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30/05/2009

SPELUNCATU: l'orgue historique (Balagne)

 
L’orgue historique de la Collégiale Santa Maria Assunta de SPELUNCATU   
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(Photo Tomas Heuer) 
 Historique

Les archives paroissiales nous informent que le 20 septembre 1808 le facteur d’orgue toscan Giuseppe CRUDELI (fils du célèbre facteur installé à Lucca, Michelangelo CRUDELI : 1728/1801), s’engage à construire « un orgue suffisant » pour la Collégiale Santa Maria Assunta de Speluncatu :

« Oggi 20 7bre 1808 in Speloncato

Giuseppe Crudeli si obliga formare un organo sufficiente per la nostra chiesa per la somma di scudi francesi di franchi sei l’uno, cento trenta (…)  ( pour la somme de 130 écus français de 6 francs l’un …)  

Les premières interventions repérables de Giuseppe CRUDELI en Corse sont signées en 1804 sur les orgues de l’église saint Georges d’Algajola et de la Confrérie San Carlu de Monticello. Ce n’est donc pas un inconnu que l’on a appelé pour ce chantier, l’on sait qu’il a, entre autres, aussi entretenu l’orgue de Muro et les orgues de St Jean-Baptiste et de Ste Croix de Bastia.

Pourtant, pour une raison à ce jour inconnue, Giuseppe fait faux-bond et c’est son fils, le tout jeune Giovanni CRUDELI, qui construira et signera l’orgue de la Collégiale en 1810 :

« Giovanni Crudeli di Lucca fece l’anno del Signore 1810 »

Il revient en 1812 pour « arranger les cinq tuyaux principaux de l’orgue, et la construction de la porte du tambour d’entrée si nécessaire pour empêcher le froid, parce que grande ouverte elle menace les prêtres qui doivent y pratiquer le culte » - je rappelle ici que Speluncatu est un beau village médiéval implanté à 550 m d’altitude et que les hivers peuvent y être rudes, parole d’organiste ! -  A cette même époque il construit un petit orgue-armoire pour la chapelle privée d’une famille de notables du village : témoignage non négligeable de la vie sociale, religieuse et musicale d’un village important de Balagne à cette époque…

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(le petit orgue armoire de Giovanni Crudeli, 1812)

Le sommier porte une date plus ancienne : 1746, et d’autres éléments antérieurs à 1810 sont réutilisés pour ce nouvel orgue, en particulier les portes latérales du buffet, peintes des deux côtés, et qui sont sans doute à l’origine les volets d’un instrument plus petit (photo)

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 Le mystère reste entier : cet orgue de 1746 était-il déjà installé dans cette église Saint Michel qui n’allait pas tarder à recevoir le titre enviable et très honorifique de Collégiale -  demandé en 1749, il sera accordé en 1766, faisant de l’église devenue Santa Maria Assunta l’une des quatre Collégiales de Corse : les autres étant à Corbara, Calenzana et Luri. Est-il nécessaire de souligner que pour ces quatre Collégiales, trois sont situées en Balagne et la quatrième à Luri: signe de prospérité indiscutable...  

Ou bien l'orgue était-il dans l’église du Couvent capucin de Santa Maria di a Pace ? Speluncatu, jusqu’à cette époque, pouvait s’enorgueillir de posséder deux églises paroissiales (fait unique pour un village de Corse) et un Couvent : c’est dire si la communauté regorgeait de religieux, capucins, chanoines, prêtres…

 

Le village ne manquait pas non plus de musiciens de talent, éclos dans les milieux privilégiés des notables, rompus à la pratique musicale et capables de jouer aussi bien la musique savante " de chambre»  que la musique religieuse. Et comme pour le reste de la vie "culturelle", ces musiciens suivent de près l'évolution du goût musical de l'époque, et naturellement encore à cette date, le goût italien malgré le rattachement récent à la France.  Les chantres de l'église soignaient la réputation de Speluncatu bien autant qu'ils travaillaient à la gloire divine: le répertoire des chants polyphonique de Speluncatu est très riche et particulièrement intéressant (avec une tendance au "mode pélerin" qui se retrouve peut-être dans le choix des deux trompettes des anges donnant le sol et le la). Sans parler des nombreux chanteurs et musiciens villageois animant sérénades et autres danseries de fête…Les Corses, on ne le dira jamais assez, sont un peuple musicien.

Toujours est-il qu’en 1749 l’on y chantait les vêpres « au son des instruments » .

Cet engouement pour la musique et pour l'orgue se confirmera au début du siècle suivant avec la construction non seulement de ce magnifique orgue de la collégiale par le jeune Giovanni Crudeli, mais aussi des deux petits orgues privés, l'orgue armoire de G. Crudeli en 1812 dont nous avons parlé plus haut, et l'orgue commode du tout jeune facteur d'orgue Anton Pietro Saladini, en 1825, formé comme son père Anton Giuseppe Saladini au contact des Crudeli ... On peut du reste penser que ce chef-d'oeuvre d'ébénisterie est la création d'Anton Giuseppe.

Notons aussi, et cela n'est pas anodin, que Speloncato, historiquement, s'est trouvé au contact de Lucca (notre ami François Mariani nomme Speloncato: "le village aux soixantes seigneurs", seigneurs qui seraient venus au Moyen-Age de Lucques): les contacts entre la Balagne et la Toscane se trouvent en tous cas confirmés par le choix de facteurs toscans: Marracci, à La Porta, Pagnini, à Muro, Crudeli, à Speloncato...

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Donc, en 1812, l’on va soigner non seulement la santé des prêtres qui officient mais aussi celle de leurs ouailles en construisant ce tambour. Quelques années plus tard, en 1821, cet ébéniste extrêmement renommé du village, Anton Giuseppe SALADINI, signe avec une fierté légitime la magnifique tribune de bois galbé en forme de conque marine, peinte la même année par Grunwaldo GRAFFINI.

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On dit au village que les deux têtes sculptées sous la tribune représentent les deux fils d' Anton Giuseppe Saladini:1377894866.jpg

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  Cette tribune marquera durablement les esprits de son temps par sa majesté et son élégance, faisant de l’ensemble tribune, buffet et orgue un chef-d’œuvre de référence qui inspirera de nombreuses autres réalisations par la suite.

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(les volets fermés: version un peu kitsch du Roi David, peint par Grünwaldo Graffini)

 

 

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(... et la petite Sainte Cécile de Speloncato, peinte par Graffini sur la tribune: elle joue sur un petit orgue qui ressemble grandement à l'orgue armoire de Crudeli de 1812 - voir plus haut)

   -         En 1863, Victor MARCUCCI, artisan polyvalent et qui se présente comme "Maître Encyclopédique en de nombreuses choses » (!) signe un tuyau de façade. Ce personnage étonnant a pris le temps d’écrire « trois cents livres » pour démontrer passionnément sa grande découverte : oui, c’est bien le Soleil qui tourne autour de la Terre , et non l’inverse, contrairement à ce que veulent nous faire croire des pseudos scientifiques… preuves et observations en montagne à l’appui. Il se plaint amèrement que son travail n’a pas été admis à l’exposition universelle de Paris en 1900… (cf : l’orgue corse, de Sébastien Rubellin) C’était par ailleurs un excellent ébéniste doublé d’un bon musicien : il a construit un délicieux petit harmonium en 1880, restauré et  en bon état de marche au village.

-         En 1905, Antonio de FERRARI, dernier représentant d’une famille d’ « organari » venus de Ligurie, installé à Pigna, signe une réparation importante, remplaçant la vieille soufflerie à soufflets cunéiformes par une nouvelle « machine pneumatique carrée ».

-         En mai-juin 1943, Claude HERMELIN, facteur d’orgue actif en Corse entre 1943 et 1954, réparant et entretenant dans des conditions difficiles de nombreux instruments sur l’île à une époque peu favorable au patrimoine suite à la guerre, va effectuer des travaux sur l’orgue. Il reconstruit le pédalier, recoupe les tuyaux pour les mettre au goût du jour, remet l’instrument en état de servir.

- L’orgue cesse de parler après la guerre, comme bien d’autres sur l’île. Les années passent. Les orgues de Corse souffrent d’abandon jusqu’au jour (1963) où a lieu une première résurrection, la restauration à l‘identique par Formentelli du petit orgue historique de La Porta … Un nouveau souffle va revivifier ce beau patrimoine oublié des orgues de Corse : Speluncatu à son tour se mobilise autour de son instrument et, en 1991, Antoine MASSONI va travailler, lors de sa restauration, à restituer la personnalité de l’orgue Crudeli de 1810 : il remplace la soufflerie à lanterne d’Antonio de Ferrari par deux soufflets cunéiformes de Saladini, datés de 1840 et retrouvés à Pigna.

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 Il redonne à l’orgue son ancienne registration, son pédalier de huit notes, ses accessoires (rossignol et trombe dell’angelo)…

A présent l’orgue est aux bons soins de Jean-François MUNO, depuis la disparition brutale d’Antoine Massoni. Actuellement il "revisite" (euphémisme!) le jeu des trompettes.

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COMPOSITION

Principale, Ottava, Quintina (Quinta sopra l’ottava), Quinta decima, Decima nona, Vigesima seconda, Vigesima sesta, Vigesima nona.

Flauto dolce, Nazardo, Cornetto nei soprani (3 rangs), Cornetto nei bassi (2 rangs), Trombe nei Soprani, Trombe nei bassi, Voce umana.

Deux « trombe dell’angelo » donnant un sol et un la ;

Un tamburu et un rossignol.

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1933249543.jpg( ici le mécanisme du rossignol)

 

Clavier de 45 notes (DO –DO5), octave courte. A noter la largeur exceptionnelle ( 2,30 cm en moyenne) des touches du clavier. (Marcel Perez disait à ce propos qu’à Speloncato, il «  jouait  en charentaises » !). Placage des touches en buis et ébène.

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Pédalier de 8 notes à octave courte. Contrabassi 16’ et Bassi 8’ obligés. Les trois dernières notes font sonner les trombe dell'angelo (sol et la). Entre ces deux touches, celle qui appelle le Tamburo (deux tuyaux désaccordés en do)

DIAPASON : 437 HZ (à 25°)

TEMPERAMENT : mésotonique.

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CONTACTS : la mairie de Speloncato (04 95 61 59  00)

et l’organiste titulaire: Elizabeth PARDON ( 04 95 61 34 85), qui facilite autant qu'elle peut l'accès à l'instrument pour les organistes de passage...

Email : elizabethpardon@orange.fr

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Depuis le 15 Août 1991, jour de sa bénédiction par le curé Gérard Squarccioni et du premier  récital donné par Maria Cecilia Farina (qui eut la charge insigne de faire redécouvrir leur instrument aux gens de Speloncato dans une église comble comme jamais: une fête mémorable!) , l’orgue n’a cessé de jouer en concert chaque année, recevant des organistes de grand talent : M.C. Farina  S.Vartolo, M. Perez, J. Beraza, V. Loriaut, E. Baillot, G. Harlé, J. Martin Moro, U. Forni, M. Chapuis, M.H. Geispieler, S. Rodi, C. Glaenzer, B. Dercksen, P. Brezard, S. Rodi… et des ensembles qui se sont épanouis dans la belle accoustique de l’église : Arabesco Stravagante, Cimbalata Accademia…

 

Cet orgue est régulièrement servi en situation liturgique. Il sert de support à la formation musicale pour de jeunes enfants du village. Il fait aussi partie des visites de "LA MONTAGNE DES ORGUES" au cours desquelles on l'entendra sonner.

 

Nous ne remercierons jamais assez Sébastien RUBELLIN à qui l'on doit ce travail magnifique: "L'ORGUE CORSE de 1557 à 1963" (éditions Alain Piazzola).

Une pensée amicale pour Antoine MASSONI, disparu prématurément au printemps 2003.

 

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En annexe, cette courte note sur la famille des Saladini:

 

 

Une  famille d'organiers à SPELONCATO:

les SALADINI

 

Anton Giuseppe SALADINI  nous est connu en qualité de « falegname » : Né en 1763 à Speloncato, il devient rapidement un artisan émérite et complet. En 1794 il fait une « garde-robe » pour la sacristie de Palasca et parmi les meubles qu’il a réalisés, on peut encore aujourd’hui voir celui de la sacristie de St-Nicolas de Feliceto, qu’il signe sur la corniche : ANT.JOSEPH SALADINI SPEL.AN. MDCCCXXI

En 1798 il travaille à la construction du buffet de l'orgue  de Muro, de Tomaso Pagnini, un facteur d'orgue lucquois: c'est probablement sa première approche du monde de l'orgue.

En 1810 il assiste à la construction de l’orgue de son village par le jeune facteur d’orgue Giovanni CRUDELI : il signe  avec quelque fierté en 1821 la tribune de ce bel orgue … Ce contact avec les CRUDELI, père et fils, semble déterminant pour son avenir et trace aussi celui de son jeune fils, Anton PIETRO qui signe à son tour en 1825 un petit orgue-commode : un véritable chef-d’œuvre de marqueterie.

Le goût de l’ébénisterie n’a jamais quitté la famille et nombre des descendants des Saladini continueront d’exercer ce don. En revanche Anton Giuseppe et Anton Pietro Saladini seront les seuls corses de cette époque à laisser leur nom dans l’histoire de la facture d’orgue de l’île. On peut admirer en Balagne plusieurs de ces belles tribunes en bois galbé : Pioggiola (1814), Speloncato (1821), Zilia (1831), Palasca (1833), Feliceto (1839) ...

L'atelier des Saladini jouxtait l'église, et l'on est étonné de l'exiguïté de l'espace où furent construits ces beaux instruments: la preuve, s'il en était besoin, que nous sommes là dans le monde modeste de l'artisanat. Modeste ... et fier de l'être!

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 (la signature ostensible d'un artisan fier de son ouvrage!)

10/02/2009

Murato

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Hier bel après-midi en compagnie de Pascal Magnan, l'un des saints gardiens - et promoteur émérite ! du patrimoine de MURATO, dans le Haut-Nebbio. Moisson plus que fructueuse d'informations, d'impressions, d'images... Outre le plaisir toujours immense de retrouver l'église pisane San Michele j'ai pu voir de plus près la tribune d'orgue de l'ancienne église conventuelle, aujourd'hui église paroissiale de l'Annonciation.

Présence forte sur la place du Couvent franciscain (propriété privée de nos jours), du Monument aux Morts qui domine une partie des maisons anciennes de Murato. Silencieuse, longue litanie pour que nul n'oublie. De ces noms je retrouverai la trace d'une façon inattendue à l'intérieur de l'église. Mémoire.

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Côté "couvent"( où ne sèchent plus les robes de bure!). Construit par les franciscains récollets en 1615, , transformé entre 1755 et 1767 par Pascal Paoli en quartier général après en avoir expulsé les moines... il subit lors de la Révolution Française les déboires habituels dont, ici, l'orgue ne se remettra pas.
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Les maisons fument. C'est toujours l'hiver. Pascal PAOLI choisit Murato en 1755, dont l'emplacement lui permettait de surveiller  les mouvements entre Bastia, Saint Florent, la vallée du Golo... Il y frappe la monnaie de la Corse dès 1763 (dans le Palais de la Monnaie Corse: maison de son neveu Giuseppe Barbaggi, édifiée au XVème siècle). Pascal Magnan me conte sans fatigue généalogie, grande Histoire et petites histoires...
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Devant l'église, ces dames papotent au soleil avant d'attaquer leur réunion hebdomadaire dans l'église... Nous rentrons enfin et je découvre le beau Maître Autel de marbre polychrome, surmontée du groupe de l'Annonciation, et derrière lui cette étonnante tribune, hélas vide, de l'ancien orgue du couvent des franciscains de Murato...
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L'orgue, dont on ne sait plus rien sinon qu'il a disparu "corps et âme" dans la tourmente de la Révolution française, était logé, comme il se doit à l'usage des couvents, au fond du choeur, au-dessus des stalles des moines, avec une porte - aujourd'hui condamnée - communiquant directement avec le reste du couvent. La niche restée vide, nous donne une bonne indication de la taille de l'orgue.
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Au centre de la tribune, entre deux scènes intrigantes, le "logo" des Franciscains: le bras nu du Christ et celui, habillé de bure, de St François, autour de la Croix.
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A gauche, me dit Monsieur Magnan, voici le partage du vin... Il est vrai que la vue des belles barriques à droite de la scène invitent à le penser. Soyons clairs: le vin, à cette époque, est une denrée "de première nécessité", même dans les couvents, où, nous dit-on dans ce beau livre collectif "Les Servites de Marie en Corse ( édition Piazzola)", chaque moine avait droit à sa ration d'un litre et demi de vin par jour. Un vin, ceci dit, qui ne devait pas être trop méchant et à ces époques, chacun a sa vigne - sauf les plus pauvres, donc...
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... et à droite, le partage du pain... Charité aux miséreux, aux estropiés de la vie...
Sur cette tribune d'orgue franciscain il s'agit en fait, me semble-t-il, d'une invitation aux Sept Oeuvres de Miséricorde:
"Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume qui vous a été préparé [...]. Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous m'avez accueilli, nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité, prisonnier et vous êtes venu me voir" (Mathieu)
La facture de l'oeuvre ne nous est pas familière en Corse, le sujet en est encore plus inhabituel, de même que la façon de traiter les paysages et les personnages, qui évoquent un art plutôt nordique: en tous cas cette oeuvre du XVIIIème siècle ne manque pas d'élégance et  ce témoignage si particulier doit mériter tous les soins de Murato!
Sous la tribune, accrochés aux stalles, deux objets me parlent:
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Deux "tableaux de présence" de confréries, l'une masculine (ici),
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... l'autre, féminine. Toutes deux sont pourvus de ce système rencontré ailleurs (à Stoppia Nova, par exemple) des trous et des chevilles pour signifier les absences éventuelles des dits confrères et consoeurs. Un nouveau témoignage de l'importance morale des confréries au sein des communautés. Leur emplacement actuel et fortuit (puisqu'il ne s'agit pas ici d'une chapelle de confrérie) sous cette tribune d'orgue ornée d'un message de  miséricorde nous rappelle l'une des missions les plus importantes des confréries: la charité.  Ici, les listes sont très longues. Listes des vivants auquel répond, dehors, le Monument aux Morts.
Cette église de la Nunziata accueille un très beau meuble de sacristie (dans la facture franciscaine), de belles toiles, malheureusement pas toujours en bon état... Entre autres, celle, intéressante,  du Rosaire, avec la représentation, sous les pieds de la Vierge, de quelques protagonistes - dont St Pie V, de la Bataille de Lépante. Les quinze mystères, tout autour du thème central, ont subi un étrange pliage qui les réduit de moitié...
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Je quitte sur ces images pour ce soir Muratu, en attendant d'évoquer le site de San Michele. A bientôt!
 
 
 

 

13/06/2008

Brève du Purgatoire: déshérence

Déshérence: "Absence d'héritiers pour recueillir une succession qui est en conséquence dévolue à l'Etat." (Robert)

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dans le Cap Corse, le patrimoine d'Ersa-Granaggiolo, église paroissiale Sant'Andrea
voici des images d'héritage abandonné prises par l'ami luxembourgeois Claude Goergen, qui connait un bon bout de la Corse, mieux que nombre d'entre nous...
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sous la voûte écroulée, la végétation a repris ses droits depuis des années...
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mais les autels conservent leurs décors...
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... et quelques restes éparpillés de l'orgue de Luigi et Giovanni de Ferrari, 1850
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vie et mort d'un orgue de village...
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Emplacement avant sa ruine: sur la tribune au fond de la nef.
Ce qui fut :
Tirage des jeux: vers soi. Quatorze registres. Campanelli.
Clavier manuel de 50 notes.
Sommier à registres coulissants.
(d'après le Mémoire de Maîtrise de Sébastien Rubellin: "LES ORGUES DU CAP CORSE", 1986, Université de Lyon II)
Buffet totalement ruiné.
L'église est aujourd'hui murée. A ciel ouvert. En désespérance.

27/05/2008

notre regard patrimoine religieux en Corse

 A propos des journées de Calvi des 23 et 24 mai derniers... et après ce  programme, quelques réflexions sur notre relation au patrimoine religieux en Corse...

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un sepolcru déployé pour la Semaine Sainte, décor et reposoir

PRESENTATION DU CENTRE DE CONSERVATION PREVENTIVE

DES OBJETS MOBILIERS DE CORSE

(Calvi 23-24 mai 2008)

Salle des Fêtes de la Mairie de Calvi – 1, rue Albert 1er  

Vendredi 23 mai

9h30 – 12h30

Présentation des journées.

o        Simone Guerrini (Conseiller Exécutif déléguée à la Culture, au Patrimoine et à l’Audiovisuel) Ouverture des journées

o        Jean-Marc OLIVESI (Directeur du patrimoine, CTC) / Nadège Favergeon (Chef de projet Centre de Conservation Préventive – CTC)

Présentation de centres à vocation régionale et territoriale.

o        Jean-Bernard MATHON (Responsable du Centre de conservation et de restauration du patrimoine des Pyrénées-Orientales) Présentation du Centre de conservation et de restauration du patrimoine des Pyrénées-Orientales.

o        Roland MAY (Directeur du Centre Interrégional de Conservation et de Restauration du Patrimoine - Marseille) Présentation du Centre Interrégional de Conservation et de Restauration du Patrimoine.

14h30 – 17h30

Traditions nationales et échanges internationaux:

L’Italie, la Belgique et La France.

Modérateur : Roland May

o        Christiane NAFFAH (Directrice - Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France) Présentation du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France.

o        Nathalie VOLLE (Chargée des grands projets - Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France) Les relations entre recherche et restauration : exemples de la Galerie des Glaces (Versailles), de la Galerie d’Apollon (Louvre) et du projet international Watteau.

o        Myriam SERCK-DEWAIDE (Directrice Générale - Institut Royal du Patrimoine Artistique - Bruxelles) Présentation de l’Institut Royal du Patrimoine Artistique.

o        Barbara PROVINCIALI (Istituto Superiore per la Conservazione ed il Restauro  - Rome) Présentation de l’Istituto Superiore per la Conservazione ed il Restauro.

COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE - 22, Cours Grandval – BP 215 – 20 187 AJACCIO cedex 1 – 04 95 51 64 64

DIRECTION DU PATRIMOINE – Villa Ripert - 1, cours Général Leclerc – 20 000 AJACCIO – 04 95 10 98 19

Samedi 24 mai

9h30 -12h30

Musées et Monuments Historiques : méthodologies et expériences.

Modérateur : Myriam Serck-Dewaide

o        Introduction de Monsieur Olivier POISSON (Inspecteur Général des Monuments Historiques) et Laurent HUGUES (Inspecteur des Monuments historiques pour la Corse) La conservation in situ : les Monuments Historiques.

o        Ewa POLI et Hervé GIOCANTI (Conservateurs-Restaurateurs)

Présentation des exemples de restaurations dans des églises de Corse.

o        Etienne FEAU (Département de Conservation préventive - Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France) Présentation du département Conservation préventive du Centre de Recherche et  de Restauration des Musées de France.

o        Béatrice SARRAZIN (Département Restauration- Centre de Restauration des Musées de France) Présentation du département Restauration du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France.

14h30-16h

Discours de Monsieur Ange SANTINI, Président du Conseil exécutif de Corse.

Présentation du Centre de conservation préventive des objets mobiliers de Calvi.

o        Nadège FAVERGEON (Chef de projet Centre de Conservation Préventive – CTC) et Jean-François Devaux-Scamaroni (DIB CTC)

Etat des lieux de la Conservation préventive en Corse et présentation du projet du Centre    de conservation préventive des objets mobiliers de Calvi.

o        Hugues FONTENAS –Isabelle LATAPPY (Architectes)  - Pierre DIAZ PEDREGAL (Consultant en conservation préventive)

Présentation du projet architectural du Centre de conservation préventive des objets  mobiliers de Calvi.

COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE - 22, Cours Grandval – BP 215 – 20 187 AJACCIO cedex 1 – 04 95 51 64 64

DIRECTION DU PATRIMOINE – Villa Ripert - 1, cours Général Leclerc – 20 000 AJACCIO – 04 95 10 98 19

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                                                               Soldatesque romaine sur un décor peint de sepolcru ( XVIIIe Carli)

 

Ces deux journées marathoniennes de présentation à Calvi d’un projet des plus ambitieux pour le patrimoine de Corse furent à la fois passionnantes grâce à la qualité et aux témoignages de tous les participants invités à prendre la parole, mais aussi quelque peu troublantes, tant il semble, malgré tout, difficile de comparer le somptueux patrimoine traité dans ces Centres de Recherche et de Restauration des Musées de France, ou à l’Institut Royal du Patrimoine Artistique de Bruxelles, ou au Centre Interrégional de Marseille , ou même au Centre de Conservation et de Restauration du Patrimoine des Pyrénées- Orientales (même si en ce cas il s’agit là d’une région de taille humaine comparable à la Corse ) avec le nôtre en Corse.

Si le patrimoine mobilier religieux des villes de Bastia et d’Ajaccio et de certaines églises importantes de couvents ou de quelques villages particulièrement riches (exemple: la Collégiale de Corbara) n’a rien à envier à celui des villes du Continent ou d’Italie, il demeure que notre patrimoine religieux est essentiellement rural. Et d’une ruralité modeste qui plus est, éclose dans un terreau  âpre et souvent malmené par l’Histoire.

 Si, bien sûr, il suit à la lettre les consignes du Concile de Trente - avec un art efficace de la mise en scène- en habillant de solennité (à la façon des artistes d'ici) et de pédagogie les dogmes de l’Eglise catholique, il « colle » aux communautés qui l’ont fait naître : il en a été l’expression privilégiée au cours des âges, et aujourd’hui c’est ce témoignage humain qu’il nous faut sauver, fragilisé par l’évolution du peuplement de ces mêmes communautés, la désertification des villages de l’intérieur doublé par l’abandon accéléré des pratiques religieuses qui donnaient un sens à ce patrimoine.

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un Christ dans son catalettu, berceau des morts

Hervé GIOCANTI avait choisi de débuter son intervention par un film réalisé à Bonifacio, lors de sa campagne de restauration « in situ » : en voyant les confrères empoigner et astiquer leur patrimoine pour ensuite l’utiliser en procession, sans trop de ménagements, au risque de peut-être l’égratigner au passage, des rires se sont élevés chez nos spécialistes et responsables des Centres de recherche, de conservation et de restauration continentaux, quelque peu interloqués du manque d’égards des dits confrères. J’ai alors ressenti un malaise profond, comme si tout d’un coup nous n’étions plus tout -à -fait sur la même longueur d’onde : d’un côté les soins – basiques ou sophistiqués -  réclamés par un patrimoine esthétiquement et culturellement  important à conserver, et d’autre part les bichonnages amoureusement et cultuellement  exercés sur ce même patrimoine sans trop de connaissance de la dangerosité de certains gestes. Un peu comme si, en amour, il fallait choisir entre  l’hygiène des corps et  la passion amoureuse…

 

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16 Août, St Roch, illuminé sous le vitrail...
 A PROPOS DES SEPOLCRI

Parmi les objets de la dévotion populaire les plus extraordinaires et les plus touchants pour moi, il est un patrimoine particulièrement menacé par l’abandon des coutumes religieuses : c’est celui des sepolcri peints que l’on créait pour célébrer la Semaine Sainte   dans les villages. Contrairement aux séries des Chemins de Croix peints à partir de la prédication en Corse de San Leonardo da Porto Maurizio, en 1744, et qui sont encore visibles aux murs de nos églises (voir la note du 27/03/2008) – pas toujours hélas, ni en très bon état, sauf lorsque la communauté décide de les faire restaurer – les sepolcri survivent cachés, souvent mal entreposés, victimes aussi de leur destination passagère, puisque conçus pour mettre en scène dès le Jeudi Saint la Passion , dans un espace délimité par des toiles peintes qui seront démontées et disparaîtront le Dimanche de Pâques. Décors éphémères, donc, peints sur des supports relativement grossiers et peu apprêtés, à l’économie, décors d’autant plus fragiles que manipulés chaque année à cette période…

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En Castagniccia, un sepolcu peint par Francescu CARLI
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Deux panneaux articulés à taille humaine composent une partie de ce sepolcru dont l’entrée était gardée par deux soldats peu commodes.                                                          

 

                                                                             

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                                                                         (F. Carli)

 

 

Les anciens dans les villages me le disent tous et se souviennent:: lorsque enfants, de nuit, ils traversaient l'obscurité de l'église  pour aller prier devant le sepolcru, la terreur s'emparait d'eux à la rencontre de ces guerriers menaçants montant la garde devant cette chapelle ardente  éclairée par les lampes à huiles et les cierges crépitants… Emotion forte mêlée d'effroi, tissée de chants et de prières mrmurées.  

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sale tête, non? C'est l'Autre, "le turc", "le juif", bref, l'affreux de service
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et son collègue redoutable centurion d'opérette
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gardant cette forte scène de la déploration du Christ (Anonyme, début XIXe)
Dans cette petite église de la Ghjuvellina se jouait naguère une Passion à laquelle participaient tous les gens du village, jeunes et vieux. En Corse la présence du chant est indissociable de la ferveur religieuse et pour moi toutes ces peintures ont une voix.
Parmi les chants les plus répandus , accompagnant ce type d'iconographie l'on pourrait entendre la lamentation douloureuse du Stabat Mater 
Stabat Mater Dolorosa
Juxta crucem la crimosa
Dum pendebat filius
Cujus animam gementem
Contristatam et dolentem
Pertransivit gladius
1758534565.jpg(F.Carli)
O quam tristis et afflicta
Fuit illa benedicta
Mater Unigeniti!
Quae moerebat et dolebat
Pia Mater dum videbat
Nati poenas inclyti
Quis est homo qui non fleret
Matrem Christi si videret
In tanto supplicio?

                                                     …chantent les confrères… avec ce refrain intercalé par le peuple :

Santa Madre, questo fate,
Che le piaghe del Signore
Siano impresse nel moi core !

 

Nous sommes pris à témoin par ces sepolcri: compassion devant un drame universel, bien au-delà de la religion,

ou plutôt en amont, partage humain de cette douleur-là trop bien expérimentée par tous. Fonction de la douleur.

Résonnance. Reconnaissance. Lien communautaire. Pas d’échappatoire: nous voilà acteurs de cette dramaturgie. Surtout lorsque ces sepolcri font l'objet de la Cerca,  visites déambulatoires entre communautés voisines...

  Non pas invités à un festin esthétique.

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(Giacomo Grandi, XVIIIe)
(à propos de la Mort en Corse, voir l'article publié dans un catalogue d'exposition à Paris et qu'on peut retrouver  :"la Mort transfigurée en Corse" dans les deux notes du 01/11/2007 du blog)

 

(à suivre)

 

 

30/04/2008

Protection du littoral de la Corse

Je fais suivre, car il ne servirait à rien de protéger le patrimoine "culturel" si on ne protège pas la nature où il a éclos. Protéger la nature c'est aussi tenter de sauver l'homme.

Pour affirmer notre volonté de faire respecter la loi Littoral afin que les rivages de la Corse ne deviennent pas un mur de béton
> quel que soit le niveau de fortune ou les relations de ceux qui désirent construire.
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> L’Extrême Sud de la Corse est devenu le nouvel eldorado des grandes fortunes qui ont trouvé la meilleure façon de bétonner puisque le tribunal administratif apparaît aujourd’hui à leurs côtés afin que chaque nanti y possède une « toute petite » construction sur une très grande parcelle, à l’abri des regards des voisins et loin des habitants permanents de l’île.
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On nous a déjà dépossédés de Cavallu avec ses constructions les pieds dans l’eau sur l’ensemble de son pourtour. C’est aujourd’hui le tour de la côte est de Bonifacio. Ce sera demain l’ensemble du littoral de la Corse, en commençant par les espaces les plus beaux.
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En Corse, des maires complaisants, un état défaillant ou complice et sans doute une justice sous influence appliquent un schéma qui prévalait ailleurs il y trente ans. Alors qu’aujourd’hui, en Sardaigne ou en Espagne, un grand coup de frein est mis à la spoliation du patrimoine, à la spéculation, au béton (en Sardaigne la loi a étendu la bande inconstructible à 2km, en Espagne on s’apprête à démolir des kilomètres de constructions littorales), ici, nos décideurs vendent la terre aux plus offrants : Séguéla, Sulitzer, Delsol …. Doit-on les laisser faire ?
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Le Collectif pour l’application de la loi Littoral en Corse vous demande à tous de le soutenir par votre signature.

 

> Pour accéder au texte complet et signer la pétition, merci de vous rendre sur : http://cll-corse.org
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U Levante et Le collectif pour la « loi littoral » en Corse
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> Merci de faire suivre au plus grand nombre !
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