15/10/2012
Castirla: Cappella San Michele, Pieve de Talcini
Visite ce jeudi 11 Octobre 2012
de la chapelle San Michele de Castirla
Pieve de Talcini
après sa récente restauration et son inauguration,
le 29 septembre dernier, jour de la Saint Michel
Voici ce que disait Mgr MASCARDI de cette petite chapelle après sa visite en 1589 (fol 244) _ cité par Geneviève Moracchini Mazel, p. 329 de son ouvrage (hélas épuisé) sur les églises romanes de Corse:
" ... Eglise paroissiale San Michele, annexe de Sant'Andrea d'Omessa ... elle se trouveà un tiers de mille des habitations ... son toit laisse passer la pluie ... il y a deux portes ... les murs sont pleins de trous et comportent une fenêtre en mauvais état ... il y a une cloche pendue à un arbre ... l'autel est placé sous une abside peinte ... il y a 21 feux et 80 âmes".
J'avais mis une "Brève du Purgatoire" (sic!) en Août 2008 pour signaler l'état inquiétant de cette petite chapelle en son cimetière ( une première fois sauvée de la ruine en 1963, première restauration des fresques en 1964, puis toiture refaite en 1984 ...)
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2008/08/16/breve-du-purgatoire-castirla-aout-2008.html
Entre temps les volontés conjuguées de la Municipalité de Castirla et de la Collectivité Territoriale de Corse (engagée dans son ambitieux programme de restauration de l'ensemble des chapelles à fresques de Corse - voir la note: http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/02/17/ou-en-sont-les-projets-de-restauration-des-chapelles-a-fresq.html ) ont permis de restituer l'intégrité et tout le charme de cette modeste chapelle. La charpente (qui s'était effondrée sous l'action des intempéries et de la mérule) a été à nouveau refaite, elle a reçu une nouvelle couverture de teghje, l'extérieur et l'intérieur nous accueillent aujourd'hui à nouveau avec grâce et simplicité.
Ce que l'on découvre en entrant, vers l'abside, côté est
et vers la porte ouest
Les fresques restaurées ( fin XV° siècle):
(par l'atelier Paillard Boyer de Montpellier)
l'ensemble des fresques:
Dans l'abside en cul de four, au registre inférieur, le niveau des hommes, la série des douze apôtres dont on peut encore lire certains noms; au-dessus, pieds nus en dedans le personnage central du Christ en majesté, entouré du Tétramorphe (les quatre Evangélistes), Dans l'arc triomphal, la traditionnelle représentation de l'Annonciation; sous l'Ange Gabriel, Marie tient l'Enfant Jésus sur ses genoux; sous la Vierge de l'Annonciation, Saint Michel, le saint patron de la chapelle.
au centre, le "Christ Pantocrator" : le Christ en majesté
bénissant de sa main droite, pouce, index et majeur levés - le geste de la bénédiction "latine". Dans cette représentation du Christ en majesté, telle qu'on le retrouve habituellement peint au centre des absides de nos chapelles à fresques en Corse, ce geste de bénédiction semble délivrer en outre le message trinitaire : une même bénédiction donnée par le Père, le Fils et l'Esprit Saint.
dans sa main gauche, le Livre divin ouvert:
" EGO SUM LUX MUNDI ET VIA VERITAS ET VITA"
" Jésus leur parla de nouveau, et dit : Je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie."
(Jean, 8, 12)
Le Christ est entouré du Tétramorphe, la personnification zoomorphe, ailée, symbolique des quatre Evangélistes . Un peu de révision, en passant par les traditions ésotériques, de ces quatre éléments qui apparaissent dans l'Apocalypse de Saint Jean, hérités des civilisations égyptiennes et mésopotamienne, et de la vision d'Ezechiel dans la Bible :
L'Ange (ou l'Homme ailé), Saint Matthieu:
l'Ange de la Naissance, l'intuition de la vérité
Saint Luc: Le Taureau (ou le Boeuf)
le sacrifice et la Mort, la terre, la résistance
Le Lion, Saint Marc:
la Résurrection, le feu, la force, le mouvement
L'Aigle, Saint Jean:
l'Ascension, l'air, l'intelligence, l'action
Au registre inférieur, sous le Christ, et derrière l'autel, alternant sur fond ocre rouge ou blanc, les douze apôtres, représentés en pied et curieusement proportionnés, racourcis, espace oblige. Leurs visages, de trois quart, semblent suspendus à leur vision intérieure, et leurs mains prêchent et dialoguent:
certains portent leur nom au-dessus de leur tête, comme ici Saint Philippe et Saint Matthieu
Saint André et Saint Taddée,
Saint Jacques le Mineur
Saint Jacques le Majeur et un autre apôtre
Saint Pierre et ses clefs sous le pied nu du Christ
un autre apôtre, enseignant
et encore celui-ci: le juvénile Saint Jean, il me semble, l'apôtre bien aimé sous l'autre pied du Christ ...
Saint Barthélémy, impressionnant écorché, armé du couteau de son supplice,
et portant sur son épaule son double: sa peau ...
Les prunelles se sont parfois effacées, sans doute initialement peintes "a secco" , comme ici:
(avec Josquin Desprez: Gaude Virgo, Mater Christi)
http://youtu.be/NGwZnvfqRCY
- les couleurs sont très altérées -
sur de pied-droit à gauche de l'arc triomphal, la Vierge présente l'Enfant à l'adoration des fidèles: à la fois Mater Christi (Mère du Christ) et Mater Ecclesiae (Mère de l'Eglise).
(avec Jacky Micaelli, Tota pulchra es Maria, d'après un manuscrit franciscain du XVIII° s.de Corse, revu par Marcel Perez)
http://youtu.be/jJhLAND4gc0
et de l'autre côté, armé et cuirassé, Saint Michel pèse les âmes et maîtrise de sa lance le Diable
... qui ronronne comme un gentil dragon apprivoisé, fouettant l'air de sa queue: méfiance! je crois qu'il tente d'attraper la petite âme vacillante qui glisse par-dessus bord du plateau de la balance ...
silence!
Certes le peintre de Castirla n'est sans doute pas un fresquiste virtuose, mais il sait donner toute leur intériorité à ses visages et transmettre avec sincérité les messages essentiels, sans gloses superflues ...
Une petite chapelle paisible
où il fait bon revenir
et se retrouver.
Elle est située le long d'un chemin de transhumance autrefois très fréquenté, reliant la vallée du Golo à la région du Niolo, en passant par la saignée minérale de la Scala di Santa Regina...
Renseignements à la mairie de Castirla : 04 95 47 41 40
22:33 Publié dans découverte du patrimoine en Corse, fresques de corse, iconographie des saints, restauration du patrimoine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : castirla, fresques de san michele de castirla, tétramorphe, christ pantocrator, mater ecclesiae, tota pulchra es maria, jacky micaelli | Facebook |
28/07/2012
la balade d'hier 27 juillet 2012: San Chirgu, Aiti ...
comme promis!
hier, malgré quelques imprévus - l'un gai (un mariage), l'autre triste ( un enterrement) - qui nous ne nous ont pas permis de jouer les orgues de Piedigrisgiu et de Corte, une bonne journée de partage:
débutée sur le territoire de Cambia, du côté des gravures rupestres de a Petra Frisgiata,
avec Raphaël et Pauline ...
tout d'abord, dans la Pieve de Vallerustie, le charme de San Chirgu (alias: San Quilicu, St Cyr ...)
à retrouver dans les notes:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2010/10/18/la-chapelle-san-quilicu-a-cambia.html
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2010/10/22/san-quilicu-di-cambia-les-fresques.html
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2010/10/26/3-la-chapelle-san-quilicu.html
Petit rappel: entourant ici le thème de Saint Michel pesant les âmes, ainsi que bordant l'arc triomphal, le fresquiste a utilisé le discours des mosaïques de style cosmatesque, à découvrir sur ce site:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cosmatesque
Suivi de la rencontre du village d'Aiti, dans son paysage vertigineux en compagnie de notre ami René Casematta
qui a créé ce joli site sur le village, à retrouver à cette adresse:
aitipaese.canalblog.com
Il règne dans cette petite église, allègrement repeinte par J.C. Torre, un charme certain, né de ses jolies proportions à taille humaine.
elle abrite un patrimoine bien intéressant, en particulier des oeuvres de notre cher Giacomo Grandi ( peintre originaire de Milan et actif en Corse entre 1742 et 1772, date de sa mort)
comme cette "Mort de St Joseph", patron de "la bonne Mort" : l'espoir de mourir, comme lui, dans son lit, entouré de l'amour des siens et muni de l'Extrême Onction ...
ou comme cette belle série du Chemin de Croix, avec ses personnages mauresques: ici le jugement de Pilate,
un étrange prêteur romain bigrement orientalisé, arborant moustaches à la turque et portant cafetan et turban surmonté d'une aigrette et d'un croissant ...
Ici la XII° station: la mort du Christ entre le Bon Larron à gauche et le Mauvais Larron à droite -derrière eux, l'architecture phantasmée de la ville antique de Jérusalem, et au-dessus d'eux, le Soleil (Nouveau Testament) et la Lune (Ancien Testament)
Et puis cette toile très intéressante évoquant la dévotion du Rosaire et les héros de la Bataille de Lépante. A retrouver dans la note:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/10/07/...
Un peu plus tard dans l'après-midi, le site archéologique de San Giovanni di Corte: ici la belle abside à bande lombardes de l'église pievane:
Rappelons tout de même ce qu'est ce site de San Giovanni Battista de Corté, classé M.H. en 1968:
Dans la vallée du Tavignano, dans un espace majestueux et largement ouvert sur les montagnes environnantes, peut-être sur l'emplacement de l'antique ville romaine de Venicium, à quelques mètres à peine du Palazzu ( maison forte) du semi mythique Comte Ugo della Colonna, le héros de la Reconquista de la Corse lors de la croisade contre les Maures au début du IX° siècle, ce site fut probablement déjà occupé dès la préhistoire: la colline du Poggio dello Palazzo (dont Madame Moracchini Mazel pense que le sommet ést couronné d'une triple enceinte mégalithique) disparait aujourd'hui sous la végétation et l'on ne peut même plus distinguer les vestiges du Palazzo. Voici, juxtaposés, l'église-mère et le baptistère de la Piève de Venaco : fouillée en 1956/58 par Mme Moracchini Mazel, l'église préromane dont il reste la belle abside en cul de four et la base des murs, des piliers séparant les trois nefs, et le baptistère de plan tréflé, recouvert d'une charpente et d'un toit de lauzes. Notre ami Etienne Jacquemin, hier, rappelait que le relevage du baptistère fut l'oeuvre de l'Armée, alors propriétaire des lieux ... Ces deux édifices, leur appareil archaïque (pierres cassées au marteau, utilisation d'un mortier de chaux, de tuffeau) et leur décor de bandes murales à la façon des églises lombardes permettent d'estimer leur construction du début du IX° siècle... Comme souvent on retrouve là la permanence de l'occupation humaine sur un site sacré, vestiges mégalithiques, nombreux éléments de tuiles et poteries romaines réemployés dans la maçonnerie des deux édifices...
Et enfin ... à Castiglione ...
notre chère Sainte Cécile
en compagnie des gardiens
du sepolcru ...
à bientôt!
18:54 Publié dans découverte du patrimoine en Corse, fresques de corse, l'art baroque en corse, patrimoine des chapelles à fresques en Corse, sepolcri de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cambia, san chirgu, aiti, corte, castiglione, bataille de lépante | Facebook |
01/07/2012
avec les Amis du Parc, dans le Rustinu et la Castagniccia ...
(Première partie)
Dimanche 24 Juin dernier, une belle journée de partage avec les membres de l'Association des Amis du PNRC ( Conservatoire d'espaces naturels de Corse) dans le Rustinu et en Castagniccia ...
avec les belles photos de Michelle Lafay, de Claudine Garcia ...
et quelques notes précédentes du blog:
San Tumasgiu di Pastureccia à Castellu di Rustinu:
J'avais "commandé " quelques nuages, mais le ciel restera d'un bleu impertubable toute la journée. Arrivés sur le site de la chapelle San Tumasgiu, à Castellu di Rustinu: la vue magnifique sur le Monte Padru, la Pieve de Caccia (et le village de Moltifau, au loin) et le massif des Aiguilles de Rundinagjha (Alias Popolasca ou Castiglione ...)
San Tumasgiu, bien orienté à l'est
L'abside. La datation de cette chapelle reste mystérieuse. Sa fondation est probablement largement préromane, mais on peut penser qu'elle a connu d'importants travaux en 1470, date - MCCCCLXX - que l'on retrouve gravée à plusieurs endroits, à l'intérieur, au fond d'une niche aménagée dans le mur, côté Nord-Est; sur le tympan de la porte latérale sud; enfin dans l'ébrasement extérieur de cette fenêtre meurtrière de l'abside, où l'on semble avoir oublié en route un C.
l'inscription du tympan de la porte latérale sud.
la croix au sommet du mur est
En octobre j'étais passée voir les sondages effectués par l'INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives) pour établir un diagnostic sur l'intérêt archéologique du site.
découverte des sépultures sous le sol de la chapelle
vous pensiez être tranquilles pour la perpétuité ...
et voilà qu'on vous mesure, qu'on vous ramasse par petits bouts et qu'on vous fourre dans des sacs en plastique, bien précautionneusement, certes, mais de quoi douter de l'éternité...
A l'extérieur, une sépulture a même donné de fausses joies à l'équipe qui pensait avoir trouvé quelque chose de bien antique: manque de chance! le cher disparu portait en dentier ...
Tout cela pour dire que le chantier de restauration prévu à l'origine pour cette année devra attendre la réalisation des fouilles archéologiques.
Toussaint Quilici exprime ici son désarroi.
Ce qui nous inquiète, nous qui aimons d'un amour profond cette chapelle: le toit va vraiment mal, la pluie ruisselle sur les fresques qui souffrent un peu plus de jour en jour. Il faudrait pour le moins, en attendant les fouilles, protéger le toit par une bâche comme cela s'est fait à Castirla. Nous ne comprenons pas cette absence de protection.
(le Christ Pantocrator de San Tumasgiu)
Santa Maria de Rescamone à Valle di Rostino
à retrouver ... si vous pouvez! le cahier Corsica 98-99 de janvier 1982dédié par la FAGEC à la Piévanie de Rescamone. Et, dans l'ouvrage précieux de Geneviève Moracchini-Mazel "Corsica Sacra" ( éditions A Stamperia) les pages 207 à 209.
et dans le blog:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/trackback/2829320
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/03/13/un-serpent-nu.html
l'abside préromane - début X° s. ? - époque présumée de la grande reconstruction de Santa Maria di Riscamone.
le petit baptistère paléochrétien et le mur sud de l'église pievane Santa Maria di Rescamone
les Amis du Parc devant le grand Baptistère: le soleil est de plomb mais rien n'arrête les braves!
Adam et Eve et le récit de la Tentation dans la Genèse:
"Or tous deux étaient nus, l'homme et sa femme, et ils n'avaient pas honte l'un devant l'autre.
Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que Yahvé Dieu avait faits et il dit à la femme:
"Alors, Dieu vous a dit: Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin?"
La femme répondit au serpent: "Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin. Seulement quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, sous peine de mort."
Le serpent rétorqua à la femme:
"Pas du tout! Vous ne mourrez pas! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des êtres divins, qui connaissent le bien et le mal."
La femme vit que l'arbre était appétissant à manger et séduisant pour les yeux, et qu'il était, cet arbre, désirable pour l'entendement. Elle prit de son fruit et mangea. Elle en donna aussi à son mari, qui était avec elle, et il mangea. Alors leurs yeux à tous deux s'ouvrirent et ils connurent qu'ils étaient nus; ils cousirent des feuilles de figuier et se firent des pagnes. "
(idée passablement urticante, je vous la déconseille !)
(le tympan du grand baptistère roman : le Serpent se mord la queue auprès de l'Arbre de la Connaissance. Un éternel recommencement ...)
... "Alors Yahvé Dieu dit au serpent:
Parce que tu as fait cela, Maudit sis-tu entre tous les bestiaux et toutes les bêtes sauvages.
Tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la terre tous les jours de ta vie.
Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon."
(La Genèse)
Un peu au-dessus du site, cet amas rocheux nous attire
et l'énigme posée par cette grande dalle, "miraculeusement" posée comme un abri sous roche. Même si l'on peut raisonnablement envisager son origine naturelle, la dalle s'étant détachée du bloc, on peut aussi supposer qu'elle ait pu servir dans un temps lointain de la préhistoire:
seule une fouille pourrait déterminer s'il y eut jamais une quelconque pratique d'inhumation à cet endroit.
(à suivre ... pour la deuxième partie)
Petit rappel autour du livre de Toussaint Quilici : une mine richissime de renseignements sur le patrimoine de la Pieve di Rustinu et des Pieve alentour ...
19:50 Publié dans art roman, chapelles romanes corses, fresques de corse, la mort, les pierres qui signent, parcours de découverte du patrimoine en Corse, patrimoine des chapelles à fresques en Corse | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : les amis du parc corse, c.e.n.corse, san tumasgiu di pastureccia, restauration de fresques, site archéologique santa maria di rescamoneadam et eve, genèse, philippe jaccottet | Facebook |
30/05/2012
Gavignano: des nouvelles de la restauration en cours de San Pantaleon
La chapelle San Pantaleu di Gavignanu (Pieve di Rustinu), en cours de restauration.
Elle fait donc partie de la deuxième tranche du programme de restauration des chapelles à fresques entrepris par la Collectivité Territoriale de Corse.
la façade
Cette chapelle, comme tant d'autres édifices religieux, a été victime d'une certaine idée du progrès à une époque (vers les années 1970) où l'on a emprisonné - croyant bien faire! - les murs sous une gangue de béton, provoquant les dégats que l'on constate aujourd'hui: humidité prisonnière des murs, moisissures, mérules, remontées capillaires, bref ... Aujourd'hui la chapelle a été entièrement "décroûtée".
On peut s'inquiéter par ailleurs de l'état de la toiture qui fuit mais qui n'apparait pas dans le programme de restauration: ce serait sans doute fort dommageable pour les fresques de s'occuper de la toiture après leur restauration ... Je ne sais pas, par ailleurs, s'il a été prévu des travaux de drainage autour de la chapelle pour traiter les problèmes d'humidité. Il est probable, à ce sujet, que l'on aurait quelques surprises (sépultures anciennes). Rappellons que sous le sol de cette chapelle existe l'arca, lieu de sépulture collective:
une photo (ancienne) de l'arca
le mur nord
le mur sud
le mur sud détail de l'agrandissement tardif.
détail de la porte latérale sud
et un mystérieux départ d'arc qui semble indiquer une porte ancienne et - c'est une hypothèse - un sol plus bas que le sol présent.
le mur nord intérieur: on voit clairement que le niveau primitif de la charpente était plus bas, un peu au-dessus des fenêtres. Rehaussement exécuté, on peut le penser, à l'époque de l'agrandissement.
le chantier: la restauration des décors a été confiée à l'atelier de Vittoria Giartosio.
Lors de mon passage (vendredi dernier), rencontre avec la sympathique Donatella Buttiglione, qui a pris le temps de me montrer leur travail: l'équipe affronte de terribles repeints au vynil, ce qui complique sérieusement la tâche. Là aussi, à l'époque, une malencontreuse idée du "progrès", et une confiance aveugle dans les produits modernes.
un élément de décor dans le style "cosmatesque" (merci, Donatella!). A propos du "stile cosmatesco", vous pouvez cliquer sur les liens suivants:
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=style%20cosmatesque&source=web&cd=1&ved=0CFgQFjAA&url=http%3A%2F%2Ffr.wikipedia.org%2Fwiki%2FCosmatesque&ei=ednFT_74IcaX0QWO35HtBQ&usg=AFQjCNEUVmAz-UGkjTcbHl0oAGQ9zsk3rw
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=style%20cosmatesque&source=web&cd=1&ved=0CFgQFjAA&url=http%3A%2F%2Ffr.wikipedia.org%2Fwiki%2FCosmatesque&ei=ednFT_74IcaX0QWO35HtBQ&usg=AFQjCNEUVmAz-UGkjTcbHl0oAGQ9zsk3rw
La présence de ce type de décor sur nos fresques, à défaut de véritablement dater ces fresques, indique la continuité d'un goût pour ces somptueux pavements de cette famille d'artistes (Cosmati) des XII° et XIII° siècles ...
On retrouve ce style de décor, accompagnant l'arc triomphal de la chapelle san Nicolau de Sermanu:
détail du décor "cosmatesco" de l'abside de san Nicolau de Sermanu
un exemple de ce "stile cosmatesco"
D'autres choses me sont apparues, du haut des échaffaudages ...
la main du Christ portant le stigmate: contairement au Christ de la chapelle san Tumasgiu di Pastureccia, qui ne porte pas les stigmates ...
l'ensemble du Christ Pantocrator, dans sa mandorle (photo prise avant le début de la restauration): un geste ample de bénédiction.
à San Tumasgiu di Pastureccia, le détail de la main bénissante du Christ: absence de stigmates ...
la main de l'ange Gabriel et les fleurs de lys de son annonce.
et de l'autre côté , la Colombe de l'Esprit Saint, dans ce qui reste de l'Annonciation
un écrit énigmatique, près du Taureau (saint Luc)
Tétramorphe: le Taureau (Saint Luc) et l' Ange ( Saint Mathieu)
L'ange (Mathieu) du Téramorphe
Tétramorphe: le Lion (Saint Marc), vigoureux, nerveux, félin à souhait!
Sur le piedroit de l'arc triomphal, Saint Michel Archange et Saint François
et ... pesées par Saint Michel, deux petites âmes nues et fragiles
la petite âme du plateau descendant : elle garde pourtant encore espoir ...
le visage angélique et diaphane de Saint Michel
et celui de Saint François: plus surligné, la bouche un rien maussade, les grands yeux méditatifs.
un témoin de restauration: sur la robe de Sainte Catherine.
Enfin, dehors, sur le mur nord ce petit témoin de fresque à l'extérieur, rescapé du ciment ...
A suivre, donc!
12:38 Publié dans corse, fresques de corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : restauration de fresques, gavignano, san pantaleone, style cosmatesque, stile cosmatesco, cosmati | Facebook |
10/04/2012
Jeudi Saint 2012 dans le Rustinu et en Castagniccia, 1° partie
Ce jeudi 5 avril, malgré un temps incertain: à l'attention des amis qui ont partagé cette bonne journée dédiée aux sepolcri peints du Rustinu et de la Castagniccia... et des autres ...
Quelques images :
Frassu , église saint Cosme et saint Damien
(Castellu di Rustinu, Pieve du Rustinu, ancien diocèse d'Accia)
Première rencontre à Frassu, hameau rattaché à la commune de Castellu di Rustinu. Notre ami Toussaint Quilici nous attend à l'église saint Cosme et saint Damien: la veille il a travaillé dur avec son fils pour installer le petit sepolcru peint au XIX°s. -
Lors du Vendredi Saint 2010 nous avions pu, avec la complicité de Marie Laure la fidèle gardienne de cette église, remonter pour la première fois ces toiles conçues pour une chapelle latérale: une renaissance miraculeuse après cinquante ans de sommeil.
Je vous invite à lire la note (clic droit, ouvrir le lien) :
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2010/04/10/le-sepolcru-de-frassu.html
Comme il se doit, les deux gardiens du sepolcru nous attendent de pied ferme, la mine patibulaire, barbe drue, solidement campés la lance à la main à l'entrée du sepolcru, costumés, casqués et empannachés " à l'antique" façon centurions (d'opérette):
les deux toiles ont été découpées de façon à s'encastrer parfaitement sur le muret qui délimite la chapelle latérale, et contre la chaire de prêche.
Epousant l'arc, la toile supérieure "raconte" la Passion avec la représentation des " Arma Christi": le visage du Christ sur le voile de sainte Véronique, la colonne de la dérision surmontée du coq du reniement de saint Pierre, l'échelle, la lance etc ...
Toussaint a trouvé la solution pour replacer le quatrième élément: il y a deux ans, nous n'avions pas su où l'installer. Ici, il le tient à bout de bras, faute d'avoir pu le fixer correctement. Fermant la chapelle du sepolcru, il présente le saint Sacrement gardé par deux anges et invite à son adoration. Il fallait- je le pense - entrer à genoux - dans cet espace du reposoir.
Ce sepolcru, malgré sa modestie, délivre les deux messages essentiels et complémentaires aux fidèles qui viennent prier ici lors de la Semaine Sainte: invitation à partager la Passion du Christ et adoration du Saint Sacrement.
dans le silence de la Chapelle San Tumasgiu di Pastureccia
(Castellu di Rustinu)
Pour un bref historique de la chapelle, voir la note:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/02/26/san-tumasgiu-di-pastureccia-castellu-di-rustinu.html
Pour une description des fresques, voir les notes:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/02/27/les-fresques-de-san-tumasgiu-di-pastureccia.html
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/03/02/3-les-fresques-de-san-tumasgiu-suite-et-fin.html
Nous nous sommes arrêtés revisiter cette chapelle ornée de ces fresques merveilleuses dont on attend avec impatience la restauration: il a été décidé de procéder à des fouilles archéologiques avant d'attaquer les travaux. Espérons que les intempéries qui risquent d'altérer ces fresques déjà fragilisées (problèmes d'étanchéité du toit) n'auront pas le temps d'agraver la situation.
Il se dégage dans cette chapelle, malgré tous les dégats passés dont elle porte les stigmates, une athmosphère d'une grande douceur et d'une profonde humanité, : ici, ce détail de la Cène nous montre les apôtres en désarroi, s'interrogeant mutuellement, la main sur la poitrine: Jésus vient de leur annoncer que l'un d'entre eux va Le trahir cette nuit même ...
Achevant ce cycle de la Passion sur le mur Nord, la Crucifixion avec Marie au pied de la croix. Bouleversant.
et ce visage clos du Christ,
rescapé d'un élément peint sur le pied-droit de l'abside ...
Castellu di Rustinu, église paroissiale Santa Nunziata
la façade et le campanile, l'un des plus beaux de la région ...
Un somptueux maître-autel de Domenico Baina (restauration d'Ewa Poli):
l’architecte peintre-stucateur Domenico Baina (ou Baino) , était originaire de la région de Côme (état de Milan) : ses talents multiples se sont exercés en Corse entre 1695 et 1732. Un art baroque raffiné, coloré, qui enchante lorsqu'on redécouvre ses décors peints parfois sous les badigeons tardifs. Il contribuera à la formation de Giovanni Raffali, le premier peintre-stucateur de la célèbre dynastie des Raffali, originaire de la pieve d'Orezza.
la délicieuse chaire de prêche de Ignaziu Saveriu Raffali: rideau et rinceaux fleuris, ange grâcieux ...
le chemin de croix de Giacomo Grandi (mi- XVIII° s.):
Jésus cloué sur la croix, en compagnie de trois personnages hauts en couleur, tels qu'on les retrouvera dans les grands décors des sepolcri peints: même thématique, mais ici taille modeste pour cette dévotion du chemin de croix qui implique un déplacement circulaire autour de l'église, le long des quatorzes stations illustrant la Passion du Christ.
Ici, à gauche, un légionnaire armé d'une hallebarde contrôle la scène; à droite, un bourreau mauresque armé d'un efficace marteau de menuisier, tel qu'il était utilisé par les falegname de l'époque de Grandi, crucifie Jésus, sous le regard d'un autre personnage, censé être un centurion je suppose, mais totalement orientalisé, portant turban et aigrette ...
Sur le patrimoine exubérant des Chemins de croix peints en Corse, vous pouvez aller voir la note:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/03/30/chemins-de-croix-de-corse.html
et ce que vous n'avez pas pu voir, puisque ce magnifique sepolcru (en mauvais état et digne de restauration) de l'église de Castellu di Rustinu, remonté pour la première fois en janvier 2012, avait regagné les coulisses lors de notre passage. Ce sepolcru servait naguère non seulement pour le reposoir de la Semaine Sainte mais accompagnait également la Passion jouée par les villageois de Castellu ...
Je vous invite donc à ouvrir la note consacrée dernièrement à ce sepolcru de Castellu di Rustinu:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2012/02/03/le-sepolcru-de-castellu-sort-de-l-ombre.html
( à suivre!)
10:14 Publié dans corse, fresques de corse, la Semaine Sainte en Corse, patrimoine populaire de Corse, semaine sainte en corse, sepolcri de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sepolcri de la semaine sainte, rustinu, frassu, castellu di rustinu | Facebook |