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30/03/2011

Chemins de Croix de Corse

(En ce temps de préparation de la Semaine Sainte, j'évoque à nouveau ce patrimoine populaire des Chemins de Croix : réédition ...)
à propos des Chemins de Croix peints en Corse.
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Ière Station: Jésus est condamné à mort.
Dans nos églises de Corse, il n’est pas rare de rencontrer ces images du Chemin de Croix, peintes à partir de la fameuse prédication de saint Leonardo da Porto Maurizio, venu sur l’île en 1744 en pleine révolte des Corses contre Gênes  et sur la demande conjointe des Corses … et de Gênes. Sa mission  avouée: prêcher la réconciliation contre la coutume de la vendetta, très meurtrière à cette époque, et d'autre part prêcher la dévotion du Chemin de Croix.

Sa mission inavouée, pour lui, le franciscain ligure d'Imperia: remettre au pas ces Corses turbulents et ingérables, les faire rentrer dans le giron de Gênes ... ce qui fait de lui une sorte d' agent-double sexagénaire très efficace sous son habit de moine. Nous reparlerons de cet évènement une autre fois, ce saint visiteur méritant d’être rencontré de plus près, tant il a marqué de son influence la dévotion populaire à l’époque : ce franciscain au verbe inspiré a développé cette vénération du Chemin de Croix en Corse, qui aujourd’hui encore se déroule dans nos églises avec une si grande ferveur, traditions et confréries à l'appui. Pour aider le peuple à vivre pleinement la Passion du Christ et "encadrer" cette dévotion, saint Leonard a encouragé la réalisation de « séries » de peintures représentant les quatorze stations du Chemin de Croix. La pédagogie par l'image, d'autant plus fortement vécue qu'elle est déambulatoire et chantée : le corps et l'esprit en mouvement.

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IIème Station: Jésus reçoit la Croix sur ses épaules.

 Le drame se met en place: acteurs, spectateurs, costumes identifiant les protagonistes...

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IVème Station:Jésus rencontre sa Mère très affligée.

 La Vierge, reconnaissable à son manteau bleu, se fait bousculer par la soldatesque. Derrière elle, Marie-Madeleine tient à la main le flacon de parfum. A droite, un féroce soldat fait avancer Jésus enchainé en le fouettant. Dialogue de proximité entre la Mère et le Fils, inscrit dans un cercle de silence.

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 Même station, ailleurs: la Vierge, pâmée, impuissante, reçoit en plein coeur la souffrance dynamique du Fils qui marche en parallèle vers son destin, ployé sous le poids de la Croix: entre eux, le vide et déjà l'absence.

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 6ème station: sainte Veronique, bravant le danger, se fraye un chemin entre les gardes et essuie le visage de Jésus.

Dernièrement j'ai circulé avec un passionné de tauromachie qui m'a signalé que ce geste de pieuse compassion a donné son nom à une célèbre passe : " la Véronique ", où le torero présente sa muleta face au taureau...

J'avoue mon incompétence en la matière, mais je dois dire que cette remarque a fait remonter en moi un fort souvenir: c'était le mois de juin 1989, nous étions, Pierre et moi en chemin à pied vers St Jacques de Compostelle, arrêtés pour une étape à Burgos. Il y avait ce soir là une corrida dans les arênes et Pierre m'avait convaincue que c'était l'occasion ou jamais d'assister à ce genre de choses, ce qui, honnêtement, ne m'attirait franchement pas du tout et même m'angoissait d'avance. Je ne veux pas ici raconter cette expérience particulière, sinon dire la perception physique, électrique, très chaude, de la foule excitée (ce que je n'avais plus ressenti depuis mai 68), se levant comme un seul homme à certaines passes, hurlant ses insultes lorsque dans l'arène est apparu un taureau qui refusait le combat malgré les blessures et qu'il avait fallu sortir avec l'aide de ces dames génisses... Tout ce que je sais, c'est que le petit appareil photo que j'avais acheté pour cette route de saint Jacques m'a lâché là, pendant cette corrida, et que je n'ai donc pris aucune photo de notre périple, seulement dessiné et écrit chaque soir... C'était mieux comme ça.

Ce tableautin fait partie de la très belle série d'un Chemin de Croix peint par Giacomo GRANDI en 1757. Restauré par Ewa POLI.

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Une 7ème station très méchante !

 

  Le plus acharné, le plus grotesque et bestial ( barbaresque, bien sûr) en a perdu son froc et toute dignité , mais pas son bonnet : il s'est drapé dans le manteau rouge (du Christ en dérision) qui lui cache "les parties honteuses". Les autres méchants, gardes romains à la solde du Mal, cuirasses et âmes noires, tourmentent aussi avec une rare violence le pauvre Jésus tombé sous le poids de la Croix : pourtant celui-ci, fidèle à son image, ne cesse de sourire doucement... Derrière, le spectateur enturbanné et impuissant (que nous sommes), Simon le Cyrénéen ... Choisissez vite votre camp!

(Chemin de Croix de Giacomo Grandi). 

 

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XIème Station: Jésus est cloué sur la Croix (Carcheto).

Dans ce tableautin d'une autre main que les précédents, le peintre semble avoir croqué quelques villageois de Castagniccia, une région réputée pour ses menuisiers (le chataîgnier y est roi: du reste je parie que la Croix a été taillée dans l'un d'eux). Regardez: le petit garçon bien dru sur ses jambes aide son papa en lui tenant gentiment le panier d'outil... Ici le pinceau de l'artiste se fait moins agressif, plus quotidien...

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Ailleurs, la même scène de crucifixion, mais évoquée de façon plus violente: les "méchants" bourreaux au visage basanné (l'autre!) se contorsionnent tandis que les "bons" assistent, impuissants, et restent sobres... L'index tendu du soldat au premier plan à droite souligne l'irrémédiable exécution du décret. Derrière lui, la foule des spectateurs...

                                      

 

Cette entreprise (nourricière pour les artistes de l'époque!) a enflammé l’imagination des peintres locaux qui ont su traduire avec force la dramaturgie de ces stations. Avec force, certes, mais aussi avec quelques fantaisies et quelques règlements de compte avec « l’autre », celui du mauvais côté du miroir, de la mer, celui qui razzie les villages, massacre, pirate, dont on garde des souvenirs douloureux au point aujourd'hui encore de traiter les enfants non baptisés de … « petits turcs » ! Et on force le trait des « méchants », délit de "sales gueules" basannées, grimaçants comme des diables, comme des turcs, des sarrasins, des maures, comme l’autre, quoi ! La règle étant que, comme dans toute bonne bande dessinée, l’on distingue du premier coup d’oeïl les bons (nous)  des méchants (les autres).

 Jésus se doit d’être paisible malgré la souffrance. Son visage reste humain en toute occasion, voire souriant : car il s’agit bien là d’exprimer son humanité face à la barbarie. Sa mère et les saintes femmes, elles aussi, gardent un maintien d’une grande dignité malgré la douleur. Leur gestuelle théâtralisée ne fait qu’exprimer des sentiments nobles et partagés par tous (nous) .  En revanche les bourreaux se doivent d'être bestiaux et manifestement cruels...

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XIIème Station : Jésus meurt sur la Croix.(Francescu CARLI)
Tout est consommé. La Mère et saint Jean au pied de la Croix ponctuant de leur gestuelle leur douleur: la Vierge, mains jointes dans sa prière nous invite à faire de même, tandis que St Jean, la main droite sur le coeur, accueille de son bras gauche largement ouvert toute la souffrance de la scène et nous implique dans le drame.  Jésus , livide, entre le bon larron ( à sa droite, comme de juste), qui tend son visage confiant vers le Christ, et le méchant larron bien noir, comme calciné par le Mal, et déjà ratatiné pour l'éternité!
Rappelons que Francescu Carli et Giacomo Grandi sont les deux peintres de cette deuxième moitié du 18°siècle les plus productifs pour le patrimoine religieux, en particulier en ce qui concerne ces Chemins de Croix.
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XIIIème Station: Jésus est déposé de la Croix.

Ici il n’y a plus de place pour les méchants : voyez comme Joseph d’Arimathie retient dans ses dents le suaire… Saint Jean reçoit les jambes du Christ. Marie Madeleine baise ses pieds. La Vierge souffre et prie…  Les visages sont graves et enfantins, signature particulière de ce bon peintre local d'origine toscane  (né en 1735 à Lucques) qui fit en Corse sa carrière d'artiste et sa vie ( marié à une corse de de San Lorenzo, en Castagniccia, il y finira ses jours en 1821). Il a beaucoup oeuvré dans les églises et "produit" de nombreux Chemins de Croix de cette facture efficace et populaire... Et quand je parle de produire, c'est qu'il fut particulièrement productif!

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XIV ème Station: Jésus est mis au tombeau.

A nouveau Giacomo Grandi, et ses drapés tourbillonnants. Tout le poids du Christ plombant le linceul porté par les hommes. Aux femmes, les langes du nouveau-né, aux hommes les langes de la mort drap. Aux hommes, l'action, aux femmes, la compassion? N'est-ce pas un peu vite dit? Je reviendrai là-dessus.

(à suivre)

 

10/04/2010

le sepolcru de Frassu

Pieve du RUSTINU, anciennement diocèse d'ACCIA,
à  FRASSU ce Vendredi 2 Avril 2010:
une imprévisible renaissance
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   Nous avions proposé une journée de découverte de quelques sepolcri de la région du RUSTINU et de CASTAGNICCIA, visibles uniquement lors de la Semaine Sainte et nous avions rendez-vous ce vendredi saint au matin avec Marie-Laure S. qui avait bien aimablement accepté de nous ouvrir la petite église saint Côme et saint Damien de FRASSU. Je connaissais depuis des années l'existence cachée de ces toiles de sepolcru, et souhaitais, avec l'aide de Marie-Laure les faire connaître. Cette dame m'avait dit au téléphone qu'elle avait des souvenirs de petite fille autour de cette installation et que depuis une cinquantaine d'années on n'avait plus dressé ce reposoir. Dans l'enthousiasme du moment  nous est venu le désir d'essayer de le monter à l'emplacement qui était autrefois le sien pour la Semaine Sainte : les échelles, les bras amis (en particulier merci Martine et merci Marie-Laure!) et nos efforts conjugués ont réussi à réveiller de son sommeil le vieux sepolcru ...
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   Fermant cet espace du sepolcru, l'on retrouve les deux personnages incontournables et peu amènes des soldats romains gardiens du tombeau du Christ: casqués, cuirassés, moustachus et barbus à souhait, sortis tout droit de l'imaginaire populaire et de l'épouvante barbaresque .
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regard mauvais et casque agressif  ...
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    Au-dessus, occupant l'arc, la représentation des instruments de la Passion, tels qu'on les retrouve aussi souvent sur les croix de la Passion: le coq du reniement de St Pierre, la colonne de la flagellation, la lance , l'éponge, le visage du Christ sur le linge de sainte Véronique etc ...
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   Et ce dernier élément, que nous n'avons pas su replacer avec certitude et qui devait accompagner le crucifix: ces anges nous invitant à bien comprendre l'enjeu de tout cela ...
Aujourd'hui l'enquête a commencé auprès des derniers anciens de ce village : j'espère que grâce à ce support visuel de la dévotion d'autrefois remonteront des souvenirs qui permettront aux gens de Frassu de se réapproprier leur mémoire et la manifestation particulière de cette période de Pâques. Chaque village est comme une famille qui développe au cours des générations des gènes particuliers où chacun se retrouve ... Frassu est Frassu et ce n'est pas Bisinchi ni même Castellu di Rustinu, deux communautés fort proches ... 
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(l'église saint Côme et saint Damien, vue depuis san Tumasgiu)
   Je rappelle que Frassu n'a été rattaché à la commune de Pastureccia di Rustinu que le 14/04/1857, formant ainsi, avec les communautés des hameaux de Gratte et Casa Pitti  la commune de Castellu di Rustinu. Toute cette région est riche de témoignages historiques et de patrimoine, et notre ami Toussaint Quilici en est le plus fervent chercheur et serviteur. Un peu plus haut, dominant Frassu, c'est la belle chapelle de SanTumasgiu et ses fresques qui vont être restaurées cette année, et, au bout de l'imposant éperon rocheux, les ruines de l'antique Castellu du Rustinu ... Toussaint, on attend avec impatience la publication de vos travaux!
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(le vaste paysage, depuis les ruines du Castellu: dominant la vallée du Golo, le regard vertigineux vole jusqu'au village, dans le lointain, de Moltifau ...)
Encore plus haut, c'est le village plus important de Castellu (anciennement Pastoreccia) qui nous attend avec d'autres belles surprises ...
En attendant, cette scénographie du modeste sepolcru de Frassu participe à cette oeuvre commune de la dévotion populaire de la Semaine Sainte en Corse, avec force et dignité. L'état des toiles n'est pas excellent , comme on peut en juger. Espérons là aussi que notre regard aimant posé sur ce patrimoine particulier entrainera dans un jour prochain reconnaissance et volonté de sauvetage et de restauration ...
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Ici, cet énigmatique blason de stuc (M.E. Nigaglioni propose le 18ème siècle), au-dessus de la porte d'entrée de l'église de Frassu: un chapeau d'évêque à trois rangées de pompons, la tiare papale, crosse et clés de St Pierre, deux palmes de martyres (St Côme et St Damien?) merci, Toussaint Quilici pour la photo!
(à suivre!)

08/04/2010

sepolcri de Brandu, suite ...

Quelques images encore de ce jeudi saint , sur la commune de Brandu (Cap Corse)

Tout d'abord ces peintures du sepolcru de Poretto que je souhaitais voir :

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A l'église de l'Annunziata, cette belle descente de croix bien composée fait partie d'un important ensemble peint par Luiggi Brunetti, ce peintre actif en Corse au XIX ème siècle, auteur de nombreux décors monumentaux dans nos églises (Belgodère, Pioggiola, Olmi Cappella ... pour ne citer que celles qui me sont proches) .
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La déploration du Christ de ce même depolcru de L. Brunetti ...
D'autres éléments de ce sepolcru attendent d'être un jour présentés aux fidèles. Merci à M. Peretti qui nous a fait l'amitié de nous parler de tout ce patrimoine et qui nous a fait sentir la vitalité de la dévotion des confréries et des communautés de cette région : la Confrérie Sainte Croix de Poretto, l'une des plus anciennes de Corse, ne s'est jamais arrêtée et Michel évoque avec émotion  chants et processions. Des chants assez différents de ceux que nous avons en Balagne, très beaux aussi ... Nous comparons avec plaisir ...
Il nous montre à la casazza les grands palmes réalisés cette année pour ces deux jours :
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celui de la croix des femmes ...
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et celui de la croix des hommes, encore enveloppé dans son linge humide ...
J'apprendrai un peu plus tard que le vent n'a pas faibli lors de la procession et que les porteurs des croix palmées n'ont pu les tenir dressées et les ont portées à l'horizontale: l'essentiel reste d'aller par tous les temps le long des chemins ( seize kilomètres je crois) en portant sur le dos ce fardeau choisi
d 'au moins quarante kilos ... Dans la confrérie, de bien jolies photos ...
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celle-ci, déjà ancienne, avec, derrière les enfants, derrière les confrères, les consoeurs portant la faldetta sur la tête ...
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ou celle-là, bien plus récente prise pendant a Granitula cuvée 2007 ...
 Je terminerai cette évocation de Brandu par quelques images prises dans l'église d'Erbalunga. Là aussi c'est l'attente de la procession du soir et les derniers préparatifs:
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 Une jeune femme apporte le palme qu'on vient de terminer pour le fixer sur la croix. Opération délicate. Sur les murs de l'églises, les palmes des années passées:
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et celui-ci que je trouve si beau et évident dans sa simplicité :
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... ICHTHUS ...
 Iesos Khristos Theou Uios Soter :
"Jésus-Christ , Fils de Dieu, Sauveur",
signe de ralliement secret des premiers chrétiens ...
A droite du maitre-autel, enfin, ce magnifique reposoir ,  tente flamboyante dressée comme une chapelle ardente pour recevoir le sepolcru d'Erbalunga ...
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Je termine ici cette note sur les préparatifs et installations de la Semaine Sainte sur la commune de Brandu, tels que nous les avons rencontrés ce jeudi 1 er avril 2010 : avant toute chose, je retiens l'extrême gentillesse des gens rencontrés qui nous accordé leur temps pour nous montrer ce qui leur tient à coeur et cet échange-là n'est pas près de s'effacer ni les visages amis...
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Au fait, vous l'ai-je dit ?
Pour apprendre à tresser les palmes ... il faut venir regarder, rester longtemps, patiemment ...
Ici, c'est Lucia aux mains noueuses. Elle ne se plaint ni de l'arthrose ni du travail qui façonnent ses doigts. Ce qui doit être fait sera fait. C'est plus difficile maintenant : les palmes d'aujourd'hui sont moins souples que ceux d'antan. Autrefois on mettait en terre dans les jardins les palmes un mois avant les Rameaux pour bien les blanchir et les assouplir : de nos jours les jardins sont abandonnés et les rats prospèrent et mangent les palmes - il faut donc les garder dans l'obscurité à la maison et moins longtemps et ils sont plus durs à manipuler ... Qu'importe!
Le lendemain, Vendredi Saint, nous sommes allés à la découverte des sepolcri de Castagniccia, une journée riche d' émotions : ce sera l'objet de la prochaine note ... à suivre, donc!

Semaine sainte : sepolcri de Brandu

 à la rencontre des Sepolcri de la commune de Brandu 
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(merci Monsieur Agostini !)
Ces messieurs qui nous accueillent admirent le travail de mise en scène réalisé par une jeune femme de la commune: "elle est vraiment forte!" On me confirmera ailleurs que ce reposoir de Pozzo est traditionnellemnt l'un des plus beaux de la commune. C'est que chaque église, chaque chapelle abrîte son sepolcru qui va être visité au cours de ces deux jours de la Semaine Sainte par les communautés au cours de la Cerca, cette vaste déambulation de la population conduite par les quatre confréries de Brandu portant les croix palmées sur seize kilomètres à travers la campagne ...
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(merci monsieur Peretti !)
Scénographie de la Semaine Sainte : la tradition des sepolcri . Comme ailleurs en Corse on a préparé ces reposoirs fleuris, tendus du rouge de la Passion qui accueillent en ce Jeudi Saint le Christ encore voilé. Ici le sepolcru de l'église des Capuccini à Pozzo, église San Bartolomeu, anciennement église du couvent des Capucins de Brando.
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Le blé nouveau germé depuis quarante jours veille le Christ dans l'attente .
 Symbole triomphant de la résurrection après la mort :
" Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul;
s'il meurt, il porte beaucoup de fruits."
(Evangile de saint Jean)
Le Christ partage ce symbole ancien avec le dieu civilisateur égyptien Osiris, dont il est aussi l'emblème de la mort et de la résurrection, mais aussi plus tardivement avec la grecque et bienfaisante déesse-mère  Déméter et avec sa fille Perséphone, celle-là même qui partage sa vie entre le royaume infernal des morts auprès de son ravisseur/époux Hadès et sa mère: six mois dans une germination lente née de la mort du grain enfoui, couché dans l'obscurité sous terre, six mois dressé, grandissant et mûrissant  à la lumière sur terre . Lors des mystères d'Eleusis n'enseignait- on pas cette vérité cachée de l'immortalité de l'âme et de sa résurrection après la mort ? Une époque heureuse où les épis récoltés n'étaient pas stériles et donnaient à leur tour une semence bien vivante .
Qui dit blé semé dit blé moissonné : la moisson du blé évoque une autre moisson symbolique et sa grande faucheuse armée ...
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a Falcina, ici sur un montant de croix (Castiglione)
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ou là sur une bannière de confrérie (Stoppia Nova)
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En attendant sa résurrection, ce Christ très ancien aux bras articulés sera dévoilé le Vendredi Saint.  Aujourd'hui repeint - certes avec amour ! - il devrait retrouver bientôt son apparence première après restauration ... Pour l'instant  il semble dormir bien tranquillement, les yeux clos.
(à suivre!)

28/03/2010

Sepolcri de Corse, suite ...

... et d'autres sepolcri ...
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... celui de Quercitello (XVIIIème s. Castagniccia) ...
nudité fragile non pas raidie
exposée tendrement dans son lange de mort
par des anges aux bras ouverts
les yeux fermés de l'Un
 les yeux baissés des autres
la main de l'ange laissée libre pour la parole
de la compassion
non pas hurlée
non pas criée
non pas chantée
juste méditée
silencieuse
sous sa guirlande de roses odorantes
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... celui de Nessa (XIXème s. Balagne) ...
peint par le peintre local Giuseppe Antonio ORSINI de NESSA:
"Attendite universi populi et videte dolorem meam"
Ici, raideur cadavérique
et cathéchisme égrené
tout autour du sepolcru
des instruments de la Passion
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meurtrissure des pieds nus
ceux-là mêmes qui ont trotté sur les chemins dallés
entre montagne et mer
sous les oliviers
pour pacager
piocher
glaner
ceux-là mêmes qui ont botté les fesses des chenapans
foulé les raisins au pressoir
goûté l'herbe et la mousse
bref des pieds intelligents de glèbeux
avec de longs orteils comme antennes
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...  et sur  un fond sombre, celui de San Damianu (XVIIIème s. Castagniccia)
peint par Giacomo GRANDI ...
et la plainte véhémente de Marie de Magdala
qui dévoile de sa main amoureuse le visage du Christ
les larmes de Marie de Jacques
la souffrance poignardée de la Mère
devant le corps supplicié
de l'Aimé
de tous les suppliciés aimés de la terre
et Marie la Mère a dénoué sa chevelure en signe de deuil
libérant le flot puissant de sa douleur
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 à Occhiatana, le Monument aux Morts de Damaso MAESTRACCI:
Hier, à la cathédrale Saint Jean Baptiste de CALVI, nous sommes allés écouter un très beau concert donné par l'ensemble  ORFEO ISULANU:
STABAT MATER DOLOROSA E FURIOSA.
Au programme, Benedetto MARCELLO et son Salmo Deciquinto pour alto, violoncelle et basse continue.
 Puis un extra - ordinaire Stabat Mater de Giovanni Battista PERGOLESE où , en compagnie de l'alto Michel GERAUD, de Philippe TALLI, violon baroque, Elena FILIPPI, violon baroque, Irmtraud HUBATSCHEK, violoncelle baroque et direction, et Catherine ZIMMER-LEGRENZI, clacecin, la soprano et comédienne Brigitte PEYRE portait ardemment entre les parties chantées de Pergolèse un  texte étonnant : STABAT MATER FURIOSA, de Jean-Pierre SIMEON, écrit en 1997 au Liban, un réquisitoire violent contre "l'homme de guerre":
"Parole d'une femme , libérée autant qu'il se peut du dolorisme que lui assignent des conventions millénaires, parole dressée en invective brutale et sans rémission face à la merde (il faut ici un mot net et absolu) du meurtre perpétuel. Stabat Mater furiosa, donc; et non point dolorosa ..." (Jean-Pierre Siméon).
Entreprise audacieuse d'Irmtraud Hubatschek, concert hors normes où l'auditeur venu par la musique alléché se trouve fortement dérangé dans son confort,  pris à partie, soumis au rouleau compresseur de la parole lâchée entre deux musiques sublimes du tout jeune Pergolèse (n'est-il pas lui même mort avant terme, l'année de sa création du Stabat Mater ... à seulement 26 ans ...). Brigitte Peyré est formidable, dans tous les sens du mot , passant dans l'instant et dans un même geste de la parole projetée au chant ...
Cela rejoint avec force les sepolcri peints de nos villages : nous sommes impliqués, pas seulement consommateurs ...
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Occhiatana: cet autre forme de sepolcru dressé à la face des villages ...
"Je suis celle qui refuse de comprendre
je crache sur le guerrier de la prochaine guerre
qui joue aujourd'hui avec son ours en peluche"
( Jean-Pierre SIMEON)