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02/06/2007

orgues: les SALADINI de Speloncato

Anton Giuseppe SALADINI nous est connu en qualité de « falegname » : Né en 1763 à Speloncato, il devient rapidement un artisan émérite et complet. En 1794 il fait une « garde-robe » pour la sacristie de Palasca et parmi les meubles qu’il a réalisés, on peut encore aujourd’hui voir celui de la sacristie de St-Nicolas de Feliceto, qu’il signe sur la corniche : ANT.JOSEPH SALADINI SPEL.AN. MDCCCXXI

En 1798 il travaille à la construction du buffet de l'orgue  de Muro, de Tomaso Pagnini, un facteur d'orgue lucquois: c'est probablement sa première approche du monde de l'orgue.

En 1810 il assiste à la construction de l’orgue de son village par le jeune facteur d’orgue Giovanni CRUDELI : il signe  avec quelque fierté en 1821 la tribune de ce bel orgue … Ce contact avec les CRUDELI, père et fils, semble déterminant pour son avenir et trace aussi celui de son jeune fils, Anton PIETRO qui signe à son tour en 1825 un petit orgue-commode : un véritable chef-d’œuvre de marqueterie.

Le goût de l’ébénisterie n’a jamais quitté la famille et nombre des descendants des Saladini continueront d’exercer ce don. En revanche Anton Giuseppe et Anton Pietro Saladini seront les seuls corses de cette époque à laisser leur nom dans l’histoire de la facture d’orgue de l’île. On peut admirer en Balagne plusieurs de ces belles tribunes en bois galbé : Pioggiola (1814), Speloncato (1821), Zilia (1831), Palasca (1833), Feliceto (1839)...305814f03e00fb6abd8cc5ff6cd623ba.jpg

 

 

orgue de l'église Santa Maria Assunta de PALASCA

1833, tribune d'Anton Giuseppe Saladini

partie instrumentale d'Anton Pietro Saladini

 

28/05/2007

orgues: ORGUES DE BALAGNE- LES JOURNEES DU PATRIMOINE 2006

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MURO

établi  en collaboration de ROC et de l’ASSOCIATION  SALADINI

EXPOSITION de PHOTOS sur le thème de :

ORGUES DE CORSE  : deux siècles d’évolution d’un savoir-faire artisanal en BALAGNE autour des orgues de :

ALGAJOLA, AREGNO, BELGODERE, CALENZANA, CALVI, CATTERI, CASSANO , CORBARA, COSTA, FELICETO, LAVATOGGIO, LUMIO, MONTICELLO,  MURO, NOVELLA, OCCHIATANA, OLMI CAPPELLA, PALASCA , PIGNA, PIOGGIOLA, SANT ANTONINO, SANTA REPARATA DI BALAGNA, SPELONCATO, VALLICA, ZILIA .

 

Construire, entretenir, réparer les orgues : organiers et artisans en Balagne.

L’histoire de l’Orgue corse est mieux connue du public depuis l’excellent travail de Sébastien Rubellin (« l’Orgue corse, de 1557 à 1963 », édition Alain Piazzola). L’on y découvre ainsi qu’à l’église Saint Jean-Baptiste de Calvi existait à la fin du XVI°s un orgue presque ruiné, aujourd’hui disparu et sans doute l’un des plus anciens de Corse… Si l’on ne peut plus guère imaginer son allure, du moins peut-on se réjouir de voir en Balagne tant de beaux instruments souvent campés sur de majestueuses tribunes… Si vous entrez dans une église de Balagne, pensez à vous retourner et à regarder en l’air…L’on apprend également que dans leur majorité les églises de couvents installés en Corse au XVIII°s ont par le passé accueilli un orgue sous leurs voûtes, derrière le maître-autel, selon l’usage d’alors. Les facteurs d’orgues venaient de « la terre ferme » italienne : toscans, lombards, ligures… La Révolution française a vidé les églises de leurs orgues, mais certaines paroisses ont pu récupérer quelques instruments de cette époque.

En Balagne, l’orgue le plus ancien conservé et en état de jouer est anonyme,daté de 1733, visible à la confrérie San Carlu de Monticello. Venait-il lui aussi d’un couvent voisin ou a-t-il été construit pour la confrérie ?

Monticello, Confrérie San Carlu. 154b138ec98dfe591c242edb8c025b1a.jpg

Anonyme 1733. 

Restauration Formentelli 1976

 

A Sant Antonino, l’église abrite, installé sur sa remarquable tribune rococo depuis 1806, l’orgue rapatrié du couvent voisin de Marcasso, daté de  1744 et signé par Giovan Battista  Pomposi, facteur d’orgue toscan de Pistoia. D’autres exemples ( Belgodère, Costa, Calenzana…) témoignent de ces petits instruments construits au XVIII°s pour les églises de couvent . A cette époque, le facteur d’orgue lombard Giuseppe Lazari va s’illustrer par une importante production entre 1747 et 1761. Cet excellent organier a exécuté une dizaine de chantiers en Corse et « se révèle le facteur d’orgues le plus important de trois îles méditerranéennes, Capraia, la Sardaigne et la Corse  » (voir Rubellin) Le petit instrument construit par Lazari pour le couvent de Tuani (Costa) en 1759 a disparu de l’église, mais on peut écouter aujourd’hui  celui du couvent de Belgodère (1761, attribuable à Lazari ) transféré en 1797 à l’église paroissiale St Thomas de ce village… A Vallica, l’orgue implanté dans l’église en 1885 serait celui du petit St Roch d’Ajaccio, sur lequel avait travaillé Lazari…

Un autre facteur toscan originaire de Pistoia, Tomaso Pagnini, construit l’orgue de l’église de Muro en 1797, porté par une belle tribune délicatement décorée. A cette occasion apparaît pour la première fois dans le monde de l’orgue corse le nom d’Anton Giuseppe Saladini : cet ébéniste talentueux de Speloncato fabrique alors le buffet de l’orgue de Pagnini. C’est le début d’une belle aventure organistique pour cette illustre famille d’artisans de Speloncato…

A Calvi, la venue de l’organier ligure Giovanni Battista Ciurlo, installé à Gênes, pour la construction de l’orgue de St Jean Baptiste en 1774 – il construit à la même période un orgue jumeau au couvent de Vico, aujourd’hui disparu -   annonce l’arrivée d’une autre dynastie de facteurs d’orgue qui s’établiront en Corse au XIX°s, les De Ferrari... Ces deux familles étaient liées par des liens de parenté à la célèbre famille d’organiers de Santa Margherita Ligure, les Roccatagliata.

 Dès cette époque, la Balagne bénéficie de l’art raffiné de ces facteurs d’orgues italiens qui servent aussi bien l’écriture polyphonique que mélodique, et cette suprématie de la culture italienne dans l’esthétique de la facture d’orgue ne va pas être remise en cause, du moins dans cette région, alors que le cours de l’histoire fait que la Corse devient française.

Au XIX°siècle :  Crudeli, Saladini, de Ferrari, Domini, Agati - Tronci  C’est au cours de ce siècle que furent construits la majorité (près d’une centaine entre 1810 et 1900) des orgues qui nous sont parvenus en Corse . La paix s’installe enfin peu à peu, les récoltes sont favorables, une relative prospérité permet d’envisager des travaux d’embellissement dans les églises : les mêmes peintres décorent les plafonds peints dans les maisons des notables et les voûtes des églises ; et après la tourmente de la Révolution française, catastrophique pour la majorité des orgues de couvents, qui  disparaissent pour la plupart lors de leur fermeture, quelques  instruments sont récupérés par les paroisses voisines. L’on fait alors appel, en Balagne, aux services d’un homme de l’art pour transférer ces orgues et les mettre en état de servir. C’est ainsi que les orgues commencent une seconde vie au sein des communautés villageoises les plus prospères. Le facteur d’orgue Giuseppe Crudeli apparaît le premier dans ce tout début du siècle (1804), restaurant les orgues de Monticello et d’Algajola, entretenant celui de Muro, transférant l’orgue Pomposi du couvent de Marcasso à l’église de Sant Antonino… Cet artisan est le fils d’un célèbre organier toscan, Michelangelo Crudeli (1728, mort en 1801 à Lucca) et le père de Giovanni et Frederico Crudeli, qui ont œuvré en Corse dans ce premier quart du siècle. Il s’engage en 1808 à construire un orgue pour l’église paroissiale de Speloncato qui sera en fait réalisé par son fils Giovanni, un tout jeune homme alors, en 1810. 32178866659cdcc141a2b94423c4682d.jpgLes Crudeli laissent en Corse de beaux instruments empreints de la facture classique toscane de la fin XVIII°s.

Speloncato, Collégiale Santa Maria Assunta.

Orgue Giovanni Crudeli (1810).

Tribune Saladini. Restauration Massoni (1992) 

Les Crudeli, lors de leur séjour à Speloncato, marquent une autre étape décisive pour l’art de la facture d’orgue de cette époque : en effet l’atelier de l’excellent « falegname » (menuisier- ébéniste) Anton Giuseppe Saladini jouxte l’église,  des relations se nouent naturellement et c’est cet artisan  notable qui construira la magnifique tribune en bois galbé, signée en 1821, où trône l’orgue de G. Crudeli. Au contact des Crudeli, l’un des fils d’Anton Giuseppe, le tout jeune Anton Pietro – il a tout juste onze ans-  se familiarise à son futur métier d’organaro. Par la suite, père et fils Saladini collaboreront pour créer ces beaux ensembles caractéristiques qui ont influencé d’autres ébénistes : la tribune en forme de proue de navire réalisée avec un goût très sûr par le père, Anton Giuseppe, tandis que son fils, Anton Pietro s’occupait de la partie instrumentale. Notons qu’Anton Pietro sera le seul facteur d’orgue corse de son temps et qu’il était fier de ses origines speloncatais.

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 Occhiatana, église St Barthélémy

Orgue L. de Ferrari (1839).

Orgue L. de Ferrari . Classé M.H.

Tribune Fabio Lecca.

                                                                                                                                                                                                                                                      


664e3c3b49892c4c3068a2ab238b7bba.jpgFeliceto, église St Nicolas.
Orgue et tribune des Saladini (1839).
Classé M.H.  
Le soin apporté à la construction et au décor de ces tribunes se révèle parfois dans leur signature ostensible : à Speloncato,  A.G.Saladini signe celle de la Collégiale en 1821 ; à Occhiatana, village tout proche, c’est Fabio Lecca, ébéniste installé Lumio qui appose en 1839 son nom sur celle de l’orgue construit par un concurrent direct des Saladini, le facteur génois Luiggi De Ferrari. Dès 1830, ces deux ateliers concurrents de facture d’orgues, celui des Saladini à Speloncato et celui des de Ferrari, installé à Bastia, travailleront dans les mêmes régions,  en particulier dans la Balagne « élargie » où ils laisseront chacun leur empreinte  sur six orgues …
La famille ligure des De Ferrari, d’abord Luiggi, bientôt rejoint par son frère Giovanni semble arriver en Corse par la Balagne  : d’abord à Calvi (orgue de Ste Marie, 1830), puis Montemaggiore, Lumio, etc… L’atelier de Saladini cessera de fabriquer des orgues à la mort, en 1863, d’Anton Pietro, tandis que celui des De Ferrari continuera jusqu’en 1925, avec Antonio, fils de Giovanni.

Un nouvel organier, le « Modenais » Gaspard Domini, personnalité très attachante et modeste saura, en pleine mutation de la facture d’orgue, apporter sa contribution artisanale au patrimoine des orgues de son temps : parmi ses cinq instruments (dont un petit orgue pour sa propre famille), celui de Catteri est le dernier sorti de son atelier de Feliceto, à l’aube du XX°siècle et il ne dépare pas l’esprit ancien des organari… Outre la création, il passa sa vie à entretenir, réparer les orgues existants tandis que déferlait en Balagne l’engouement nouveau pour les orgues construits au goût du jour par la célèbre firme des Agati-Tronci.  

95371fef986890bb15c58fa7bfdab4de.jpgCatteri, église Ste Marie.

Orgue Gaspard   Domini (1902).

Restauration Alain Sals (1994)




Célèbres constructeurs d’orgue à Pistoia, les Agati-Tronci sont à la tête d’une entreprise qui peut rivaliser avec les facteurs d’orgues français qui ont fait une entrée magistrale dès le milieu du siècle dans le Sud de la Corse (Cavaillé-Coll, Stoltz, Merklin…). La Balagne reste fidèle à l’esthétique italienne, alors en pleine mutation . Les orgues produits par la Dita Agati-Tronci servent à merveille le nouvel esprit du temps, amateur d’orchestres symphoniques et d’opéras : le ripieno s’efface peu à peu,  cède la place à d’autres jeux de concert, et outre la multiplication des jeux d’anches brillantes, l’on peut voir fleurir sur les tribunes tout un arsenal de clochettes et de « Banda Militari » qui aurait bien surpris les compositeurs italiens d’autrefois … Le faste de l’époque fait du bruit !9b846db516442b8201d1d211cdaaf25e.jpg

A Muro, la Banda Militari...

La firme Agati-Tronci va construire ou reconstruire une quinzaine d’orgues de bonne facture, dont trois en Balagne : Aregno, Corbara et Muro illustrent avec brio cette nouvelle esthétique de fin de siècle. Que jouait-on sur ces instruments ? Tout porte à croire qu’ils servaient avec autant d’efficacité ouvertures d’opéras, airs à la mode que cantiques « piéteux » et accompagnements de messe… A ce stade la frontière entre musique profane et religieuse parait bien poreuse.


Au XX° et XXI°Siècles Une mention particulière pour l’orgue Abbey de Belgodère (1913) qui est le seul instrument de facture non italienne en Balagne…Avec la guerre de 1914, après le déclin vertigineux de la population agro-pastorale, la désertification progressive des villages reculés sonne le lent abandon des orgues de Balagne.  Sur les vieux instruments encore plus ou moins en vie, les organistes donnent le meilleur d’eux-mêmes, jouant comme ils peuvent l’orgue de leur paroisse comme ils jouent du violon ou de l’accordéon, pour donner du plaisir aux villageois… Bien souvent, l’absence même de pupitre pour porter les partitions nous renseigne sur l’aspect populaire de cette musique fredonnée sous les doigts de nos musiciens de village… Pourtant le réveil n’est pas loin et le talent des facteurs d’orgues a redonné leur voix à nombre d’instruments depuis 1976 : B.Formentelli,  P. Hartman , J.F.Muno, A.Massoni, A.Sals, J.L. Loriaut … ont contribué par leur action respectueuse et enthousiaste à la renaissance spectaculaire de ce patrimoine identitaire des orgues de Balagne. Cette année sept nouveaux classements d’orgues historiques sont intervenus en Corse, dont cinq en Balagne, marquant la volonté de ces communautés de restaurer leur instrument et l’intérêt avéré de la Collectivité territoriale de Corse pour son héritage organistique.

Pour Renaissance de l'Orgue Corse et l'Association Saladini, Elizabeth Pardon Septembre 2006

Nous remercions ici  la Collectivité Territoriale de Corse pour son soutien et tous ceux qui travaillent à la reconnaissance et à la diffusion de ce patrimoine des orgues en Corse, par leurs études, leurs écrits, leur temps dépensé sans compter, leur volonté  pédagogique…

- Sébastien Rubellin : « L’orgue corse de 1557 à 1963 », édition Piazzola -- Michel Foussard : « L’isula di l’organi », publié par les soins de Falce en 1997. - Irmtraud Hubatschek : «Les orgues de Corse, orgues restaurés », publié par Renaissance de l’Orgue Corse en 1998.