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12/12/2012

Santa Lucia

Sainte Lucie, Vierge et Martyre de Syracuse,

fêtée le 13 décembre,

 

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(Francesco del Cossa, les yeux de Ste Lucie

une sainte patronne bien populaire en Europe

et en Corse :

Cateri Ste Lucie.jpg

à Cateri (Pieve d'Aregno), la statue de procession en papier mâché, art populaire (XIX° s.):

comme souvent, les doigts sont les premiers à souffrir de la procession  dans le village. Ce n'est pas une raison pour la priver de sa promenade annuelle!

Cateri l'angelot de ste Lucie.jpg

... et ses yeux, présentés par ce gentil petit angelot : ce sont les armes parlantes de Sainte Lucie. La popularité de Santa Lucia repose sur le fait qu'elle passe pour guérir tous  les maladies des yeux, y compris la cécité. Quoi qu'il en soit sa fête, le 13 décembre,  célèbre la fin des jours sombres et le retour proche de la lumière.

Cateri visage ste Cécile.jpg

Comme vous le verrez, notre Santa Lucia a bien gagné par les souffrances variées de son interminable martyreson statut de Vierge Martyre. heureusement pour ses porteurs, la sainte Lucie de Cateri ne pèse pas le poids de sa légende:

" columna es immobilis, Lucia sponsa Christi "

(tu es une colonne immobile, Lucie, épouse du Christ)

Voici ce qu'en dit Jacques de Voragine dans la Légende dorée:

 

   Lucie, vierge syracusaine de famille noble, voyant se répandre à travers toute la Sicile la gloire de sainte Agathe, se rendit au tombeau de cette sainte, en compagnie de sa mère Euthicie, qui, depuis quatre ans déjà, souffrait d’un flux de sang incurable. Les deux femmes arrivèrent à l’église pendant la messe, et au moment ou on lisait le passage de l’Évangile qui raconte la guérison miraculeuse, par Jésus, d’une femme atteinte d’un flux de sang. Alors Lucie dit à sa mère : « Si tu crois à ce qu’on vient de lire, tu dois croire aussi qu’Agathe est maintenant en présence de Celui pour le nom de qui elle a subi le martyre. Et si tu crois cela, tu retrouveras la santé en touchant le tombeau de la sainte ! » Aussitôt, tous s’écartant pour leur livrer passage, la mère et la fille s’approchèrent du tombeau, et se mirent à prier. Et voici que la jeune fille tomba soudain endormie, et eut un rêve où elle vit sainte Agathe debout au milieu des anges, toute parée de pierreries, et lui disant : « Ma sœur Lucie, vierge consacrée à Dieu, pourquoi me demandes-tu une chose que tu peux toi-même accorder sur-le-champ à ta mère ? Vois, ta foi l’a guérie ! » Et Lucie, s’éveillant, dit à sa mère : « Ma mère, tu es guérie ! Mais au nom de celle aux prières de qui tu dois ta guérison, je te prie de me délier désormais de mes fiançailles, et de distribuer aux pauvres la dot que tu me destinais ! » Sa mère lui répondit : « Attends plutôt de m’avoir fermé les yeux, et tu feras ensuite ce que tu voudras de nos biens ! » Mais Lucie : « Ce que tu donnes en mourant, dit-elle, tu le donnes parce que tu ne peux pas l’emporter avec toi. Mais, si tu le donnes de ton vivant, tu en auras la récompense là-haut ! »

 

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(Bruges, Maître de la Légende de Ste Lucie, XV° s.)

De retour chez elles, Lucie et sa mère commencèrent à distribuer, peu à peu, tous leurs biens aux pauvres. Et le fiancé de Lucie, l’ayant appris, en demanda compte à la nourrice de la jeune fille. Cette femme, en personne rusée, lui répondit que Lucie avait trouvé une propriété meilleure, qu’elle voulait l’acquérir, et que c’était pour cela qu’elle vendait une partie de ses biens. Et lui, dans sa sottise, il crut à un commerce matériel, et se mit à les encourager dans la vente de leurs biens. Mais quand tout fut vendu et qu’on sut que tout était allé aux pauvres, le fiancé, furieux, porta plainte devant le consul Paschase, disant que Lucie était chrétienne et n’obéissait pas aux lois impériales.

 

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(Lorenzo Lotto - 1532- Pinacoteca civica de Iesi)

Paschase, l’ayant aussitôt mandée, lui enjoignit de sacrifier aux idoles. Mais Lucie lui répondit : « Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est de visiter les pauvres et de les aider dans leurs besoins. Et comme je n’ai plus rien à offrir, je vais m’offrir moi-même au Seigneur ! » Et Paschase : « Ce sont là des paroles bonnes à dire à des sots de ton espèce ; mais à moi, qui garde les décrets de mes maîtres, tu les dis en vain ! » Et Lucie : « Tu gardes, toi, les décrets de tes maîtres, et moi je veux garder la loi de mon Dieu. Tu crains tes maîtres, et moi je crains Dieu. Tu évites de les offenser, et moi j’évite d’offenser Dieu. Tu désires leur plaire, et moi je désire plaire au Christ. Fais donc ce que tu jugeras t’être utile, et moi je ferai ce que je jugerai m’être utile ! » Alors Paschase : « Tu as dépensé ton patrimoine avec des corrupteurs, et voilà pourquoi tu parles en prostituée ! » Mais Lucie : « Mon patrimoine, je l’ai placé en lieu sûr ; et jamais n’ai admis auprès de moi des corrupteurs, ni du corps, ni de l’âme. » Paschase lui dit : « Qui sont donc ces corrupteurs du corps et de l’âme ? » Et Lucie répondit : « Les corrupteurs de l’âme, c’est vous, qui engagez les âmes à se détourner de leur créateur ; quant aux corrupteurs du corps, ce sont ceux qui conseillent dé préférer le plaisir corporel aux fêtes éternelles. » Et Paschase : « Tes paroles (verba) cesseront bien quand nous en viendrons à te rouer de coups (verbera) ! » Et Lucie : « Les paroles de Dieu ne cesseront jamais. » Et Paschase : « Prétends-tu être Dieu ? » Lucie répondit : « Je suis la servante de Dieu, qui a dit : « Quand vous serez en face des rois et des princes, etc. » Et Paschase : « Prétends-tu donc avoir en toi le Saint-Esprit ? » Et Lucie : « Celui qui vit dans la chasteté, celui-là est le temple du Saint-Esprit ! » Et Paschase : « Alors je te ferai conduire dans une maison de débauche. Ton corps y sera violé, et tu perdras ton Saint-Esprit ! » Mais Lucie : « Le corps n’est souillé que si l’âme y consent ; et si, malgré moi, on viole mon corps, ma chasteté s’en trouvera doublée. Or jamais tu ne pourras contraindre ma volonté. Et quant à mon corps, le voici, prêt à tous les supplices ! Qu’attends-tu ? Fils du diable, commence à satisfaire ton désir malfaisant ! »

Alors Paschase fit venir des proxénètes, et leur dit : « Invitez tout le peuple à jouir de cette femme, et qu’on use de son corps jusqu’à ce que mort s’ensuive ! » Mais quand les proxénètes voulurent l’entraîner, l’Esprit-Saint la rendit si pesante qu’en aucune façon ils ne purent la mouvoir.


 

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(Leandro Bassano, Venise, église san Giorgio Maggiore)


Et Paschase fit venir mille hommes, et lui fit lier les pieds et les mains ; mais on ne parvenait toujours pas à la soulever. Il fit venir mille paires de bœufs, mais la vierge continua à rester immobile. Il fit venir des mages ; mais leurs incantations restèrent sans effet. Alors il dit : « Quel est donc ce maléfice, qui permet à une jeune fille de ne pas pouvoir être soulevée par un millier d’hommes ? » Et Lucie lui répondit : « Ce n’est pas un maléfice, mais un bienfait du Christ. Et tu aurais beau ajouter encore dix mille hommes, ils ne parviendraient pas à me faire bouger. » Paschase s’imagina alors, suivant l’invention de quelqu’un, que l’urine détruisait les maléfices, et il la fit asperger d’urine bouillante : mais cela encore fut inutile. Alors le consul, exaspéré, fit allumer autour d’elle un grand feu, et ordonna de jeter sur elle de la poix, de la résine, et de l’huile bouillante. Et Lucie dit : « Dieu m’a accordé de supporter ces délais, dans mon martyre, afin d’ôter aux croyants la peur de la souffrance et aux non-croyants le moyen de blasphémer ! »

 

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(Brescia, église ste Agathe, martyre de Ste Lucie)


sainte lucie,santa luci,geneviève moracchini mazel,cateluciano pavarotti,ri,murato,ortiporio,lento,novellini,casalta,fagecLes amis de Paschase, le voyant devenir sans cesse plus furieux, enfoncèrent une épée dans la gorge de la sainte ; mais elle, loin d’en perdre la parole, elle dit : « Je vous annonce que la paix est rendue à l’Église ! Aujourd’hui même, Maximien est mort et Dioclétien a été chassé du trône. Et de même que Dieu a accordé pour protectrice à la ville de Catane ma sœur Agathe, de même il vient de m’autoriser à être auprès de lui la protectrice de la ville de Syracuse. » Et, en effet, pendant qu’elle parlait encore, voici que des envoyés de Rome vinrent saisir Paschase pour l’emmener, prisonnier, devant le Sénat : car celui-ci avait appris qu’il s’était rendu coupable de déprédations sans nombre dans toute la province. Il fut donc conduit à Rome, déféré au Sénat, convaincu de crime, et puni de la peine capitale.

 

 


(Tiepolo dernière communion de Ste Lucie  -

Venise église Santi Apostoli)


Quant à la vierge Lucie, elle ne bougea pas du lieu où elle avait souffert, et elle resta en vie jusqu’à l’arrivée de prêtres qui lui apportèrent la sainte communion ; et toute la foule y assista pieusement. C’est dans le même lieu qu’elle fut enterrée, et que fut construite une église en son honneur. Son martyre eut lieu vers l’an du Seigneur 310.

 

 

 

 

sainte lucie,santa luci,geneviève moracchini mazel,cateluciano pavarotti,ri,murato,ortiporio,lento,novellini,casalta,fagec"Selon une autre version, Lucie se serait arraché les yeux et les aurait envoyés sur un plat à son fiancé; mais la sainte Vierge lui aurait fait repousser des yeux encore plus beaux (occhi belli, lucenti) .

 

 

   Cette légende repose sur l'étymologie populaire de son nom: Lucia, rattachée au mot lux, lumière (Lucia a luce, Lucia quasi lucis via)

(Louis Réau, Iconographie de l'Art Chrétien)


(Francesco del Cossa, Washington

National Gallery)

 

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(Francesco Zurbaran 1625)


A Syracuse, la cathédrale lui est consacrée et son culte semble s'être très rapidement répandu dans toute l'Italie, en France, en Allemagne, en Flandre, en Espagne, en Suède (http://youtu.be/Mk0FyZqNp5Q), chacune se réclamant de ses reliques ... En Corse Santa Lucia est très vénérée et ce, depuis bien longtemps:

" Au Moyen-Age comme dans les siècles antérieurs, de nombreux sanctuaires en Corse portèrent le nom de S. Lucia, une trentaine environ." ( Corsica Sacra, Geneviève Moracchini Mazel, p. 24)

San Tumasgiu -Ste Lucie blog.jpg

Le beau visage mélancolique de Santa Lucia

à San Tumasgiu di Pastureccia (Pieve du Rustinu), fresque du début XVI° s.

" Pour la Corse, je suppose que ce culte est venu directement, -les voyageurs allaient d'île en île - (...). Ce pourrait être dès la fin du IV °s., depuis les côtes de Sicile jusqu'à celles de Corse" (idem)

 


Murato Ste Lucie- Giuseppe Maria Casalta - entre 1687 et 1713.jpg

Murato (Pieve du Bevinco) ancienne église conventuelle- Giuseppe Maria Casalta,

peintre corse domicilié à Prunelli di Casaconi (Haute-Corse), actif entre 1687 et 1713.

Cateri détail Ste Lucie - Valerio Castello 1624-1659 blog.jpg

Cateri (Pieve d'Aregno) Valerio Castello, peintre génois (1624 - 1659:  mort de la peste ...): magnifique!

Croce la Vierge -Ste Lucie et saint Césaire  Blog.jpg

Croce (Pieve d'Ampugnani) Sta Lucia aux pieds de la Vierge de l'Immaculée Conception et aux côtés de san Cesariu di Terracine. Francescu Carli ( "peintre principal de l'école castano-balanine de la fin du XVIIIe siècle, né dans l'état de Lucques vers 1735, actif dès les années 1760 en Corse, il y est mort en 1821." M.E. Nigaglioni)

Ortiporio Ste Lucie.jpg

Ortiporio (Pieve de Casacconi) détail avec Santa Lucia: le coq est là car la toile est consacrée à St Pierre.

 

Castellare La sainte parenté avec Ste Lucie.jpg

 

Castellare di Mercurio (pieve du Mercurio): la Vierge allaitante avec Ste Lucie.

Santa Lucia di Mercurio -Vierge avec Ste Lucie et blog.jpg

Santa Lucia di Mercurio (Pieve du Mercurio) (hélas très repeint! dessous, peut-être la main de Marc Antonio De Santis)

Lento Novellini Ste Lucie blog.jpg

Lento,  Ste Lucie (détail)  peinte par Paul-Mathieu Novellini :

 

Lento Novellini Vierge à l'Enfant ste Lucie et - blog.jpg


Ce bon peintre Novellini est né à Lento en 1831 ( mort en 1918).

Alberti AF - Tableau d-autel - 1872 - -glise de Pied-Orezza.jpg

à Pied'Orezza (Pieve d'Orezza) Santa Lucia peinte en 1872 par Alberti  (le peintre qui réalise le décor de l'église St Pierre St Paul de Piedicroce): un art populaire et coloré ... Ici Ste Lucie est représentée en pleine "dispute" théologique devant le consul Paschase, barbu et moustachu (pas très règlementaire pour un consul romain!), amenée sous bonne garde par des soldats mauresques d'opérette. A ses côtés, je crois voir ste Agathe (martyre portant sa palme) et derrière elle , peut-être la mère Euthicie.

 En Corse, nombre de fontaines lui sont consacrées où l'on va, le jour de sa fête, puiser "l'acqua di Santa Lucia", l'eau de Sainte Lucie, avec laquelle il est conseillé de se laver les yeux. Par ailleurs, toujours en liason avec ses vertus exceptionnelles pour la vue, la clarté, on trouvera des lieux-dits qui signalent sainte Lucie - écoutons ce qu'en dit Geneviève Moracchini-Mazel dans sa Corsica Sacra, p.24 et 25), parlant d'un sanctuaire aujourd'hui disparu, construit à 1.300m d'altitude dans la pieve de Mercurio et qui a donné son nom à la Cima di Santa Lucia:

(...) en tous cas la monachia qui devait se trouver sur la Cima, a des chances d'avoir jouxté une aire de feux destinée à la signalisation"

et plus loin, parlant du Col de Sta Lucia et de sa chapelle ancienne et disparue (restent les arases) , entre Luri et Pino:

devant la chapelle Ste Lucie.jblog pg.jpg

Sortie de la Fagec, le 18/05/2008: au Col de Santa Lucia

"Toutefois il y a lieu de supposer qu'à l'origine c'était une monachia, liée à la surveillance des deux mers au moyen de feux de signalisation."

(...) En somme il parait probable qu'en montagne, durant le Haut Moyen-Age, on ait souvent choisi le vocable S. Lucia, en raison de la Lux et de la vue exceptionnelle dont on pouvait bénéficier depuis les sanctuaires."

Santa Lucia a donné son nom à plusieurs villages en Corse : Santa Lucia di Tallà, Santa Lucia di Muriani, Santa Lucia di Mercurio ...


Elle sera donc à l'honneur le 13 décembre dans de nombreux villages ...

 

 

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(photo M.E. Nigaglioni)

Comme à Ville di Petrabugno: oeuvre magistrale du peintre corse Nicolao Castiglioni, 1628: la Vierge à l'Enfant entre Ste Catherine d'Alexandrie et Sainte Lucie


 


(à suivre!)

Allez, avec Luciano Pavarotti :

http://youtu.be/Gb4jaK1k5BQ


 

30/11/2012

Sainte Cécile et le Roi David en Corse patrons de la musique sacrée

le 22 novembre on fêtait

Sainte Cécile de Rome

 

http://youtu.be/fkxZZFEAkiM

http://youtu.be/vhIA3RcrLYk

comme on le sait, patronne de la musique sacrée, des organistes et des facteurs d'orgue, tâche qu'elle partage fort souvent et bien volontiers  avec son collègue de l'Ancien Testament, le Roi David, du moins sur les tribunes et les volets d'orgues de Corse, et ce, souvent avec une verve toute populaire ...

 

Zilia Orgue Saladini 1831  blog.jpg

à Zilia (Balagne), du haut de la belle tribune d'Aton Giuseppe Saladini, peints sur les volets de l'orgue ( (Saladini 1831) ,Sainte Cécile et le Roi David veillent sur la destinée de la  "Musica sacra" au village:

 

Zilia volet d'orgue ste Cécile.jpg

Cécile , drapée dans sa dignité de vierge martyre des premiers âges, s'appuie sur "son" orgue,

Zilia le Roi David.jpg

tandis que le Roi David assure, le regard inspiré ( du moins je veux bien le croire) et affublé d'un costume à l'antique d'opéra,  une main sur le coeur, l'autre tenant sa harpe biblique . Bref, ils  se donnent à voir avec toute l'intention adéquate ... et la meilleure bonne volonté du moment, 

Zilia  volets ouverts.jpg

avant que ne s'ouvrent les ailes de la musique:

 hélas, aujourd'hui l'orgue n'est pas au mieux de sa forme et j'imagine sans peine la déception de ses saints patrons !


 

Corbara orgue volets fermés blog.jpg

 A Corbara (Balagne), peints sur les volets de l'orgue Saladini (début XIX°)/ Agati-Tronci,  (1890)

Corbara volets ste Cécile et le Roi David.jpg

  Francesco Giavarini peint sa Sainte Cécile enturbannée en compagnie du Roi David en 1819  : à nouveau d'un côté la harpe pour David ( l'Ancien Testament), de l'autre l'orgue pour Cécile ( le Nouveau Testament).

Cette représentation de Cécile jouant de l'orgue, semble reposer sur un contresens. Voici ce qu'en dit Louis Réau dans son Iconographie de l'Art Chrétien ( cet ouvrage précieux et convoité, édité en 1958 aux Presses Universitaires de France, malheureusement aujourd'hui épuisé ):

   "On lisait en effet dans la  Passio légendaire de sainte Cécile la phrase suivante: " Cantantibus organis, Caecilia in corde suo soli Domino decantabat, dicens: Fiat cor et corpus meum immaculatum"; ce qui veut dire : " Pendant qu'on conduisait Cécile, le jour de ses noces, dans la maison de son fiancé au son des instruments de musique, c'est Dieu seul qu'elle invoquait dans son coeur pour lui demander la gâce de conserver son coeur et son corps sans tâche."

   Ainsi  non seulement , si l'on interprète correctement ce passage, Cécile n'est pas elle-même musicienn, elle ne joue ni de l'orgue ni d'un instrument quelconque; mais elle ferme ses oreilles à la marche nuptiale exécutée en son honneur pour concentrer sa pensée sur Dieu seul et implorer la sauvegarde de sa virginité. Elle aurait été plutôt mélophobe que mélomane.

    Comment, dans ses conditions sainte Cécile a-t-elle pu passer pour une amie de la musique? C'est parce que l'antienne extraite de sa Passio, en détachant les mots : cantatibus organis et en supprimant in corde suo a dénaturé le sens de la phrase : on a compris que Cécile chantait au son des instruments ou même en s'accompagnant de l'orgue. En réalité organa ne signifie pas orgues et decantabat doit être pris au sens figuré.

   La fable de sainte Cécile musicienne et son patronage usurpé de la musique religieuse aurait donc une origine liturgique."

 

Quant à l'orgue antique, pourquoi pas, puisque notre Cécile est une sainte du II° ou III° siècle après J.C. et que l'on attribue à l'ingénieur alexandrin Ctésibios, au III° siècle avant J.C. la paternité de l'invention du premier orgue hydraulique ...

Voir à ce sujet  l'excellent article consacré à l'orgue hydraulique antique sur le site:  www.unicaen.fr/puc/ecrire/preprints/preprint0022005.pdf


Revenons à Corbara: la tradition veut que Davia Franceschini, Sultane du Maroc, ait prêté ses traits à Sainte Cécile : et le Roi David? Peut-être inspiré du Sultan Sidi Mohammed ben Abdallah, son royal époux ? En tous cas, voilà une bien belle histoire dont ne sont pas peu fiers nos amis de Corbara!

Extrait du site de Curbara:

" Marthe FRANCESCHINI, dite Davia FRANCESCHINI, Sultane du Maroc (1756-1799) :

Davia Franceschini

 

Alors qu’ils cultivent leurs champs près de la mer, Jacques-Marie FRANCESCHINI, son épouse Silvia MONCHI sont capturés, quelques mois après leur mariage, par des pirates tunisiens. Nous sommes en 1751. Conduits à TUNIS, ils sont achetés par l’intendant du DEY pour le compte de son maître. Surveillant des esclaves du DEY, Jacques-Marie gagne sa confiance, se révélant un bon administrateur, ce qui lui permet de se constituer une belle fortune. Il apprend un jour qu’un complot se trame pour assassiner le DEY et après hésitations, se décide à le lui révéler. Pour le remercier, celui-ci lui fait de riches cadeaux et lui rend sa liberté.

Au cour de leur séjour à TUNIS, les époux FRANCESCHINI ont une fille, née le 25 avril 1756, baptisée le 29 du même mois par le Frère Stephanus Antonius, capucin de Gênes, préfet et provicaire apostolique de la mission de Tunis et des lieux voisins. (acte de baptême rédigé et paraphé par le père Stéphanus Antonius).

Libres, les époux FRANCESCHINI et leur fille Marthe quittent la Tunisie pour rentrer en Corse. Au cours du voyage, ils sont enlevés par des Marocains qui les conduisent dans leur pays. Ils sont vendus comme esclaves au Sultan Sidi Mohammed ben Abdallah qui confie à Jacques-Marie la direction des travaux du jardin impérial à Marrakech. Jacques-Marie a l’idée de faire parvenir au Sultan, un mémoire relatant le fait qu’il est sujet du Bey de Tunis à qui il a sauvé la vie et qu’il ne peut être considéré comme un étranger. Il est reçu par le Sultan devant lequel il se rend avec sa femme et ses deux enfants, Marthe et Vincent (Né à Marrakech le 29 novembre 1759).

Le Souverain est « impressionné par la grande beauté, la grâce et l’esprit » de la jeune Marthe » au point « d’ordonner qu’elle soit immédiatement emmenée pour faire l’ornement du sérail ». Marthe a alors 7 ans.

Jacques-Marie, son épouse Silvia et son fils Vincent regagnent la Corse. Leur troisième enfant, Augustin, naîtra à CORBARA. Il ne supporte pas toutefois l’absence de Marthe dont la présence au harem du Sultan est pour lui la pire des injures. Il conçoit donc le projet de retourner au Maroc. Il demande même l’aide de Pascal PAOLI qui lui conseille de « laisser sa fille suivre sa destinée ». Il arme un navire avec un équipage et part pour le Maroc. Le destin veut qu’il meurt au Maroc, à Salé, atteint de la peste.

Marthe est obligée de se convertir à l’Islam et reçoit le nom de DAWIYA (DAVIA). Le sultan dit d’elle qu’elle est « La plus belle rose de son harem ». Il apprécie en elle « la fraîcheur, le charme et la vivacité d’esprit ». En 1786, elle devient sa femme légitime, et Première Sultane. Dans son village, en CORSE, on la dit « IMPERATRICE DU MAROC ».

La beauté légendaire de DAVIA suscite beaucoup de jalousies. Le Sultan lui demande même de suivre des cours de droit coranique et obtient le diplôme de Talba (licenciée en droit), ce qui est quasiment unique à l’époque. Il la charge même « de la correspondance avec les cours européennes » et l’admet « à son conseil privé ». Son influence est immense sur la politique intérieure et extérieure du Maroc et a un grand ascendant sur les populations musulmanes. Elle a entretenu une correspondance avec la Reine d’Espagne et les deux femmes ont procédé à un échange de portraits.

La Sultane se considère comme française et décide le souverain d’entrer en relation avec NAPOLEON, se disant fière qu’un corse soit souverain des Français.

Plus tard, DAVIA souhaite revoir sa famille. Son époux accéde à sa demande, et des envoyés du Sultan sont dépêchés à CORBARA, chez la veuve de Jacques-Marie à qui on remet une lettre de sa fille lui demandant de rejoindre le Maroc. La mère de DAVIA n’a aucune hésitation, et après intervention de Monsieur Chiappe, Consul de Venise au Maroc, LOUIS XVI charge le Vicomte Dubarin de Pélivier, Consul de France à Tanger, de délivrer les passeports nécessaires au voyage de la famille FRANCESCHINI. Ils sont reçus à la cour chérifienne « avec tous les honneurs dus aux princes de la famille impériale ». Ils s’installent dans la ville de LARACHE où DAVIA se serait retirée après le décès de son époux, Sidi Mohammed Ben Abdallah.

DAVIA meurt à LARACHE en 1799. Sa mère meurt dans cette même ville le 19 janvier 1811.

DAVIA a eu une fille, morte à l’âge de quatre ou sept ans.

Vincent FRANCESCHINI, son frère, sur intervention du Roi Moulay Sliman auprès de Premier Consul, est nommé Consul de France à Mogador. Après 1804, il se retire en CORSE, dans le village de CORBARA où, « avec l’argent gagné au service du Directoire et grâce aussi aux cadeaux de sa sœur et du Sultan, il fait construire une maison, située près de l’église, et qui est appelée « A CASA DI I TURCHI ».

Augustin FRANCESCHINI le dernier des frères de DAVIA, est né à CORBARA en 1772. Après quelques années de vie dans ce village, il part à PORTO-RICO en février 1829."


DSC_0147.JPG

A Palasca (Balagne), sous le regard impavide de Jeanne d'Arc (!), l'orgue d'A.P. Saladini (1833) sur sa  tribune du papa Anton Giuseppe Saladini,

Palasca Ste Cécile et le roi David.jpg

se place lui aussi sous la protection de Ste Cécile et du Roi David, peints en médaillons sur les volets.

Sant Antonino orgue tribune et buffet.jpg

A Sant' Antonino, sur la magnifique tribune baroque peinte par Vicente Suarez en 1789, trône l'orgue Pomposi aujourd'hui vide, et construit à l'origine pour le couvent de Marcassu tout proche:

 

 

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(les panneaux peints avant leur réinstallation sur le buffet)

 le concert mystique de Sainte Cécile,

en compagnie des anges musiciens,

et toujours par la main élégante de Vicente Suarez ...

 

DSCN5981.JPG

A Piedicroce,  les volets de l'orgue vénérable de Spinola (1619)

 

Piedicroce orgue Spinola 1619 volets repeints XIX°Ste Cécile et le Roi David .jpg

accueillent aussi nos deux saints patrons, maladroitement et fortement repeints au XIX° siècle après le transfert en 1844 de la cathédrale Ste Marie de Bastia à St et St Paul de Piedicroce:

Piedicroce orgue Spinola  volets ouverts.jpg

En vérité, et si je puis me permettre,

le ramage vaut mille fois mieux que le plumage!



 

6328356.jpg

(photo de Michel-Edouard Nigaglioni)

à Lozzi (Niolu), sur le rideau cachant un orgue désormais vide (on m'a raconté que les tuyaux ont naguère été joués aux cartes !) le Roi harpiste joue en duo

 

6270456.jpg

avec Ste Cécile, non plus à l'orgue mais à la cetera (ce bel instrument traditionnel de la Corse, de la famille des cistres) , cette fois-ci!

Peinture de Desanti (1824-1892).


Ochjatana orgue Luiggi de Ferrari 1839 et tribune Fabio Lecca blog.jpg

à Ochjatana (Balagne), sur la tribune signée de Fabio Lecca, l'orgue de Luiggi de Ferrari (1839) ,

Occhiatana orgue détail ste Cécile blog.jpg

cette jolie peinture de notre Ste Cécile à l'orgue entourée de dévots: le peintre (?) se serait-il représenté en bas à gauche ?

 

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A Pioggiola (Ghjunsani), la tribune (1814) de l'orgue d'A.P. Saladini (1844)

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accueille sa Ste Cécile sage comme une image

 

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Et à Omessa, voisine de Corte, la pauvre petite Ste Cécile se sent désormais  bien solitaire sur sa tribune muette et vide ...

 

 

Speloncato orgue Crudeli volets ouverts blog.jpg

Quant à Speluncatu,

l' organiste de Speloncato blog.jpg

notre petite organiste Ste Cécile, peinte comme tout cet ensemble  par l'énigmatique Grunwaldo Graffini, s'est modestement nichée dans le coin gauche sur la conque de la somptueuse tribune d'A.G. Saladini de l'orgue Crudeli de la Collégiale (1810) ,

Speluncato volets fermés blog.jpg

cédant au Roi David la place de choix sur les volets:

Speloncato le Roi David volet détail.jpg

si, si, c'est bien lui, même s'il est imberbe, 

je reconnais sa harpe et tout le decorum!

Piedigriggio orgue.jpg

à Piedigrisgio (Ghjuvellina),

sur le petit orgue anonyme,

orgue de Piedigriggio Roi David.jpg

un peu trop ripoliné,  c'est toujours lui,

revêtu de pourpre et d'hermine comme un vieux Roi

sur les buvards de mon enfance

il accompagne la mélopée de ses Psaumes:

 

avec Darius Milhaud:

http://youtu.be/gPqfoq4Gd4Y

***

castiglione tribune ste Cécile.jpg

A Castiglione (Ghjuvellina), dans la petite église on aurait bien aimé avoir un orgue: la  tribune (mi- XIX° s.) abrîte un vieil harmonium sous la protection de Ste Cécile, du Roi David et de St Antoine de Padoue

Castiglione ste Cécile blog.jpg

au centre, notre Cécile, porte un bien joli turban.

Corte orgue sta Croce.jpg

Le même peintre réalise des années plus tard le décor de la tribune du petit orgue anonyme de la confrérie Santa Croce de Corte: cet orgue vient d'être relevé par Jean-François Muno et l'église va prochainement faire l'objet d'une restauration devenue urgente, comme on le voit ici ...



Mais l'on rencontre également Sainte Cécile en dehors des tribunes d'orgues:

 

San Martinu di Lota Ste Cécile Michel  Ames du purgatoire.jpg

Comme ici, peinte par Marc-Antoine de Santis (XVII° s.) à San Martinu di Lota (Cap Corse): elle intercède en compagnie de St Michel pour les âmes du Purgatoire,

San Martinu di Lota Ste Cécile Michel  Ames du purgatoire détail orgue.jpg

tant est grand le pouvoir de la foi et de la musique: elle tient à la main la palme de son martyre et un petit orgue  posé sur le Livre.

 

Scata Ste Cécile M A de Santis blog.jpg

A Scata (Castagniccia), le même et talentueux M.A. de Santis peint cette belle Ste Cécile qui malheureusement souffre terriblement de l'humidité de l'église paroissiale Ste Cécile et de l'impécuniosité de cette petite commune de l'Ampugnani ...

 

Giordani J -  Tableau d'autel - 1862 - église de  Pianello.jpg

 A Pianellu (vers Aleria), le peintre Giordani exprime en 1862 la même dévotion dans son tableau d'autel dans l'église Sainte Cécile: merci M.E. Nigaglioni!


Et pour ceux qui veulent en savoir plus sur Ste Cécile:

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9cile_de_RomRaffaël Ste Cécilia 1514 Pinacoteca Nazionale Bologna.jpg

la Sainte Cécile de Raphaël (1514, Pinacothèque de Bologne) ornait à l'origine l'autel de la chapelle cécilienne de San Giovanni in Monte à Bologne.

Ici Cécile délaisse les instruments terrestres, déglingués, fracassés au sol pour mieux participer à la musique des anges.

Sa Passio date de la fin du V° siècle et sa légende doit beaucoup à l'Histoire de la persécution vandale de Victor de Vite (486).

L'histoire raconte que le pape  Pascal 1er  transféra en 821 ses reliques du cimetière de Saint Calixte dans la basilique de Sainte Cécile- du-Transtévère, élevée sur l'emplacement du palais qu'elle habitait ( Sainte Cécile était une jeune patricienne de la gens Caecilia ,du nom caecus, aveugle).

En 1599, le pape Clément VIII fit ouvrir le cercueil de Ste Cécile et l'on découvrit avec stupéfaction que le corps de la jeune sainte gisait intact, la tête à moitié tranchée, et couchée sur le côté droit dans la position de son martyre, semblant faire un dernier signe de la main, trois doigts levés pour témoigner la Trinité. Cette découverte fut immortalisée par le sculpteur Stefano Maderno

 

la ste Cécile de Maderno.jpg

 

la Sainte Cécile de Moderno à l'église Sainte Cécile du Trastevere à Rome

voir le lien:

www.rome-passion.com/sainte-cecile-trastevere.html

 

Ce qu'en dit Jacques de Voragine

dans La Légende dorée ( rédigée  entre 1261 et 1266 par Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes)


SAINTE CÉCILE,

vierge et martyre, célébrée le 22 novembre:

 

 

Cécile, jeune fille romaine, de race noble, et nourrie dès le berceau dans la foi du Christ, portait toujours un évangile caché dans sa poitrine, priait nuit et jour, et demandait au Seigneur de lui conserver sa virginité. Elle fut cependant fiancée à un jeune homme nommé Valérien. Le jour de ses noces, elle revêtit ses chairs d’un cilice, par-dessous les robes dorées ; et, pendant que les orgues jouaient, elle, s’adressant à Dieu seul, chantait : « Permets, Seigneur, que mon cœur et mon corps restent immaculés ! » Vint enfin la nuit, et Cécile se trouva seule avec son fiancé dans le silence de sa chambre. Et elle lui dit : « Doux jeune homme bien-aimé, j’ai un mystère à te révéler, à la condition seulement que tu me jures de ne point me trahir ! » Puis, Valérien le lui ayant juré, elle lui dit : « Sache donc que j’ai pour amant un ange de Dieu, et que mon amant est jaloux de mon corps. S’il apprenait que, même légèrement, tu m’aies touché d’un amour impur, aussitôt il te frapperait et te ferait perdre la fleur de ta belle jeunesse. Mais si, au contraire, il apprend que tu m’aimes d’un amour pur, il t’aimera autant que moi et te montrera sa gloire ! » Alors Valérien, inspiré de Dieu, dit : « Si tu veux que je te croie, fais-moi voir cet amant ! Et si c’est en vérité un ange, je ferai ce que tu me demandes. Mais si ton amant est un homme, je. le tuerai avec toi ! » Et Cécile : « Pour que tu voies mon amant, il faut que tu croies dans le vrai Dieu, et que tu promettes de te faire baptiser. Va à trois milles d’ici, dans la voie Apienne ! Tu y trouveras des pauvres, à qui tu diras que Cécile t’envoie vers eux pour qu’ils te conduisent auprès du saint vieillard Urbain. Et quand tu seras en présence de ce vieillard, répète-lui. mes paroles ! Il te purifiera ; et, à ton retour ici, tu verras l’ange ! » Valérien se mit en route, et alla trouver l’évêque saint Urbain, qui se cachait parmi les tombeaux des martyrs. Et quand il lui eut répété les paroles de Cécile, le vieillard, levant les mains au ciel, s’écria : « Seigneur Jésus-Christ, bon pasteur, recueille le fruit de la semence que tu as semée en Cécile! Car voici que, ayant reçu pour mari un lion farouche, ta servante te l’as envoyé comme un doux agneau ! » Aussitôt apparut un vieillard tout vêtu de blanc, qui tenait un livre écrit en lettres d’or. À sa vue, Valérien, épouvanté, se jeta sur le sol; mais le vieillard le releva et lut dans son livre : « Un seul Dieu, une seule foi, un seul baptême! » Puis il dit à Valérien : « Crois-tu à tout cela, ou bien doutes-tu encore ? » Et Valérien de s’écrier : « Il n’y a rien sous le ciel à quoi je croie davantage ! » Aussitôt le vieillard disparut. Valérien reçut le baptême des mains de saint Urbain ; et, quand il revint auprès de Cécile, il la trouva s’entretenant avec un ange, dans sa chambre. Et cet ange tenait en main deux couronnes de roses et de lis, dont il donna l’une à Cécile et l’autre à Valérien, en disant : « Gardez ces couronnes avec un cœur pur et un corps immaculé, car je vous les ai apportées du paradis de Dieu ! Jamais elles ne se faneront ni ne perdront leur parfum ; mais ceux-là seuls pourront les voir qui aimeront la chasteté. Quant à toi, Valérien, puisque tu as suivi le sage conseil de Cécile, demande ce que tu veux, et tu l’obtiendras ! » Et Valérien : « Il n’y a rien dans cette vie qui ne me soit plus précieux que l’affection de mon frère unique. Je désirerais donc, que comme moi, il reconnût la vérité ! » Et l’ange : « Ta demande plaît à Dieu. Sache que tous deux, ton frère et toi, vous irez au Seigneur avec la palme du martyre! »

Là-dessus entra dans la chambre le frère de Valérien, Tiburce. Et, frappé du parfum des fleurs, il dit : « Je me demande d’où peut venir, en cette saison, ce parfum de roses et de lis. Sans compter que, si même j’avais les mains pleines de ces fleurs, je ne me sentirais pas imprégné de leur parfum aussi profondément ! » Et Valérien : « C’est que nous avons des couronnes faites de ces fleurs, et dont l’éclat n’est pas moins merveilleux que le parfum. Mais tes yeux ne peuvent les voir ; ils le pourront, seulement, si tu consens à partager notre foi. » Et Tiburce : « Est-ce que je rêve, ou bien me parles-tu vraiment ? » Et Valérien : « C’est jusqu’à présent que nous avons rêvé ; et désormais nous nous sommes éveillés à la vérité. » Et Tiburce : « Comment sais-tu cela ? » Et Valérien : « C’est un ange qui me l’a appris ; et tu pourrais le voir, comme nous, si, après avoir renoncé aux idoles, tu te faisais purifier. » Après quoi Cécile lui démontra avec tant d’évidence l’inanité des idoles, que Tiburce s’écria : « Celui qui ne croit pas à cela est une bête brute! » Alors Cécile, lui baisant la poitrine, dit : « Je reconnais en toi mon frère, et c’est Dieu qui a fait de toi mon frère, comme de ton frère il a fait mon mari. Va donc avec Valérien pour te faire purifier, afin qu’à ton retour tu puisses contempler le visage de l’ange ! » Et elle demanda à Valérien de conduire son frère auprès de l’évêque Urbain. Alors Tiburce : « Serait-ce le même Urbain qui se cache quelque part, après avoir été tant de fois condamné ? Mais, si on le découvre, on le brûlera, et nous serons brûlés avec lui ; et, pendant que nous chercherons au ciel une divinité cachée, nous trouverons sur la terre les angoisses du supplice ! » Et Cécile : « Si la vie d’ici-bas était notre seule vie, nous aurions raison de redouter de la perdre. Mais il y a une autre vie, meilleure, et qui ne se perdra point. C’est celle que nous a annoncée le-Fils de Dieu. » Puis elle lui raconta l’avènement du Christ et sa passion. Si bien que Tiburce dit à son frère : « Par pitié, conduis-moi vite vers cet homme de Dieu, pour que je reçoive ma purification ! » Et dès qu’il fut baptisé, il put, lui aussi, voir l’ange, et obtenir de lui ce qu’il désirait.

Ainsi convertis, Valérien et Tiburce passaient leur temps à distribuer des aumônes et à ensevelir les corps des martyrs. Ce qu’apprenant, le préfet Almaque leur demanda pourquoi ils ensevelissaient des hommes justement condamnés pour leurs crimes. Et Tiburce : « Plût à Dieu que nous fussions dignes d’être les esclaves de ceux que tu appelles des criminels ! Car ils ont su dédaigner ce qui paraît exister et n’existe pas ; et ils ont trouvé ce qui paraît ne pas exister et qui existe ! » Et Almaqué : « De quoi parles-tu là ? » Et Tiburce : « Ce qui paraît exister et qui n’existe pas, c’est tout ce qui est dans ce monde ; et c’est cela qui conduit l’homme, lui aussi, à ne pas exister. Et ce qui paraît ne pas exister et qui existe, c’est le salut des justes. » Le préfet lui répondit qu’il déraisonnait. Puis, s’adressant à Valérien : «. Puisque ton frère a le cerveau dérangé, toi, du moins, essaie de me répondre raisonnablement ! Dis-moi ce qui vous porte à dédaigner les plaisirs de la vie et à rechercher les souffrances. » Valérien répondit que, l’hiver, il avait vu des oisifs se moquant du pénible travail des laboureurs ; mais, l’été venu, et la saison des moissons, ceux-là se réjouissaient dont on s’était moqué, tandis que les railleurs se mettaient à pleurer. « Et de même, nous aussi, nous supportons la fatigue et les injures ; mais plus tard nous recevrons la gloire et la récompense éternelles. Et vous, qui éprouvez ici-bas une joie partagée, vous trouverez dans l’avenir le deuil éternel ! » Et le préfet : « Ainsi nous, princes glorieux, nous n’aurions à attendre qu’un deuil éternel, tandis que vous, misérables, vous posséderiez une joie sans fin ? » Et Valérien : » Vous n’êtes-que de pauvres hommes, et non pas des princes. Nés comme nous, vous aurez seulement à rendre à Dieu des comptes plus forts. » Alors le préfet : « A quoi bon tous ces bavardages ? Sacrifiez aux dieux, et vous vous en irez librement ! » Et comme les deux saints se refusaient à sacrifier, le préfet les confia à la garde de Maxime, qui allait, lui aussi, devenir un saint. Et Maxime leur dit : « Ô fleur pourprée de la jeunesse, ô couple charmant et tendre, d’où vient que vous couriez ainsi à la mort comme à un festin ? » Valérien lui répondit que, s’il voulait partager leur foi, il pourrait, après leur mort, contempler la gloire de leurs âmes. Et Maxime : « Je veux que la foudre m’anéantisse, si, quand j’aurai vu ce que vous me promettez, je ne proclame pas que votre Dieu est le seul vrai Dieu ! » Sur quoi Maxime et toute sa famille et tous les gardiens se convertirent, et reçurent le baptême des mains d’Urbain, qui vint en secret dans la prison.

Le lendemain, à l’aurore, Cécile s’écria : « Allez, soldats du Christ, rejetez l’œuvre des ténèbres, et revêtez les armes de lumière! » On conduisit les martyrs à quatre milles de Rome, devant une statue de Jupiter. Et comme ils se refusaient à sacrifier, ils eurent la tête tranchée. Et Maxime affirma sous serment qu’il avait vu des anges briller autour d’eux et emporter leurs âmes vers le ciel, pareilles à des vierges qu’on porte dans leur lit. Ce qu’entendant, Almaque ordonna que Maxime fût frappé de verges plombées jusqu’à ce que mort s’ensuivît. Cécile recueillit son corps et l’ensevelit à côté de ceux des deux saints.

Après cela, Almaque s’enquit des biens laissés par ceux-ci. Et, découvrant que la femme de Valérien était chrétienne, il lui ordonna de sacrifier aux idoles, sous peine de mort. Les soldats qui la conduisaient l’engageaient à se soumettre, désoles de voir une jeune femme si belle et si noble se livrer à la mort. Et elle leur dit : « Chers amis, ce n’est point là perdre sa jeunesse, mais faire un échange ; c’est donner de la boue et recevoir de l’or, c’est donner une cabane et recevoir un palais. Si quelqu’un vous offrait une livre pour un sou, ne vous hâteriez-vous pas d’accepter son offre? Or Dieu rend au centuple tout ce qu’on lui donne. Croyez-vous à tout ce que je vous dis ? » Et eux : « Nous croyons que ton maître le Christ est le vrai Dieu, puisqu’il possède une servante telle que toi ! » Et l’évêque Urbain les baptisa, au nombre de plus de quatre cents.

Puis Cécile comparut devant Almaque et répondit à ses questions en proclamant sa foi. Alors Almaque : « Laisse maintenant tes folies, et sacrifie aux dieux ! » Et Cécile : « C’est toi qui me parais atteint de folie : car, là où tu vois des dieux, nous ne voyons que des pierres. Étends la main, et constate du moins parle toucher ce que tes yeux ne parviennent pas à voir ! » Almaque, furieux, la fit ramener dans sa maison, où, jour et nuit, il ordonna qu’elle fût plongée dans un bain d’eau bouillante. Mais elle y resta comme en un lieu frais, et sans que même une goutte de sueur parût sur elle. Ce qu’apprenant, Almaque ordonna qu’elle eût la tête tranchée dans son bain. Le bourreau la frappa de trois coups de hache ; et comme elle vivait toujours, et que la loi défendait de frapper les condamnés de plus de trois coups, la sainte fut laissée encore respirante. Elle survécut trois jours à son supplice. Elle distribua aux pauvres tous ses biens, et recommanda à l’évêque Urbain tous les fidèles qu’elle avait convertis, en disant : « J’ai demandé au ciel ces trois jours de délai pour te faire une dernière fois mes recommandations, et pour te prier de consacrer une église sur l’emplacement de cette maison où je meurs. » Puis elle rendit l’âme, et saint Urbain, après l’avoir ensevelie, transforma sa maison en église, comme elle l’avait de- mandé. Elle mourut à l’âge de vingt-trois ans, en l’an du Seigneur 200, sous l’empereur Alexandre. Mais d’autres historiens veulent que son martyre ait eu lieu vingt ans plus tard, sous le règne de Marc-Aurèle."


Je rappelle au sujet des volets d'orgues peints en Europe ce beau livre paru en 2001 à Rotterdam (où se glisse un chapitre sur la Corse dans le concert de l'Europe)  :

 

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Je ne suis pas sûre, hélas, qu'il soit encore disponible.

ISBN 90-804439-2-1

NUGI 912



 

 

 

 

 

 

 

 

 


15/11/2012

Flore de l'Agriate: annonce de la 5ème journée de l'Agriate

 

5 ème journée de l'Agriate consacrée à la flore


Je relaie bien volontiers cette information transmise par Isabelle

Guyot, chargée de Mission pour l'Agriate: 


" Le Département de la Haute-Corse, le Conservatoire du littoral et l'association 'les amis des Agriate' ont le plaisir de vous annoncer que la 5ème journée de l'Agriate se déroulera le 24.11.2012 à partir de 10h30 au camping de l'Ostriconi et sera consacrée à la flore du territoire (voir affiche en  pièce jointe).

Seront abordées :
-        les plantes aromatiques et leurs principaux usages, avec Stéphanie Orsini de l'Association "Fior' di vita", et Stan Leclercq et Julien Fauconnier de l'Association balanine d'agroécologie "Una Lenza da annacquà", qui feront sur place une distillation d'huile essentielle de lentisque,
-        les espèces endémiques, les plantes protégées, la flore d'intérêt patrimonial et les plantes introduites (et invasives) du site avec Alain Delage du Conservatoire Botanique National de Corse (Office de l'Environnement).

Une petite randonnée est prévue à partir de 13h30 pour découvrir la flore des dunes et des zones humides du site.

Pour les personnes souhaitant participer à l'intégralité de la journée, il faut prévoir un pique nique, des chaussures confortables et si possible des bottes pour la traversée des cours d'eau."

 

Ifana détail ensemble bâtiments.jpg

Isabelle Guyot me confirme par ailleurs, suite à la récente note sur la ferme d'Ifana,  que " le Conservatoire du littoral a l'intention de remettre en valeur ce beau site, avec l'installation sur place d'un agriculteur (...), et pour cela actuellement un groupe d'architectes et dingénieurs travaillent au projet de restauration des bâtiments."

Voici des informations réconfortantes!

(à suivre)

 


 

12/11/2012

la prochaine exposition du Musée de la Corse, à Corte.

Une programmation du Musée de la Corse qui nous intéresse tout particulièrement pour l'année à venir:

" La Corse et la musique. Entre tradition et modernité "

 

cetera et clavier.jpg

( décor du petit orgue Saladini de la maison Giuliani: cetera et clavier)

 

Extrait de la présentation à retrouver sur le site du Musée:

http://www.musee-corse.com/index.php/fre/Nos-expositions/Les-expositions-en-preparation/La-Corse-et-la-musique.-Entre-tradition-et-modernite

" L'exposition ouvrira ses portes en juin 2013 ...

 

Le sujet choisi, permet d’aborder le phénomène de la musique, perçu comme une entité identitaire que le peuple corse ressent, transmet et a su alimenter depuis des siècles.

La période historiquement abordée de cette exposition, se déroule du dernier quart du XIXème siècle jusqu’à nos jours et embrasse toutes les formes d’expression musicale répertoriables, allant de l’opéra à la chanson corse, de la danse aux musiques instrumentales, des chants polyphoniques emprunts du sacré et du profane, tout en tenant compte des précieux rouages nécessaires à leurs transmissions.

Une sémantique poétique entre une spécificité d’expression artistique et verbale est liée à la langue corse et à la musique. Cette fusion est impliquée dans la vie de tous les jours ainsi qu’aux différents lieux de son territoire et cela au rythme des saisons. Elle en est un symbole permanent.

Cette symbiose unique implique une étude descriptive des moyens mis en œuvre par la communication, la diffusion et l’apprentissage de la pratique et de la création musicale.

Ce pouvoir musical alimente un mouvement ininterrompu, intensifié de toutes ses particularités en exprimant sa propre ontologie par une force de cohérence et de cohésion exceptionnelles.

L’éternelle jeunesse de la musique corse tient en elle son passé, son présent et son avenir. De sa tradition populaire, de son oralité depuis toujours, de sa musique écrite et celle dite savante depuis le XXème siècle, sont enrichies années après années, des particularités de sa typologie originelle.

La musique corse permet de définir les éléments immanents d’une richesse humaine et sociale au-delà du temps.

 

 

Commissaire général d'exposition :

Joseph-François KREMER-MARIETTI, Directeur de la culture et du patrimoine de la Collectivité territoriale de Corse.

Commissaire d'exposition :

Philippe SALORT, ethnomusicologue, chargé du secteur de musicologie générale au musée de la Corse.

Commissaire associé d'exposition :

Bernard PAZZONI, ethnomusicologue, responsable de la Phonothèque du musée de la Corse."


Vaste et riche programme !  Ne doutons pas que que toutes les pratiques musicales seront abordées, qu'elles soient populaires ou plus bourgeoises, qu'elles soient collectives ou individuelles, pratiques qui reflètent fidèlement le tissu humain de chaque village ou des villes. 

Nul doute que les musiques traditionnelles seront à l'honneur, après l'oeuvre pionnière de Felix Quilici sillonnant la Corse au lendemain de la guerre, riche de ces kilomètres d'enregistrement (dont a hérité le Musée de la Corse) qui mettaient en lumière l'incroyable diversité de la musique et des musiciens sur l'île, mais aussi sa cohésion profonde.

Il est également vrai que la musique se jouait aussi dans les demeures des notables, une musique écrite, celle-là, et au goût du jour: il m'est arrivé de rencontrer dans les maisons des Sgiò  (notables villageois) un piano ancien,  voire un  piano-forte, près duquel dormait encore toute une littérature jouée autrefois par les jeunes filles "de bonne famille" : entre deux chansons mélancoliques, toutes ces réductions d'opéras à la mode dont on était friand à l'époque.

Ces mêmes opéras qui pouvaient également alimenter l'inspiration de l'organiste* en quête d'une bonne ouverture solennelle pour la messe, parfois vigoureusement ponctuée par la " Banda Militari" ,

 

Muro banda militari blog.jpg

(la Banda Militari de l'orgue de Muro)


  quitte à jouer par la suite une petite valse sentimentale à l'offertoire ou quelque polka  guillerette pour le retour de la communion ... Il suffit de lire certaines méthodes d'harmonium et d'orgue de la seconde moitié du XIX° siècle ( comme celle d'Alexandre Bruneau qu'avait eu entre les mains au petit séminaire l'ancien curé de Belgodère)  pour comprendre combien les frontières entre profane et sacré sont perméables. Dans le nord de la Corse en particulier, l'esthétique orchestrale, influencée par l'opéra, s'épanouit en cette fin du XIX° siècle avec les orgues de la firme Agati-Tronci (de Pistoia) et offre aux villageois les plus modestes comme aux notables le partage des joies d'une musique plutôt populaire, variée dans ses sonorités et ses émotions ...

Ajoutons que nos organistes de village, bons musiciens d'oreille et rendant service à l'église, abordaient à la messe le clavier de l'orgue avec autant de spontanéité que, pour leurs sérénades ou leurs contre-danses,  les boutons de leur accordéon diatonique ou que le manche de leur violon.  Le répertoire favori de l'ancien organiste d'Aregno pour ses sorties de messe,  (et qui a laissé des souvenirs émus chez les anciens du village) était :   " Etoile des neiges" ,  de quoi  affronter sereinement le restant de la semaine !
( Nous évoquons un temps où les distractions n'étaient pas, comme aujourd'hui,  pléthoriques)

Bref, j'espère que les orgues de Corse, qu'ils soient joués par des organistes confirmés ou   "de routine",  trouveront aussi la place qu'ils méritent dans cette exposition, d'autant plus qu'ils ont baigné à cette époque, comme les chants, le quotidien de  la communauté ou du moins participé chaque dimanche à la fête liturgique.

Je rappelle aussi à ce sujet que les orgues, sortant de l'espace liturgique,  ont parfois trouvé place dans les salons de musique des Sgio du XIX° siècle, comme le petit orgue  d'Anton Giuseppe Saladini ( début XIX° s.) construit pour la maison Giuliani, à Muro, et acquis par le Musée de la Corse ou comme celui que le facteur d'orgue Gaspard Domini construisit en 1876 à Feliceto dans sa maison familiale pour enseigner la musique à ses nombreux enfants:

 

Gaspard Domini orgue entier.jpg

À ce propos, vous pouvez visiter la note concernant notre cher Gaspard Domini, auteur de cinq orgues en Corse entre 1867 et 1902 :

http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2008/08/06/gaspard-domini1.html

 

01 orgue Crudeli volets ouverts blog.jpg

Ajoutons enfin que la facture d'orgue insulaire a engendré l'éclosion de cet art  monumental des tribunes qui faisait encore la fierté des villageois des décennies après la mort de leur créateur. Citons,  (extrait du livre de Sébastien Rubellin: L'Orgue Corse de 1557 à 1963, éditions Piazzola, page  161)  cet article du Bastia-Journal daté du 9 Janvier 1905, sous le titre

"Les vieilles orgues de la Collégiale Insigne de Speloncato"


"Parmi les monuments remarquables, et ils sont nombreux, de cette église, nous signalerons à ses visiteurs, amateurs de sculpture, peinture, musique, la tribune ou l'orchestre, d'où émerge le buffet contenant l'orgue.

Que l'on se figure une admirable coquille marine ailée, semblant s'élancer dans l'espace, aux sons entraînants, sublimes, d'une musique religieuse.

Ce monument est l'oeuvre, non, le chef-d'oeuvre d'un enfant de Speloncato, Anton, Giuseppe, Domenico, Saladini, célèbre ébéniste, sculpteur du premier Empire dont les meilleurs meubles datent de 1806 à 1840.

Aux descendants de cet homme de génie, qui habitent Speloncato, Bastia, et le Cap Corse, nous souhaitons de s'illustrer en ébénisterie comme leur ancêtre [...]"

Cetera Salvatore Saladini 1 petit.jpg

 ( la cetera de Salvatore Saladini )

Enfin, entre autres ouvrages sur le sujet, signalons à nouveau ce beau livre posthume d'Antoine Massoni paru en 2006 (après sa disparition en 2003) chez Piazzola et consacré aux musiques de Corse:

 

Untitled-1.jpg

qui succède à des années d'étude menées par "E voce di u cumune", concrétisées par des publications comme: " Etat des recherches sur les instruments traditionnels en Corse ( Accademia d'Ivagabondi, 1981), ou  " Contributions aux recherches sur le chant corse" (Centre d'ethnologie française, Musée national des arts et traditions populaires, Associu e voce di u cumune, 1992).

Voir également l'ouvrage de Dominique Salini ( professeur à l'Università di Corsica): Musiques traditionnelles de Corse  (publié en 1996 : A Messagera/ Squadra di u Finusellu).

 

* Comme en  témoignage le livre d'orgue manuscrit des Stacchino, père et fils organistes à Bonifacio à la fin du XIX° siècle et au XX° siècle: je garde un très beau souvenir de notre rencontre avec J.B. Stacchino, alors très âgé, en compagnie du tout jeune Bernardu Pazzoni dans les années 1980.

           museu di a corsica,la corse et la musique,antoine massoni

Voir la note:

 http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2010/11/05/cimetiere-bonifaziu-avec-jean-tardieu.html

 


27/10/2012

Agriate: la ferme d'Ifana

 

Dans l'Agriate en cet automne 2012

une (chaude!) balade

à la rencontre de la ferme génoise d'Ifana

Agriate Colette explique.jpg

avec les fidèles amies Colette, Chantal et Hélène ...

livre Casta 1 .jpg

 

Tout d'abord, je signale ce petit ouvrage précieux et charmant , écrit par un amoureux des Agriate, Jean-Michel CASTA et accompagné de bien jolies illustrations de Fabien SEIGNOBOS - publié par le Conservatoire du Littoral, Actes Dud/ Dexia Editions. Le Conservatoire du littoral a acquis depuis 1979 5.514 hectares, dont 35 Kilomètres de côtes qui sont désormais protégées et surveillées.

Je vous renvoie, pour la présentation de l'Agriate, improprement nommé " Désert des Agriates", à quelques sites . Le premier, daté de 2007,  établit le diagnostic de cette région et c'est certainement l'approche la plus pertinente  pour quiconque souhaîte découvrir et comprendre en profondeur cette magnifique région et la politique difficile de sauvegarde d'un patrimoine exemplaire :

 www.agriate.org/documents/diagnostic_agriate0307.pdf -


 
fr.wikipedia.org/wiki/Désert_des_Agriates

et à quelques notes du blog qui concernent le mégalithisme de la région:

http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/06/19/monte-revincu-et-chiesa-nera-14-juin-avec-colette-chantal-et.html
 
http://elizabethpardon.hautetfort.com/trackback/3304402
 

Ce jour-là, nous avions décidé d'aller visiter ou revisiter la ferme d'Ifana, en partant du Domaine de l'Ostriconi sur la N 1197   ...

Agriate en chemin.jpg

En ce mois d'octobre, les pluies ont eu le temps de réveiller la nature de sa torpeur estivale. Journée chaude, en dépit de ce milieu d'automne : le ciel un peu voilé fait chanter les verts dans ce vaste paysage de collines et de montagnes.

 

L'Oriu.jpg

En chemin, cette occupation forte: 

l'oriu de près.jpg

un oriu,

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habitation troglodyte aménagée dans un abri sous roche,

utilisée par les anciens agriculteurs venus de Balagne ou du Cap Corse de la fin du printemps jusqu'à l'automne (après labours et semailles),  puis par les bergers en transhumance d'hiver. Elle nous raconte la vie ancienne dans l'Agriate, une vie rude sur des sols souvent pierreux et revêches , un peuplement nomade,  riche d'activités qu'il nous faut à présent imaginer: s'il reste encore quelques bergers, les nombreux petits cultivateurs d'autrefois ont disparu. Les incendies cataclysmiques ont détruit une partie de cette région autrefois si cultivée qu'elle avait reçu ce nom d'Agriate (ager, le terrain cultivé ou cultivable): à partir du moment où la nécessité vitale ne maintient plus les hommes sur leur territoire, la désertification commence et les jours de grand vent, les feux peuvent déferler à leur aise ... Ce qui fut le cas du dernier grand incendie de 1992, massacrant faune et végétation . Depuis la vie a repris, mais les arbres cultivés ne se sont pas renés de leurs cendres,

 

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laissant désormais la place aux oliastres, au maquis,

aux chasseurs et aux randonneurs ...

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festin de couleurs : les arbousiers fleurissent et fructifient

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deux pagliaghji ( pailliers) au bord de la piste, avec le toît arrondi, caractéristique de la région.

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 après deux petites heures de marche à travers la solitude du maquis, des cystes, des arbousiers, des oliastres, d'une végétation opiniâtre et généreuse resurgie au lendemain du feu,  saine,  sobre, libre,  cavalcadant sur la pierraille, ô combien odorante ...
et soudain, au loin,

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 la voilà, imposante, orgueilleusement dressée en son vallon, sur son territoire organisé, maîtrisé, scandé de murs, d'enclos, de jardins, planté d'oliviers, de fruitiers ...

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la ferme génoise d'Ifana et ses dépendances,

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Construite au XVII° siècle pour répondre à la politique génoise de développement de l'agriculture, la ferme d'Ifana sera tout d'abord gérée par la famille aristocratique génoise des Spinola: " Ceux-ci s'engageaient à développer la culture du blé, de la vigne et de l'olivier, ainsi qu'à bâtir ou à consolider les tours littorales" ((J.M. Casta, " Les Agriate", opus cité plus haut). L'histoire du domaine d'Ifana suit l'histoire de la Corse: après 1769, confisqué sous l'Ancien Régime, balloté entre bien national ( sous la Révolution) et propriété privée, il finit, et cela est heureux, par être acquis par le Conservatoire du littoral,

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qui a déjà mis la toîture des deux principaux bâtiments hors d'eau, la grande maison de maître et la bergerie.

 

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la somptueuse bergerie, surmontée d'un étage où logeait le berger,

 

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longue de ses 25 m, avec ses arcades et sa voûte basse dit assez l'opulence du domaine.

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Devant la façade de la grande demeure, un vieil orme, miraculé des feux,

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distille sa lumière à travers un  feuillage encore bien vivace,

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résiste et veille sur le vallon : oliviers eux aussi rescapés des flammes...  murs, douceur d'un paysage travaillé au long des siècles.

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près de la maison,

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le four à pain, prêt à reprendre du service.

Au rez-de-chaussée de la maison, les pièces réservées à l'exploitation:

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comme ce palmentu (pressoir),

Ifana graffiti sur le crépi du palmentu.jpg portant sur son reste de crépi d'énigmatiques incisions ... Un compte ? oui, peut-être, mais de quoi?

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puis à l'étage , l'abandon des anciennes et nobles pièces d'habitation...

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avec cette cheminée aménagée de la cuisine

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et sur une cloison, ces extraordinaires graffiti historiques :        

  " Souvenir inoubliable de joie 8 mai 1945",

accompagné de croix de Lorraine,

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et de drapeaux tricolores : témoins de l'histoire contemporaine, échos émouvants et inattendus de la Seconde Guerre mondiale en Corse * ...

Nous en sommes réduits à imaginer les auteurs de ces inscriptions: des résistants, ou de simples habitants de la vallée libérés des contraintes de cette époque troublée?

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Tout autour, scandés de murs de perres sèches, de beaux champs et leurs oliviers préservés, où s'entend encore le travail de ces générations d'hommes et de femmes pour qui sait écouter ce que murmurent les pierres et les arbres

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et un peu plus haut, bien ventée, l'aghja:

par ses dimensions,  cette très grande aire de battage signe elle aussi la richesse du domaine d'Ifana.

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à côté, ce pommier sauvage

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Il est temps de laisser - à regret - derrière nous cet ensemble encore façonné par tant de témoignages du labeur humain et de la volonté politique d'une mise en valeur programmée de la Corse par ses divers "gestionnaires". Gageons que le Conservatoire du littoral saura trouver les subsides nécessaires à la restauration et la sauvegarde de ce patrimoine si particulier et charhé d'histoire, et qu'il saura dégager une politique efficace pour le transmettre et le gérer au mieux des intérêts de la collectivité.

 

* A lire au sujet de cette période tourmentée de la Seconde Guerre en Corse  l'excellent livre d'Hélène CHAUVIN: " La Corse à l'épreuve de la guerre, 1939-1943" , dans la collection Chroniques, Vendémiaire Editions.