06/01/2011
petite brève du Purgatoire: "Organo pleno" en Corse mardi 28 décembre 2010
Sur FRANCE-MUSIQUE, le deuxième volet de l'émission d'ORGANO PLENO, de Benjamin François,
ce 28 décembre dernier.
(Un des plus beaux instruments emblématiques de la Balagne: l'orgue anonyme de la confrérie San Carlu, 1733, restauration de B. Formentelli en 1976: si mes oreilles ne m'ont pas trahie, c'est ici qu'a été jouée et enregistrée la toccata de Zipoli, par Dominique Ferran (in "Zipoli l'Européen, les chemins du Baroque, CD K 617 037, en 1993) - Au fait, une véritable discographie des orgues corses eût été bien venue dans cette émission ou, à défaut, sur le site de Benjamin François)
J'ai écouté hier en différé cette deuxième émission sur les orgues de Corse. En vérité je reste perplexe sur les intentions de Benjamin François: voulait-il faire découvrir les orgues de Corse et à quel public s'adressait-il? Connaisseurs? "grand public" ? Quoi qu'il en soit ce deuxième volet, plus intéressant en soi que le premier, m'a semblé davantage dédié à la voix qu'aux orgues de l'île: il eût mieux trouvé sa place dans une étude sur le chant polyphonique en Corse.
Toute cette émission repose sur une idée sympathique mais irréelle quant aux pratiques d'aujourd'hui, celle d'un alternatim entre les chants polyphoniques et les interventions de l'orgue.
Parole de coliturge, si je m'avisais de pratiquer cette alternance improvisée entre les versets chantés par les chantres du village lors du Kyrie, du Gloria ou de l'Agnus en situation de messe à Speluncatu, je m'attirerais les foudres de mon curé, toujours "à la bourre" entre deux offices!
Que cet alternatim ait existé par le passé, on peut le penser, à une époque désormais révolue où il y avait au moins un prêtre par paroisse et où les cérémonies se déroulaient avec tout le temps et le faste requis ...
Les interventions fort savantes de nos amis de Pigna témoignaient de leur travail depuis des décennies pour le riacquistu du patrimoine culturel de la Corse. En revanche je doute qu'à l'écoute de cette émission les auditeurs non initiés aient découvert réellement ni la diversité du patrimoine organistique de l'île, ni la pratique actuelle du chant dans les villages.
Pour les orgues, on aurait aimé en savoir un peu plus sur la composition de ces instruments, goûter, comme on goûte les vins de terroir, la saveur particulière de tel ou tel jeu, du cornetto, de la voce umana ... et si les interventions à l'orgue Viviane Loriaut sont toujours aussi musicales (ah! le Tiento de Correa!) on aurait apprécié qu'elle nous fasse entendre cet orgue Agati-Tronci de Rogliano aussi avec un répertoire du dix-neuvième siècle, ce qu'elle fait également très bien (voir sa discographie). Bref, un grand nombre d'orgues corses datant du 19° siècle il me semble très réducteur pour le public de n'évoquer que la musique ancienne de nos très chers Frescobaldi ou Correa de Arauxo !
La tribune et le buffet de l'orgue de Roglianu, église sant Agnellu, qui abritait au 18°siècle l'orgue LAZARI de 1731. La reconstruction et l'agrandissement de cet orgue par la firme Agati-Tronci en 1888 va mettre en danger l'ensemble...
la tribune, alourdie par l'augmentation des jeux, est menacée d'effondrement et lors de la restauration en en 1988, J.F.Muno va installer l'orgue restauré dans une chapelle latérale: c'est cet instrument que nous avons entendu lors de l'émission du 28 décembre.
l'esthétique musicale de cette fin 19° siècle se traduit par l'abondance des jeux " da concerto", où en particulier les anches se font la part belle ...
Il est bien évident que la composition (6 rangs de ripieno décomposé + flauto + voce umana) d'un petit orgue comme celui-ci à Costa, anonyme du début 19°siècle, évoque une toute autre pratique musicale ... plus proche de l'esthétique classique italienne des 17° et 18° siècles et servira d'autres musiques. C'est ce qu'on aurait aimé percevoir dans l'émission de Benjamin François.
Par ailleurs quelques erreurs "d'étiquetage" des plages sonores ont embrouillé l'écoute ... du moins pour les connaisseurs. Peu importe sans doute: probablement estime-t-on en haut lieu qu'un orgue en vaut un autre et que tous les interprêtes sont interchangeables ...
Enfin, à nouveau on peut s'étonner de ne pas avoir appris ce qu'a été et ce qu'est toujours "ROC" (Renaissance de l'orgue corse), cité dans l'émission mais sans explication. Etrange zappage qui occulte une masse de travail et de connaissance sur l'orgue corse.
***
Venons-en au chant.
L'histoire de cette réappropriation mériterait plus qu'une note brève de réaction à cette émission.
Pour faire court, disons seulement ceci: le propos du chantre et confrère de Roglianu, évoquant la transmission naturelle et tranquille du chant entre les générations m'a paru ce qu'il y avait de plus juste et de plus réaliste. Certes il a été nécessaire dans différentes communautés de renouer avec le chant du village grâce au travail "musical" de certaines personnalités, mais heureusement ce travail initial ne s'est pas sclérosé dans un seul mode opératoire et notre expérience du chant s'est rapidement affranchie de tout calque extérieur: avant tout, le chant, ce sont des gens qui le passent, qui l'expriment avec leurs qualités particulières et parfois aussi leurs manques. Il n'y a pas un seul modèle labélisé pour porter le chant, une seule démarche "esthétique" pour recevoir l'estampille AOC du chant corse ... Il n'est souvent pas nécessaire d'ornementer de façon savante pour être "juste" Ni du reste d'être dans la polyphonie pour être corse.
J'ai le souvenir d'un Libera me terriblement simple et poignant, chanté à voix seule par un vieux monsieur de Muro pour l'enterrement d'une jeune femme: on était là aux antipodes de ces beaux chants polyphoniques qui plaisent tant aux amis touristes, mais on était dans la réalité profonde de ce chant d'adieu et d'accompagnement. Des souvenirs comme celui-là, j'en ai beaucoup qui témoignent avant tout d'une façon simple d'être au chant, rien de savant, mais tout dans la présence sans tricherie, dans l'intention et le partage.
A ce sujet, seulement un autre souvenir: sur cette vieille photo que j'aime beaucoup, l'on voit Ceccu Saladini au centre, chantant en compagnie de Nunziu et de Santu. Pour les amis du Ghjunsani, ces noms disent beaucoup ... Nous avions ensemble travaillé à la renaissance des chants religieux d'Olmi Cappella et pour moi cette période privélégiée m'avait ouvert les oreilles et le coeur, me conduisant par la suite au travail communautaire de la messe de Speloncatu .
Un peu plus tard, Ceccu, après le décès de sa chère épouse, affligé et fatigué, avait désormais refusé de chanter encore pour l'église. Jusqu'au jour où une vieille dame amie décèda à son tour à Piuggiula: et là, contre toute attente, Ceccu, pour la dernière fois, lui a fait, nous a fait le cadeau de sa présence. Dans la petite église bondée, vous auriez entendu voler une mouche: nous étions suspendus à la voix de Ceccu, voix d'asthmatique et de cardiaque. Avec lui, le bassu et la terza accompagnèrent ce jour là ce filet de voix dans un murmure doux comme une ultime berceuse, un ultime viatique pour Angèle ...
Cette émotion là me parait bien loin de l'apprentissage formaté de la riuccada ou de l'harmonie traditionnelle. Tous ces groupes vocaux qui interprètent avec leurs voix magnifiques le répertoire traditionnel des villages sont parfaits en concert mais sans doute plus proches des conservatoires de musique que des communautés villageoises elles-mêmes. Ils n'ont sans doute plus grand chose à voir avec le travail solidaire et de longue haleine mené par les confréries des villages ni avec leur rôle au sein des villages ... Deux mondes distincts.
Ici les trois chantres qui chantent a Nanna à Olmi Cappella (entendue au cours de l'émission)
in: Chants religieux et Orgues de Corse,
double CD avec les orgues d'Olmi Cappella et de Muro,
Marie Hélène Geispieler à l'orgue.
Disque CORIOLAN COR/GPP 325 0401
(à suivre)
11:29 Publié dans brèves du purgatoire, corse, orgues historiques de Corse, patrimoine, patrimoine du chant corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : benjamin françois, organo pleno, dominique ferran, orgues de corse, chant polyphonique de corse, alternatim voix et orgue, ceccu saladini | Facebook |
27/04/2010
Les orgues de Corse: un patrimoine insulaire à restaurer et faire vivre
LES ORGUES HISTORIQUES DE CORSE
Un patrimoine insulaire pour l’Europe à restaurer et faire vivre ...
(avec l'orgue Pagnini/Agati Tronci de Muro qui prenait le soleil hier )
La Corse, décidément, peut nous surprendre: cette île si faiblement peuplée, trop souvent malmenée par les conflits extérieurs ou intérieurs, aurait pu ne laisser de son paysage culturel qu’une identité exsangue, morcelée. Or ce peuple de montagnards, bergers et notables confondus, a légué un riche patrimoine aux multiples facettes, qui témoigne en particulier de son sens inné de la musique : le chant (qu’il soit ou non polyphonique, religieux ou profane), mais aussi la musique instrumentale tiennent une part primordiale dans sa vie.
Parmi tous les instruments populaires en Corse, invités à toutes les fêtes, cialambele, pirule, cetere, violons, cornemuses, mandolines, accordéons, guitares … pour n’en citer que quelques uns, on est étonné de trouver sur l’île un tel engouement pour l’orgue, si admirablement représenté sur l’île . Patrimoine important que l’on trouve non seulement dans les villes – huit instruments à Bastia, six à Ajaccio - mais aussi, et cela est beaucoup plus surprenant, dans les villages de l’intérieur : on peut du reste penser que les organistes de village avaient la même relation instinctive et passionnelle avec leur orgue que les violoneux du village avec leur violon …
Aujourd’hui la Corse est riche d’une centaine d’orgues historiques dont l’histoire et la facture nous sont mieux connues grâce aux travaux de recherche de Renaissance de l’Orgue Corse et au remarquable ouvrage de Sébastien Rubellin : « L’orgue corse de 1557 à 1963 » (éditions Alain Piazzola).
L’Italie a définitivement, là aussi, marqué de son empreinte la Corse, et les orgues, dès leur apparition (au 16ème siècle, aujourd’hui disparus) seront de facture italienne, avec diverses influences de la Péninsule : toscane, ligure, lombarde, romaine… Le seul orgue du 17ème siècle en état de jouer avait été construit en 1619 pour la cathédrale Sainte Marie de Bastia et chante aujourd’hui depuis 1844 à Piedicroce . Au 18ème siècle, sur les 66 orgues recensés, 36 se trouvaient dans des couvents ! Le 19ème siècle connaîtra une véritable « épidémie » organistique née de l’émulation entre communautés et verra même la naissance d’un atelier de facture d’orgue « italo-corse » dans le village de Speloncato en Balagne avec la famille des Saladini… A cette époque, la Corse devenue française reste - sur beaucoup de plans - de culture italienne jusqu’à la fin du 19ème siècle et l’on continue, en les faisant évoluer au goût du jour, de construire des orgues italiens. Dans la Corse du Nord, plus prospère, la concentration et la qualité de ces petits orgues corses interpelle le visiteur venu parfois de très loin. Le Sud, bien que plus pauvre, offre cependant aussi quelques beaux instruments, dont l’orgue Cavaillé-Coll de la Cathédrale d’Ajaccio qui en fait une exception française remarquable.
Les orgues de Corse, dont une partie non négligeable a fait l’objet de « restaurations à l’identique » (le bon facteur d’orgue réutilisant le maximum de matériel d’origine et observant attentivement tous les paramètres archéologiques de l’instrument), protégées ou non au titre des Monuments Historiques, sont dans leur ensemble de taille modeste, à la mesure de l’église qui les abrite et de la bourse peu garnie des communautés concernées: un clavier unique de 45 ou 50 touches, avec la première octave courte, une coupure au milieu (au do ou, plus tardivement au fa), pour faire chanter sur le dessus un Cornetto, une Voce Umana, et plus tard les jeux d’orchestre, un « Ripieno » (plenum) à rangs décomposés très lumineux, servant admirablement la polyphonie, parfois un Nazardo, souvent une Flauto à l’octave, un petit pédalier rudimentaire, quelques accessoires (Rossignol, Tamburo)… Le tout souvent logé dans un buffet élégant et installé sur une étonnante tribune construite et décorée avec goût et créativité …
Au fait, ce bien bel instrument, restauré par Jean-François MUNO en 1982, a fait l'objet d'un enregistrement par Marie Hélène Geispieler en 2005 ... Avis!
A propos de restauration ...
L’intérêt de ces instruments n’est plus à démontrer. Voilà un patrimoine générateur d’émotions et promoteur d’un enjeu économique et touristique durable tant pour les communautés qui en sont responsables que pour les personnes venues de l’extérieur rencontrer la Corse dans sa richesse humaine, naturelle et culturelle. L’effort de restauration des orgues historiques de l’île entrepris il y a plus de quarante ans ne doit pas faiblir, à condition de prendre garde de restituer tout le caractère historique et archéologique de chaque instrument et de s’entourer de toutes les précautions d’usage.
Qu’il soit ou non classé Monument Historique, l’orgue, lors des appels d’offre, doit impérativement faire l’objet d’une véritable mise en concurrence des compétences et le sérieux des études préalables devrait pouvoir garantir aux communautés qui s’engagent sur ces dossiers onéreux l’excellence du résultat : l’argent investi pour ces restaurations largement subventionnées par la CTC, est celui du citoyen qui est en droit d’en demander des comptes.
Monsieur Michel FOUSSARD, chargé d’une mission financée par la Direction Régionale des Affaires Culturelles et la Collectivité Territoriale de Corse a rédigé en 1997 une excellente étude :
« L’ISULA DI L’ORGANI », les orgues de Corse, Situation, enjeux, propositions »
Il y évoque l’intérêt essentiel qu’il y aurait à doter la Corse d’un CONSEIL SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE chargé en particulier d’accompagner dans leurs démarches les municipalités désireuses de faire restaurer l’orgue de leur communauté. A ce propos, lorsque l’orgue bénéficie d’un classement, le technicien conseil chargé de l’étude préalable ( subventionnée) rédige un cahier des charges détaillé qui doit mettre la municipalité à l’abri des mauvaises surprises. En absence de classement, et la technicité particulière de l’orgue n’étant pas à la portée de tout un chacun, le regard averti de ce Conseil scientifique et technique en amont de la restauration garantirait le sérieux de l’opération. L’expérience nous apprend hélas qu’un orgue insuffisamment bien restauré ne tarde pas à connaître les incidents qui vont le rendre impropre à l’usage qu’on en attend ... accords difficiles ... claviers laborieux ... ripieno indécis ...
Un facteur d'orgue a récemment comparé son travail de remise en vie des orgues muets au baiser du Prince Charmant qui éveille la Belle au Bois Dormant de son long sommeil : jolie comparaison, en souhaitant pour la Belle que l'haleine du Prince soit bien fraiche, que pur soit son désir, et ... qu'il ait auparavant acquis une solide expérience amoureuse !
Il semble donc urgent d'aider en amont les élus responsables du patrimoine lorsqu'ils s'engagent, et avec quel courage! sur la voie de la restauration de leur orgue. L'opération une fois terminée, il sera beaucoup plus difficile après coup de revenir sur un travail insatisfaisant, en particulier lorsque le vent se dispersera pernicieusement entre table, registres et chapes du maître sommier et causera des désordres qui réclameront à nouveau une intervention lourde: devoir remettre le sommier sur l'établi n'est jamais une mince opération et les subventions retombent rarement deux fois dans la même escarcelle ...
(à suivre!)
18:26 Publié dans orgues historiques de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : orgues de corse, restauration des orgues de corse, muro, marie helène geispieler | Facebook |
19/08/2009
l'ensemble Scandicus en Corse
CORTE, à l'église de l'Annonciation, l'ensemble Scandicus offrait son troisième concert dans le cadre de Cimbalata Academia, festival organisé par ROC autour des orgues de Corse.
Après Belgodère et La Porta (programme de "la Renaissance des Espagnes", c'était le tour, hier de Cortè, pour celui de musique sacrée d'Ars Perfecta... Malgré le bruit des bistrots animés à l'extérieur de l'église, une musique toute d'intériorité .
12:12 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique de la renaissance, scandicus, musique espagnole de la renaissance, ars perfecta, renaissance de l'orgue corse, cimbalata academia, orgues de corse | Facebook |
25/05/2009
Balade dans le NEBBIU, 23 mai 2009
LA FÊTE TRIENNALE DE LA PRÉCIEUSE RELIQUE DE SAINT FLOR.
" Cette fête qui est célébrée à Saint-Florent, tous les trois ans, le lundi de la Pentecôte, honore la relique de Saint Flor. Elle date de la fin du XVIIIe siècle. Monseigneur Guasco, évêque du Nebbio, de 1770 à 1773, désirant donner à son diocèse, selon les mœurs religieuses de l'époque, une sainte relique, demanda au pape Clément XIV, de lui donner la dépouille d'un soldat martyr romain du IIIe siècle, ensevelie dans les catacombes Saint-Sébastien à Rome, avec la fiole de son sang, indice de son martyr. Le pape donna son accord au responsable d'un des plus anciens évêchés de la Corse.
La dépouille du martyr chrétien fut exhumée et soigneusement rangée dans une chasse de bois de cèdre doré, après avoir été parée de sa tunique brodée aux perles fines, de sa couronne de fleurs et de sa palme de martyr, ainsi que de ses attributs guerriers, car le martyr, un jeune de 15 à 16 ans, avait été un soldat du Christ (d'où la statue du soldat Romain).
Transportée par voie de mer, du port d'Ostie en Italie, en Corse, la chasse contenant la dépouille du martyr, fut débarquée sur la plage de la Marana, près de l'ancienne cathédrale de Mariana, appelée la Canonica.
Là, l'attendaient Monseigneur Guasco, tout le clergé du diocèse de Nebbio et une foule de fidèles de la région de Borgo, du Nebbio et de Saint-Florent.
Après une halte à la Canonica, la chasse du Saint fut transportée à bras d'hommes, en empruntant les sentiers muletiers qui sillonnent la région, depuis Borgo jusque dans la région du Nebbio et de Saint-Florent.
Cela se passait le lundi de la Pentecôte 1771 .
La relique avait été baptisée du nom patronymique de Saint Flor. Les initiales inscrites sur la chasse peuvent être interprétées ainsi : Clément à Saint Flor Martyr (CSFM).
La réception de la Sainte Relique à Saint-Florent, donna lieu sans doute, à une fête grandiose et la chasse fut placée sur le petit autel situé à l'extrémité Est de la nef de droite, coté Sud.
L'évêque du Nebbio institua ensuite la fête de Saint Flor, qui sera désormais célébrée, tous les trois ans, le lundi de la Pentecôte, sous les ornements rouges, propres à la fête de Pentecôte et aux fêtes des martyrs de la chrétienté.
Depuis cette époque, la fête de Saint Flor attira à Saint-Florent une foule de fidèles, venus de toute la région du nord de l'île. Le saint y était vénéré, comme l'avait souhaité Monseigneur Guasco.
Par la suite et près d'un siècle après l'intronisation de ce saint dans la cathédrale Sainte-Marie du Nebbio, la fête de Saint Flor, qui ne cessait d'attirer les foules, fut rehaussée à l'initiative de la municipalité de Saint-Florent, qui en fit une fête patronale de la ville.
Dans sa délibération en date du 6 mai 1877, le conseil municipal, désireux de donner un éclat particulier à la fête patronale de Saint Flor qui, cette année-là sera célébrée le 21 mai , décide d'inviter la musique du 55e de ligne de Bastia pour concourir à la solennité de cette fête. Ainsi s'instituera cette tradition qui est encore observée de nos jours, du concours d'une musique et d'une fanfare lors de la célébration de la fête triennale de Saint Flor.
Pour donner un éclat toujours plus populaire à cette fête, la ville se pare ce jour-là, aux deux entrées de l'agglomération et à l'intérieur même de celle-ci, de plusieurs arches de verdure, de banderoles, de guirlandes colorées, souhaitant la bienvenue aux pèlerins et rendant hommage à Saint Flor.
Autrefois, les villageois pavoisaient leurs fenêtres et les rues empruntées par la procession du Saint, avec leurs plus beaux voiles brodés, les couvre-lits aux couleurs chatoyantes, les tapis et les draps blancs sur lesquels on épinglait les fleurs de la saison : roses, géraniums, marguerites jaunes, glaïeuls des champs, épis de blé, etc. Cela donnait un véritable air de fête, et certains s'ingéniaient même à composer des paniers pleins de fleurs qui, souvent au moment du passage de la chasse du Saint, lors de la procession laissaient tomber, au milieu de la rue, une pluie de pétales de roses et de menues fleurs colorées, en hommage à la Sainte Relique.
Une autre tradition, tombée aujourd'hui en désuétude, consistait à confier à un poète, la composition d'un poème de quatorze vers en deux quatrains sur deux rimes et deux tercets qu'on appelle sonnet.
Ce sonnet était un hommage à Saint Flor et à Saint-Florent. Il était dédié à une dame de la cité que le curé avait choisie comme marraine de la fête.
Après l'office célébré en la cathédrale du Nebbio, la chasse du Saint était portée à bras d'hommes, en procession, aux accents rythmés de la fanfare, jusqu'à l'église Sainte-Anne, ou elle était exposée à la vénération des fidèles. Un nombreux clergé assistait le curé de la paroisse, lors de cette cérémonie.
On a souvent la tentation facile d'assimiler Saint Flor à Saint-Florent. Même si aucun document n'atteste de cela, Saint-Florent (San Fiurenzu), avec Saint Vendemial, fait partie des 46 évêques africains exilés en Corse par les Vandales autour des années 496-523, pendant le règne de Thrasamund.
Dans la région, outre le travail de forestier auquel il fut condamné, il contribua à l'évangélisation des populations locales qui plus tard lui rendirent hommage. Une autre thèse consiste à dire que Saint-Florent aurait subi le martyr en Afrique et que sa relique fut placée dans un sanctuaire cimetérial non trouvé à ce jour, par les mêmes évêques, qui voulurent ainsi vénérer particulièrement un des leurs.
Au VIIIe siècle, suite aux menaces des Maures, la relique de San Fiurenzu fut emportée par l'évêque Titien, à Trevise (Vénétie) ou elle fait l'objet d'un culte fervent et dont on célèbre la fête, en même temps que celle de Saint Vendémial.
La chasse de Saint Flor a été restaurée en 1988 par l'ébéniste bastiais Richard Buckland. Au cours des travaux, ce dernier trouva cinq documents signés d'un certain Paoli glissés dans les plis du coussin sur lequel reposait la tête du martyr. On parla d'un mystère. Il ne s'agissait en fait que de simples reçus de sommes d'argent versées à l'église par ceux qui cultivaient les terres lui appartenant, comme celle de Montfiascone à Santo Pietro di Tenda, alors ensemencée en blé. Cependant on ne saura sans doute jamais, pourquoi ces documents avaient été placés là.
Sous la chasse de Saint Flor se trouve une lourde dalle. Cette dernière obstrue l'entrée du créneau qui donnait accès à la crypte située en-dessous du chœur de la nef centrale.
Après la petite porte d'entrée, coté Sud, l'autel dédié à Sainte Flore (Santa Flora) dont la légende remonte au Ixe siècle, à l'époque ou les Maures furent convertis au christianisme dans la région. Sa fête était célébrée par le chapitre de la cathédrale le 1er mai. Une tradition légendaire invitait les fidèles à sentir la violette sur le mur extérieur droit de l'autel de Sainte Flore, dès le 30 avril au soir, après les Vêpres, jusqu'au lendemain 1er mai.
Plus loin, scellé sur le mur, le marbre porte le témoignage des travaux réalisés en 1715, dans le palais épiscopal proche de la cathédrale, par Nicolas Gaetan Aprosio, évêque du Nebbio.
" Nicolas Gaetan Aprosio, concitoyen et successeur dans l'île, restaura, agrandit et acheva en 1715 cette maison épiscopale irrégulière, abandonnée et tombant en ruines que Jacobus Ruscone, évêque du Nebbio, avait érigée depuis les fondements en 1615. L'an 1715 ".
L'évêque Aprosio est né le 18 août 1682. Il fut envoyé tout d'abord à Dresde, puis nommé évêque du Nebbio, en 1713. Il créa des écoles, s'occupa des pauvres, secourut les infirmes et acheva la maison épiscopale, commencée par un de ses prédécesseurs, l'évêque Ruscone. Il est considéré comme un évêque exemplaire. Il mourut en 1730. Un tableau, peint à l'huile, le représentant, est conservé dans la cathédrale de Ventimiglia.
On trouve ensuite une inscription lapidaire du XVIe siècle. Il est relevé que :
Jean Usodamare, gouverneur de la Corse, du 10 janvier 1572 au 9 mars 1573, fils de Méliaduce, lui-même ancien gouverneur de l'île, donna l'ordre d'ériger près des parois de Sainte-Marie, un monument (tugoriolum) de pardon et d'oubli des haines passées.
Il n'existe plus de trace de ce monument.
Une dernière inscription figure juste au-dessus du bénitier en marbre blanc, datant du XVIIe siècle, posé sur un socle calcaire. Cette inscription est dédiée à :
Paolo Imperiale Terrili (de Terrilli ?), noble génois, d'une grande bonté, qui fut commandant de la place forte. Son oncle paternel, Jacobus (Jacques) a érigé cette plaque à sa mémoire en l'église de la Vierge Mère, en 1529. "
Texte fourni par le Syndicat d'initiative de Saint Florent
(la façade ouest)
Nous reviendrons sur cette belle cathédrale, si lumineuse dans ses pierres de fin calcaire blanc, en vraie fille de cette région géologique exceptionnelle pour la Corse. En attendant, voici ce qu'en dit notre inspecteur des Monuments historique, Prosper MERIMEE, dans ses Notes d'un voyage en Corse ( avril 1840). Il est à St Florent le 2 octobre 1839:
"ANCIENNE CATHÉDRALE DE NEBBIO
Voici encore le type de la Canonica reproduit avec de très -légères modifications dans l'ancienne cathédrale de Nebbio, près de Saint-Florent. Même plan et presque mêmes dimensions, même absence de voûtes et de contreforts, même arcature sur les faces latérales, même motif d'ornementation pour l'apside. Il faut noter la forme des fenêtres un peu moins étroites que celles des églises précédentes. Des colonnes légèrement fuselées, alternant avec des piliers carrés, séparent les trois nefs de la basilique. Les chapiteaux des colonnes sont historiés, d'une médiocre exécution, mais les reliefs ont une saillie inusitée; les piliers n'ont que des tailloirs sans ornements; un seul se fait remarquer par des moulures bizarres qui se recourbent aux angles, de façon à figurer une espèce de crochet.
La façade, mieux conservée que celle de la Canonica, mérite seule quelque attention. Elle offre, en quelque sorte, l'image d'une coupe transversale de l'édifice. Un fronton un peu moins surbaissé que les frontons antiques surmonte les murs de la nef centrale, qui s'élèvent au-dessus des collatéraux et s'y relient par une corniche rampante. Ainsi, l'on peut distinguer dans cette façade deux étages. L'inférieur présente cinq arcades figurées en plein cintre; celle du milieu, plus élevée que les autres, percée d'une porte carrée, séparée d'une fenêtre ou d'une espèce de tympan à jour par un épais linteau de pierre. Tous ces pilastres ont des chapiteaux, la plupart historiés, représentant des animaux fantastiques, un lion, des serpents entrelacés, etc. Dans le tympan des deux arcades qui répondent aux bas-côtés de la nef, on remarque quelques ornements, des étoiles, des cercles incrustés dont la couleur verte se détache du blanc éclatant de l'appareil. C'est un rapport de plus avec la Canonica. A l'étage supérieur il n'y a que trois arcades figurées, celle du milieu contenant une grande fenêtre en plein cintre. Au-dessus, une meurtrière en croix occupe le centre du fronton.
Les sculptures qui ont quelque saillie, l'emploi de colonnes, l'élargissement des fenêtres, sont autant d'indices qui me font regarder cette église comme plus moderne que la Canonica. Je ne la crois pas antérieure à la fin du XIIe siècle.
Trompé par des renseignements inexacts, je m'attendais à trouver, à Saint-Florent, des reliquaires anciens; mais je n'y vis qu'une châsse toute moderne, envoyée de Rome, et contenant un squelette revêtu d'un habit de guerrier romain (vrai style d'Opéra), tout couvert de mauvais oripeaux et de verroteries. Ce sont les reliques de saint Florus qui, en compagnie de sainte Flore, a le patronage de la ville de Saint-Florent. Tous les deux sont fort vénérés dans le pays, et quelques stylets rouillés, quelques pistolets hors d'état de faire feu attestent les conversions qu'ils ont opérées.
Au nord de l'église, et près d'une porte latérale, on me fit remarquer trois trous qui traversent le mur irrégulièrement. Il me semblait que c'était le résultat d'une distraction des ouvriers qui avaient bâti le mur. Toutefois ces trous sont en grande réputation. Tous les ans, le jour de la fête de sainte Flore, ils exhalent une odeur de violette. Le fait rapporté par Ughelli ( Italia Christiana, tome IV) me fut attesté par le maire et le curé de Saint-Florent qui m'engagèrent à bien flairer les trous susdits, m'avertissant que je ne sentirais rien du tout, ce qui se trouva parfaitement vrai."
Prosper Mérimée, Notes d'un voyage en Corse (avril 1840).
Faut-il faire un commentaire?
Avant de quitter l'ancienne cathédrale du Nebbiu, prenons le temps de regarder ce beau tombeau dans son dialogue silencieux avec Santa Maria Assunta:
(à suivre)
09:58 Publié dans parcours de découverte du patrimoine en Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : st florent, oletta, murato, piève, sorio, patrimoine roman de la corse, orgues de corse | Facebook |