17/04/2014
Rencontre des fresques de la chapelle Santa Maria di Furiani
A la rencontre des fresques (XV° s.)
redécouvertes lors de la restauration de la chapelle Santa Maria di Furiani,
piévanie d'Orto, diocèse de Mariana
(troisième tranche du programme de restauration des chapelles à fresques de Corse)
ce dimanche 13 avril 2014 et en avant-première ...
(privilège accordé par les restauratrices italiennes Sandra Roca Rey et Vittoria Giartosio )
Cette chapelle fait actuellement et depuis le mois de juin 2013 l'objet d'une restauration comportant les murs, la couverture de teghje, l'étanchéité et les fresques, sous l'autorité de l'architecte du Patrimoine Jean_Manuel Paoli :
La restauration des fresques de Santa Maria di Furiani a été confiée au Gruppo Giartosio, atelier composé pour cette occasion de 4 personnes: Vittoria Giartosio, mandataire avec Sandra Roca Rey et Donatella Buttiglione co-traitantes, restauratrices des peintures murales et Yves Lutet, co-traitant, restaurateur des supports.
portant sur la toiture, l’extérieur, l’étanchéité et les fresques.
Je fais cette visite en ce dimanche 13 avril 2014 nuageux, sur l'invitation chaleureuse des deux restauratrices italiennes des fresques (atelier du Gruppo Giartosio, qui avait déjà réalisé la restauration des fresques de San Pantaleu di Gavignanu).Vittoria Giartosio et Sandra Roca Rey, souhaitent partager avec moi la joie de leurs découvertes: la mise à jour d'un ensemble de fresques jusqu'alors occultées par un badigeon de lait de chaux - dont on ne connaissait qu'une infime partie (deux têtes d'apôtres: San Filippu et San Taddeu), et dont on a, hélas aussi, perdu à jamais certains éléments, détruits parfois stupidement par piquetage, m'a-t-on dit, "pour retrouver la pierre nue" (eh oui!) ...
Ecoutons Geneviève Moracchini-Mazel dans son ouvrage Les églises romanes de Corse , publié à Paris en 1967 avec le concours du C.N.R.S.:
"L'antique chapelle Santa Maria de Furiani, qui existe toujours bien conservée mais isolée dans la montagne au-dessus du village, était la piévanie d'Orto. (...) On accède à cette chapelle en trente minutes de marche, en empruntant un sentier [je signale qu'on le trouvera au niveau du cimetière du village de Furiani: ne cherchez pas y aller en voiture! E.P.] qui va de Furiani à Biguglia. Elle est superbement placée à flanc de montagne en surplomb sur la plaine et l'étang de Biguglia" (p. 430)
" Nous ne savons pas de façon sûre si l'église elle-même appartenait au monastère de la Gorgone, mais nous savons que tous les revenus qu'elle possédait avaient été offerts à celui-ci en 1150 par Pierre, évêque de Mariana qui, disait-il, avait fait fait ce geste en signe de reconnaissance (...) (ibidem)
"En outre, les constructions que l'on peut voir encore près de l'église seraient, selon la tradition orale, les ruines d'un ermitage; une source voisine porte le nom de fontana ai monaci. Il n'est donc pas impossible que le monastère de la Gorgone y ait entretenu soit un ermite, soit quelques frères." (ibidem)
C'est une belle chapelle à nef unique,
(fenêtre meurtrière façade Sud)
(porte latérale de la façade Sud)
" Les deux portes , à l'Ouest et au Sud, sont surmontées d'un simple linteau et d'une archivolte monolithe sans décor encadrant un tympan nu." (ibidem)
avec son abside bien orientée à l'Est.
Ecoutons à nouveau G. Moracchini-Mazel:
"Il faut distinguer , croyons-nous, deux époques (...) . Toute la partie orientale avec l'abside ainsi que la façade occidentale appartiennent à un premier sanctuaire que nous supposons bien ancien: vers le IX° s. peut-être. Nous y retrouvons de petites pierres quadrangulaires,avec quelques dalles plus importantes aux angles. (...) (ibidem)
" L'étroite fenêtre meurtrière comporte une petite archivolte échancrée en arc brisé et décorée d'un simple trait gravé" (ibidem)
Une chapelle, en cet fin d' après-midi d'avril, qui semble fleurir dans la belle fabrique de son pré (comme aurait dit l'ami Francis Ponge), où, pour prendre la photo de l'abside, l'on s'enfonce voluptueusement à mi-jambes au milieu de trèfles, de bourraches , pois de senteur, jeunes chardons, dans toute la généreuse impatience du printemps ...
la fenêtre meurtrière de la façade Nord,
elle aussi décorée sobrement d'un double trait gravé
La porte ouverte invite à la découverte
Les fresques découvertes par Sandra et Vittoria
en quelques images, prises depuis les échafaudages. Il y aura des lacunes, faute de recul ou de visibilité, mais je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager dès à présent cette rencontre.
Sandra et Vittoria contemplent leur royaume du moment : le métier de restaurateur, en plus des connaissances et des qualités artistiques, requiert souplesse, endurance (au froid en particulier!), et résistance au vertige ...
" A l'intérieur, on a ajouté tardivement de bizarres arcs diaphragmes pour soutenir la charpente et la vieille toiture de teghie" (ibidem)
J'avoue que ces arcs, dont je ne conteste pas l'utilité, défigurent passablement la nef ...
grimper n'est pas une sinécure, mais une fois là-haut ...
Merveille!
Le Christ Pantocrator
Sandra et Vittoria ont vu apparaître peu peu l'ensemble du magnifique décor de l'abside : le Christ Pantocrator entouré des quatre figures du Tétramorphe.
Le Christ, confortablement installé sur un trône garni de jolis coussins, bénit comme à l'accoutumée de sa main droite et présente dans sa main gauche le Livre ouvert,
sur lequel apparaissent en lettres gothiques l'éternel message: "EGO SUM LUX MUNDI ET VIA VERITAS ET VITA". Un Livre qui, cette fois, ne repose pas sur ses genoux, mais est brandi à bout de bras.
Derrière la figure majestueuse du Christ bénissant, le dossier du Trône se transforme en représentation détaillée et étonnante de la Jérusalem Céleste : une vision exceptionnelle dans l'iconographie habituelle!
Nez bien dessiné, lèvres serrées sous une fine moustache, barbe courte, interrogation d'un regard mélancolique dans ses yeux immenses: le Christ semble sonder la folie de ce monde qu'il bénit.
***
Le Tétramorphe
Entourant le Christ en majesté, les quatre figures ailées symbolisant les quatre évangélistes: l'Aigle de St Jean, le Lion de St Marc, l'Homme de St Matthieu, et le Taureau de St Luc. Ici, le Lion et le Taureau, curieusement enclos dans un cadre blanc souligné d'ocre rouge, se répartissent l'étage inférieur, tandis que l'Aigle et l'Homme occupent l'espace supérieur, de part et d'autre du " trône- Jérusalem". Ces quatre figures gardent et transmettent le Livre.
A la droite du Christ, l'Aigle, allégorie de l'élévation spirituelle de l'Evangile de St Jean;
à sa gauche, l'Homme, allégorie de l'humanité du Christ: un Homme ici curieusement accroupi, fesses au sol, et humble: St Matthieu commence son évangile avec l'ancrage généalogique de l'homme Jésus - " Livre de la génération de Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham ( ...)" .
Le Taureau de St Luc: allégorie du sacrifice du Christ et de son rôle de prêtre - l'évangile de St Luc commence par l'évocation du sacrifice du prêtre Zacharie, futur père de St Jean-Baptiste -
On remarquera le joli décor en pochoir de l'auréoleSous l'Aigle de St Jean, le Lion de St Marc qui symbolise à la fois la royauté du Christ mais aussi le rugissement du lion dans le désert: " Voix de celui qui crie dans le désert: Préparez la voie du Seigneur; aplanissez ses sentiers" .
***
Les apôtres
Sous la représentation du Christ en majesté et du Tétramorphe, devait prendre place la série des apôtres, dont il ne reste , hélas que peu d'éléments.
Avant la restauration l'on ne pouvait distinguer clairement que ces deux têtes d'apôtres, San Taddeu et San Filippu, décrites par Joseph Orsolini (dans son précieux et sensible ouvrage: l'Art de la fresque en Corse de 1450 à 1520 - publié en 1990):
" Nous y rencontrons deux têtes d'apôtres (Saint Philippe et Saint Taddée) assez facilement reconnaissables, possédant, malgré un léger effet estompé, de très beaux coloris aux chaudes nuances: ocre rouge, cinabre, rose, ocre jaune, jaune clair sur fond bleu.
Tournés l'un vers l'autre, sans réellement se regarder, les deux apôtres représentés semblent adopter l'attitude d'une profonde méditation."
L'artiste a pris soin de donner de la vie au pâle visage des apôtres, par une jolie touche de fard ocre rouge sur les pommettes et sur les lèvres ... Visages doux et ronds, méditatifs et compatissants, oui, aux paupières bien dessinées.
(San Taddeu)
(San Filippu)
Non loin de là, à côté de la fenêtre meurtrière, les restauratrices ont fait apparaître le corps de St Jean, à défaut de retrouver son visage, perdu à jamais. Un traitement très moderne des plis de son vêtement: l'artiste a le sens du décor et des volumes simplifiés.
Saint Jean tient le calame de sa main droite, prêt à rédiger l'évangile et garde le Livre dans son autre main, décoré d'un petit coup de pochoir à fleurettes pour faire joli ... Il me semble que je les vois faire!
Plus à droite de l'autre côté de l'abside, l'on distingue les jambes de St Barthélémy, reconnaissable à son corps d'écorché vif: l'on aperçoit la peau de sa main qui pend. Et toujours ce décor de fleurettes au pochoir ...
L'artiste a pris soin de placer des "étiquettes" au-dessus de ses personnages, comme ici pour Bartulumeu, Bertolom ...,
toujours soigneusement écrites en lettres gothiques,
comme ici pour ce qui semble être Sta Caterina ( Catherine d'Alexandrie), et dont il ne reste plus que le visage estompé.
***
L'Annonciation
Dans les écoinçons de l'arc triomphal, le plus souvent dévolu à la représentation de l'Annonciation, nous avons perdu à jamais l'archange Gabriel. Heureusement Sandra et Vittoria ont pu mettre à jour cette merveilleuse figure de Marie, dans son encadrement joliment décoré,
agenouillée devant son prie-dieu, dans sa chambre bien close aux tentures rouges, habillée de sa robe rouge (insigne à la fois de sa royauté et de son humanité), également ornée de fleurettes, voilée et revêtue du manteau céleste,
elle reçoit, les bras grand ouverts, le message de l'Ange.
Un bien beau visage rond de paysanne, réservé mais sans crainte ni fausse pudeur.
***
Mur Nord : la Crucifixion
On imagine sans peine la joie des restauratrices lorsqu'elles ont dégagé, sous le badigeon de lait de chaux, et sur le mur Nord, cette très belle Crucifixion. Je referai ces photos après le départ des échafaudages qui empêchaient une vision d'ensemble, mais voyez déjà:
le Christ mort en croix, les yeux clos.
Son sang jaillit de ses plaies,
recueilli dans des calices par deux anges
l'ange de droite recueille et adore
et l'ange de gauche, main sur la poitrine, exprime aussi amour et compassion
sous lui, la Vierge.
Au pied de la croix, les trois présences douloureuses de Marie,
Marie-Madeleine et Jean.
Marie, bien que très effacée, laisse paraître son immense chagrin, sa main crispée sur la joue :
" Stabat Mater Dolorosa,
Juxta Crucem lacrymosa,
Dum pendebat Filius "
De l'autre côté au pied de la croix, St Jean, prostré, à bout de forces, prie.
Enfin, au bout des longues jambes musclées (Jésus était un marcheur!) l'aimante Marie-Madeleine, agenouillée, baise les pieds du Christ, ces pieds qu'elle avait naguère baignés de parfum, essuyés de sa longue chevelure en offrande éperdue d'amour, ces pieds aujourd'hui suppliciés. Magnifique !
Une date:
MCCCC ...
C'est toujours un cadeau de retrouver une telle inscription, même lacunaire. Parmi les fresques datées de ce XV° siècle, il faudrait comparer celles-ci, en particulier, avec les fresques de San Nicolau di Sermanu (entre 1450 et 1458, d'après Joseph Orsolini), celles d'Aregnu (1448 et 1458), celles, un peu plus tardives de Valle di Campuloru (1473), ou du trop peu qui nous reste, hélas, de San Michele di Muratu ...
Merci à Sandra
et à Vittoria
de m'avoir accueillie ici, et permis de découvrir avec elles ces fresques inespérées et si attachantes. Je reviendrai compléter et refaire ces photos lorsque tout sera fini et que la chapelle sera débarrassée de ses échafaudages ...
( à suivre!)
18:32 Publié dans fresques de corse, Furiani | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chapelle santa maria di furiani, fresques furiani, christ pantocrator, tétramorphe, stabat mater dolorosa | Facebook |
15/10/2012
Castirla: Cappella San Michele, Pieve de Talcini
Visite ce jeudi 11 Octobre 2012
de la chapelle San Michele de Castirla
Pieve de Talcini
après sa récente restauration et son inauguration,
le 29 septembre dernier, jour de la Saint Michel
Voici ce que disait Mgr MASCARDI de cette petite chapelle après sa visite en 1589 (fol 244) _ cité par Geneviève Moracchini Mazel, p. 329 de son ouvrage (hélas épuisé) sur les églises romanes de Corse:
" ... Eglise paroissiale San Michele, annexe de Sant'Andrea d'Omessa ... elle se trouveà un tiers de mille des habitations ... son toit laisse passer la pluie ... il y a deux portes ... les murs sont pleins de trous et comportent une fenêtre en mauvais état ... il y a une cloche pendue à un arbre ... l'autel est placé sous une abside peinte ... il y a 21 feux et 80 âmes".
J'avais mis une "Brève du Purgatoire" (sic!) en Août 2008 pour signaler l'état inquiétant de cette petite chapelle en son cimetière ( une première fois sauvée de la ruine en 1963, première restauration des fresques en 1964, puis toiture refaite en 1984 ...)
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2008/08/16/breve-du-purgatoire-castirla-aout-2008.html
Entre temps les volontés conjuguées de la Municipalité de Castirla et de la Collectivité Territoriale de Corse (engagée dans son ambitieux programme de restauration de l'ensemble des chapelles à fresques de Corse - voir la note: http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/02/17/ou-en-sont-les-projets-de-restauration-des-chapelles-a-fresq.html ) ont permis de restituer l'intégrité et tout le charme de cette modeste chapelle. La charpente (qui s'était effondrée sous l'action des intempéries et de la mérule) a été à nouveau refaite, elle a reçu une nouvelle couverture de teghje, l'extérieur et l'intérieur nous accueillent aujourd'hui à nouveau avec grâce et simplicité.
Ce que l'on découvre en entrant, vers l'abside, côté est
et vers la porte ouest
Les fresques restaurées ( fin XV° siècle):
(par l'atelier Paillard Boyer de Montpellier)
l'ensemble des fresques:
Dans l'abside en cul de four, au registre inférieur, le niveau des hommes, la série des douze apôtres dont on peut encore lire certains noms; au-dessus, pieds nus en dedans le personnage central du Christ en majesté, entouré du Tétramorphe (les quatre Evangélistes), Dans l'arc triomphal, la traditionnelle représentation de l'Annonciation; sous l'Ange Gabriel, Marie tient l'Enfant Jésus sur ses genoux; sous la Vierge de l'Annonciation, Saint Michel, le saint patron de la chapelle.
au centre, le "Christ Pantocrator" : le Christ en majesté
bénissant de sa main droite, pouce, index et majeur levés - le geste de la bénédiction "latine". Dans cette représentation du Christ en majesté, telle qu'on le retrouve habituellement peint au centre des absides de nos chapelles à fresques en Corse, ce geste de bénédiction semble délivrer en outre le message trinitaire : une même bénédiction donnée par le Père, le Fils et l'Esprit Saint.
dans sa main gauche, le Livre divin ouvert:
" EGO SUM LUX MUNDI ET VIA VERITAS ET VITA"
" Jésus leur parla de nouveau, et dit : Je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie."
(Jean, 8, 12)
Le Christ est entouré du Tétramorphe, la personnification zoomorphe, ailée, symbolique des quatre Evangélistes . Un peu de révision, en passant par les traditions ésotériques, de ces quatre éléments qui apparaissent dans l'Apocalypse de Saint Jean, hérités des civilisations égyptiennes et mésopotamienne, et de la vision d'Ezechiel dans la Bible :
L'Ange (ou l'Homme ailé), Saint Matthieu:
l'Ange de la Naissance, l'intuition de la vérité
Saint Luc: Le Taureau (ou le Boeuf)
le sacrifice et la Mort, la terre, la résistance
Le Lion, Saint Marc:
la Résurrection, le feu, la force, le mouvement
L'Aigle, Saint Jean:
l'Ascension, l'air, l'intelligence, l'action
Au registre inférieur, sous le Christ, et derrière l'autel, alternant sur fond ocre rouge ou blanc, les douze apôtres, représentés en pied et curieusement proportionnés, racourcis, espace oblige. Leurs visages, de trois quart, semblent suspendus à leur vision intérieure, et leurs mains prêchent et dialoguent:
certains portent leur nom au-dessus de leur tête, comme ici Saint Philippe et Saint Matthieu
Saint André et Saint Taddée,
Saint Jacques le Mineur
Saint Jacques le Majeur et un autre apôtre
Saint Pierre et ses clefs sous le pied nu du Christ
un autre apôtre, enseignant
et encore celui-ci: le juvénile Saint Jean, il me semble, l'apôtre bien aimé sous l'autre pied du Christ ...
Saint Barthélémy, impressionnant écorché, armé du couteau de son supplice,
et portant sur son épaule son double: sa peau ...
Les prunelles se sont parfois effacées, sans doute initialement peintes "a secco" , comme ici:
(avec Josquin Desprez: Gaude Virgo, Mater Christi)
http://youtu.be/NGwZnvfqRCY
- les couleurs sont très altérées -
sur de pied-droit à gauche de l'arc triomphal, la Vierge présente l'Enfant à l'adoration des fidèles: à la fois Mater Christi (Mère du Christ) et Mater Ecclesiae (Mère de l'Eglise).
(avec Jacky Micaelli, Tota pulchra es Maria, d'après un manuscrit franciscain du XVIII° s.de Corse, revu par Marcel Perez)
http://youtu.be/jJhLAND4gc0
et de l'autre côté, armé et cuirassé, Saint Michel pèse les âmes et maîtrise de sa lance le Diable
... qui ronronne comme un gentil dragon apprivoisé, fouettant l'air de sa queue: méfiance! je crois qu'il tente d'attraper la petite âme vacillante qui glisse par-dessus bord du plateau de la balance ...
silence!
Certes le peintre de Castirla n'est sans doute pas un fresquiste virtuose, mais il sait donner toute leur intériorité à ses visages et transmettre avec sincérité les messages essentiels, sans gloses superflues ...
Une petite chapelle paisible
où il fait bon revenir
et se retrouver.
Elle est située le long d'un chemin de transhumance autrefois très fréquenté, reliant la vallée du Golo à la région du Niolo, en passant par la saignée minérale de la Scala di Santa Regina...
Renseignements à la mairie de Castirla : 04 95 47 41 40
22:33 Publié dans découverte du patrimoine en Corse, fresques de corse, iconographie des saints, restauration du patrimoine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : castirla, fresques de san michele de castirla, tétramorphe, christ pantocrator, mater ecclesiae, tota pulchra es maria, jacky micaelli | Facebook |
28/02/2011
2°/Les fresques de San Tumasgiu di Pastureccia
2°/Les fresques de la chapelle San Tumasgiu di Pastureccia (fin XV°, début XVI° s.)
(en attente de leur restauration prochaine)
à Castellu di Rustinu (Pieve du Rustinu)
***
Malgré les mutilations barbares dont elle a été victime (cf note précédente), cette chapelle conserve sa sérénité méditative : c'est toujours avec une émotion intacte que nous pénétrons ici, comme pour un rendez-vous amoureux et le sentiment obscur d'y rejoindre un centre.
Même blessées, dégradées, effacées, délavées, ces peintures nous rejoignent, nous parlent, nous relient.
L'ABSIDE
l'ensemble de l'abside
approchons ...
***
LE CHRIST PANTOCRATOR
Au centre de l'abside, vertical comme un arbre cosmique reliant la terre au ciel,
le Christ Pantocrator occupe en majesté sur son trône l'espace central de cette voûte céleste: " Ne jurez pas! ni par le ciel, parce qu'il est le trône de Dieu, ni par la terre, parce qu'elle est l'escabeau de ses pieds" ( Evangile de saint Matthieu, chapitre 5)
Encadré par une chevelure longue et une barbe blanches bien soignées, son visage est jeune, représentation parfaite et lisible par tous de cette double présence du Père et du Fils. Il nous tient sous son regard où que nous soyions dans la chapelle. Un regard intérieur, impartial, presque mélancolique: c'est qu'il est aussi le Juge de la fin des temps. Il nous bénit des trois doigts levés de sa main droite, évoquant la réalité de la Trinité et dans sa main gauche, tient posé sur ses genoux le Livre des Ecritures: "EGO SUM LUX MUNDI ET VIA VERITAS E(T) V(ITA)". Ce Livre que nous retrouvons dans nombre de nos chapelles à fresques ...
" Thomas lui dit: " Seigneur , nous ne savons pas où tu vas. Comment en connaitrions-nous le chemin? Jésus lui dit:
" Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne va au Père que par moi.
Si vous me connaissez, vous connaitrez aussi mon Père.
Dès maintenant vous le connaissez et vous l'avez vu"
Evangile selon Saint Jean 14
Derrière sa tête, les murailles de la nouvelle Jérusalem, la Jérusalem Céleste décrite dans l'Apocalypse de saint Jean, la cité de Dieu, celle qui n'abrite aucun temple car " son temple, c'est le Seigneur, le Dieu Tout-Puissant, ainsi que l'agneau" (Apocalypse de saint Jean, XXI, 22-23). Une cité carrée à laquelle répond le carré du Livre tenu par le Christ, le Livre de la Révélation qui rompt la ronde sans fin des cycles des vies.
De part et d'autre de la tête du Christ, deux anges musiciens font résonner la musique céleste pour l'éternité. Au sol, la perspective fuyante des carreaux anime la profondeur de l'ensemble.
L'ange de gauche joue une sorte de luth ou, pourquoi pas, de cetera.
L'ange de droite sonne un cornet, ce merveilleux instrument au son fragile et sensible, si proche de la voix: à l'époque de cette fresque, c'est un instrument privilégié de la musique religieuse. Un étendard pend sous son bras: la croix de saint Georges, emblême de la ville de Gênes ... la Corse de cette époque est génoise.
***
LE TETRAMORPHE
De part et d'autre de ses genoux, la représentation symbolique du Tétramorphe, ou ... ce qu'il en reste: quatre créatures ailées proclamant la Parole:
l'Aigle de Saint Jean, portant accroché à la patte le phylactère représentant son évangile
le Taureau de saint Luc
l'Ange ou l'Homme ailé de Matthieu
Nous avons perdu (dans les explosions de 1930 ?) le Lion de saint Marc.
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LES APÔTRES
A l'étage inférieur, sous les pieds du Christ, la série, hélas, très lacunaire des apôtres. Ils sont les piliers de l'Eglise.
A droite de la fenêtre , l'on reconnait la présence juvénile de saint Jean l'Evangéliste. Alors que les autres personnages tiennent leur livre fermé, lui a ouvert le sien, et le calame à la main ...
... il semble prêt à écrire, suspendu à la révélation divine.
A sa gauche, quatre apôtres difficilement identifiables, si ce n'est, à droite, celui de St Barthélémy, l'écorché portant sa peau sur l'épaule ...
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L'ANNONCIATION
De part et d'autre de l'abside, dans les écoinçons de l'arc, la représentation de l'Annonciation:
Dans l'écoinçon de gauche, l'archange Gabriel venu du (bleu du ) ciel, dans sa robe blanche immaculée, ornée d'une belle écharpe décorée de riches motifs, agenouillé, brandissant en sa main gauche le lys symbole de la pureté et du messager divin, salue la Vierge de sa main droite: magnifique! ici les carreaux rouges et blancs répondent aux ornements de la ceinture ...
Dans l'écoinçon de droite, la Vierge enclose dans sa chambre tendue de rouge, agenouillée près de son prie-Dieu où repose la parole de son acceptation:
"Ecce Angile Domini, fiat voluntas sua"
La Colombe de l'Esprit Saint est déjà à l'oeuvre, elle a traversé l'espace clos de la chambre, rouge comme le secret inviolable du ventre maternel de Marie: "Vas spirituale". De même que les vêtements de la Vierge proclament sa double appartenance: le rouge de sa robe évoque la part d'humanité de sa maternité, et le bleu de son manteau sa part céleste ...
***
SAN MICHELE
Sur le pied-droit à droite de l'arc, sous la Vierge de l'Annonciation, voici un acteur essentiel de cette chapelle: saint Michel Archange saisi ici dans sa double fonction de Général en chef des milices célestes et de "psychopompe" passeur et peseur d'âmes.
Flamboyant sur un fond ocre rouge il porte la cuirasse étincelante de son emploi guerrier, cotte de maille, jambières, et maintient fermement de sa main droite sous sa lance Satan (ou ce qu'il en reste ...).
De sa main gauche, il pèse:
Hélas, hélas, hélas! Nous n'irons pas tous (directement) au Paradis...
La petite âme qui monte, bien accrochée à sa balance, peut se réjouir d'avoir fait le bon choix: de la sainte vie chrétienne sans concession ou du martyre ... Ce n'est pas le cas pour l'âme pêcheresse de droite, qui bascule déjà par-dessus bord et dégringole : proie facile, lorgnée par le Diable et ses milices infernales, emberlificotée dans la nasse de ses innombrables péchés, savoir quel sera son sort?
Heureusement pour elle, cette fresque a été peinte à la fin du XV°s., ce qui lui laisse encore quelque espoir: c'est que, depuis le XIII°s., l'idée du Purgatoire a pris forme dans les mentalités religieuses, belle idée généreuse en soi, conçue pour être rassurante, exalter l'inconmensurable bonté divine, mais si vite phagocitée par de nombreux appétits trop humains, récupérée, objet de marketting juteux ...
Quoi qu'il en soit, notre petite âme pécheresse n'ira peut-être pas en enfer, car cette pastorale en images des fresques de san Tumasgiu semble être diffusée par le monde franciscain, si actif en Corse, pastorale de la Rédemption plus que de la Damnation.
Soulignant et reliant les différents éléments de l'abside, un motif de papiers pliés ocre rouge et blanc concourt à l'unité de l'ensemble.
(à suivre)
Rappel: à retrouver
le beau livre didactique de Joseph Orsolini publié en 1989:
10:39 Publié dans chapelle San Tumasgiu di Pastureccia, corse, ego sum lux mundi et via veritas et vita, fresques de corse, patrimoine des chapelles à fresques en Corse, restauration du patrimoine | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : corse, san tumasgiu di pastureccia, castellu si rustinu, christ pantocrator, jerusalem céleste, tétramorphe, annonciation, abside en cul de four, joseph orsolini | Facebook |