06/01/2011
petite brève du Purgatoire: "Organo pleno" en Corse mardi 28 décembre 2010
Sur FRANCE-MUSIQUE, le deuxième volet de l'émission d'ORGANO PLENO, de Benjamin François,
ce 28 décembre dernier.
(Un des plus beaux instruments emblématiques de la Balagne: l'orgue anonyme de la confrérie San Carlu, 1733, restauration de B. Formentelli en 1976: si mes oreilles ne m'ont pas trahie, c'est ici qu'a été jouée et enregistrée la toccata de Zipoli, par Dominique Ferran (in "Zipoli l'Européen, les chemins du Baroque, CD K 617 037, en 1993) - Au fait, une véritable discographie des orgues corses eût été bien venue dans cette émission ou, à défaut, sur le site de Benjamin François)
J'ai écouté hier en différé cette deuxième émission sur les orgues de Corse. En vérité je reste perplexe sur les intentions de Benjamin François: voulait-il faire découvrir les orgues de Corse et à quel public s'adressait-il? Connaisseurs? "grand public" ? Quoi qu'il en soit ce deuxième volet, plus intéressant en soi que le premier, m'a semblé davantage dédié à la voix qu'aux orgues de l'île: il eût mieux trouvé sa place dans une étude sur le chant polyphonique en Corse.
Toute cette émission repose sur une idée sympathique mais irréelle quant aux pratiques d'aujourd'hui, celle d'un alternatim entre les chants polyphoniques et les interventions de l'orgue.
Parole de coliturge, si je m'avisais de pratiquer cette alternance improvisée entre les versets chantés par les chantres du village lors du Kyrie, du Gloria ou de l'Agnus en situation de messe à Speluncatu, je m'attirerais les foudres de mon curé, toujours "à la bourre" entre deux offices!
Que cet alternatim ait existé par le passé, on peut le penser, à une époque désormais révolue où il y avait au moins un prêtre par paroisse et où les cérémonies se déroulaient avec tout le temps et le faste requis ...
Les interventions fort savantes de nos amis de Pigna témoignaient de leur travail depuis des décennies pour le riacquistu du patrimoine culturel de la Corse. En revanche je doute qu'à l'écoute de cette émission les auditeurs non initiés aient découvert réellement ni la diversité du patrimoine organistique de l'île, ni la pratique actuelle du chant dans les villages.
Pour les orgues, on aurait aimé en savoir un peu plus sur la composition de ces instruments, goûter, comme on goûte les vins de terroir, la saveur particulière de tel ou tel jeu, du cornetto, de la voce umana ... et si les interventions à l'orgue Viviane Loriaut sont toujours aussi musicales (ah! le Tiento de Correa!) on aurait apprécié qu'elle nous fasse entendre cet orgue Agati-Tronci de Rogliano aussi avec un répertoire du dix-neuvième siècle, ce qu'elle fait également très bien (voir sa discographie). Bref, un grand nombre d'orgues corses datant du 19° siècle il me semble très réducteur pour le public de n'évoquer que la musique ancienne de nos très chers Frescobaldi ou Correa de Arauxo !
La tribune et le buffet de l'orgue de Roglianu, église sant Agnellu, qui abritait au 18°siècle l'orgue LAZARI de 1731. La reconstruction et l'agrandissement de cet orgue par la firme Agati-Tronci en 1888 va mettre en danger l'ensemble...
la tribune, alourdie par l'augmentation des jeux, est menacée d'effondrement et lors de la restauration en en 1988, J.F.Muno va installer l'orgue restauré dans une chapelle latérale: c'est cet instrument que nous avons entendu lors de l'émission du 28 décembre.
l'esthétique musicale de cette fin 19° siècle se traduit par l'abondance des jeux " da concerto", où en particulier les anches se font la part belle ...
Il est bien évident que la composition (6 rangs de ripieno décomposé + flauto + voce umana) d'un petit orgue comme celui-ci à Costa, anonyme du début 19°siècle, évoque une toute autre pratique musicale ... plus proche de l'esthétique classique italienne des 17° et 18° siècles et servira d'autres musiques. C'est ce qu'on aurait aimé percevoir dans l'émission de Benjamin François.
Par ailleurs quelques erreurs "d'étiquetage" des plages sonores ont embrouillé l'écoute ... du moins pour les connaisseurs. Peu importe sans doute: probablement estime-t-on en haut lieu qu'un orgue en vaut un autre et que tous les interprêtes sont interchangeables ...
Enfin, à nouveau on peut s'étonner de ne pas avoir appris ce qu'a été et ce qu'est toujours "ROC" (Renaissance de l'orgue corse), cité dans l'émission mais sans explication. Etrange zappage qui occulte une masse de travail et de connaissance sur l'orgue corse.
***
Venons-en au chant.
L'histoire de cette réappropriation mériterait plus qu'une note brève de réaction à cette émission.
Pour faire court, disons seulement ceci: le propos du chantre et confrère de Roglianu, évoquant la transmission naturelle et tranquille du chant entre les générations m'a paru ce qu'il y avait de plus juste et de plus réaliste. Certes il a été nécessaire dans différentes communautés de renouer avec le chant du village grâce au travail "musical" de certaines personnalités, mais heureusement ce travail initial ne s'est pas sclérosé dans un seul mode opératoire et notre expérience du chant s'est rapidement affranchie de tout calque extérieur: avant tout, le chant, ce sont des gens qui le passent, qui l'expriment avec leurs qualités particulières et parfois aussi leurs manques. Il n'y a pas un seul modèle labélisé pour porter le chant, une seule démarche "esthétique" pour recevoir l'estampille AOC du chant corse ... Il n'est souvent pas nécessaire d'ornementer de façon savante pour être "juste" Ni du reste d'être dans la polyphonie pour être corse.
J'ai le souvenir d'un Libera me terriblement simple et poignant, chanté à voix seule par un vieux monsieur de Muro pour l'enterrement d'une jeune femme: on était là aux antipodes de ces beaux chants polyphoniques qui plaisent tant aux amis touristes, mais on était dans la réalité profonde de ce chant d'adieu et d'accompagnement. Des souvenirs comme celui-là, j'en ai beaucoup qui témoignent avant tout d'une façon simple d'être au chant, rien de savant, mais tout dans la présence sans tricherie, dans l'intention et le partage.
A ce sujet, seulement un autre souvenir: sur cette vieille photo que j'aime beaucoup, l'on voit Ceccu Saladini au centre, chantant en compagnie de Nunziu et de Santu. Pour les amis du Ghjunsani, ces noms disent beaucoup ... Nous avions ensemble travaillé à la renaissance des chants religieux d'Olmi Cappella et pour moi cette période privélégiée m'avait ouvert les oreilles et le coeur, me conduisant par la suite au travail communautaire de la messe de Speloncatu .
Un peu plus tard, Ceccu, après le décès de sa chère épouse, affligé et fatigué, avait désormais refusé de chanter encore pour l'église. Jusqu'au jour où une vieille dame amie décèda à son tour à Piuggiula: et là, contre toute attente, Ceccu, pour la dernière fois, lui a fait, nous a fait le cadeau de sa présence. Dans la petite église bondée, vous auriez entendu voler une mouche: nous étions suspendus à la voix de Ceccu, voix d'asthmatique et de cardiaque. Avec lui, le bassu et la terza accompagnèrent ce jour là ce filet de voix dans un murmure doux comme une ultime berceuse, un ultime viatique pour Angèle ...
Cette émotion là me parait bien loin de l'apprentissage formaté de la riuccada ou de l'harmonie traditionnelle. Tous ces groupes vocaux qui interprètent avec leurs voix magnifiques le répertoire traditionnel des villages sont parfaits en concert mais sans doute plus proches des conservatoires de musique que des communautés villageoises elles-mêmes. Ils n'ont sans doute plus grand chose à voir avec le travail solidaire et de longue haleine mené par les confréries des villages ni avec leur rôle au sein des villages ... Deux mondes distincts.
Ici les trois chantres qui chantent a Nanna à Olmi Cappella (entendue au cours de l'émission)
in: Chants religieux et Orgues de Corse,
double CD avec les orgues d'Olmi Cappella et de Muro,
Marie Hélène Geispieler à l'orgue.
Disque CORIOLAN COR/GPP 325 0401
(à suivre)
11:29 Publié dans brèves du purgatoire, corse, orgues historiques de Corse, patrimoine, patrimoine du chant corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : benjamin françois, organo pleno, dominique ferran, orgues de corse, chant polyphonique de corse, alternatim voix et orgue, ceccu saladini | Facebook |
18/12/2010
dimanche 12 décembre, avec Via Stella ...
Ce dimanche dernier, l'équipe de Via Stella avec René, Laurent et Dumè s'apprête à partager une nouvelle journée de randonnée en Balagne:
une petite moisson d'images entre Aregnu, Cateri, Lavatoggiu et Lumiu...
première étape, AREGNU.
La lumière hivernale ce matin là sur notre chère Balagne est tout bonnement magnifique!
Ce dimanche, nous n'aurons pas le temps de jouer le bel orgue Agati-Tronci (1888) de l'église paroissiale: les sentiers nous appellent ...
Sur la place de l'église Sant' Antone, d'un côté la vue sur Cateri , au pied des colllines de Carcu (site néolithique ancien) et de Modria (oppidum protohistorique) ...
... de l'autre sur Sant' Antuninu, le fief altier de Pinito Savelli vers 870, domine de ses 521 m du haut de son Capu Corbinu : à l'est la riche plaine du Reginu, à l'ouest la région d'Aregnu... Sans doute occupé dès l'époque romaine (III° s. avant J.C.) pour sa situation stratégique, au IX° s. capitale de la Balagne en remplacement de Curbara, Sant'Antuninu (St Antonin, " l"Inestimable", martyrisé en 308 à Césarée), au cours de sa tumutueuse histoire, défraie la chronique: au XIII°s. le comte Buono Savelli y fera assassiner une soixantaine de cavaliers du Giudice di Cinarca, dont il conteste la suprématie sur la Balagne, au XV° s., les maisons des Savelli, alliés de Rinuccio da Lecca sont détruites et brûlées par Juan-Paolo da Lecca... Au XVI° s., à l'ère des Caporali, la place forte sera disputée par les troupes de Sampieru Corsu ...
L'église de la Trinité, aujourd'hui sur la commune d'Aregnu, dépendait à l'origine de ces seigneurs turbulents de Sant'Antoninu ...
Justement, nous attaquerons notre journée de balade dans cette partie de la Balagne par une visite incontournable à l'église pisane polychrome de la Trinità et San Ghjuvan-Battista (XII°s.), ancienne église piévane, où nous attend Colette (merci Colette pour tes photos!)
La façade ouest et sa statuaire si éloquente!
le "tireur d'épine" (invitation à s'extirper le mal de l'âme)
Les deux personnages de part et d'autre de la porte d'entrée , que l'on retrouve dans d'autres églises piévanes de Corse (cf. Murato) signalent-ils les fondateurs de l'église ou évoquent-ils la justice religieuse et temporelle? toujours est-il qu'à proximité se situait l'arringu, où se rendait la justice de cette pieve.
Je reviendrai une autre fois sur cette église si belle que nous ne faisons qu'effleurer ce matin, comme nos ombres ... Elle fait partie de la deuxième tranche du programme de restauration des chapelles à fresques ... En principe cette année ...
Sur le sentier qui descend d'Aregno vers Cateri,
première renconte avec les stars!
Monter, descendre, tranquillement, un vrai plaisir
Un milan plane, nous avec ...
et Laurent filme
A CATERI, découverte de l'orgue de Gaspard Domini, restauré par Alain Sals : comment ça marche ?...
René s'exerce d'un air fort inspiré à l'art de l'organiste de village ... Je ne sais trop ce qu'en ont pensé les voisins de l'église: ars nova ?
En bas, Sainte Lucie est prête pour la grande fête du lendemain:
je viendrai animer la messe à l'orgue ...
Le chemin nous a conduits en-dessous de LAVATOGGIU. Fief dissident, sous les deux sommets du Capu d'Occi (5563 m) et du Capu Bracaghju (556 m), du seigneur Malafede-Savelli, frère de Pinasco, et neveu d'Arrigo Bel Messere: indépendance autodéclarée autour de l'an mille ... Je me promets de revenir bientôt à Lavatoggio, riche d'histoire et de rumeurs médiévales ...
la chapelle San Lorenzu, dans le hameau de Croce
Le lavoir de Croce: à cette saison l'eau jaillit de toutes parts
alimentant le bassin où l'on allait encore il n'y pas si longtemps laver son linge: l'endroit bruisse toujours des conversations d'alors ...
Le sentier nous conduit sur le plateau habités d'anciens pagliaghji et où l'on rencontrera la chapelle San Giovanni a i Venti, puis celle de la Madonna di a Stella (et de son ermitage). Là-haut, la surprise de voir un couple d'aigles tournoyant autour du Capu Bracaghju, en compagnie de leur jeune en vol: impressionnant, le temps suspendu et l'envie de rester là, à les regarder sans penser à rien ... Merci!
La chapelle de la Madonna di a Stella.
C'est bientôt la fin de notre balade: la journée hivernale s'achève tôt. La lumière s'est rétécie, la nuit prépare déjà son ombre ... Ce qui ne ruisselle pas craquelle comme verre de gel sous nos pas.
En redescendant du côté de Lumio, nous allons retrouver "la civilisation", la vue sur la mer, Monte Ortu, les maisons contemporaines, le ciment, et ... le bruit : j'ai oublié de vous dire que ce fameux dimanche 12 décembre, il y avait la course des voitures, vroum, vroum, vroum et pétarades à l'envie.
Là-haut, de l'autre côté sous Bracaghju, c'était le divin silence traversé par le cri royal des aigles en vol ...
Merci à tous! (photo de René)
la troupe (photo de René)
Cette émission réalisée pour Via Stella sera diffusée en début d'année:
donc, à suivre! J'espère qu'on verra les aigles .
a prestu!
16:33 Publié dans balades en Corse, parcours de découverte du patrimoine en Corse, patrimoine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : via stella, randonnées de découverte, balagne, aregno, cateri, lavatoggio, lumio | Facebook |
23/11/2010
Toujours Novembre ...
Et après ... comment ça se passe ?
(nous chantait-on alors)
... DIES IRAE DIES ILLA ...
En Balagne, à Calenzana, comme dans une bande dessinée, ce Jugement dernier:
bon, ce que je constate, c'est que de l'autre côté il y a foule!
Le moment semble venu de définitivement séparer les Bons des Méchants, les Elus des Maudits: heureusement pour le tribunal céleste, les enquêtes sont menées rondement et sans risque d'erreur ... rien n'échappe à l'oeil du Juge suprême, pas même les plus petites rétrocommissons occultes ... ça va faire mal!
Une version jupitérienne de Dieu le Père, nimbé de gloire, foudroie les "MALEDICTI", désigne de sa main droite la Croix salvatrice et de sa gauche armée du sceptre montre les Ecritures, tandis que sonnent les trompettes annonçant la résurrection des morts. A ses côtés, la Vierge "nostra advocata" plaide, en compagnie d'une nuée de saints, reconnaissables à leurs symboles habituels, leur palme, l'instrument de leur martyre ... tous intercèdent en faveur des Morts: c'est qu'ils ont des trésors inépuisables de bienfaits à déverser sur nous ...
... foule animée, le regard tendu vers la lumière de Dieu le Père, à moins qu' on ne vous contemple vous, pour vous mettre en garde, comme ce Saint François qui prie pour vous ... ce qui me fait penser que cette oeuvre était peut-être destinée à la pastorale franciscaine ... en dessous, les élus, nombreux et sereins
tandis qu'au centre de la toile Saint Michel Archange continue de terrasser Satan et de chasser les Damnés (beaucoup moins nombreux que les Elus, je vous rassure) voués irrémédiablement à leur sort misérable : voyez ce qui nous attend si par malheur ...
... hé hé hé! ...
... j'espère que cet acte de dévotion lui aura été profitable, à ce Giuseppe,
le moment venu !
(à suivre)
22:59 Publié dans corse, la mort, patrimoine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jugement dernier, calenzana, balagne | Facebook |
17/07/2010
Brève du Purgatoire: Santa Maria di Rescamone
13/05/2010
Olmi Cappella: la restauration de la chapelle du Rosaire
14:54 Publié dans patrimoine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : olmi cappella, corse, ghjunsani, restauration de décors baroques, problèmes de remontées capillaires, injections de résine, arca | Facebook |