patrimoine de Corse furent à la fois passionnantes grâce à la qualité et aux témoignages de tous les participants invités à prendre la parole, mais aussi quelque peu troublantes, tant il semble, malgré tout, difficile de comparer le somptueux patrimoine traité dans ces Centres de Recherche et de Restauration des Musées de France, ou à l’Institut Royal du Patrimoine Artistique de Bruxelles, ou au Centre Interrégional de Marseille , ou même au Centre de Conservation et de Restauration du Patrimoine des Pyrénées- Orientales (même si en ce cas il s’agit là d’une région de taille humaine comparable à la Corse ) avec le nôtre en Corse.
Si le patrimoine mobilier religieux des villes de Bastia et d’Ajaccio et de certaines églises importantes de couvents ou de quelques villages particulièrement riches (exemple: la Collégiale de Corbara) n’a rien à envier à celui des villes du Continent ou d’Italie, il demeure que notre patrimoine religieux est essentiellement rural. Et d’une ruralité modeste qui plus est, éclose dans un terreau âpre et souvent malmené par l’Histoire.
Si, bien sûr, il suit à la lettre les consignes du Concile de Trente - avec un art efficace de la mise en scène- en habillant de solennité (à la façon des artistes d'ici) et de pédagogie les dogmes de l’Eglise catholique, il « colle » aux communautés qui l’ont fait naître : il en a été l’expression privilégiée au cours des âges, et aujourd’hui c’est ce témoignage humain qu’il nous faut sauver, fragilisé par l’évolution du peuplement de ces mêmes communautés, la désertification des villages de l’intérieur doublé par l’abandon accéléré des pratiques religieuses qui donnaient un sens à ce patrimoine.
Hervé GIOCANTI avait choisi de débuter son intervention par un film réalisé à Bonifacio, lors de sa campagne de restauration « in situ » : en voyant les confrères empoigner et astiquer leur patrimoine pour ensuite l’utiliser en procession, sans trop de ménagements, au risque de peut-être l’égratigner au passage, des rires se sont élevés chez nos spécialistes et responsables des Centres de recherche, de conservation et de restauration continentaux, quelque peu interloqués du manque d’égards des dits confrères. J’ai alors ressenti un malaise profond, comme si tout d’un coup nous n’étions plus tout -à -fait sur la même longueur d’onde : d’un côté les soins – basiques ou sophistiqués - réclamés par un patrimoine esthétiquement et culturellement important à conserver, et d’autre part les bichonnages amoureusement et cultuellement exercés sur ce même patrimoine sans trop de connaissance de la dangerosité de certains gestes. Un peu comme si, en amour, il fallait choisir entre l’hygiène des corps et la passion amoureuse…
Parmi les objets de la dévotion populaire les plus extraordinaires et les plus touchants pour moi, il est un patrimoine particulièrement menacé par l’abandon des coutumes religieuses : c’est celui des sepolcri peints que l’on créait pour célébrer la Semaine Sainte dans les villages. Contrairement aux séries des Chemins de Croix peints à partir de la prédication en Corse de San Leonardo da Porto Maurizio, en 1744, et qui sont encore visibles aux murs de nos églises (voir la note du 27/03/2008) – pas toujours hélas, ni en très bon état, sauf lorsque la communauté décide de les faire restaurer – les sepolcri survivent cachés, souvent mal entreposés, victimes aussi de leur destination passagère, puisque conçus pour mettre en scène dès le Jeudi Saint la Passion , dans un espace délimité par des toiles peintes qui seront démontées et disparaîtront le Dimanche de Pâques. Décors éphémères, donc, peints sur des supports relativement grossiers et peu apprêtés, à l’économie, décors d’autant plus fragiles que manipulés chaque année à cette période…
Deux panneaux articulés à taille humaine composent une partie de ce sepolcru dont l’entrée était gardée par deux soldats peu commodes.
(F. Carli)
Les anciens dans les villages me le disent tous et se souviennent:: lorsque enfants, de nuit, ils traversaient l'obscurité de l'église pour aller prier devant le sepolcru, la terreur s'emparait d'eux à la rencontre de ces guerriers menaçants montant la garde devant cette chapelle ardente éclairée par les lampes à huiles et les cierges crépitants… Emotion forte mêlée d'effroi, tissée de chants et de prières mrmurées.
…chantent les confrères… avec ce refrain intercalé par le peuple :
ou plutôt en amont, partage humain de cette douleur-là trop bien expérimentée par tous. Fonction de la douleur.
Résonnance. Reconnaissance. Lien communautaire. Pas d’échappatoire: nous voilà acteurs de cette dramaturgie. Surtout lorsque ces sepolcri font l'objet de la Cerca, visites déambulatoires entre communautés voisines...Non pas invités à un festin esthétique.
(à suivre)
15:25 Publié dans patrimoine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : patrimoine, conservation, restauration | Facebook |
30/04/2008
Protection du littoral de la Corse
Je fais suivre, car il ne servirait à rien de protéger le patrimoine "culturel" si on ne protège pas la nature où il a éclos. Protéger la nature c'est aussi tenter de sauver l'homme.
Pour affirmer notre volonté de faire respecter la loi Littoral afin que les rivages de la Corse ne deviennent pas un mur de béton
> quel que soit le niveau de fortune ou les relations de ceux qui désirent construire.
>
> L’Extrême Sud de la Corse est devenu le nouvel eldorado des grandes fortunes qui ont trouvé la meilleure façon de bétonner puisque le tribunal administratif apparaît aujourd’hui à leurs côtés afin que chaque nanti y possède une « toute petite » construction sur une très grande parcelle, à l’abri des regards des voisins et loin des habitants permanents de l’île.
>
> On nous a déjà dépossédés de Cavallu avec ses constructions les pieds dans l’eau sur l’ensemble de son pourtour. C’est aujourd’hui le tour de la côte est de Bonifacio. Ce sera demain l’ensemble du littoral de la Corse, en commençant par les espaces les plus beaux.
>
> En Corse, des maires complaisants, un état défaillant ou complice et sans doute une justice sous influence appliquent un schéma qui prévalait ailleurs il y trente ans. Alors qu’aujourd’hui, en Sardaigne ou en Espagne, un grand coup de frein est mis à la spoliation du patrimoine, à la spéculation, au béton (en Sardaigne la loi a étendu la bande inconstructible à 2km, en Espagne on s’apprête à démolir des kilomètres de constructions littorales), ici, nos décideurs vendent la terre aux plus offrants : Séguéla, Sulitzer, Delsol …. Doit-on les laisser faire ?
>
> Le Collectif pour l’application de la loi Littoral en Corse vous demande à tous de le soutenir par votre signature.
> Pour accéder au texte complet et signer la pétition, merci de vous rendre sur : http://cll-corse.org
>
> U Levante et Le collectif pour la « loi littoral » en Corse
> ==============================
>
> Merci de faire suivre au plus grand nombre !
>
>
09:07 Publié dans patrimoine naturel | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : patrimoine, protection de la nature, patrimoine littoral, corse | Facebook |