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31/03/2012

les Sepolcri de Corse du Rustinu et de Castagniccia, Jeudi Saint 5 avril

 

 comme chaque année l’Association Saladini propose une journée de découverte autour

du patrimoine de la Semaine Sainte en Corse:

Chemins de Croix et Sepolcri dans le Rustinu et en Castagniccia

Ficaghja sepolcru 2011 carré blog.jpg

le sepolcru de Ficaghja

VENDREDI 18 AVRIL 2014

 

à la rencontre d'un patrimoine caché et éphémère de la Corse :

u sepolcru, le sépulcre, quel que soit son support, fait partie intégrante de la mise en scène dramatisée de la Semaine sainte, où se joue toujours, au sein d’une communauté villageoise ou citadine, le partage ritualisé de la Passion du Christ. Dans certains villages l’on a créé de véritables décors peints  qui accompagnent l’ardente religiosité de la Semaine Sainte : en Castagniccia, en particulier, des décors, parfois de très grande taille,  furent peints au XVIII° et au XIX° siècle – et ne sont, par principe, visibles que quelques jours par an. La journée du Vendredi 18 Avril sera donc l’occasion d’aller à la rencontre de ce patrimoine extraordinaire de quelques villages des pieve du Rustinu, de l’Ampugnani et d'Orezza, et d’éclairer l’ensemble des rituels de la Semaine Sainte : Chemins de Croix, Granitula, Cerca, Parata  …

Nous commencerons notre pélerinage à Frassu, où nous avons rendez-vous avec l'église romane St Côme et St Damien et son petit sepolcru peint et avec des habitants de la région qui apporteront leur témoignage sur ces pratiques fortement ancrées naguère dans ces communautés.

Rendez-vous à 9 H sur le parking de la gare de Ponte Novu.

Renseignements :

06 17 94 70 72 ou 04 95 61 34 85

 

29/03/2012

L'expression de l'esprit baroque dans les églises de Corse: une balade avec les lycéens de Balagne

 

Découverte du patrimoine baroque des églises de Balagne avec les lycéens d'Ile Rousse:


 Ce jeudi 29 mars, les élèves de seconde du lycée de Balagne iront à la rencontre de l'esprit baroque de nos églises de Balagne: parfaitement préparés par leur professeur d'histoire, Madame Marika Agostini qui est à l'initiative de ce projet, cet après-midi viendra compléter leur approche déjà solide du sujet, avec la découverte festive du Baroque dans tous ses états, architecture, stucs, peintures ... et musique, puisque les orgues historiques seront de la fête.

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la façade de l'église San Salvatore de Costa, sobre et unissant deux édifices mitoyens: l'église et la confrérie.

 

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(vue d'ensemble de l'église de Costa,vers le choeur)

Au programme, la minuscule église san Salvatore de Costa (Pieve de Tuani, diocèse de Mariana ed'Accia) , construite dans la seconde moitié du XVIII° s), avec son incroyable décor plafonnant du corse Francesco GIAVARINI (début XIX°s.),


Costa voûte.jpg

(vue de la voûte, vers l'orgue: fenêtres et rideaux en trompe-l'oeïl, motifs végétaux: un art baroque qui perdure même s'il glisse vers le néo-classicisme )


orgue de Costa centré blog.jpg

http://youtu.be/ZnIcQVjz-Tk

et son petit orgue anonyme du début XIX° siècle, restauré en 2004, sur sa précieuse tribune baroque de bois galbé, dorée à la feuille et délicatement décorée, oeuvre présumée d'Anton Giuseppe SALADINI, ébéniste virtuose de Speluncatu ( 1763/ 18441) et de Bernardo ZIGLIARA pour le décor (signé et daté en 1819).

 

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et la confrérie du Rosaire, attenante à l'église, avec son très bel autel de stuc, oeuvre en 1778 d'Antonio SARTORI delle VILLE, un italien d'origine milanaise élève et suiveur de l'école de peintre-stucateur des Raffalli de Piedicroce (Castagniccia) , qui entre en apprentissage en 1770 auprès du maître stucateur Domenico Impernetti (lui même formé par les Raffali)  lors de la campagne de décor de la Collégiale Santa Maria Assunta de Speloncato, toute proche.

 Il faut souligner la continuité d'un art appris par des corses, les Raffali de Piedicroce, auprès de grands maîtres stucateurs venus oeuvrer en Corse au début du XVIII° s. de Lombardie (Domenico Baino, Angela Maria Fontana) ou de Suisse (les frères Lucchini), puis transmis quelques décennies plus tard, à un jeune italien  ...

Cet autel de Sartori delle Ville marque une évolution du baroque par rapport aux oeuvres de ses maîtres: une certaine raideur s'instaure dans le discours, les rampants du fronton brisé basculent vers le cartouche central, l'expression se durcit... Par comparaison, voici deux autels de la Collégiale de Speloncato, réalisés par ses maîtres :

 

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l'autel-retable dédié à San Filippo Neri en extase devant la Vierge, érigé en 1767 par Ignazio Saverio Raffali, en compagnie de deux "élèves", dont Domenico Impernetti: notons la présence des colonnes torses, réalisés, comme le reste, en stuc, à l'imitation du marbre.

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tout comme le petit monde animé du fronton: anges en ronde-bosse, installés en amortissement et enseignement par l'image: le coeur emblème de San Filippo Neri, mis en exergue dans le médaillon central, tandis que, pour bien rappeler le message, l'ange de droite brandit lui aussi un coeur : mes amis pédagogues le savent, "bis repetita placent", il faut répéter les choses plusieurs fois pour que "ça rentre". L'art baroque dans les églises s'inscrit dans cette pédagogie et les messages sont multipliés à l'envie. Ainsi en est-il des nombreux anges et angelots qui peuplent les églises baroques de Corse. Le message de l'époque est clair: on n'arrivera pas au paradis sans l'aide de ce monde ailé et intermédiaire ... Leur nombre est impressionnant dans chaque église et leur comptage vous garantit un bon torticolis.

Autre image récurente: la Colombe de l'Esprit Saint, qui accompagne presque toujours et annonce une dévotion à la Vierge Marie. C'est une référence à l'Annonciation. Regardez bien, elle est présente sous le coeur enflammé du médaillon central.


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et, toujours à Speloncato, l'autel de l'Immaculée Conception, érigé le 7 octobre 1770 par Domenico Impernetti, passé maître stucateur, avec son élève Antonio delle Ville ... Malheureusement ici la cuve de l'autel baroque a été détruite et remplacée, ce qui nous fait perdre un élément important de la structure baroque initiale. Malgré cette perte, l'ensemble de l'architecture reste délicieux, et extrêmement rythmé : volutes, colonnes torses, pilastres, entablements, médaillons, rampants ... l'art baroque est une musique fantasque qui conduit le regard et l'âme vers le haut.

 

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et son fronton.

Ne croyez pas que les pots de fleurs soient purement ornementaux, non, ils s'inscrivent dans la pédagogie du regard, car il ne s'agit pas de simples fleurettes,  ce sont des roses, la fleur emblématique de la Vierge, et c'est une sorte de message "subliminal" complémentaire de l'image principale exprimée dans le médaillon central supérieur: la Colombe de l'Esprit Saint qui plonge, rayonnante, vers la Vierge ... Dans le médaillon inférieur, on retrouve un autre message important: le A et M entrelacés désigant à nouveau la Vierge Marie par la salutation Ave Maria, surmontée ici d'une couronne.

Il faut rappeler cette époque tourmentée de l'histoire de la Corse : nous sommes au lendemain de la bataille de Ponte Novu qui signe la fin de l'indépendance de la Nation Corse qui s'était placée sous la protection de la Vierge - Reine de la Corse -, et le culte marial prend un essort considérable pendant tout ce XVIII°siècle : dans la Corse d'aujourd'hui, l'hymne du Diu Vi Salve Regina témoigne de cette réalité.

 

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Muro : le discours élaboré d'une façade baroque accomplie: trois niveaux allant en se rétrécissant, scandés par des pilastres, des niches, des statues, conduisent le parcours du regard et enseignent le fidèle. Ici l'aspiration vers le haut, vers le ciel, est particulèrement puissante.


Muro ensemble au rayon.jpg

La grande église de la Santa Nunziata de Muro ( Pieve de sant Andrea, diocèse de Mariana ed'Accia): reconstruite ( après la destruction de la première église, en 1743) au milieu du XVIII°s. "à la moderne":  une louange baroque commencée au XVIII° s. et qui enchante toujours en plein XIX° s. " A la moderne": une nef élargie pour recevoir une nombreuse population, redistribuant l'espace au détriment des chapelles latérales, qui perdent la profondeur initiale qu'elles devaient avoir dans l'église du XVII°s.; un choeur rétréci par rapport à la nef, et un décor foisonnant qui chante la louange divine et enseigne le peuple.

 

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l'autel des Âmes du Purgatoire: le décor festif de la Mort

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 crâne et tibias font partie de la fête, tout comme les flammes, en amortissement des colonnes. Un dialogue mouvementé entre les éléments de l'architecture et les messages de la piété baroque, où chacun joue sa partition pour la plus grande gloire divine ...

18 Muro Pagnini 1796_Agati Tronci 1878 restauration Muno 1982 blog.jpg

 et son orgue Pagnini XVIII°/ Agati-Tronci XIX° siècle, logé dans un élégant ensemble tribune/buffet où l'on retrouve le travail d'A.P. Saladini.

Enfin, Corbara:

 

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Vue de haut de la Collégiale de la Santa Nunziata de Corbara , l'une des quatre de Corse, dont trois en Balagne ( Speloncato, Corbara, Calenzana)  et une dans le Cap Corse ( Luri) : signe de richesse de ces deux régions.

 

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On remarque la hauteur trompeuse de la façade par rapport au corps de l'édifice, et le haut campanile: ces deux éléments, ainsi que l'enduit éclatant signalent de loin l'égise parmi les maisons du village: "regardez comme je suis grande et belle!".

 

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la façade de la Collégiale Santa Nunziata de Corbara: élevée sur deux niveaux surmontés d'un édicule au centre du fronton, rythmés par des pilastres, annonçant un volume composé d'une nef centrale et de deux collatéraux. La scène de l'Annonciation  racontée par des sculptures de marbre: l'ange Gabriel, Marie et la colombe de l'Esprit Saint.



Corbara le choeur.jpg

Enfin, à l'intérieur, la lumineuse Collégiale Santa Nunziata de Corbara ( Pieve d'Aregno, diocèse d'Aleria) et, dialoguant de part et d'autre de la nef, le majestueux maître-autel baroquissime,

 

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en marbre de Carrare de Pietro Cortesi: une richesse inouïe pour une église de village! sous son dais et le décor à larges rideaux en trompe-l'oeïl du XIX° siècle (une mise en scène théâtrale caractéristique de l'esprit baroque)  et, de l'autre côté de la nef, non moins majestueux,

l'orgue Saladini_Agati Tronci, restauré blog.jpg

l'orgue imposant Saladini/Agati-Tronci XIX° siècle, restauré et relevé en 2011: on vient de retrouver le décor d'origine qui s'apparente directement à celui du petit orgue de Costa. Voir la note:

http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/11/28/l-orgue-de-corbara-retrouve-son-eclat.html

et que le festin baroque commence!

Faut-il rappeler que toutes ses églises avaient une voix, celle de l'orgue, qui dialoguait avec la voix des chantres, chaque communauté de la Balagne mettant son point d'honneur à chanter différemment  de sa voisine (et mieux, si possible!) : un véritable patrimoine immatériel que certains villages ont su sauver et remettre en vie, en particulier grâce au renouveau des confréries . Quant à la musique de l'orgue, elle exprime toutes les nuances de la sensibilité baroque, toutes les émotions, allant de l'intime au solennel, de la tristesse à la joie. Dans leurs polyphonies, orgues et chants participent à l'expression d'une même piété issue du Concile de Trente : c'est " l'art de la Contre-Réforme", qui sollicite tous les sens pour élever l'homme vers Dieu.

 

Je vous propose en annexe de retrouver deux vidéos intéressant notre sujet:

la première , enregistrée pour l'émission de FR3 Stantari

http://ma-tvideo.france2.fr/video/iLyROoafIUfF.html

la seconde, enregistrée pour France 2, et l'émission des Racines et des Ailes, évoque plus précisément les problèmes de la restauration de ce patrimoine baroque:

http://patrimoine.blog.pelerin.info/2009/08/07/video-le-tresor-fragile-des-eglises-baroques-en-corse/

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(le sommet de l'autel de stuc de l'Annonciation à Corbara: dans le fronton interrompu, l'édicule où se déroule la scène de l'Annonciation, et tout autour s'affairent les anges: assis sur les rampants, l'un sagement médite sur un livre de prière, l'autre vous interpelle; au-dessus du fronton interrompu de l'édicule, en écho, deux angelots tiennent la couronne de la Vierge, tandis que volètent dans le ciel de l'arc, tenant une guirlande de roses ...)



Bibliographie:

enfin, l'on peut retrouver beaucoup d'informations nourries d'archives dans les ouvrages didactiques de Nicolas Mattei,

1/ Les églises baroques de Corse, à la recherche d'un langage oublié, CRDP de Corse, 1998

2/Le baroque religieux corse, éditions Albiana, 2009


et divers cahiers de la Fagec :

 

3/ Cahiers n°172-173-174-175. L'art baroque en Corse.


4/ Cahier Corsica n° 191:  Les Raffali de Piedicroce d'Orezza peintres stucateurs dans les églises de Corse aux XVIII° et XIX° siècles, de Caroline Paoli


5/ Cahiers Corsica  n° 228-229-230-231 : Colorations extérieures des monuments baroques , de Rino Fontana et Monique Traeber-Fontana

 

 

 

25/03/2012

Mines et métallurgie du fer en Corse

Mines et métallurgie du fer en Corse - Pierre Comiti.jpg

Mines verso.jpg

 

Toujours en recherche sur le monde énigmatique des stèles de l'Ampugnani, il nous a paru intéressant d'explorer l'environnement humain de cette région. Nous avions découvert l'existence dans la toponymie de Casalta d'une "ferriera". J'ai eu la bonne surprise de découvrir dans cet excellent ouvrage de Pierre Comiti sur les mines et la métallurgie du fer en Corse, la référence (p. 253) de cette  "ferriera" de Casalta au lieu-dit Li Santelli, établissement de type  "plan à bas-foyer", construit en 1740 par Carlo Casella, et encore en activité en 1857 ...

 

Le livre de P. Comiti regorge de renseignements précieux nous permettant de mieux appréhender ce monde  de la métallurgie si important dans une société rurale, les forgerons de chaque communauté transformant le fer produit dans la ferreria la plus proche en outils indispensables à la vie agro-pastorale de la région.

Il en ressort que le fer traité provenait en majeure partie des mines de l'Ile d'Elbe,  que les ouvriers spécialisés étaient en majorité italiens, et que les charbonniers qui produisaient la grande quantité de charbon nécessaire au fonctionnement de la ferriera étaient parfois aussi italiens, en particulier de Lucca. On apprend aussi que lorsque Carlo Casella entreprend la construction de cette ferriera de Casalta, " Les hommes de la communauté de Bonifatio de Monte d'Olmo et ceux d'Alzi, sachant les bienfaits procurés par un tel établissement, se réunissent à la sortie de la messe, sur la place de l'église Saint Cosme-Saint Damien et décident de fournir gratuitement le bois à charbonner. Ils s'engagent aussi à fournir tout le bois nécessaire au bon état de la ferriera et à le conduire gratuitement à l'établissement. Casella pour sa part s'engage à fournir aux communautés tout le fer dont elles auront besoin, à 2 sous 4 deniers la livre. Deux actes signalent le même engagement des communautés de Pruno et Scata." (p.122) ( Des communautés proches de Casalta).

On peut suivre les échanges, voire les conflits, entre les travailleurs italiens et leur patron - et les habitants de la Pieve, ainsi que les problèmes de gestion de l'eau et du bois, tous deux nécessaires au fonctionnent de la ferriera.

Cette population italienne aurait-elle en son temps ( au XIX° siècle) contribué à la diffusion des idées des carbonari ou de sa forme locale - i Pinnuti - dont nous trouvons peut-être un écho sur les stèles de l'Ampugnani ?

 

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http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/12/30/le-mystere-des-steles-gravees-de-campiestru.html

http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2012/01/02/les-steles-gravees-de-campiestru-suite.html

http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2012/03/04/deux-autres-steles-esoteriques-de-l-ampugnani.html)


Cet ouvrage est complémentaire du beau livre, généreusement illustrée et riche de documents, d'Alain Gauthier, chez Albiana: deux livres qui évoquent l'aspiration légitime de la Corse au monde du progrès, les espoirs souvent déçus des investisseurs ...

Alain Gautier Mines et mineurs de Corse.jpg

 Et si le véritable progrès et la véritable "mine" de la Corse résidaient dans le respect de cette nature si généreuse, tour-à-tour grandiose, rude et douce aux yeux et au pas, lentement humanisée mais sans les excès de l'industrialisation et du profit à court terme? 

 

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hier, un oriu sous le Capu Bracaghu (territoire de Lavatoghju): aménagement d'un abri sous-roche naturel.

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(sur les pentes de Bracaghju: montagnes granitiques et plaines)

(à suivre!)


21/03/2012

Musique à Castiglioni

(malgré "l'actualité":

 la petite musique du quotidien comme une prière pour aider le monde à tourner rond )

La musique dans la pieve de la Ghjuvellina:

Castiglione à prendre blog.jpg

Vous reprendrez bien un peu de violon de Castiglioni?

sous les doigts et l'archet de Bernardu Pazzoni:

http://youtu.be/DhSxgRInhFI

Encore un air qui a bien dû faire gambiller nos gens de la "Caccia amorosa" du carnaval...  Merci à Bernardu Pazzoni de ce nouveau témoignage du dernier violoneux de Castiglioni, Paul Maestracci,  précieux témoin aussi de ce carnaval. Voir les notes:

http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2012/02/18/carnaval.html

http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2012/03/07/castiglione-evocation-musicale-du-carnaval.html



 



17/03/2012

23h55: quel enjeu pour nos enfants?

 

"L’humanité sous-estime-t-elle le risque de sa propre extinction ?

Une fois n'est pas coutume, ce billet ne va pas décrire une découverte publiée récemment dans une revue. Au fil de mes lectures diverses, ces dernières semaines, j'ai ramassé quelques pièces de puzzle et je me suis aperçu qu'elles s'emboîtaient plutôt bien, qu'il y avait comme un idée directrice derrière elles. Cela a commencé à la fin de 2011 à Durban, avec le nouvel échec de la communauté internationale pour se mettre d'accord sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre (GES). Puis il y a eu cette annonce, fin décembre, de la création par des chercheurs de virus mutants de la grippe aviaire, susceptibles de se transmettre plus facilement entre humains contaminés. Annonce suivie, tout d'abord, d'un débat pour savoir s'il était bien pertinent de publier les méthodes avec lesquelles les biologistes avaient modifié le H5N1, puis de la question plus pragmatique : le terroriste lambda peut-il facilement y parvenir ?

Puis il y a eu une autre annonce, le 12 janvier, plus rituelle celle-là, mais aussi plus discrète : celle du Bulletin of the Atomic Scientists annonçant que l'horloge de la fin du monde qui, depuis 1947, prévient symboliquement l'humanité quand elle fait des pas vers son extinction ou la rassure quand elle prend des mesures pour s'en éloigner, était avancée d'une minute vers minuit. Il est désormais 23h55 à cette horloge et cette progression de la grande aiguille a été justifiée par l'absence de progrès dans la limitation tant de la prolifération nucléaire que des émissions de gaz à effet de serre. Le texte du communiqué précise : "La communauté mondiale pourrait être proche d'un point de non-retour dans ses efforts pour empêcher une catastrophe due aux changements dans l'atmosphère de la Terre. L'Agence internationale de l'énergie prévoit qu'à moins que les sociétés commencent, au cours des cinq prochaines années, à développer des alternatives aux technologies de l'énergie émettant du carbone, le monde est condamné à un climat plus chaud, à une montée du niveau des océans, à la disparition de nations insulaires et à une augmentation de l'acidification des océans." Ce n'est pas sans une certaine ironie qu'une autre information, en lien direct avec celle-ci, est tombée il y a quelques jours et je l'ai donnée, brute de fonderie, dans une de mes sélections hebdomadaires : jamais, au cours des 300 derniers millions d'années, les océans n'ont été aussi acides qu'aujourd'hui. Malgré son importance, la nouvelle n'a pas eu l'air d'émouvoir qui que ce soit...

Au moment même où quantité de livres se publient sur la thématique "2012, année de fin du monde prédite par le calendrier maya" (j'ai été sidéré de voir une table entière d'ouvrages à la FNAC sur ce sujet), les hommes jouant à se faire peur en sachant très bien qu'il s'agit de billevesées, on balaie sous le tapis les vraies raisons de s'inquiéter. D'où la question qui fait le titre de ce billet : l'humanité sous-estime-t-elle le risque de sa propre extinction en ne traitant pas les problèmes qui la menacent ou en risquant de faire tomber des technologies de destruction massive entre des mains mal intentionnées ? Je n'ai évidemment pas la réponse et je laisse à chacun le soin d'y réfléchir, mais je tenais, pour finir ce billet pas comme les autres, à signaler l'interview, dans The Atlantic, du philosophe suédois Nick Bostrom, qui enseigne à l'université d'Oxford, y dirige l'Institut sur le futur de l'humanité et est représenté en photo en haut de cette page.

Avec une formation en physique, en neurosciences et en philosophie des sciences, Nick Bostrom n'a pas forcément le profil-type du philosophe tel qu'on se le figure d'ordinaire. Il a beaucoup travaillé sur le concept de "risque existentiel", au sens d'un scénario-catastrophe conduisant « soit à une destruction totale de toute vie intelligente sur Terre, soit à une paralysie permanente de son potentiel de développement ». Dans cette interview, il ne s'intéresse donc pas aux conséquences, lointaines, du réchauffement climatique, mais, considérant que ce XXIe siècle sera crucial pour l'humanité en raison du développement rapide de technologies nouvelles, aux risques que ces dernières présenteront dans un futur très proche de nous : "A court terme, dit-il, je pense que plusieurs développements dans les domaines de la biotechnologie et de la biologie synthétique sont assez déconcertants. Nous sommes en train d'acquérir la capacité à créer des agents pathogènes modifiés et les plans de plusieurs organismes pathogènes sont dans le domaine public : vous pouvez télécharger sur Internet la séquence génétique du virus de la variole ou de celui de la grippe espagnole. Jusqu'ici, le citoyen ordinaire n'a que leur représentation graphique sur l'écran de son ordinateur, mais nous développons aussi des machines synthétisant l'ADN de plus en plus performantes, qui peuvent prendre un de ces plans numériques et fabriquer de véritables brins d'ARN ou d'ADN. Bientôt, ces machines seront suffisamment puissantes pour recréer ces virus. Donc, vous avez déjà une sorte de risque prévisible et si, ensuite, vous commencez à modifier ces organismes pathogènes de différentes manières, vous voyez apparaître une nouvelle frontière dangereuse. A plus long terme, je pense que l'intelligence artificielle, une fois qu'elle aura acquis des capacités humaines puis surhumaines, nous fera entrer dans une zone de risque majeur. Il y a aussi différentes sortes de contrôle des populations qui m'inquiètent, des choses comme la surveillance et la manipulation psychologique à l'aide de médicaments."

Quand le journaliste qui l'interroge lui demande pourquoi le risque d'un dérapage majeur est estimé à une ou deux chances sur dix au cours du siècle, ce qui est beaucoup, Nick Bostrom a cette réponse : "Je pense que ce qui mène à cela, c'est le sentiment que les humains développent ces outils très puissants (...) et qu'il y a un risque que quelque chose tourne mal. Si vous revenez en arrière avec les armes nucléaires, vous vous apercevez que pour fabriquer une bombe atomique, il vous fallait des matières premières rares comme de l'uranium enrichi ou du plutonium, qui sont très difficiles à se procurer. Mais supposez qu'il y ait eu une technique vous permettant de faire une arme nucléaire en cuisant du sable dans un four à micro-ondes ou quelque chose dans ce genre. Si cela avait été le cas, où en serions-nous maintenant ? On peut présumer qu'une fois cette découverte faite, la civilisation aurait été condamnée. A chaque fois que nous faisons une de ces découvertes, nous mettons notre main dans une grande urne pleine de balles et nous en tirons une nouvelle balle : jusqu'ici, nous avons sorti des balles blanches et des grises, mais peut-être que la prochaine fois, nous tirerons une balle noire, une découverte synonyme de désastre. Pour le moment, nous n'avons pas de bonne façon de remettre la balle dans l'urne si elle ne nous plaît pas. Une fois que la découverte a été publiée, il n'y a aucun moyen de la "dépublier"."

Nick Bostrom n'est absolument pas opposé à la technologie : au contraire, c'est un grand partisan du transhumanisme. Simplement, il milite pour que nous gardions le contrôle. Le contrôle de nos technologies, de notre planète, de notre avenir. Parce que l'extinction de l'homme n'est pas le seul risque que nous courons. L'autre visage du risque existentiel, c'est la disparition totale des libertés à l'échelle planétaire : "On peut imaginer le scénario d'une dystopie totalitaire mondiale. Encore une fois, c'est lié à la possibilité que nous développions des technologies qui rendront bien plus simple, pour des régimes oppressifs, d'éliminer les dissidents ou de surveiller leurs populations de façon à obtenir une dictature stable, plutôt que celles que nous avons vues au cours de l'histoire et qui ont fini par être renversées."George Orwell et son 1984 ne sont pas bien loin.

Pierre Barthélémy (@PasseurSciences sur Twitter)

 

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Cela dit, le printemps est là et je bourdonne obstinément avec les abeilles dans les amandiers en fleurs.

 
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