20/05/2008
L'orgue historique de la Collégiale San Petru de LURI
On peut lire au fond de la laye du sommier de l’orgue de l’église paroissiale San Petru de Luri :
"Giovanni e Frederico Crudeli Della Città di Lucca Fecero l'anno MDCCCXVI"
Ce sont donc des facteurs lucquois qui furent choisis pour construire l’un des orgues les plus remarquables en Corse au XIXe siècle.
(cachée au fond de la laye, l'étiquette des frères CRUDELI, et celle d'Alain SALS, qui a restauré cet orgue en 1986)
Comme très souvent en Italie, les Crudeli furent organiers pendant plusieurs générations. Le premier (1728-1801), a beaucoup travaillé dans la région de Lucques mais ne semble pas avoir laissé d'orgue en Corse (encore qu'un bon nombre d'instruments du XVIIIe siècle ne soient pas signés et que celui d' Algajola, par exemple, puisse être l'une de ses oeuvres). Son fils Giuseppe, né à Lucques en 1765, qui exerça à Florence, à Lucques et à l'île d'Elbe, est en revanche plus connu ici, puisqu'on lui doit des interventions en 1804 à Algajola, à Muro et à Monticello. Deux des fils de Giuseppe continuèrent de travailler en Corse, et leur importance a été considérable dans l'histoire de la facture d'orgue: il s'agit de Giovanni et Frederico Crudeli, auteurs de l'orgue de Luri. C'est sans doute lorsque Giovanni construisit en 1810 l'orgue de l'église de Speluncato (et un magnifique orgue-armoire encore au village aujourd'hui) que la famille Saladini, dont Anton Giuseppe (1763-1841) et son fils Anton Pietro SALADINI furent initiés à la facture d'orgue. On doit à Anton Pietro Saladini une vingtaine d'instruments et de restaurations de très grande qualité.
Après une intervention sur l'orgue de Muro en 1815, les frères Crudeli construisirent celui de Luri en 1816, celui de la confrérie de Santa Reparata di Balagna en 1817 et celui de Tomino en 1818. Ce dernier porte l'inscription "Giovanni e Frederico Crudeli di Lucca Fecero in Bastia l'anno 1818". On peut donc penser qu'ils avaient établi leur atelier à Bastia, d'autant que c'est aussi en 1818 qu'ils restaurèrent l'orgue de Sainte Marie de Bastia, transféré en 1842 à Piedicroce par Anton Pietro Saladini. Il est très probable qu'ils aient aussi travaillé à Calenzana, à Morsiglia, et peut-être à Castifao.
La tradition orale veut qu'une lampe d'argent ait été donnée à l'église, puis volée et enfin retrouvée, mais cassée en morceaux pour être vendue au poids. On dit que le métal lui-même fut coulé dans l'étain des tuyaux, ou, ce qui paraît plus probable, que la somme obtenue par la vente de l'argent a été employée à l'acquisition de l'orgue. En tous cas, si le prix de la construction de l'orgue reste inconnu, il s'élève certainement à plus de 1.400 francs de l'époque, prix de l'orgue de Tomino, beaucoup plus petit, construit deux ans après par les mêmes facteurs.
(...) Il est certain que Antonio DE FERRARI (1858-1933) effectua une "reparazione", qu'il indique et signe à la peinture sur le mur au fond de l'orgue. Vers 1930, G. TRONCI installe un ventilateur électrique.. On ne sait pas exactement à quelle date l'orgue a cessé de fonctionner. Un article de Renée Cervoni, paru dans A Cronica (n°4, 1992) sur les fêtes religieuses de l'été au début du siècle, parle de messes avec "fanfares et grandes orgues".
En 1985-1986, Claude Millet étant curé de la paroisse, Alain SALS, facteur d'orgue établi à Malaucène (Vaucluse), restaure entièrement l'instrument muet depuis soixante ans. Inauguré le 10 Août 1986 par René SAORGIN.(...)
COMPOSITION DE L’ORGUE (472 TUYAUX):
Flauto ai pedali e rinforzi ( sur une pièce gravée à droite du sommier, les tuyaux parlent également sur le clavier manuel)
Principale I et II ( doublure des dessus à partir de fa# "3)
Ottava
Quinta decima
Decima nona
Vigesima seconda
Vigesima sesta
Vigesima nona
Flauto in ottava
Cornetto e due canne
Voce umana ( 2' et 1'3/5)
Tira-ripieno manuel
La coupure du clavier est au Si 2/Do3
L’orgue est accordé au tempérament inégal.
En 1945, Claude HERMELIN écrivait cette appréciation sur l’orgue de LURI : « qualité impressionnante » …
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27/04/2008
Récapitulatif des notes sur les orgues
Récapitulatif des notes sur le patrimoine des orgues historiques de Corse. Depuis un peu moins d’un an que ce blog existe (fin mai 2007), un certain nombre de notes ont été éditées sur les orgues de Corse. En voici la liste et la date d’édition pour en faciliter la recherche dans les archives du blog.
- 28/05/07 : Orgues de Balagne :
( texte écrit pour l’exposition de photos réalisée lors des Journées du Patrimoine 2006)
- 02/06/07 : Les Saladini de Speloncato
(à propos de la famille d’ébéniste et facteur d’orgue Saladini de Speloncato)
- 02/06/07 : Composition de quelques orgues significatifs de Balagne
- 02/06/07 : Un double CD sur les orgues d’Olmi Cappella et de Muro.
- 03/06/07 : L’orgue historique de La Porta.
- 10/06/07 : L’orgue historique d’Olmi Cappella.
- 02 /07/07 : L’orgue historique de Piedicroce.
- 01/08/07 : A propos de la problématique de la restauration des orgues (Restauration ou rénovation ?)
- 09/08.07 : Une liste des orgues de Corse.
- 23/09/07 : L’orgue historique de St Erasme d’Ajaccio.
(écrit pour l’intervention de R.O.C. à St Erasme d’Ajaccio dans le cadre des Journées du Patrimoine 2007)
- 21/11/07 : à propos du livre « die bemaltenOrgelflügel in Europea » (« Les volets d’orgue peints en Europe »)
(dans lequel se trouve un chapitre sur les orgues de Corse)
- 04/12/07: L’orgue historique de Costa.
- 07/12/07 : L’orgue historique de Costa ( suite).
- 17/01/08 : L’orgue historique de Sant’ Antonino.
- 09/03/08 : L’orgue historique de Speloncato.
-20/05/08: L'orgue historique de Luri.
Vous pouvez aussi jeter un oeïl sur l'album des photos d'orgue.
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17/01/2008
Sant Antonino : l'orgue historique (Balagne)
Visite à la belle tribune de l'orgue de Sant Antonino , à l'église paroissiale de l'Annonciation ce mardi 15 janvier.(Merci à Marie-Jeanne!)
Cet orgue de 1744, de Giovan Battista Pomposi a été classé pour sa partie instrumentale en 1994 à la demande d’ Eric Brottier alors Technicien-Conseil de la Direction du Patrimoine pour la Corse. G.B .Pomposi nous est connu grâce à l’étude réalisée par Umberto Pineschi et il apparaît qu’il ne reste plus, des travaux de ce facteur d’orgue de Pistoia, que sa reconstruction de l’orgue des Servites à Prato (d’Andrea Ravani, 1609) … et ce petit orgue de Sant Antonino. L’ensemble tribune et buffet a été classé en 1992. La tribune est actuellement fragilisée par la voracité des insectes. Il serait donc urgent d'en faire un nouveau diagnostique et d’intervenir en accord avec les M.H. Rappelons à ce sujet que toute intervention sur un objet classé au titre des Monuments Historique doit passer par l’étude et l’accord préalables des autorités compétentes des M.H.
A l'origine construit pour l'église du couvent des franciscains de Marcasso, à Catteri, cet orgue a été transféré en 1806 à l'église paroissiale de Sant Antonino et placé, à la façon des orgues de couvent, dans le choeur, derrière le Maître Autel, oeuvre colorée du maître stucateur Antonio Sartorio delle Ville. La magnifique tribune en coquille, agrémentée de panneaux de claires-voies à l’usage du monde conventuel a reçu un beau décor baroque aux couleurs chaudes et le garde-corps s’orne de scènes religieuses sur neuf panneaux peints. On remarque du reste que l’ensemble de la tribune a dû être agrandie de chaque côté pour occuper la largeur de sa nouvelle église « d’adoption » en 1806. Les peintures de ces panneaux paraissent de la même main que les deux toiles des volets signées par le maître espagnol Vicente Suarez en 1789.
Ces volets peints, restaurés avant le classement par Ewa Poli, sont les plus remarquables de toute la Corse : ils ont été replacés récemment sur le buffet « comme on a pu » grâce à la grande bonne volonté de personnes responsables de l’église du village, et qui se sont du reste trouvées confrontées à des problèmes techniques qui n’étaient malheureusement pas de leur ressort: on a vissé (!...) les panneaux restaurés sur les volets en place. Là aussi, il faudra envisager rapidement des solutions conformes au statut des Monuments Historiques et en particulier permettre l’accès à l’intérieur de l'orgue. Je n'ai pas pu ouvrir les volets en l'état, ni visiter le sommier et la laie où se trouve l’inscription : « Opera di Giovanni Battista Pomposi. Fece l’anno 1744 in Pistoia » .
La scène représente le concert spirituel de sainte Cécile à l'orgue en compagnie des anges musiciens...
Malheureusement les tuyaux de l'orgue ont été pillés. Je suppose, au mieux, que le matériel a été réutilisé à droite ou à gauche, ce genre de pillage réduisant d’autant la possibilité de reconstituer l'orgue de Pomposi. Il reste tout de même les témoignages précieux du faux sommier et des registres …
Intérieur du sommier de pédale, tapissé pour l'étanchéité de journaux datés de 1828 : l’instrument connaît donc plusieurs phases d’entretien…
le tirage des jeux et les étiquettes (du 19ème ?) recouvrant les anciennes d'origine.
Composition:
Principale, Ottava reale, Quarta Decima (??), Quinta Decima, Ripieno( XIXa et XXIIa), Flauto (in ottava) Voce Umana (C3-C5), Flagioletto(C3-C5)
On le voit, c'est un orgue de taille modeste, raffiné mais qui a subi des transformations au cours de sa vie. Aujourd'hui il semble que le village de Sant Antonino désire restaurer et remettre en voix son orgue, qui est décidément l'un des plus beaux fleurons du patrimoine des orgues de Corse:
"Cet instrument, bien qu'ayant perdu sa tuyauterie, reste néanmoins un ensemble exceptionnel à divers titres:
-la partie instrumentale s'inscrit dans un ensemble buffet et tribune d'une exceptionnelle qualité;
-la tuyauterie est reconstituable sur des bases archéologiques fiables;
La composition d'origine est très originale sur le plan musical (...)" Eric Brottier
Tous nos voeux pour une restauration future!
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06/01/2008
quelques cartes de voeux d'orgues... 6 janvier 2008
10:25 Publié dans orgues historiques de Corse | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cartes de voeux orgues | Facebook |
07/12/2007
Costa (suite): l'orgue historique
Anciennement rattachée à Ochjatana puis à Ville-di-Paraso, cette communauté a gagné son statut de commune (la plus petite de Balagne) à la Révolution française. Bordée de maisons hautes incisées de meurtrières, la place du village, repavée à l’ancienne, est d’un enchantement silencieux, la municipalité a fait enterrer les câbles disgracieux et la vie semble s’écouler ici dans le paisible friselis de la fontaine. L’élégance simple de la façade de l’église avec ses deux portes d’entrée - l’une pour l’église paroissiale, l’autre pour la confrérie - et l’harmonieux campanile baroque annoncent fièrement l’existence de cette communauté : encore faut-il savoir qu’elle est là, car l’on en devine peu de choses depuis la route passant au-dessus…
La « vicecura » de Costa , au milieu du 18ème siècle, gérait un peu plus de deux cents âmes et ne comptait pas moins d’une dizaine de prêtres ! La présence toute proche du couvent San Francescu - depuis 1494 Observantins, puis Recollets, enfin Capucins irriguaient la région de leur vie religieuse - aux côtés de l’ancienne pieve de Tuani nous dit assez l’importance du lieu. L’on comprend mieux l’opiniâtreté de cette petite communauté lorsque l’on pénètre à l’intérieur de l’église San Salvatore, l’une des plus petites et des plus aimables de Balagne : achevée en 1762, accolée à sa confrérie gémellaire, les gens du village n’ont cessé de la rendre la plus belle possible, réglant ainsi ses différents avec la « grande » communauté voisine… Tout, dans ses décors, proclame l’allégresse de sa victoire : stucs baroques génois du 18ème siècle, décors historiés de la voûte peinte par F. Giavarini au début du 19ème siècle environnent d’une même euphorie pastel la petite merveille nichée au-dessus du porche : l’orgue…
La chaude harmonie de sa tribune galbée, peinte sur fond turquoise de faux granits ocres et rouges, rehaussée de pilastres et de moulures dorées à la feuille (un luxe invraisemblable dans un édifice aussi modeste), se poursuit avec le buffet précieux et ses volets de bois peints selon la même technique mouchetée. La taille du petit orgue, le raffinement de son buffet évoquent le 18ème siècle. Les moulures chantournées de la corniche dorée portent en triomphe, sans doute depuis le début 19ème, le monogramme rayonnant du San Salvatore : « IHS », encadré des deux anges sonnant de la trompette en plein vol sous la voûte. Pierre Sibieude, lors de la restauration, a dû se livrer à une véritable prouesse de « lifting » pour sauver des vrillettes ces pauvres angelots !
Le maître décorateur de cet ensemble fut convaincu de l’excellence de sa création, car il signe son travail au-dessus du clavier...
Ce n’est malheureusement pas le cas de l’orgue lui-même dont on ne connaît pas l’auteur. Cependant certains éléments évoquent le travail des Crudeli (présents à Speloncato autour de 1810) et celui, pour la tribune, d'Anton Giuseppe Saladini, le célèbre maître ébéniste de Speloncato... Nous en sommes, pour lors, réduits aux hypothèses, en atten dant de remettre la main sur les archives paroissiales, mystérieusement disparues.
On ne peut donc que s’interroger sur son origine : c’est une taille coutumière pour un petit orgue de couvent – on sait du reste que le couvent de Tuani avait commandé au facteur lombard Giuseppe Lazari et reçu en 1759 un « organetto » qui a disparu depuis , sans doute lors de la tourmente révolutionnaire : l’église de Costa a-t-elle hérité d’une partie de ce modeste instrument conventuel? … L’on ne sait rien d’autre donc, sinon la facture raffinée d’une partie des tuyaux, l’élégance du clavier et des boutons de registres : tout indique en tous cas un facteur d’orgue maîtrisant son art et qui réalise ici ce petit joyau de facture italienne. Son mystère a longtemps nourri la curiosité vorace des rats et autres chauve-souris avant que la volonté de la communauté du village, avec l’aide de l’Etat, ne reconvertisse l’antre silencieux des rongeurs en paradis mélodieux des anges buccinateurs…
Restauration : Alain FAYE pour la partie instrumentale.
Alain SALS pour la résurrection des tuyaux
Pierre SIBIEUDE pour la restauration et reconstitution du décor peint.
Avec l'accompagnement de Michel FOUSSARD, Technicien Conseil pour les Monuments Historiques.
Un clavier de 45 notes octave courte.
Un pédalier en tirasse de 8 notes.
- Principale : 12 basses bois, dont 8 bouchées, 33 tuyaux de métal, dont 23 en façade.
- Ottava : basse commune avec la Flauto in ottava, seul le dessus, 25 notes, est réel.
- Decima quinta : 45 notes.
- Decima nona : 45 notes.
- Vigesima seconda : 45 notes.
- Vigesima nona : 45 notes.
- Voce umana : 25 notes.
- Flauto in ottava : 8 basses bois ouvertes, 37 tuyaux en métal.
- Tamburo : 2 tuyaux
- Rossignol.
posté au sommet du buffet, l'un des deux anges allègres et sa trompette (non postée)
Pour tous renseignements, s’adresser à l'heureuse responsable :
tel : 04 95 61 34 85
ou : 06 17 94 70 72
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