29/08/2015
29 Août, fête de la Décollation de Saint Jean-Baptiste
29 AOÛT,
Fête de la Décollation de St Jean-Baptiste
avec Giacomo GRANDI
(une note qui saigne)
Le Caravage 1609 : la Décollation de Saint Jean-Baptiste- National Gallery Londres
Rappelons que Saint Jean-Baptiste est le premier dans la hiérarchie des saints:
"major homine, par angelis"
A La Porta, en Castagniccia, le cartouche au-dessus de la porte d'entrée de la justement célèbre église Saint Jean-Baptiste annonce:
"Non surrexit Major
Joanne Baptista"
"Hérode disait : Celui que moi j'ai fait décapiter, Jean, c'est lui qui s'est relevé ! Car c'était lui, Hérode, qui avait envoyé arrêter Jean et l'avait fait lier en prison, à cause d'Hérodiade, la femme de Philippe, son frère, qu'il avait épousée. Car Jean disait à Hérode : Il ne t'est pas permis d'avoir la femme de ton frère. Hérodiade en avait contre lui, et elle aurait bien voulu le tuer, mais elle ne pouvait pas. Car Hérode craignait Jean, le sachant un homme juste et saint, et il le protégeait. Et après l'avoir entendu, il ne savait vraiment que penser, et cependant il l'écoutait avec plaisir.
Vint un jour opportun, quand Hérode, lors de son anniversaire, fit un dîner pour ses grands, pour ses officiers et pour les notables de la Galilée. Et la fille de ladite Hérodiade entra, dansa et plut à Hérode et à ses convives. Le roi dit à la fillette : Demande-moi tout ce que tu veux, et je te le donnerai. Et il lui fit ce serment : Tout ce que tu demanderas, je te le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume. Et elle sortit et dit à sa mère : Que dois-je réclamer ? Celle-ci dit : La tête de Jean le Baptiseur. Et, rentrant aussitôt en hâte auprès du roi, elle fit sa réclamation : Je veux qu'à l'instant tu me donnes sur un plat la tête de Jean le Baptiste. Et le roi devint très triste, mais à cause de ses serments et de ses convives, il ne voulut pas la repousser. Et aussitôt le roi envoya un bourreau avec ordre d'apporter la tête de Jean. Et celui-ci s'en alla le décapiter dans la prison. Puis il apporta la tête sur un plat et la donna à la fillette, et la fillette la donna à sa mère.
Et l'ayant appris, ses disciples vinrent, enlevèrent son cadavre et le mirent dans un tombeau."
Evangile selon Saint Marc (VI 16-29)
Le couple aimant Mère-Fille, suite du dialogue:
" Dis, maman, que dois-je demander ?"
"Ma chérie, tu n'as qu'à lui demander la tête de Jean-Baptiste!"
Hérodiade, richement vêtue d'hermine et de perles, coiffée de sa couronne durement gagnée au lit de son ex-beau-frère le Tétrarque Hérode Antipas pose tendrement sa main sur l'épaule de sa fille ( à moins qu'elle ne la maintienne fermement sous sa coupe!), la délicieuse Salomé, le cou et le poignet ceints de corail, la savante coiffure ornée d'une aigrette ... une bien belle jeune princesse, en vérité!
Conclusion sanglante d'une série haletante que ne désavouerait pas la télévision ...
Résumé des épisodes précédents:
Le prophète Jean-Baptiste avait bien compris la manœuvre d'Hérode Antipas qui avait épousé Hérodiade, la femme de son frère Philippe, et sa nièce de surcroît ... Et voilà maintenant ouvertement formé le couple incestueux du roi Hérode et de sa belle-soeur, Hérodiade, devenue reine dans la splendeur de sa maturité.
Jean-Baptiste, prophète et témoin intraitable hurle à la face du monde son indignation et son dégoût. Naturellement Hérodiade prend en détestation ce rabat-joie "intégriste" et tanne Hérode pour qu'il se décide enfin à l'éliminer définitivement.
Mais Hérode semble avoir un grand respect pour le prophète - cousin de Jésus, rappelons-le), il en mesure sans doute la popularité, et recherche même sa conversation. Refusant de le livrer au bourreau, il se contente, pour apaiser le courroux de sa chère épouse, de l'emprisonner. Hérodiade ronge son frein, attend son heure.
Voici venue la fête de l'anniversaire d'Hérode. Hérodiade demande à Salomé, sa jeune fille alors dans la fleur de l'âge, de danser pour le roi et ses convives: une danse torride que les romantiques ont imaginée dotée de sept voiles, retirés un à un avec grâce par la jeune danseuse sous les yeux concupiscents d'Hérode : vous imaginez son état au septième voile ...
(voir la Salomé de Gustave Moreau) ...
"Demande-moi tout ce que tu veux, et je te le donnerai. Et il lui fit ce serment : Tout ce que tu demanderas, je te le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume"
- Vous pouvez lire sur le sujet un dossier instructif: http://www.forumopera.com/v1/opera-no11/salome/01.htmde
- Oscar Wilde a même imaginé que Salomé tombe amoureuse de Jean-Baptiste - amour non partagé! : Richard Strauss en tirera un opéra célèbre, Salomé, qui sera joué en 1905 à Dresde, et où Salomé se livre à cette danse lascive des Sept Voiles dont le roi Hérode ne sort pas indemne ...
Après la décapitation du prophète, Salomé, désespérée, baisera les lèvres mortes de celui qui s'est refusé à elle ...
Aussitôt dit, aussitôt fait ...
Un beau gaillard barbaresque, ce bourreau à la main sûre ! A peine l'ordre donné, il a dégainé et fait sa besogne sans état d'âme. Son accoutrement tranche avec le raffinement des toilettes féminines de Salomé et d'Hérodiade, un bandeau enserrant sa tignasse sauvage il dépose fièrement la tête tranchée de Jean-Baptiste dans le plat que lui tend Salomé. Elle détourne les yeux, effrayée, dégoûtée, malheureuse ? Sa mère lui presse l'épaule pour l'encourager ou l'obliger à regarder, et de son autre main elle tient un flambeau dégouttant comme la tête du supplicié et à la flamme sanglante, éclairant la scène dont elle ne veut pas perdre une miette : bon, c'est bien lui, elle déguste sa vengeance !
Le corps nu et supplicié de Jean-Baptiste git à genoux, les bras liés dans le dos. Une exécution banale dont l'actualité hélas abonde en somme dirions-nous aujourd'hui, dans une prison anonyme, mais dont la cruauté est ici soulignée par la présence des deux femmes élégantes.
Cette scène de Décollation représentée dans les bas-fonds d'une prison se trouve au registre inférieur de cette toile en compagnie des Âmes du Purgatoire, purgeant leurs fautes en attendant la rémission grâce à l'intercession des saints du registre supérieur:
au centre, l'Annonciation avec Marie et l'ange Gabriel et la colombe de l'Esprit Saint à l'œuvre; à la droite du groupe, Sainte Lucie tenant la palme de son martyre et la coupe contenant ses yeux; à gauche, Saint Pierre , la main sur le cœur et brandissant les clefs du paradis ... La contenance modeste et humble de Marie et de Lucie rachète l'élégance tapageuse de Salomé et d'Hérodiade.
D'après G. Moracchini Mazel, "Ces deux derniers saints devaient être honorés au Moyen-Age dans ce même secteur " ( région de Moïta), et cette peinture populaire du milieu XVIII°s. évoque ces cultes locaux encore vivaces à cette époque.
Cette peinture visible à Moïta est l'œuvre du peintre Giacomo Grandi .
Cet excellent artiste nous est bien connu par les travaux de l'ami Michel-Edouard Nigaglioni:
Giacomo GRANDI, peintre originaire de Milan, a choisi de vivre en Corse où l'on suit sa riche production picturale de 1742 à 1772. Après avoir vécu en Balagne, dans le village de Monticellu où il s'était marié, il se remarie, en 1758, après le décès de sa première épouse, avec une jeune fille de Quercitellu, village qui surplombe la Porta, en Castagniccia. Il y vit de nombreuses années avant de s'éteindre (1772 ) à Borgu où il est enterré.
Notons que Giacomo Grandi a également illustré à Petricaghju la Nativité du petit Jean-Baptiste, fils de Zacharie et d'Elisabeth et cousin de Jésus ...
"Par un privilège exceptionnel, l'Eglise célèbre à la fois le jour de sa naissance et le jour de sa mort: sa Nativité est célébrée le 24 juin, sa Décollation le 29 août. Or, deux autres Nativités seulement sont inscrites au calendrier celle du Sauveur et celle de la Sainte Vierge.
Il y avait même autrefois une troisième fête de saint Jean: la fête de la Conception de saint Jean-Baptiste. Célébrée en Orient, elle a été remplacée dans le calendrier romain par la fête de la Visitation qui commémore implicitement la sanctification de saint Jean dans le sein de sa mère.
(...)
Plus populaire encore, la Passio ou Decollatio, célébrée en août, remplace les fêtes païennes que le Christianisme, conscient des forces de la tradition, a su dériver à son profit. Les feux allumés sur les hauteurs au solstice d'été, après le coucher du soleil, sont devenus les feux de la Saint Jean.
(Louis Réau: L'iconographie de l'art chrétien, p. 434)
"En Corse, plus d'une cinquantaine d'édifices ont porté, à l'époque paléochrétienne et au Moyen-Age, le vocable de S.Giovanni Battista, - chiffre auquel il faudrait ajouter le patronage des petits baptistères accolés aux églises piévanes. (...) C'est dire à quel point ce culte appartiendrait à la prmière période du Christianisme officiel dans l'île, comportant l'organisation des cérémonies baptismales dans chaque pieve - sous l'autorité des premiers évêques et des premiers piévans." (G. Moracchini-Mazel, Corsica Sacra, p. 46)
fresque de Sermanu, San Giovanni Battista
On peut rencontrer d'autres peintures sur le thème de la Décollation de St Jean-Baptiste, comme ici, à Altiani, peinte par Francescu Carli : le bourreau s'apprête à faire son œuvre sous le regard attentif de Salomé et d'Hérodiade ...
... sans doute inspiré par la peinture anonyme du XVII° s. de l'église St
Jean-Baptiste de Bastia ...
Bastia, Eglise Saint Jean Baptiste: merci à l'historien de l'art Michel Edouard Nigaglioni qui m'a communiqué ce cliché et l'article suivant:
"Anonyme
(école romaine du XVIIe siècle, copie d’après Gerrit Van Hornthorst)
La décollation de saint Jean-Baptiste
XVIIe siècle
Huile sur toile (420 cm x 274 cm), châssis rectangulaire vertical
Eglise paroissiale Saint-Jean-Baptiste
ICONOGRAPHIE
- Saint Jean-Baptiste est représenté agenouillé, en prière, devant un bourreau brandissant une hache (à droite). Au-dessus du saint, un ange apporte une couronne de feuillage. A gauche de la composition, sont figurées Salomé tenant un plateau sous le bras, et Hérodiade brandissant une torche.
- Cette œuvre est la copie d’un grand retable, peint en 1618 par Gerrit Van Hornthorst (dit : « Gherardo delle notti ») pour l’église Santa Maria della Scala à Rome, à la demande du cardinal Scipione Borghese.
HISTORIQUE
- Le peintre hollandais Van Hornthorst (né à Utrecht en 1590, mort dans cette même ville en 1656) séjourna à Rome une dizaine d’années, entre 1610 et 1620, où il travailla pour l’aristocratie et les princes de l’église. Il acquit alors une réputation internationale. Surnommé Gherardo delle notti parce qu’il aimait peindre principalement des sujets nocturnes.
- Ce tableau, qui représente le martyre du saint titulaire de l’édifice, fut vraisemblablement commandé pour orner originellement le maître-autel de l’église primitive (érigée en église paroissiale en 1618 par Paul V). Après la reconstruction de l’église (1636-1665) la toile ne prit pas place dans le nouveau chœur et fut installée dans une chapelle latérale. Le plus ancien plan connu de l’église, daté de 1693, mentionne que la chapelle porte le vocable de « La decollazione ».
- L’œuvre est classée Monument Historique au titre d’objet mobilier (30 - 07 - 1970)."
(Michel Edouard Nigaglioni)
Michel Edouard Nigaglioni estime que nous avons à Altiani, avec la toile de la Décollation, la preuve que Francescu Carli a visité les églises de Bastia : il est vrai qu'il semble bien s'être inspiré de la toile de Bastia, mais en mettant sa touche personnelle dans la réalisation de cette scène ...
"Francescu CARLI est né dans l'Etat de Lucques, vers 1735. Il s'installe très jeune en Corse, à San Lorenzo (en Castagniccia) où ilé pouse une jeune fille du village. Carli est mort à San Lorenzo, le 17 août 1821, à l'âge de 86 ans.
(...) Francescu Carli est l'un des peintres les plus productifs de l'école corse, on lui doit plusieurs centaines d'oeuvres (tableaux d'autel, bannières de procession, chemins de croix) (...)
Michel Edouard Nigaglioni , dans CORSE ( page 43) ouvrage collectif publié par Christine Bonneton.
D'autres œuvres en Corse sur le même sujet ...
... et à La Porta, cette grande toile de l'autel majeur ...
(cliché M.E. Nigaglioni)
...à Cervione, la Décollation (en compagnie de St Roch) peinte par Domenico Desanti ...
(cliché M.E. Nigaglioni)
... et à Poggio Mezzana, la Décollation peinte par Joseph Giordani ...
...ou à Bonifacio,
la châsse de procession de la Décollation de St Jean-Baptiste ...
... ou à Costa, avec le décor peint par Francescu Giavarini dans la petite église San Salvadore ...
... ou à Castifau, cette peinture qui condense en une seule toile les épisodes successifs de la fin de vie de St Jean-Baptiste: emprisonné (au milieu et à gauche), décapité (au centre et en bas) et le chef déposé dans le plat de Salomé, et (en haut, à gauche) la jeune fille qui apporte la récompense cruelle de sa danse au couple festoyant d'Hérode et d'Hérodiade ...
23:21 Publié dans Belgodère, saint Jean-Baptiste | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : décollation de st jean-baptiste, giacomo grandi, moïta, salomé, hérode, hérodiade, francesco giavarini | Facebook |
28/05/2009
Nebbiu, balade du 23 mai, suite: Oletta
La peinture de la Vierge avait prévenu Maria et ses yeux avaient pleuré: depuis, une fête triennale réunit les fidèles d'Oletta pour commémorer l'évènment et prier la Vierge miraculeuse. C'est même à l'occasion de l'une de ces messes ( à laquelle le Père Pinelli alors archiprêtre de Calvi, m'avait conviée pour tenir l'orgue) , que j'ai rencontré pour la première fois et Maryse Guérini, aujourd'hui l'organiste en titre de St André, et le bel orgue pistoiais des Agati-Tronci, de 1888:
16:17 Publié dans orgues historiques de Corse, parcours de découverte du patrimoine en Corse, patrimoine de corse | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : oletta, couvent d'oletta, stamperia della verita, giustificazione della revoluzione di corsica, gregorio salvini, saint andré d'oletta, orgue historique agati tronci, francesco giavarini | Facebook |