15/05/2009
Piedicroce, l'orgue historique
L’ORGUE DE PIEDICROCE (CASTAGNICCIA).
Eglise Saint Pierre et Saint Paul.
Construit en 1619, c’est le doyen des orgues historiques de Corse.
Avant d’être installé , 1842 dans la magnifique église de PIEDICROCE, cet orgue était à la Cathédrale Sainte Marie de BASTIA. En 1619, le Maître Giogio SPINOLA, facteur d’orgue génois, construit un nouvel orgue pour la Cathédrale en remplacement d’un orgue plus ancien qui existait déjà en 1571. Il réutilise alors un certain nombre d'éléments de l'orgue ancien qui sont toujours présents à Piedicroce.
En 1636, l’orgue de Spinola est déjà en mauvais état et la Magnifique Communauté de Bastia décide de confier la restauration de l’orgue à un facteur d’orgue romain , Messire Brutus VISCHEA, qui se trouve alors à Bastia. Après ces travaux, l’orgue semble donner pleinement satisfaction… jusqu’au jour où, en 1661, la cathédrale est frappée à plusieurs reprises par la foudre, entraînant un incendie dévastateur : « l’éclair venant du campanile plongea dans la voûte de l’église et passa dans l’orgue, qu’il mit sans dessus dessous ainsi que beaucoup de ses tuyaux ; il brûla l’ornementation de l’orgue, et la rompit en tout petits morceaux ; toutes les fenêtres furent ébranlées par cette grande secousse, et réduites en miettes ; ensuite, de l’orgue, l’éclair s’enfonça dans le sol. Les ornements du buffet furent détruits, et après une forte secousse qui brisa toutes les fenêtres du chœur, l’orgue s’écroula sur le sol ».*
Restauré peu de temps après par l’organier SANTALUCCIA, l’orgue continuera sa vie liturgique à Sainte Marie… jusqu’au moment où la Ville de Bastia décide de faire construire un nouvel orgue « au goût du jour », et commande aux frères SERASSI un instrument prestigieux et beaucoup plus important pour sa Cathédrale. On confie alors, en 1842, à Anton Pietro SALADINI, célèbre facteur d’orgue originaire de Speloncato, le soin de restaurer l’ancien orgue de Sainte Marie de Bastia et de le transférer dans l’église Saint Pierre et Saint Paul de Piedicroce où il se trouve aujourd’hui.
Grâce à la restauration d’Alain SALS (1975/1985), le bel orgue de Piedicroce est aujourd’hui le seul instrument conservant des éléments du 17ème siècle : façade, buffet, sommier, Principale, Voce umana, Nazardo …
*Cité par Sébastien Rubellin dans : « L’Orgue Corse, de 1557 à 1963 », édition A. Piazzola.
DESCRIPTION
ET COMPOSITION
La caisse du buffet, en châtaignier, est fermée par deux volets de toiles peintes :ouverts ils montrent un élégant décor bleu et or du XVIIIe siècle, repeint par-dessus l’ancien décor du XVIIe siècle. Fermés, les volets, repeints au XIXe siècle, illustrent le Roi David et Sainte Cécile, les saints patrons de la musique.
On peut aujourd’hui admirer l’ordonnance esthétique de cette façade exemplaire, constituée de cinq plates-faces de 5-9-5-9-5 tuyaux en étain, dont les écussons sont en ogive. Deux ensembles d’ « organetti morti » (des tuyaux décoratifs et muets) finissent d’animer cette composition typique du XVIIème siècle. Lors de la restauration, en 1975, Alain SALS a restitué la majorité de la tuyauterie du XVIIème siècle, extrêmement fragile, et refait à l'identique les 98 tuyaux qui avaient disparu.
Le grand fronton au-dessus du buffet porte les lettres signalant la dédicace à la Vierge Marie : « A.M. », pour Ave Maria.
Le sommier à registres coulissants, est probablement celui du XVIIe siècle.
Le clavier, avec octave courte selon l’usage ancien, à l’origine de 45 notes, a été agrandi par SALADINI de 5 notes dans les aigus.
Depuis sa restauration (1975/1985) par Alain SALS, le doyen des orgues corses parle aujourd’hui pour les fêtes du village et lors des concerts.
COMPOSITION:
Principale - Ottava - Decima nona - Vigesima secunda - Vigesima sesta -
Cornetto Soprani (2 rangs) - Cornetto Bassi (2 rangs)
Nazardo - Flauto in ottava - Voce umana
jeu de bassi (16’ et 8’).
Tempérament mésotonique (avec 6 tierces justes).
(détail des frontons de touche: lors de son transfert à Piedicroce, Anton Pietro Saladini a augmenté l'étendue du clavier de cinq notes dans les aigus.)

La surabondance des décors baroques, fresques, stucs et marbres qui envahissent cette grande église baroque de saint Pierre et Saint Paul de Piedicroce, édifiée en 1691, manifeste assez l'ancienne richesse de ce village, aujourd'hui plus dépeuplé qu'alors. C'est ici que l'on peut admirer le doyen des orgues corses.
Campé sur sa légère tribune de bois à claires-voies ornée de trophées musicaux réhabillés au XIX ème siècle sans trop de ménagement, le rose saumon et le bleu caeruleum recouvrant les verts d'origine ce magnifique instrument est pourvu de deux grands volets de toile peinte. Madeleine ALLEGRINI, lors de leur restauration a constaté plusieurs strates de décor : les lauriers ocres et verts du XVII ème siècle ont cédé la place, sur les volets intérieurs, à des feuilles d’acanthe qui épanouissent depuis le XVIII ème siècle leurs arabesques dorées sur un fond bleu intense. La belle façade caractéristique de SPINOLA, avec son ordonnance en cinq plate faces et ses deux séries d’organetti morti (tuyaux ornementaux, non postés), conjuguée avec les rinceaux dorés des volets ouverts donne beaucoup de majesté au vieil orgue. Au siècle dernier, on a rajouté un fronton bleu et fleuri où trône le monogramme de la Vierge (AM). Fermés, les volets font apparaître Sainte Cécile et le Roi David (les saints patrons de la musique) déclamés à nouveau au XIXème siècle par un pinceau quelque peu emphatique. La théâtralité redondante de ce décor est alors renforcée par la présence de lourdes volutes végétales, repeintes à la même époque, enroulées de chaque côté du buffet.
Depuis son transfert en 1842, le vénérable instrument tient désormais compagnie à la foule des Saints et des Anges qui peuplent l’église paroissiale de Piedicroce.



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10/02/2009
Murato

Hier bel après-midi en compagnie de Pascal Magnan, l'un des saints gardiens - et promoteur émérite ! du patrimoine de MURATO, dans le Haut-Nebbio. Moisson plus que fructueuse d'informations, d'impressions, d'images... Outre le plaisir toujours immense de retrouver l'église pisane San Michele j'ai pu voir de plus près la tribune d'orgue de l'ancienne église conventuelle, aujourd'hui église paroissiale de l'Annonciation.
Présence forte sur la place du Couvent franciscain (propriété privée de nos jours), du Monument aux Morts qui domine une partie des maisons anciennes de Murato. Silencieuse, longue litanie pour que nul n'oublie. De ces noms je retrouverai la trace d'une façon inattendue à l'intérieur de l'église. Mémoire.










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25/08/2008
Cimbalata Academia 2008: un grand cru!




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09/07/2008
le stage d'orgue à Corte
Sur l'orgue de l'Annunziata de Corte, le stage a bien commencé...






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07/07/2008
Olmi Cappella: la vie d'un petit orgue de montagne au milieu des siens
La vie d’un petit orgue de montagne au milieu des siens…
Aujourd’hui installé à Olmi Cappella dans le silence d’une église qui subit l’exode rural et l’inévitable évolution du monde moderne, le petit orgue a vécu dans sa jeunesse une existence certainement plus mouvementée : l’absence de pupitre porte-partitions nous indique clairement que nos anciens organistes n’avaient pas besoin de notes pour musiquer, qu’ils avaient un rapport instinctif avec leur instrument, le même qu’avaient les violoneux lorsqu’ils empoignaient leur violon pour faire danser les villageois lors des fêtes ou des veillées, accompagner les sérénades ou rythmer la mauresque … L’orgue avait été construit pour magnifier les fêtes religieuses : l’église d’alors était vécue comme le lieu festif et unificateur de la communauté qui se reconnaissait dans les manifestations de sa confrérie, de ses chants, de son orgue… comme dans le choix de ses maîtres-maçons et de ses peintres. A la polyphonie des chants répondait celle de l’orgue, l’organiste ayant appris à jouer l’instrument pour le service de la liturgie, l’accompagnement des cantiques, et chacun selon ses talents et son tempérament se donnait à sa charge. S’il le fallait, il attaquait une vigoureuse ouverture d’opéra en entrée de messe ou improvisait « assai pietoso » pour l’offertoire quelque valse à la mode . Le grand Bach n’a pas agi autrement en réutilisant ses compositions profanes dans ses cantates religieuses. Je me souviens d’une grande messe patronale en Espagne, à Viana, sur le chemin de St Jacques en 1989, dans une église bondée de fidèles, où l’organiste emmena la foule fervente vers la table de communion au son d’un tango… Et aussi, en Corse, à Monticello, cet organiste des années trente, qui, après avoir joué une valse à l’offertoire, avait tenté la java à la communion : là, le prêtre s’était rebellé, arguant que la java faisait trop lever la jambe aux jeunes filles…
Nous sommes là bien loin de Frescobaldi et l’écriture polyphonique de l’époque serait sans doute paru une bizarrerie d’extraterrestre aux organistes du XIXème siècle. Et pourtant ! Le petit orgue d’Olmi Cappella, avec sa fraîcheur et sa vaillance retrouvées grâce à J.F.Muno, chante avec justesse cette musique intérieure qui ne demande pas des effets spectaculaires. Non seulement lors de concerts, mais aussi lors des messes : il apporte alors cette poésie intemporelle et méditative où il n’est pas besoin de connaître la grammaire pour ressentir l’émotion…
La pratique de l’alternance du chant et de l’orgue dans la messe de Frescobaldi, commune à tous les musiciens de cette époque prend sa source dans le chant responsorial des premiers chrétiens : le dialogue d’un soliste avec le chœur, représentant la communauté des fidèles. Elle est proche également de l’usage traditionnel du chant religieux de nos villages, où alternent la chjama (« l’appel » d’une seule voix) et le chant en paghjella (« réponse » polyphonique à trois voix), comme on peut l’entendre à Olmi Cappella. La fonction est la même : ainsi recréé et sacralisé dans ce dialogue qui pourrait évoquer le dogme de la Trinité , l’espace sonore de l’église resserre la communauté, un pour tous, tous pour un . Le rôle du chant et de l’orgue dépasse alors largement le pur plaisir musical ou la réplétion ethno-touristico-musicologique.
C’est à Olmi-Cappella et sur la tribune de l’orgue que j’ai commencé à comprendre de l’intérieur la réalité et l’enjeu du chant religieux d ‘un village mais aussi la relation des villageois avec leur orgue. Le dernier chantre d’Olmi Cappella, Ceccu Saladini transmettait alors de sa voix nerveuse et ténue cet héritage direct, suspendu à la frontière de deux mondes.

Elizabeth .
(texte écrit pour le livret du disque enregistré sur l'orgue d'Olmi Cappella par Marie-Hélène Geispieler:
"Canti Religiosi e Organi di Corsica" : Olmi Cappella - Muro
avec les chantres d'Olmi Cappella et Marie Hélène GEISPIELER, orgue
Disques CORIOLAN
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