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28/11/2008

La Résistance de Martin Ambrosini et la transmission du chant religieux de Speloncato

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La Résistance de Martin AMBROSINI 

 Un passage transitoire de la transmission du chant à Speloncato:

de gauche à droite: Jacques PAPI, Eric PAPI, Augustin PARDON, Martin AMBROSINI.

 Mardi 25 au petit matin, vers 5h, Martin Ambrosini, enfant de Speloncato,  s'est éteint. Il avait 86 ans. Sur cette photo...  la première qui me soit remontée de mon bazard de photos..., prise il y a une douzaine d'années, Martin, à droite, chante la messe de Speloncato en compagnie de Jacques Papi, de son fils Eric Papi, de mon jeune (et alors lycéen) fils Augustin Pardon. Une répétition, entre autres, de la transmission du chant religieux de Speloncato. Jacques nous a quittés il y a plusieurs années déjà, nos deux plus jeunes ne sont plus actifs à Speloncato, Martin est parti hier matin.

Le chant reste, et la mémoire des belles figures qui l'ont revivifié. Le chant reste : mieux, il continue de revivre et de s’enrichir grâce à la Confrérie Sant’Antone Abbate, reconstituée en 2001 dans la foulée de cette réappropriation  initiée avec le fidèle, le juste, le droit, le colèreux, le généreux Martin.. Ce projet improbable à l'époque de vouloir réveiller dans sa communauté le chant traditionnel de Speloncato fut alors rendu possible par la conjonction de deux événements proches dans le temps :

 1°/ Tout d'abord l'enregistrement fait in extremis à Bastia, en 1986, par l'Abbé Gérard SQUARCIONI - alors curé de la paroisse- et Jean-Dominique POLI des deux frères COLOMBANI, le Chanoine et l'ancien chantre de Speloncato, tous deux décédés peu après, des chants, du moins du versu en seconde, de la messe des vivants et celle des morts. Voix de personnes âgées, déjà éloignées du bord de la vie villageoise, fil fragile de la mémoire de ce qui fut la fierté de Speloncato. A cet enregistrement, il faut ajouter celui, beaucoup plus ancien, fait par Felix Quilicci en 1949: lacunaire par le nombre des chants , mais ô combien dense quant à son contenu! Les chantres de l'époque y chantent en polyphonie, entre autres, un extraordinaire LIBERA ME DOMINE, qui saisit par sa vitalité et peut dérouter les tenants d'un Libera Me plus coutumier, plus sombrement pietoso... Impression de liberté tonique: à les entendre, je les vois arpenter au quotidien les chemins raides qui grimpent de la plaine au village...

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au bord du chemin dallé qui descend dans la plaine, la chapelle San Filippu

 - Martin, né à côté de l'église, me disait que sa jeunesse s'était passée dans cette étroite connivence de l'église et des champs: chaque jour, avant de descendre en plaine, il allait à l'église comme on embrasse sa mère au saut du lit, et le soir de même  au retour. Ce double enracinement ne l'a jamais empêché de s'engager très jeune pour les idées qu'il pensait justes: résistant pendant la guerre, solidaire en pensée, en parole et par action. Est-il besoin d'ajouter qu'il est resté jusqu'à la fin de ses jours fidèle à ses engagements : Martin, le résistant, le charitable pourfendeur  d'iniquités -

 

 

 2°/ La restauration, en 1991, par Antoine MASSONI, de l'orgue Crudeli de la Collégiale. A cette époque, Gérard Squarcioni m'avait demandé d'accepter la charge d'organiste à Speloncato. Ce que j'ai bien volontiers accepté tout en mettant une condition: que l'on mette en chantier avec tous les volontaires de l'époque, la renaissance du chant polyphonique de Speloncato. Il me semblait que cette  réappropriation d'un double et somptueux patrimoine, celui du chant et celui de l'orgue était riche de sens pour nous tous. Dans cette synergie des années 90, l'enthousiasme et l'engagement de personnalités aussi diverses a fait merveilles: la mémoire de Martin, mais aussi du jeune Pierre DOTTORI, et des femmes du village, Marie QUILICCI, Josette GIOVANSILY, nous ont permis d'avancer, d'enrichir ce qui n'avait pas été enregistré. Aux côtés de Martin, qui n'avait jamais été chantre,  notre cher Jacques PAPI, plus habitué dans sa jeunesse à pratiquer la sérénade que le chant de messe, mais qui trouvait là une belle occasion de chanter généreusement et avec quel naturel ! un "répertoire" différent, où la langue latine lui jouait parfois des tours étranges... L'air, ça allait, les paroles c'était moins évident: combien de fois au début, chez certains, ai-je entendu, dans le Gloria, à la place de "propter magnam gloriam tuam" un "Prosper (youp la boum!) magnam etc..." qui me laissait rêveuse. J'ai vite compris que chacun s'approprie les choses à sa façon, je ne fais du reste pas autrement. Le chant, fût-il sacré, est comme la vie: une auberge espagnole où chacun apporte un peu de sa tambouille personnelle.

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A leurs côtés aussi, Pierre Dottori, fou de chant et amoureux de son village, Eric Papi, le fils de Jacques, et puis aussi le tout jeune Julien Gray, un lycéen lorrain surdoué et engagé, et mon Augustin qui n'avaient tous deux encore guère de poils au menton. A leurs côtés aussi, et peut-être devrais-je dire, d'abord, "notre missionnaire" Santu MASSIANI, descendant fidèlement à toutes les répétitions de son Ghjunsani voisin, compagnon de la première heure, artisan du chant communautaire dès l'aube du renouveau à Pioggiola, à Olmi Cappella, renouant les fils embrouillés du monde ancien, les retissant inlassablement dans la trame effilochée de nos jours...

            Martin, dans sa restitution des chants, était parfois en divergence avec l'enregistrement des frères Colombani, ce qui faisait parfois débat houleux: les arcanes de la mémoire peuvent se révéler contradictoires et impérieux...

Mon cher Martin, où que tu sois, repose en paix. Tu as longuement servi "ton" église, comme sacristain et plus, car il y avait affinité profonde, : d'un amour jaloux et exigeant, avec ton caractère bouillonnant, "soupe au lait", sauvant comme tu le pouvais ce patrimoine menacé de disparition par l'évolution du temps, l'inconscience et l'incurie de quelques uns, l'acceptation fataliste par d'autres de la chronique annoncée de l'agonie lente de cet héritage effacé en quelques décennies. Même si une partie de ta vie active s'est faite, comme pour beaucoup de gens dans les villages, en dehors de ton village, propulsé à la fin de la guerre comme tant d'autres enfants de Speloncato à Lyon, tu  étais à jamais pétri de ta terre natale, enfant modeste de ce village, crapahutant dans la campagne avec les enfants de ta génération, vivant à la saison chaude dans ces paillers au sol de terre battue pour travailler sur place aux champs, aux bêtes...

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L'image imprimée au plus profond de toi était encore celle d'une communauté solidaire et respectueuse et c'est bien ce qui m'a touché chez toi, avec cette franchise et cette simplicité qui n'évitaient pas les coups de gueule mais faisaient de notre amitié, en dépit de nos différences d'âge, d'origine etc... un terrain solide pour travailler à retrouver ensemble du sens à une commune humanité.  Il était question là d'une fraternité naturelle et toute bête, plus que d'institution. Plus que dans la forme, tu étais dans l'esprit.

Je raconterai une autre fois cette aventure du chant renoué avec l'aide de tant de belles personnes. Juste un souvenir particulièrement précieux: était-ce en 1992 ? Je n'ai pas trop la mémoire des dates. Toujours est-il que nous avions décidé de célébrer "entre nous" , pour la première fois depuis tant d'années, le Vendredi  Saint et de rechanter tous ces chants qui accompagnaient traditionnellement la Passion à Speloncato. A cette époque, la confrérie n'était recréée, mais se faisait jour une intention puissante de renouer, à travers ce chant, avec la communauté, celle des anciens et celle d'aujourd'hui. Pas de prêtre. Tu chantais "Ti adoro, o Gesu Bono" et "Gesu Gesu, mio bene..." et, avec ceux qui l'avaient travaillé, "la Vita di Gesu" exhumée auprès de Marie et de Josette... et le "Stabbat Mater", et avec tous, le "Perdono" etc...  Ce soir là, l'église était pleine, malgré le froid, et l'on a alors, avec une imperfection évidente, et une émotion et une fierté encore plus tangibles contribué à ce petit miracle qui peut tirer les individus de devant leur petit écran et les aider à s'ancrer dans un monde où chacun se sent relié à l'autre dans une reconnaissance commune.. RESISTANCE.

 Enfin la Confrérie de Speloncato, dont tu rêvais depuis son abandon en 1970, est renée le 15 Août 2001, sous l'impulsion de Pierre Dottori et des jeunes et moins jeunes du village: tu en as été le premier Prieur, on te le devait bien, toi qui avais porté et réassemblé tant de petites et grosses pierres ramassées sur les sentiers de ta mémoire.

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 Tu as vu: mardi soir les confrères de Speloncato et ceux de Costa, Ghjunsani, Nessa t'ont rendu l'hommage fraternel de l'Office des Morts à la Casazza di Santa Catalina, l'église pour laquelle tu t'es tant battu, souffrant de la voir "retourner au siècle" (euphémisme), et aujourd'hui rendue à son usage de confrérie. Un Office que tu méritais de droit et que tu as dû écouter et regarder de là haut avec plaisir, tout en, je te connais, rouscaillant peut-être au passage sur tel ou tel détail, sacré Martin! Il n'empêche, ils ont fait des progrès, ces petits, tu ne trouve pas? Et tu l'as entendu, ce Libera me d'ici, comme ils le sortent aujourd'hui! Raphaël s'en est imprégné autant qu'il a pu... Nous a-t-il fait transpirer, ce chant: c'est que vous aviez tous en tête le Libera me "habituel", celui qu'on entend dans les enregistrements les plus courants de "la" tradition, comme si tous les villages devaient chanter le même versu et se conformer à une seule tradition! Enfin, tu vois, ça avance, même si ça n'est pas facile et même si tu ne reconnais peut-être pas tous ces chants: l'important est que ça continue au milieu des tiens, et non pas dans un laboratoire de musicologues... Et puis il faut du temps pour se repenser en commun...

Et mercredi après-midi, pour ton enterrement, l'église était si pleine de gens amicaux, le choeur bien habité de confrères, les chants de la messe des morts de Speloncato étaient bien beaux, tranquilles comme il faut, un vrai bercement comme je l'aime: je suis sûre que tu en as été heureux comme tu nous a rendus heureux de le faire pour toi ... Pour les tiens, qui sont dans la peine, une reconnaissance et un réconfort apaisants. Pour ta communauté, un acte qui resserre les liens et un signe que le chant, forgé au fil des jours au sein du village, peut devenir un outil de la cohésion sociale.

 

Speloncato, transmission chant 2.jpg Merci Martin. Pour moi, tu m’as donné à Speloncato une famille de cœur. Tu fais partie de ces gens qui nous enracinent à la Corse plus sûrement que tous les discours, fussent-ils généreux. Notre affection accompagne Vitto, ton épouse si forte, et tes enfants, Maryse et Joël, et tes petits enfants, Arnaud et Olivier, Jérôme et Julien dont je sais le chagrin énorme - Julien qui t’a accompagné d'un amour fusionnel et a tant reçu de toi, juste parmi les justes, passeur d’âme parmi les passeurs. Te voilà aujourd'hui libéré de ton corps meurtri et diminué des derniers mois et tu viens de rejoindre mon petit Panthéon lumineux des gens aimés et bienveillants qui veillent sur nous au quotidien.

 

Gilbert, le Prieur actuel de la Confrérie de Speloncato, a évoqué ta disparition, lors de l'Office chanté en ton honneur, en parlant de toi comme d'un arbre qui a cessé de respirer: mon cher Gilbert, permets-moi de penser au contraire que Martin plonge aujourd'hui ses racines dans la lumière hors du temps.

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18/11/2008

Volterra , les Etrusques et la "Compagnia della Misericordia"

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à VOLTERRA
Lundi dernier nous étions là,  sur cette petite route qui descend sous VOLTERRA (Toscane) et nous conduit à travers les oliviers jusqu'à l'entreprise où Pierre va chercher son albâtre. Lumière de fin d'après-midi éclairant les "Balze", l'église St Clemente et St Giusto, faisant vibrer les feuilles des oliviers de Toscane en pleine récolte...
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Une autre culture de l'olivier que chez nous en Corse: pas de tronc puissant, pas d'arbres plusieurs fois centenaires, mais des versants couverts de ces jeunes arbres graciles, fervents et chargés d'olives. Une vieille dame en tablier, grimpée sur une échelle, peigne soigeusement avec son rateau les branches d'abondance, son chien aboie sur notre passage, des voix tranquilles s'interpellent quelque part les arbres, dehors; il fait frais, on annonce de la pluie pour demain, avançons la cueillette. 
Au ras de la route, les sépultures  éventrées: c'est une "zone archéologique" étrusque, on vit avec.
Un peu au-dessus, au milieu des champs d'oliviers quelques hypogées aménagés pour la visite.Volterra hypogée 2 escalier.jpg
 Emotion d'enfance, descendre, retrouver le ventre maternel.
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Ici, les parois sont couvertes d'une mousse épaisse et douce, accueillante.
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Autour d'un pilier central massif, la banquette. Pour banqueter. Une forme de solidarité des vivants et des morts. Paix à vos mannes.
Il est temps de retourner à la surface.
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Dehors, le crépuscule s'installe, nous avons un autre rendez-vous à Volterra. Au Dôme.
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Dans la pénombre de sa chapelle, la Déposition (XIII°s). Silence.
Le Christ ne tient plus à la Croix, à la terre, que par un clou qu'on va enlever. Son corps aérien semble en état d'appesanteur, il s'élève déjà, retenu à peine, de part et d'autre,  par Marie et Jean, et par Joseph qui l'empoigne à grand peine. Tout est consommé, il faut juste faire les gestes nécessaires, les gestes terrestres de la tendresse et de la solidarité des vivants. Pas de pathos superflu, aucune lourdeur, le sens et la lumière, même ténue comme ce soir, circulent ici comme entre les branches des oliviers dans la campagne volterrane. 
Il est cinq heures, le sacristain nous invite doucement mais fermement à sortir, c'est l'heure de fermeture.
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Juste accolée à la cathédrale et toujours ouverte, la chapelle de la Compagnia della Misericordia di Volterra explique son histoire et son fonctionnement: toujours active, cette antique confrérie de Volterra (créée à la fin du XIII°s) a pour vocation l'aide aux malades et la sépulture des défunts. Un panneau et quelques objets significatifs évoquent son activité passée et présente dans la communauté de Volterra... Le confrère sur la photo - un laïc comme il se doit- porte cagoule (pour qu'on ne puisse le reconnaître dans son acte charitable), cordelière et rosaire. 
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Parmi d'autres, une sorte de catalettu pour transporter les malades. Aujourd'hui les membres de cette Confrérie de la Miséricorde sont toujours les ambulanciers de la ville. Pour ceux que le monde des confréries intéresse, je vous invite à regarder le site de cette Compagnia della Misericordia di Volterra, en tapant:
"Sette secoli di solidarietà - Misericordia Volterra". Vous y trouverez l'histoire de cette confrérie de charité.
Dans la chapelle, restaurée et bien entrenue, sur sa tribune trône un petit orgue:
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En vérité, je ne sais rien de lui, sinon qu'il est bien là...
Peint sur sa tribune, un blason signe sa fonction:
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Décidément, les morts et les vivants partagent volontiers la musique...
A bientôt, notre chère Volterra!
 

26/10/2008

ô-rage-ô désespoir!

... l'orage de vendredi a eu raison en un éclair de mon installation informatique... grillée, fondue, repartie dans l'incréé où se traînent les fantômes de ce qui fut et n'est définitivement plus... Mort le travail, cuit l'ordinateur... En attendant une petite annonce!

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Jeudi 30, une journée de " LA MONTAGNE DES ORGUES" en CASTAGNICCIA...
Si le coeur vous en dit, téléphonez au 04 95 61 34 85

 

15/10/2008

Castirla

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Des nouvelles des problèmes de la chapelle San Michele de Castirla:
Nous avions, fin août, remué la difficile problématique de la restauration de la chapelle de Castirla, classée, dont la charpente est attaquée depuis des années par la mérule, suite à un glissement des teghje qui la recouvrent. Le Maire du village avait tout organisé pour que nous fassions une journée de sensibilisation auprès des habitants du village, des autorités de la Collectivité Territoriale de Corse et des medias, le dimanche précédant les Journées du Patrimoine.
 
[ Jusque là la situation était bloquée dans une impasse: l'architecte en chef avait décrété qu'avant de restaurer la chapelle il fallait faire des fouilles, l'archéologue pressentie pour ce travail avait de son côté déclaré, ce qu'on peut comprendre, qu'elle ne voulait pas fouiller sous un toit menaçant ruine, et la décision de l'époque, impossible à gérer pour la petite commune de Castirla, était que Castirla "s'occupe"  de déposer la couverture actuelle et construise un toit  provisoire, le tout à ses frais. En attendant un hypothétique financement de l'opération la mérule continuait de se propager et de commettre ses dégats irréversibles... A ma dernière visite, la charpente commençait à lâcher. ]
 Pour plus de détails sur la chapelle de Castirla, voir la note dans les Archives du 18/08/08
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La bonne nouvelle est qu'après de nombreux échanges entre le maire de Castirla et la C.T.C., la situation semble se débloquer: la C.T.C. s'est engagée à reconstruire le toît définitif cette année (à suivre!) avant de faire les fouilles, ce qui me parait une saine logique plutôt que de dépenser inutilement des fonds (de plus en plus difficiles à trouver) pour faire du provisoire.  Si tout va bien, la restauration de la chapelle devrait démarrer, après les fouilles, fin 2009.
Espérons que la gestion de la situation de crise financière actuelle ne sonne pas définitivement le glas des restaurations, quelles qu'elles soient:  fresques, stucs, décors muraux si riches en Corse, et... orgues. Il est à craindre que les lieux - comme les gens -  les plus modestes fassent les frais de l'évolution actuelle. 
... à suivre...

12/10/2008

Carrare

Visite éclair dans notre chère ville de Carrare: Pierre y va chercher son marbre et faire couler ses bronzes...

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Arrivés en fin d'après-midi. Le temps de poser la valise, puis vagabondage dans la ville du marbre...
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Jour de marché, sur la grande place de Carrare. Il fait encore bon faire ses emplettes...
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... bijoux, cristaux de roche parfumés pour favoriser la quiétude, l'euphorie, l'énergie sexuelle, combattre l'arthrose, l'apathie, l'insomnie, la déprime...
les gens repartent avec des petits sachets gras fleurant le santal, la menthe poivrée, le ginseng, le musc, la fleur d'oranger etc... peut-être que ça marche!
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Pierre devant la façade bien nettoyée du Dôme de Carrare...
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Au crépuscule toujours, Neptune, le Dôme, au fond, la montagne saignée à blanc: plainte minérale, menace et beauté au coin de la rue.
Que vous le sachiez: ce sont moins les sculpteurs qui assassinent la montagne, que les exploitants qui en tirent tous ces beaux revêtements de marbre de vos immeubles luxueux! Les gens d'ici sont inquiets de leur avenir. Il faut dire qu'on est brutalement passé - en quelques décennies- à un mode intensif d'exploitation des carrières: aujourd'hui l'outillage, comme l'armement,  va vite, chronique d'une mort annoncée. Je ne sais pas si les artistes de la Renaissance auraient été plus sages et plus économes de leur montagne blanche avec le matériel supersophistiqué de notre siècle... Là-haut, le métier est toujours aussi dangereux, la noria des camions surchargés  sur ces pentes aveuglantes en lacets me donne le vertige... La montagne, qui a sûrement une âme, doit se venger...
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En attendant, nous sommes allés dîner dans un petit restaurant qui cuisine les fruits de la mer: un repas léger, arrosé d'un petit vin blanc sec ravigotant. 
Derrière nous, une grosse dame volubile a engagé la conversation avec son voisin de table qui dîne en face de sa femme, une personne fort silencieuse et intensément occupée à manger ses langoustines. La dame bavarde, boit à petites gorgées son Coca tout en se pourléchant les doigts - elle aussi gère une assiette de coquillages, puis de moules , puis de langoustines, puis de poulpes avec des petites sauces divines - refait le monde, dans la plainte,  avec le monsieur d'à côté, très aimable et chaleureux qui abonde dans son sens, renchérit, s'exclame avec enthousiasme, compatit douloureusement un instant et repart à l'assaut de ses pinces. Autant dire qu'après avoir louché sur leurs assiettes nous faisons de même.
La grosse dame, au terme d'un monumental dessert se lève enfin et salue tout le monde: nous nous disons que le dîner en tête à tête du monsieur jovial et de sa femme muette va enfin pouvoir prendre un cours normal. Mais non: l'épouse reste enclose dans son mutisme blafard et l'époux nous adresse bien volontiers la parole pour excuser la grosse dame en pleine dépression, qui a perdu son pauvre mari , qui habite le quartier, qui vient manger ici souvent pour pouvoir parler, la pauvre, il faut comprendre,  même si c'est pour évoquer les crottes de chien sur les trottoirs et le chômage qui pointe, la solitude, à cet âge (sous-entendu la malheureuse a cessé d'être fraîche depuis un moment) c'est pas bon etc... Mais vous, d'où venez- vous ? Et c'était reparti. La Corse il connaissait, avait appris le français à l'école et nous avons fini le repas avec un échange fructueux de vocabulaire franco-italien et le verre (vino santo) de l'amitié. Sa femme achevait elle aussi son dessert avec une application silencieuse qui n'augurait aucun codicille enflammé au domicile conjugal: elle avait manifestement épuisé ce soir toutes ses ressources de plaisir... En partant poignée de main enthousiaste du mari, ectoplasmique de sa femme... A la prochaine rencontre!
 Dehors, il fait encore bien doux et les Carrarais ne sont pas pressés d'aller se coucher, d'autant qu'il y a une exposition de sculptures contemporaines dans les rues principales de la ville: les rêves des jeunes artistes libérés ou non naccrochés aux murs,déversés sur les places, néo réalistes, néo sentimentalistes, néo surréalistes, pas facile de se trouver et le marbre, il ne faut pas le louper...
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Au lever du soleil, la même rue s'éveille sous la montagne ouverte: celui qui n'a pas de poussière de marbre à ses semelles ne peut pas comprendre Carrare...
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Le marbre est partout, vigoureux.
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Comme ici, ce très beau monument à Pietro Tacca.
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une éponge, semble-t-il.
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et vigoureux aussi ce loup monstrueux sur le dôme...
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Mais avant de quitter Carrare, il nous fallait rendre visite à nos chères Cassarelle:
 dans la pénombre du Dôme, un prêtre médite son bréviaire sous une lampe trop forte dans le silence habité de cette Annonciation du XIV° siècle. Entre l'Ange Gabriel et la Vierge Marie, le vide infiltré de divin où se dit l'essentiel. Une Annonce sans appel, l'écriture déroulée,la Création en marche... Dans l'ombre, l'espace entre Gabriel et Marie est tissé de parole intérieure.
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entre eux, L'ombre muette de Dieu sur terre, présence ou absence, selon... A Gabriel l'assurance et la certitude.
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A Marie, l'incertitude, le doute, et l'acceptation
Moi?
La montagne de Carrare a donné naissance à l'un des plus beaux silences que je connaisse.
A bientôt