12/11/2012
la prochaine exposition du Musée de la Corse, à Corte.
Une programmation du Musée de la Corse qui nous intéresse tout particulièrement pour l'année à venir:
" La Corse et la musique. Entre tradition et modernité "
( décor du petit orgue Saladini de la maison Giuliani: cetera et clavier)
Extrait de la présentation à retrouver sur le site du Musée:
http://www.musee-corse.com/index.php/fre/Nos-expositions/Les-expositions-en-preparation/La-Corse-et-la-musique.-Entre-tradition-et-modernite
" L'exposition ouvrira ses portes en juin 2013 ...
Le sujet choisi, permet d’aborder le phénomène de la musique, perçu comme une entité identitaire que le peuple corse ressent, transmet et a su alimenter depuis des siècles.
La période historiquement abordée de cette exposition, se déroule du dernier quart du XIXème siècle jusqu’à nos jours et embrasse toutes les formes d’expression musicale répertoriables, allant de l’opéra à la chanson corse, de la danse aux musiques instrumentales, des chants polyphoniques emprunts du sacré et du profane, tout en tenant compte des précieux rouages nécessaires à leurs transmissions.
Une sémantique poétique entre une spécificité d’expression artistique et verbale est liée à la langue corse et à la musique. Cette fusion est impliquée dans la vie de tous les jours ainsi qu’aux différents lieux de son territoire et cela au rythme des saisons. Elle en est un symbole permanent.
Cette symbiose unique implique une étude descriptive des moyens mis en œuvre par la communication, la diffusion et l’apprentissage de la pratique et de la création musicale.
Ce pouvoir musical alimente un mouvement ininterrompu, intensifié de toutes ses particularités en exprimant sa propre ontologie par une force de cohérence et de cohésion exceptionnelles.
L’éternelle jeunesse de la musique corse tient en elle son passé, son présent et son avenir. De sa tradition populaire, de son oralité depuis toujours, de sa musique écrite et celle dite savante depuis le XXème siècle, sont enrichies années après années, des particularités de sa typologie originelle.
La musique corse permet de définir les éléments immanents d’une richesse humaine et sociale au-delà du temps.
Commissaire général d'exposition :
Joseph-François KREMER-MARIETTI, Directeur de la culture et du patrimoine de la Collectivité territoriale de Corse.
Commissaire d'exposition :
Philippe SALORT, ethnomusicologue, chargé du secteur de musicologie générale au musée de la Corse.
Commissaire associé d'exposition :
Bernard PAZZONI, ethnomusicologue, responsable de la Phonothèque du musée de la Corse."
Vaste et riche programme ! Ne doutons pas que que toutes les pratiques musicales seront abordées, qu'elles soient populaires ou plus bourgeoises, qu'elles soient collectives ou individuelles, pratiques qui reflètent fidèlement le tissu humain de chaque village ou des villes.
Nul doute que les musiques traditionnelles seront à l'honneur, après l'oeuvre pionnière de Felix Quilici sillonnant la Corse au lendemain de la guerre, riche de ces kilomètres d'enregistrement (dont a hérité le Musée de la Corse) qui mettaient en lumière l'incroyable diversité de la musique et des musiciens sur l'île, mais aussi sa cohésion profonde.
Il est également vrai que la musique se jouait aussi dans les demeures des notables, une musique écrite, celle-là, et au goût du jour: il m'est arrivé de rencontrer dans les maisons des Sgiò (notables villageois) un piano ancien, voire un piano-forte, près duquel dormait encore toute une littérature jouée autrefois par les jeunes filles "de bonne famille" : entre deux chansons mélancoliques, toutes ces réductions d'opéras à la mode dont on était friand à l'époque.
Ces mêmes opéras qui pouvaient également alimenter l'inspiration de l'organiste* en quête d'une bonne ouverture solennelle pour la messe, parfois vigoureusement ponctuée par la " Banda Militari" ,
(la Banda Militari de l'orgue de Muro)
quitte à jouer par la suite une petite valse sentimentale à l'offertoire ou quelque polka guillerette pour le retour de la communion ... Il suffit de lire certaines méthodes d'harmonium et d'orgue de la seconde moitié du XIX° siècle ( comme celle d'Alexandre Bruneau qu'avait eu entre les mains au petit séminaire l'ancien curé de Belgodère) pour comprendre combien les frontières entre profane et sacré sont perméables. Dans le nord de la Corse en particulier, l'esthétique orchestrale, influencée par l'opéra, s'épanouit en cette fin du XIX° siècle avec les orgues de la firme Agati-Tronci (de Pistoia) et offre aux villageois les plus modestes comme aux notables le partage des joies d'une musique plutôt populaire, variée dans ses sonorités et ses émotions ...
Ajoutons que nos organistes de village, bons musiciens d'oreille et rendant service à l'église, abordaient à la messe le clavier de l'orgue avec autant de spontanéité que, pour leurs sérénades ou leurs contre-danses, les boutons de leur accordéon diatonique ou que le manche de leur violon. Le répertoire favori de l'ancien organiste d'Aregno pour ses sorties de messe, (et qui a laissé des souvenirs émus chez les anciens du village) était : " Etoile des neiges" , de quoi affronter sereinement le restant de la semaine !
( Nous évoquons un temps où les distractions n'étaient pas, comme aujourd'hui, pléthoriques)
Bref, j'espère que les orgues de Corse, qu'ils soient joués par des organistes confirmés ou "de routine", trouveront aussi la place qu'ils méritent dans cette exposition, d'autant plus qu'ils ont baigné à cette époque, comme les chants, le quotidien de la communauté ou du moins participé chaque dimanche à la fête liturgique.
Je rappelle aussi à ce sujet que les orgues, sortant de l'espace liturgique, ont parfois trouvé place dans les salons de musique des Sgio du XIX° siècle, comme le petit orgue d'Anton Giuseppe Saladini ( début XIX° s.) construit pour la maison Giuliani, à Muro, et acquis par le Musée de la Corse ou comme celui que le facteur d'orgue Gaspard Domini construisit en 1876 à Feliceto dans sa maison familiale pour enseigner la musique à ses nombreux enfants:
À ce propos, vous pouvez visiter la note concernant notre cher Gaspard Domini, auteur de cinq orgues en Corse entre 1867 et 1902 :
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2008/08/06/gaspard-domini1.html
Ajoutons enfin que la facture d'orgue insulaire a engendré l'éclosion de cet art monumental des tribunes qui faisait encore la fierté des villageois des décennies après la mort de leur créateur. Citons, (extrait du livre de Sébastien Rubellin: L'Orgue Corse de 1557 à 1963, éditions Piazzola, page 161) cet article du Bastia-Journal daté du 9 Janvier 1905, sous le titre
"Les vieilles orgues de la Collégiale Insigne de Speloncato"
"Parmi les monuments remarquables, et ils sont nombreux, de cette église, nous signalerons à ses visiteurs, amateurs de sculpture, peinture, musique, la tribune ou l'orchestre, d'où émerge le buffet contenant l'orgue.
Que l'on se figure une admirable coquille marine ailée, semblant s'élancer dans l'espace, aux sons entraînants, sublimes, d'une musique religieuse.
Ce monument est l'oeuvre, non, le chef-d'oeuvre d'un enfant de Speloncato, Anton, Giuseppe, Domenico, Saladini, célèbre ébéniste, sculpteur du premier Empire dont les meilleurs meubles datent de 1806 à 1840.
Aux descendants de cet homme de génie, qui habitent Speloncato, Bastia, et le Cap Corse, nous souhaitons de s'illustrer en ébénisterie comme leur ancêtre [...]"
( la cetera de Salvatore Saladini )
Enfin, entre autres ouvrages sur le sujet, signalons à nouveau ce beau livre posthume d'Antoine Massoni paru en 2006 (après sa disparition en 2003) chez Piazzola et consacré aux musiques de Corse:
qui succède à des années d'étude menées par "E voce di u cumune", concrétisées par des publications comme: " Etat des recherches sur les instruments traditionnels en Corse ( Accademia d'Ivagabondi, 1981), ou " Contributions aux recherches sur le chant corse" (Centre d'ethnologie française, Musée national des arts et traditions populaires, Associu e voce di u cumune, 1992).
Voir également l'ouvrage de Dominique Salini ( professeur à l'Università di Corsica): Musiques traditionnelles de Corse (publié en 1996 : A Messagera/ Squadra di u Finusellu).
* Comme en témoignage le livre d'orgue manuscrit des Stacchino, père et fils organistes à Bonifacio à la fin du XIX° siècle et au XX° siècle: je garde un très beau souvenir de notre rencontre avec J.B. Stacchino, alors très âgé, en compagnie du tout jeune Bernardu Pazzoni dans les années 1980.
Voir la note:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2010/11/05/cimetiere-bonifaziu-avec-jean-tardieu.html
00:20 Publié dans corse, livres sur la corse, musique traditionnelle corse, orgues historiques de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : museu di a corsica, la corse et la musique, antoine massoni | Facebook |
27/10/2012
Agriate: la ferme d'Ifana
Dans l'Agriate en cet automne 2012
une (chaude!) balade
à la rencontre de la ferme génoise d'Ifana
avec les fidèles amies Colette, Chantal et Hélène ...
Tout d'abord, je signale ce petit ouvrage précieux et charmant , écrit par un amoureux des Agriate, Jean-Michel CASTA et accompagné de bien jolies illustrations de Fabien SEIGNOBOS - publié par le Conservatoire du Littoral, Actes Dud/ Dexia Editions. Le Conservatoire du littoral a acquis depuis 1979 5.514 hectares, dont 35 Kilomètres de côtes qui sont désormais protégées et surveillées.
Je vous renvoie, pour la présentation de l'Agriate, improprement nommé " Désert des Agriates", à quelques sites . Le premier, daté de 2007, établit le diagnostic de cette région et c'est certainement l'approche la plus pertinente pour quiconque souhaîte découvrir et comprendre en profondeur cette magnifique région et la politique difficile de sauvegarde d'un patrimoine exemplaire :
www.agriate.org/documents/diagnostic_agriate0307.pdf -
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/06/19/monte-revincu-et-chiesa-nera-14-juin-avec-colette-chantal-et.html
Ce jour-là, nous avions décidé d'aller visiter ou revisiter la ferme d'Ifana, en partant du Domaine de l'Ostriconi sur la N 1197 ...
En ce mois d'octobre, les pluies ont eu le temps de réveiller la nature de sa torpeur estivale. Journée chaude, en dépit de ce milieu d'automne : le ciel un peu voilé fait chanter les verts dans ce vaste paysage de collines et de montagnes.
En chemin, cette occupation forte:
un oriu,
habitation troglodyte aménagée dans un abri sous roche,
utilisée par les anciens agriculteurs venus de Balagne ou du Cap Corse de la fin du printemps jusqu'à l'automne (après labours et semailles), puis par les bergers en transhumance d'hiver. Elle nous raconte la vie ancienne dans l'Agriate, une vie rude sur des sols souvent pierreux et revêches , un peuplement nomade, riche d'activités qu'il nous faut à présent imaginer: s'il reste encore quelques bergers, les nombreux petits cultivateurs d'autrefois ont disparu. Les incendies cataclysmiques ont détruit une partie de cette région autrefois si cultivée qu'elle avait reçu ce nom d'Agriate (ager, le terrain cultivé ou cultivable): à partir du moment où la nécessité vitale ne maintient plus les hommes sur leur territoire, la désertification commence et les jours de grand vent, les feux peuvent déferler à leur aise ... Ce qui fut le cas du dernier grand incendie de 1992, massacrant faune et végétation . Depuis la vie a repris, mais les arbres cultivés ne se sont pas renés de leurs cendres,
laissant désormais la place aux oliastres, au maquis,
aux chasseurs et aux randonneurs ...
festin de couleurs : les arbousiers fleurissent et fructifient
deux pagliaghji ( pailliers) au bord de la piste, avec le toît arrondi, caractéristique de la région.
après deux petites heures de marche à travers la solitude du maquis, des cystes, des arbousiers, des oliastres, d'une végétation opiniâtre et généreuse resurgie au lendemain du feu, saine, sobre, libre, cavalcadant sur la pierraille, ô combien odorante ...
et soudain, au loin,
la voilà, imposante, orgueilleusement dressée en son vallon, sur son territoire organisé, maîtrisé, scandé de murs, d'enclos, de jardins, planté d'oliviers, de fruitiers ...
la ferme génoise d'Ifana et ses dépendances,
Construite au XVII° siècle pour répondre à la politique génoise de développement de l'agriculture, la ferme d'Ifana sera tout d'abord gérée par la famille aristocratique génoise des Spinola: " Ceux-ci s'engageaient à développer la culture du blé, de la vigne et de l'olivier, ainsi qu'à bâtir ou à consolider les tours littorales" ((J.M. Casta, " Les Agriate", opus cité plus haut). L'histoire du domaine d'Ifana suit l'histoire de la Corse: après 1769, confisqué sous l'Ancien Régime, balloté entre bien national ( sous la Révolution) et propriété privée, il finit, et cela est heureux, par être acquis par le Conservatoire du littoral,
qui a déjà mis la toîture des deux principaux bâtiments hors d'eau, la grande maison de maître et la bergerie.
la somptueuse bergerie, surmontée d'un étage où logeait le berger,
longue de ses 25 m, avec ses arcades et sa voûte basse dit assez l'opulence du domaine.
Devant la façade de la grande demeure, un vieil orme, miraculé des feux,
distille sa lumière à travers un feuillage encore bien vivace,
résiste et veille sur le vallon : oliviers eux aussi rescapés des flammes... murs, douceur d'un paysage travaillé au long des siècles.
près de la maison,
le four à pain, prêt à reprendre du service.
Au rez-de-chaussée de la maison, les pièces réservées à l'exploitation:
comme ce palmentu (pressoir),
portant sur son reste de crépi d'énigmatiques incisions ... Un compte ? oui, peut-être, mais de quoi?
puis à l'étage , l'abandon des anciennes et nobles pièces d'habitation...
avec cette cheminée aménagée de la cuisine
et sur une cloison, ces extraordinaires graffiti historiques :
" Souvenir inoubliable de joie 8 mai 1945",
accompagné de croix de Lorraine,
et de drapeaux tricolores : témoins de l'histoire contemporaine, échos émouvants et inattendus de la Seconde Guerre mondiale en Corse * ...
Nous en sommes réduits à imaginer les auteurs de ces inscriptions: des résistants, ou de simples habitants de la vallée libérés des contraintes de cette époque troublée?
Tout autour, scandés de murs de perres sèches, de beaux champs et leurs oliviers préservés, où s'entend encore le travail de ces générations d'hommes et de femmes pour qui sait écouter ce que murmurent les pierres et les arbres
et un peu plus haut, bien ventée, l'aghja:
par ses dimensions, cette très grande aire de battage signe elle aussi la richesse du domaine d'Ifana.
à côté, ce pommier sauvage
Il est temps de laisser - à regret - derrière nous cet ensemble encore façonné par tant de témoignages du labeur humain et de la volonté politique d'une mise en valeur programmée de la Corse par ses divers "gestionnaires". Gageons que le Conservatoire du littoral saura trouver les subsides nécessaires à la restauration et la sauvegarde de ce patrimoine si particulier et charhé d'histoire, et qu'il saura dégager une politique efficace pour le transmettre et le gérer au mieux des intérêts de la collectivité.
* A lire au sujet de cette période tourmentée de la Seconde Guerre en Corse l'excellent livre d'Hélène CHAUVIN: " La Corse à l'épreuve de la guerre, 1939-1943" , dans la collection Chroniques, Vendémiaire Editions.
18:11 Publié dans balades en Corse, corse, découverte du patrimoine en Corse, livres sur la corse | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : agriate, ostriconi, ferme génoise d'ifana, oriu, seconde guerre mondiale en corse | Facebook |
21/10/2012
petite offrande de la paix du jardin
Menue actualité de la paix au jardin,
en cette fin d'après-midi tranquille
reverdie après les pluies dernières
paix lumineuse pleine de grâce
comme prière d'angelus
cyclamens, pâquerettes, herbelettes bien tendres de l'automne:
bonne nouvelle avant la fin des temps
et en son territoire, non pas dévoré, mais camouflé
le petit dieu du jardin
accueille en souriant le lierre du temps
06:42 Publié dans corse, nature | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
15/10/2012
Castirla: Cappella San Michele, Pieve de Talcini
Visite ce jeudi 11 Octobre 2012
de la chapelle San Michele de Castirla
Pieve de Talcini
après sa récente restauration et son inauguration,
le 29 septembre dernier, jour de la Saint Michel
Voici ce que disait Mgr MASCARDI de cette petite chapelle après sa visite en 1589 (fol 244) _ cité par Geneviève Moracchini Mazel, p. 329 de son ouvrage (hélas épuisé) sur les églises romanes de Corse:
" ... Eglise paroissiale San Michele, annexe de Sant'Andrea d'Omessa ... elle se trouveà un tiers de mille des habitations ... son toit laisse passer la pluie ... il y a deux portes ... les murs sont pleins de trous et comportent une fenêtre en mauvais état ... il y a une cloche pendue à un arbre ... l'autel est placé sous une abside peinte ... il y a 21 feux et 80 âmes".
J'avais mis une "Brève du Purgatoire" (sic!) en Août 2008 pour signaler l'état inquiétant de cette petite chapelle en son cimetière ( une première fois sauvée de la ruine en 1963, première restauration des fresques en 1964, puis toiture refaite en 1984 ...)
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2008/08/16/breve-du-purgatoire-castirla-aout-2008.html
Entre temps les volontés conjuguées de la Municipalité de Castirla et de la Collectivité Territoriale de Corse (engagée dans son ambitieux programme de restauration de l'ensemble des chapelles à fresques de Corse - voir la note: http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/02/17/ou-en-sont-les-projets-de-restauration-des-chapelles-a-fresq.html ) ont permis de restituer l'intégrité et tout le charme de cette modeste chapelle. La charpente (qui s'était effondrée sous l'action des intempéries et de la mérule) a été à nouveau refaite, elle a reçu une nouvelle couverture de teghje, l'extérieur et l'intérieur nous accueillent aujourd'hui à nouveau avec grâce et simplicité.
Ce que l'on découvre en entrant, vers l'abside, côté est
et vers la porte ouest
Les fresques restaurées ( fin XV° siècle):
(par l'atelier Paillard Boyer de Montpellier)
l'ensemble des fresques:
Dans l'abside en cul de four, au registre inférieur, le niveau des hommes, la série des douze apôtres dont on peut encore lire certains noms; au-dessus, pieds nus en dedans le personnage central du Christ en majesté, entouré du Tétramorphe (les quatre Evangélistes), Dans l'arc triomphal, la traditionnelle représentation de l'Annonciation; sous l'Ange Gabriel, Marie tient l'Enfant Jésus sur ses genoux; sous la Vierge de l'Annonciation, Saint Michel, le saint patron de la chapelle.
au centre, le "Christ Pantocrator" : le Christ en majesté
bénissant de sa main droite, pouce, index et majeur levés - le geste de la bénédiction "latine". Dans cette représentation du Christ en majesté, telle qu'on le retrouve habituellement peint au centre des absides de nos chapelles à fresques en Corse, ce geste de bénédiction semble délivrer en outre le message trinitaire : une même bénédiction donnée par le Père, le Fils et l'Esprit Saint.
dans sa main gauche, le Livre divin ouvert:
" EGO SUM LUX MUNDI ET VIA VERITAS ET VITA"
" Jésus leur parla de nouveau, et dit : Je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie."
(Jean, 8, 12)
Le Christ est entouré du Tétramorphe, la personnification zoomorphe, ailée, symbolique des quatre Evangélistes . Un peu de révision, en passant par les traditions ésotériques, de ces quatre éléments qui apparaissent dans l'Apocalypse de Saint Jean, hérités des civilisations égyptiennes et mésopotamienne, et de la vision d'Ezechiel dans la Bible :
L'Ange (ou l'Homme ailé), Saint Matthieu:
l'Ange de la Naissance, l'intuition de la vérité
Saint Luc: Le Taureau (ou le Boeuf)
le sacrifice et la Mort, la terre, la résistance
Le Lion, Saint Marc:
la Résurrection, le feu, la force, le mouvement
L'Aigle, Saint Jean:
l'Ascension, l'air, l'intelligence, l'action
Au registre inférieur, sous le Christ, et derrière l'autel, alternant sur fond ocre rouge ou blanc, les douze apôtres, représentés en pied et curieusement proportionnés, racourcis, espace oblige. Leurs visages, de trois quart, semblent suspendus à leur vision intérieure, et leurs mains prêchent et dialoguent:
certains portent leur nom au-dessus de leur tête, comme ici Saint Philippe et Saint Matthieu
Saint André et Saint Taddée,
Saint Jacques le Mineur
Saint Jacques le Majeur et un autre apôtre
Saint Pierre et ses clefs sous le pied nu du Christ
un autre apôtre, enseignant
et encore celui-ci: le juvénile Saint Jean, il me semble, l'apôtre bien aimé sous l'autre pied du Christ ...
Saint Barthélémy, impressionnant écorché, armé du couteau de son supplice,
et portant sur son épaule son double: sa peau ...
Les prunelles se sont parfois effacées, sans doute initialement peintes "a secco" , comme ici:
(avec Josquin Desprez: Gaude Virgo, Mater Christi)
http://youtu.be/NGwZnvfqRCY
- les couleurs sont très altérées -
sur de pied-droit à gauche de l'arc triomphal, la Vierge présente l'Enfant à l'adoration des fidèles: à la fois Mater Christi (Mère du Christ) et Mater Ecclesiae (Mère de l'Eglise).
(avec Jacky Micaelli, Tota pulchra es Maria, d'après un manuscrit franciscain du XVIII° s.de Corse, revu par Marcel Perez)
http://youtu.be/jJhLAND4gc0
et de l'autre côté, armé et cuirassé, Saint Michel pèse les âmes et maîtrise de sa lance le Diable
... qui ronronne comme un gentil dragon apprivoisé, fouettant l'air de sa queue: méfiance! je crois qu'il tente d'attraper la petite âme vacillante qui glisse par-dessus bord du plateau de la balance ...
silence!
Certes le peintre de Castirla n'est sans doute pas un fresquiste virtuose, mais il sait donner toute leur intériorité à ses visages et transmettre avec sincérité les messages essentiels, sans gloses superflues ...
Une petite chapelle paisible
où il fait bon revenir
et se retrouver.
Elle est située le long d'un chemin de transhumance autrefois très fréquenté, reliant la vallée du Golo à la région du Niolo, en passant par la saignée minérale de la Scala di Santa Regina...
Renseignements à la mairie de Castirla : 04 95 47 41 40
22:33 Publié dans découverte du patrimoine en Corse, fresques de corse, iconographie des saints, restauration du patrimoine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : castirla, fresques de san michele de castirla, tétramorphe, christ pantocrator, mater ecclesiae, tota pulchra es maria, jacky micaelli | Facebook |
09/10/2012
Hildegarde de Bingen, hors du temps
Hildegarde de Bingen
1098- 1179
Le Pape Benoît XVI vient de nommer le 7 Octobre
cette grande figure rhénane du XII° siècle
Docteure de l'Eglise,
en bonne compagnie, la quatrième après Catherine de Sienne,
Thérèse d'Avila et Thérèse de Lisieux .
" O vis aeternitatis"
(désolée pour la pub!)
Femme visionnaire, poétesse et musicienne inspirée de la langue des anges ( texte et musique des Louanges,par exemple ), moniale contemplative et active prophétesse, inspirée et grande redresseuse des esprits tordus ("rege quod est devium") fût-ce celui de l'Empereur Barberousse,
conseillère des puissants, thérapeute attentive à l'observation du végétal et du minéral, écologiste d'avant-garde, Hildegarde de Bingen s'émerveille devant l'oeuvre du Créateur et place l'homme au coeur de cette oeuvre.
Dans le Livre des oeuvres divines, elle décrit ses visions (qu'elle fera peindre par des enlumineurs) :
"Pauvre âme, fille de tant de misères! Tu es comme calcinée déjà par tant de souffrances physiques si cruelles! Te voilà pourtant encore une fois transpercée par le flot de l'abysse des mystères de Dieu. Pour le service des hommes, ne relâche pas la plume! Transcris ce qu'ont vu tes yeux et ce qu'ont perçu tes oreilles intérieures" ...
A retrouver dans l'article du Monde des Religions:
http://nous-les-dieux.org/Le_Monde_des_Religions_HS_N%C2%...
Quant à moi, comme beaucoup, j'ai découvert sa musique ( qui m'a profondément remuée lors de la sortie, en 1995 "des Chants de l'extase") bien avant de rencontrer ses écrits et son univers symbolique ...
"O mons clausae mentis
tu assidue pulchram faciem aperuisti
in speculo columbae"
"Ô montagne de l'esprit fermé
Tu n'as pas cessé de découvrir ton beau visage
Au miroir de la colombe"
Trois livres à découvrir:
Scivias ( "Connais les voies")
Liber vitae mentorum (le livre des mérites)
Liber operatione Dei (le livre des oeuvres divines)
O Splendissima Gemma - ici accomodé avec un brin de raz el hanout qui ne me déplait pas.
Les praticiens des " médecines douces" se sont intéressés depuis quelques années à l'oeuvre médicale d'Hildegarde: stages, recettes de cuisine, produits estampillés fleurissent sur le web à l'usage de tout un chacun . Je ne sais trop ce que pense notre noble abbesse qui ne voulait pas , époque oblige, mélanger les torchons et les serviettes, manants et seigneurs, et n'accueillait, dans ses deux abbayes rhénanes que de nobles dames ...
17:45 Publié dans Musique, spiritualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hildegarde de bingen | Facebook |