09/03/2018
3- l'énigme de San Rodrigo de Cordoba: suite et rebondissement imprévu
Où St Laurent et St Rodrigue font connaissance à Cassanu grâce à un ex-missionnaire du Tibet (réédition)
Dans la note précédente, je m'étais penchée sur les aventures du Saint Rodrigue de Murillo au XIX° siècle, se laissant copier, parmi toutes les admirables et nombreuses toiles de la Galerie espagnole de Louis-Philippe au Musée du Louvre, entre 1838 et 1848, avant de disparaître à Londres et de réapparaître quelques années plus tard à la Gemäldegalerie Alte Meister de Dresden ...
La copie très fidèle de cette toile, présente à Cassano, me posait quelques problèmes: il fallait tout d'abord que je vérifie la date de cette copie en la regardant de plus près , ainsi que la signature:
Ce que j'avais pris pour 1832 s'avéra 1842, donc en pleine période de ce Musée espagnol du Louvre. D'autre part la signature du copiste devenait lisible: L. Jassogne . Comment ce rare saint andalou avait pris place à Cassanu restait une énigme, et il me semblait devoir ne laisser aucune piste possible de côté d'une relation de ce village avec l'Espagne ou l'Amérique du Sud - les Corses étant de grands et intrépides voyageurs, on le sait!
Une chose m'intriguait encore: à Cassanu, la tradition voulait que ce saint diacre martyre fût Saint Laurent, et non Saint Rodrigue, dont personne n'avait entendu parler. J'avais remarqué, en comparant les deux toiles, un détail troublant: si le Saint Rodrigue de Murillo a bel et bien la gorge tranchée, celui de Cassanu, pourtant assez fidèlement copié par ailleurs jusque dans les détails, ne comportait plus cette blessure.
la balafre qui déchire le tableau n'a rien à voir avec la décollation de Saint Rodrigue ...
Oubli de Jassogne? Cela ne collait pas avec la minutie du peintre copiste, soucieux de restituer les moindres détails, à défaut de pouvoir transmettre l'ardeur mystique de Murillo.
Et voici ce que, ce matin aux aurores je découvre, grâce à la magie d'internet! en recherchant qui pouvait être ce Jassogne, en 1842: dans un dossier de la base Arcade, l'on apprend que ce Jassogne, l'auteur, honore une commande d'un Saint Laurent faite en 1841/42 par l' Abbé Bastianelli, ex-missionnaire au Tibet ...
Voir la notice des Archives Nationales AR 101942 - cote F/21/0342 -dossier 21.
Et voilà l'une des clefs du mystère, du moins je le pense: le peintre Jassogne reçoit commande d'un St Laurent en 1841/42. Où pourrait-il bien en trouver un qui ferait l'affaire ? Allons au Louvre! Justement, à cette fameuse Galerie espagnole nouvellement ouverte depuis trois ans, il y a ce beau diacre martyre peint par Murillo, vous savez Murillo, le moins dérangeant des peintres espagnols pour le goût français : Saint Rodrigue de Cordoue, dites-vous? Bah! la belle affaire, on arrangera la chose à moindre frais en effaçant la blessure et voilà un Saint Laurent tout-à-fait présentable, même si le gril de son martyre manque à l'appel. J'ignore si notre Abbé Bastianelli y a trouvé à redire, en tous cas voici sans doute comment notre Saint Lorenzo/Rodrigo a trouvé place dans le choeur de l'église de Cassano. Après tout, rien ne ressemble plus à un diacre qu'un autre diacre ...
Mais qui est donc cet Abbé Bastianelli ? Missionnaire aventurier au Tibet au XIX° siècle ... voilà encore bien autre chose! Je ne connais pas encore son prénom ... Serait-il un Lorenzo à défaut d'être un Rodrigo ?
Cette petite enquête de Cassanu m'a fait entrevoir d'autres relations imprévisibles entre la Corse, Murillo, Séville ... La prochaine fois, sans quitter la Pieve de Pino, nous irons du côté de Montemaggiore.
A suivre!
18:12 Publié dans iconographie des saints, patrimoine de corse, regards sur l'art, saint Rodrigue/ Saint Laurent à Cassano | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : murillo, jassogne, san lorenzo, san rodrigo, abbé bastianelli missionnaire au tibet | Facebook |
05/12/2015
Immaculée Conception
8 décembre, fête de l'Immaculata,
l'Immaculée Conception
(note revisitée)
à Prunelli di Cascconi,
détail de l'Immaculée Conception,
attribuée par M.E. Nigagioni à Saverio Farinole :
un thème cher aux franciscains...
et aux Corses!
à Vallica (Ghjunsani),
le petit tableau de l'Immaculée Conception en compagnie de San Roccu et du jeune San Quilicu (alias, San Chirgu, Quilico, Cyr ...),
peint par Giacomo Grandi, autour de 1750.
La Vierge, conçue sans péché, les yeux baissés vers la Terre (où elle descend s'incarner), pieds nus sur le croissant de lune et écrasant le Serpent, la tête couronnée d'étoiles: à ce propos, en ces temps d'incertitude pour l'Europe, n'a-t-on pas dit que les étoiles du drapeau européen ont été empruntées à l'iconographie de la Vierge de l'Immaculée Conception ?
Au Musée Fesch d'Ajaccio, cette Immaculata peinte au XVIII°s par un anonyme napolitain, huile sur cuivre.
Petit retour en arrière: et tout ça, la faute à qui, je vous le demande?
notre petite mère Eve,
vue et aimée par Gilesbertus à Autun
Le choix d'Eve
Eve, avec son air de ne pas y toucher, voluptueusement couchée pour une petite sieste au Paradis d'Autun, le fruit défendu à portée de main ... Eve hardie et assoiffée de connaissance, décrite dans la Genèse comme la part la plus active du couple primordial: il s'agit, en mangeant le fruit défendu d'accueillir la vie avec tous ses risques, le bien et le mal: un programme illimité pour notre humanité! (Teilhard de Chardin n'aurait pas renié le choix d'Eve)... et d'un coup nous tombe dessus, marque indélébile pour ses descendants, le péché originel avec, jusqu'à la fin des temps et indissociables de la vie, la libido et la mort. Pas de conception sans libido, pas de naissance sans mort ... du grain à moudre pour les pasteurs des familles judéo-chrétiennes et les psychanalystes.
Récit de la Tentation et de la Chute, dans la Genèse 3, 1-24:
" Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que le Seigneur Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? La femme répondit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez. Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.
La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea. Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures.
à Cambia, chapelle San Quilicu, le récit de la Tentation.
L'arbre de la connaissance, solidement enraciné, est représenté ici sous sa forme la plus parlante: une fourche en Y, proposant les deux voies possibles du Bien ou du Mal, avec, au sommet, la Croix. Il fonctionne comme l'axe du monde et fait communiquer trois mondes: la monde des morts, souterrain; le monde des vivants, ici avec Adam et Eve; enfin le monde céleste, avec la Croix rédemptrice.
Alors ils entendirent la voix du Seigneur Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l'homme et sa femme se cachèrent loin de la face du Seigneur Dieu, au milieu des arbres du jardin. Mais le Seigneur Dieu appela l'homme, et lui dit : Où es-tu ? Il répondit : J'ai entendu ta voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et le Seigneur Dieu dit : Qui t'a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger ? L'homme répondit : La femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et j'en ai mangé. Et le Seigneur Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? La femme répondit : Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé. Le Seigneur Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon."
à Santa Maria de Rescamone,
le couple originel et l'Arbre où s'enlace le Serpent.
l'Immaculée Conception
l'Immaculée Conception, El Greco, Musée Santa Cruz
(Sous ses pieds, la ville de Tolède, mise sous la protection de la Vierge et des éléments iconographiques qui se réfèrent aux "Arma Virginis" dans les Litanies de la Vierge)
Une doctrine qui met longtemps à se mettre en place, longtemps combattue par les dominicains, diffusée par les franciscains, puis par les jésuites, consacrée par le Concile de Trente, et qui ne devient un dogme qu'en 1854, sous le pape Pie IX.
" Un signe grandiose apparut au ciel: c'est une Femme; le soleil l'enveloppe, la lune est sous ses pieds, douze étoiles couronnent sa tête (...) " (l'Apocalypse de Saint Jean)
Tiepolo, l'Immaculée Conception, 1769
Lumineuse, nimbée de soleil, couronnée des douze étoiles, protégée par la Colombe de l'Esprit Saint, écrasant de ses pieds nus le Serpent du Péché originel (regardez bien, il tient dans sa gueule le fruit défendu), Marie se tient bien droite: pas de doute, la terre peut tourner, rouler comme un vulgaire ballon de cirque, Marie reste en équilibre, les yeux baissés, non par pudeur excessive, mais par prudence, pour voir où elle met ses tendres pieds nus. A moins qu'elle ne couve de son regard attentif sa nichée humaine. C'est qu'elle descend du ciel sur terre, en mission:
Giorgio Vasari 1541, une oeuvre puissante:
au registre supérieur, l'Immaculée Conception, apaisante, contemple l'humanité dont elle a la charge et prie pour elle; l'arbre de la Tentation, habité par Satan, Serpent cornu à tête humaine (une femme, dites-vous?) sépare le registre inférieur, divisant le couple d'Adam et Eve, tandis que s'agitent et supplient leurs descendants.
"Quos Evae culpa damnavit,
Mariae gratia solvit"
(la grâce de Marie rachète la faute d'Eve)
Sous ses pieds, le croissant de lune.
Victoire de la Vierge Marie de la stabilité sur l'incertitude: la lune est l'attribut d'Eve, un attribut lié à l'élément liquide, mouvant, insondable, dangereux mais aussi nourricier de l'eau.
Mais aussi, victoire après la bataille de Lépante, des chrétiens sur le Croissant des ottomans ...
Fronton de l'autel des Ames du Purgatoire,
église du Couvent de Marcassu, à Catteri:
Un croissant de lune qui souvent présente ses cornes vers le haut: ces cornes sont un lointain écho du culte lunaire d'Isis, mais ici elles apparaissent surtout comme les cornes du Démon ...
La Vierge ouvre les mains pour accueillir sa mission divine (et sa future maternité).
Toujours au Couvent de Marcassu, l'Immaculée Conception, de Pietro Antonio Rossi (peintre domicilié à Bastia où son activité picturale est documentée à partir de 1692, mort avant 1722 - M.E. Nigaglioni)
La Vierge est représentée en compagnie du petit San Quilico/San Chirgu (alias St Cyr), Ste Catherine d'Alexandrie, Ste Apollonie, Ste Julitte (la mère du petit St Cyr), un évêque, et le donateur.
La très belle église du Couvent de Marcassu souffre hélas de l'impécuniosité de ses affectataires ...
http://www.youtube.com/watch?v=gVH0fkNY-xA&feature=colike
La lune encore, mais empruntée à l'iconographie de l'Antiquité:
Diane Chasseresse, Ecole de Fontainebleau, 1550, Musée du Louvre.
La lune coiffe Diane/Artémis et sa nudité.
Nous voilà bien loin de l'Immaculée Conception , et pourtant : dans cette citation de la chasteté de Diane/Artémis on pourrait voir une réappropriation détournée: la lune, symbole du cycle féminin, de la fécondité de la nature et du temps qui passe à travers ses phases successives et régulières, mort et renaissance. Les bons Pères de l'Eglise vont charger la Vierge de maîtriser toute cette part incontrôlable de la féminité: elle sera donc représentée foulant de ses pieds nus le croissant de lune ...
Il faut également signaler que le désir de conférer la pureté totale à la mère d’un dieu ou d’un héros se retrouve beaucoup plus anciennement dans les mythes de l’Asie: ainsi de Krishna qui nait de Devaki, vierge chaste qui l’enfante sans connaître l’homme ou du premier Boudha, conçu sans péché ni père par la vierge-mère Maya … C’est le concile d’Ephèse qui instaurera le culte de la Vierge Marie, Mère de Dieu, pour lutter contre le culte de la déesse Artémis.
***
L'histoire de Sainte Anne, mère de Marie
avec Giotto di Bondone, église de l'Arena (chapelle Scrovegni), vers 1303.
- Vu du petit bout de la lorgnette, on pourrait dire que la conception de Marie par ses parents Sainte Anne et Saint Joachim s'inscrit dans les gènes familiaux et tient du miracle.
Nulle trace de la présence précise des grand-parents maternels de Jésus dans le Nouveau-Testament, mais les évangiles apocryphes vont se charger de réparer poétiquement cette lacune (Proto évangile de Jacques et Pseudo Matthieu). Ils nomment les parents très âgés de Marie : Joachim (Dieu accorde) et Anne (la Grâce). Ce couple exemplaire de foi et d'humilité, affligé de stérilité, moqué par son entourage, va recevoir miraculeusement l'annonce de sa prochaine descendance par l'archange messager Gabriel ... dont on connait le rôle dans l'Annonciation faite par la suite à leur fille.
Peint par Giotto di Bondone à l'égise de l'Arena à Padoue:
l'annonce de sa future maternité à Sainte Anne
le songe de Saint Joachim, qui, moqué par ses pairs, a choisi de vivre au milieu des bergers.
(une préfiguration du songe de Saint Joseph ...)
Le chaste baiser d'Anne et Joachim devant la Porte Dorée de Jérusalem:
" La Mère de Dieu aurait été conçue non de façon naturelle (ex coitu), mais par un simple baiser sur les lèvres (ex oculo)" (Louis Réau, Iconographie de l'Art chrétien)
Toujours est-il que si la dévotion à Sainte Anne et Saint Joachim n'a pas connu le même engouement en Corse qu'en Bretagne, on la retrouve parfois dans nos églises de Corse, illustrant la naissance de la Vierge,
comme ici à l'église paroissiale de Muro: un Joachim bien pensif et que l'on pourrait prendre pour Joseph,
tandis qu'Anne, après l'effort de l'accouchement, reçoit le réconfort sous forme, traditionnelle, de deux oeufs.
ou à Canavaggia, peinte par Francesco Carli: la vieille Anne reçoit là aussi le réconfort tandis que les servantes ou les amies donnent son premier bain à Marie.
Scènes de la vie quotidienne ...
l'Immaculée Conception vue par le peintre génois Domenico Piola
" Nondum erant abyssi et ego jam concepta eram" (passage des Proverbes évoquant la nature immaculée de Marie): Piola illustre dans un raccourci saisissant la pensée créatrice de Dieu concevant Marie sans péché avant même la création du monde ... Dieu Trinitaire: le Père tient la couronne d'étoiles de l'Apocalypse, la colombe de l'Esprit Saint darde son rayon fécondant sur la Vierge, à ses pieds, l'Enfant Jésus terrasse Satan à l'aide de la croix ...
Et ici cette étonnante vision de Velasquez , en 1619 (collection privée) illustrant la pensée créatrice de Dieu projetant la Vierge à travers une sorte de vide sidéral, en dehors du temps et de l'espace.
Zurbaran ... et les Litanies de la Vierge :
(avec Marc Antoine Charpentier)
http://www.youtube.com/watch?v=XgVhpqjqnFE&feature=colike
Les attributs mystiques de la Vierge - Bréviaire Grimani -Bibliothèque Nationale de Venise -1450-1510
(frise du décor mural de l'église paroissiale de Catteri, attribué au peinte Fortius-Joseph Marchesi, de Belgodère)
"(...) Speculum justiciae,
Sedes sapientiae,
Causa nostrae laetitiae,
Vas spirituale,
Vas honorabile,
Vas insigne devotionis,
Rosa mystica,
Turris Davidica,
Turris eburnea,
Domus aurea,
Foederis arca, Janua coeli,
Stella matutina,
Salus infirmorum,
Refugium peccatorum,
Consolatrix afflictorum,
Auxilium Christianorum (...)"
(Catteri)
(...) Vase spirituel, priez pour nous.
Vase d'honneur, priez pour nous.
Vase insigne de la dévotion, priez pour nous.
Rose mystique, priez pour nous.
Tour de David, priez pour nous.
Tour d'ivoire, priez pour nous.
Maison d'or, priez pour nous.
Arche d'alliance, priez pour nous.
Porte du ciel, priez pour nous.
Étoile du matin, priez pour nous.
Salut des infirmes, priez pour nous.
Refuge des pécheurs, priez pour nous.
Consolatrice des affligés, priez pour nous.
Secours des chrétiens, priez pour nous.
http://www.youtube.com/watch?v=FAbrugfuAao&feature=colike
(Canari, l'Immaculée Conception,
pieds nus sur le serpent et le croissant de lune, cornes vers le bas).
Les angelots l'entourent des symboles des Litanies ("Arma Virginis") - l'un d'entre eux tend un miroir sans tache, Speculum sine macula, et elle apparait comme une véritable " Porte du Ciel", Porta coeli ...
Santa Lucia di Tallano, l'Immaculée Conception signée par Marc'Antonio De Santis et datée de 1668: merci Michel-Edouard Nigaglioni !
Ici l'iconographie est particulièrement riche: cette toile liée au couvent franciscain de Sta Lucia, représente, auprès de la Vierge, St François et St Jean-Baptiste, ainsi qu'un donateur qui nous regarde droit dans les yeux, nous invitant à partager sa dévotion. Le Serpent du Mal enlace puissamment la lune, témoignant de son emprise inquiétante sur l'humanité. Tout autour, les Arma Virginis et des détails qui évoquent les côtes corses, la mer et ses dangers:
voguant au large, un navire battant pavillon génois: armé par le donateur? La Méditerranée de l'époque n'est pas tranquille, pirates musulmans et chrétiens sont toujours prêts à fondre sur les navires de commerce, et les tours de guet ne suffisent pas protéger bateaux et populations riveraines. Mieux vaut se placer sous la protection de la Vierge...
Lire, sur le sujet:
- "Mer et religion", neuvièmes journées universitaires de Bonifacio (Editions A. Piazzola) et en particulier la contribution de M.E. Nigaglioni: " Périls de mer et iconographie dans les églises de Corse"
- " La Corse, la Méditerranée et le Monde musulman", douzièmes journées universitaires de Bonifacio (Editions A. Piazzola)
Cette dévotion de l'Immaculata est chère au cœur des Franciscains qui se feront les champions, avec les Jésuites, de ce qui n'était encore qu'une croyance et pas encore un dogme. C'est pourquoi il n'est pas rare, dans nos églises conventuelles franciscaines de Corse de la retrouver en bonne place, comme ici, à San Martinu di Lota, où St François place le couvent sous la protection de l'Immaculée Conception:
San Martinu di Lota, l'Immaculée Conception en compagnie de St François, St Jean-Baptiste, St Jacques, St Joseph et un donateur. Marc Antoine De Santis 1664
à Piedicroce , le même thème ... Ici le croissant de lune ressemble à la coiffe de Diane, pointes en l'air.
et ici encore, dans la gueule du serpent, le fruit défendu.
Le 8 décembre, en Corse, l'on a célèbre, avec l'Immaculée Conception, "a Festa di a Nazione" , la "Fête nationale de la Corse": en 1735, les grands hommes du moment, Sebastiano Costa, Luiggi Giafferi, Giacinto Paoli ... définissent au Couvent d'Orezza la légitimité de la révolte des corses contre l'oppresseur génois et la naissance d'une Nation corse indépendante en commençant par ces mots:
" Le royaume choisit pour sa protectrice l'Immaculée Conception de la Vierge Marie, dont l'image sera peinte sur ses armes et ses étendards. On en célèbrera la fête dans tous les villages avec des salves de mousqueterie et de canon".
Je citerai Antoine Marie Graziani:
"La Vierge avait une importance particulière à Gênes. Au 17° siècle, chaque Doge génois apparaissait lors de son couronnement avec une représentation de la Vierge d'un côté et de la Corse de l'autre. Les nationaux corses se sont sans doute approprié ce symbole génois. J'ai tendance à croire que cette référence à l'Immaculée Conception a pris de l'importance à la fin du 19°siècle lors du conflit entre l'Eglise et l'Etat. Dans une Corse encore très catholique, certains y ont sans doute vu le moyen de se démarquer de la République. Une position qui a dû s'exacerber avec la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905 et les conflits entre catholiques et anticléricaux. (...) Cela fait une douzaine d'années maintenant, avec la montée politique du mouvement nationaliste, que cette date est réapparue dans notre actualité."
à Bastia, oratoire de la Conception
(photo M.E. Nigaglioni: merci! )
Sur ce médaillon de la voûte de ce même Oratoire le peintre italien Francolini peint l'Immaculée, reprenant probablement le motif préexistant dans le décor du XVII° siècle :
"Francolini : peintre italien dont l’activité est attestée en 1854-1855. A cette époque, il fait partie d’une équipe qui restaure le décor monumental de l’Oratoire de la Conception, à Bastia (sous la direction du peintre florentin Bernardo Francesco Sienni, chef de chantier). Francolini est chargé de l’exécution des trois médaillons principaux de la voûte." (M.E. Nigglioni )
Toujours est-il que, dans les églises de Corse, chantres, confrères, fidèles chantent pour cette fête :
"Tota pulcra es , Maria
et macula originalis non es in te" (...) ,
" La Vierge immaculée est assimilée à la fiancée du Cantique des Cantiques. C'est la Sulamite du Pseudo-Salomon comme le prouvent les paroles inscrites sur un phylactère: Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te , et les métaphores bibliques semées autour d'elle comme les perles d'un collier. " ( Louis Réau: Iconographie de l'Art chrétien)
"Tota pulcra es , amica mea, et macula non es in te"...)
Ce beau chant alterné, transmis par des générations dans nos villages sur une trame musicale commune connait des variations d'une communauté à l'autre. A Speloncato j'ai le souvenir de la transmission de ce chant par feu notre cher sacristain Martin Ambrosini, Josette Giovansily, et par notre Marie Quilici.
Marie Quilici
Marie qui nous avait fait encore récemment le magnifique cadeau imprévisible de sa voix et de son témoignage sur ce chant, lors des Journées du Patrimoine 2010, alors que nous évoquions les chemins de la transmission du chant à Speloncato ... Une voix de dame âgée mais qui ne dévie pas de son centre, sans fioritures, naturelle et ferme. Une vraie leçon d'être au chant, et non de savoir faire. Malheureusement, pas d'enregistrement ...
Les chants transmis dans nos villages ne sont pas désincarnés, ni fixés une fois pour toutes dans une partition : ils ont une vie, je devrais dire des vies, une âme, une histoire, et toute la fragilité coriace d'un monde qui passe et résiste ...
Ce "Tota Pulcra es Maria" que l'on retrouve dans les grands livres de chœur des couvents franciscains des 17 et 18° siècles ...
à Speloncato, Collégiale Santa Maria Assunta:
l'autel de l'Immaculée Conception où chaque année se célèbre la messe de l'Immaculée
(stucs du maestro Domenico Impernetti et de son élève, le jeune Antonio Sartori delle Ville, 1770)
15:40 Publié dans artistes de corse, corse, iconographie des saints, Immaculée Conception, patrimoine de corse, regards sur l'art, Saints de Corse, spiritualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : immaculée conception, joachim et anne, attributs mystiques de la vierge, fête nationale corse, speloncato, cambia, autun, zurbaran, piola, tiepolo, canari, piedicroce, litanies de la vierge marc antoine charpentier, prunelli di casaconi, marc'antonio de santis | Facebook |
03/03/2013
Conférence de Michel-Edouard Nigaglioni au SPAZIU
Vendredi 8 mars à 18 h, au Spaziu à l'Ile Rousse,
conférence de Michel-Edouard Nigaglioni
sur l'invitation du Spaziu et de l'Association Saladini
C'est avec beaucoup de plaisir et d'intérêt que nous viendrons écouter ce passionné du patrimoine insulaire: merci à Marie-Noëlle Acquaviva et au Spaziu de l'accueillir en Balagne.
Pour ceux qui ne connaitraient pas Michel-Edouard Nigaglioni:
Michel-Edouard Nigaglioni, né en 1964 à Marseille, est issu d’une famille originaire de Morsiglia, dans le Cap Corse. Historien de l’art, il est diplômé de l’Université de Provence et de l’Université de Corse ; il s’est spécialisé dans la peinture corse de la période baroque. Directeur du Patrimoine de la Ville de Bastia, et Conservateur Délégué des Antiquités et Objets d’Art du Département de la Haute-Corse, il est l’auteur de nombreux articles publiés dans des revues historiques ou des catalogues d’exposition, publiés en France et en Italie. Il est l’auteur de notices biographiques concernant des peintres corses publiées dans l’Encyclopaedia Corsicae (2004), le Dictionnaire historique de la Corse (2006) et l’Encyclopédie Bonneton – Corse (2006). Il vient de publier récemment aux éditions Alain Piazzola une Encyclopédie chronologique illustrée des peintres, dessinateurs et graveurs actifs en Corse, des origines à la fin du XIXe siècle. Cet ouvrage de 372 pages fait la synthèse de 18 années de recherches menées dans les archives, les musées, les églises, les collections particulières et les demeures privées.
***
J'avais fait l'annonce (ci-dessous) de la parution de son Encyclopédie en décembre 2012 : un ouvrage essentiel à acquérir impérativement, si vous ne l'avez pas encore fait!
La nouvelle qu'on attendait avec impatience:
l'Encyclopédie des peintres actifs en Corse de Michel-Edouard NIGAGLIONI vient enfin de sortir en librairie, une somme et un très bel ouvrage édité par Alain Piazzola, qui couronne d'innombrables années d'études et de recherches de notre infatigable ami historien de l'art .
Une prouesse et une mine de renseignements pour tous ceux qui s'intéressent à l'expression artistique en Corse et à ses créateurs, que ce soit dans le patrimoine public ou privé.Merci, cher Michel-Edouard, de ce beau cadeau de fin d'année, à consommer et à offrir sans compter!
Nous manque seulement la note biographique de Monsieur ANONYME, né il y a déjà tant de siècles, et toujours vaillant en plein XIX°, omettant d'apposer sa signature sur les chemins de croix populaires des petites églises ou les ex-votos, bref, un artiste humble et protéiforme, toujours prêt à mettre son pinceau ou sa gouge au service de la communauté, parfois bien inspiré, et malgré quelques maladresses, toujours efficace.
07:40 Publié dans artistes de corse, conférence sur la Corse, corse, histoire de l'art, livres sur la corse, patrimoine de corse, regards sur l'art | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : conférence sur les peintres actifs en corse, michel-edouard nigaglioni, encyclopédie des peintres actifs en corse, alain piazzola, association saladini, spaziu | Facebook |
23/12/2011
Bon Natale!
BON NATALE, PACE E SALUTE !
(avec J.S. Bach, Oratorio de Noël)
le Noël mystique de Sandro Botticelli (1500) - National Gallery, Londres
comme les anges, rameaux d'olivier à la main pour la paix, embrassons-nous:
je crois que même les diablotins ratatinés n'y peuvent plus rien!
et ... pour le partage de Noël...
pour ceux qui ne le connaitraient pas,
l'adresse de ce site fantastique d'où sont extraites ces photos:
http://www.wga.hu/index1.html
09:47 Publié dans regards sur l'art, spiritualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : noël, botticelli, oratorio de noël, bach, bereite dich zion | Facebook |
19/12/2011
Annonciation
variations sur l'Annonciation
(avec Monteverdi)
http://www.youtube.com/watch?v=YUTJE4F5IYY&feature=colike
(pour écouter sans regarder la video, sélectionner puis clic droit et ouvrir le lien dans un nouvel onglet)
(Sandro Botticelli 1481- Galerie des Offices à Florence)
le dehors et le dedans
Cranach 1526 Adam et Eve - Courtauld Institute Galleries - Londres
dedans
la paix luxuriante du Jardin
notre bon père Adam se gratte la tête
indécis
devant la hardiesse de sa gracieuse moitié
Mosaïque de la chapelle palatine à Palerme - XII° siècle
dehors
tout a commencé ainsi après le péché originel
ils se sont fait avoir par le premier margoulin venu
un serpent futé qui prétend qu'ils n'y connaissent rien
qu'ils ne savent rien
qu'il va leur ouvrir le chemin de la connaissance
imaginez
Adam et Eve à qui l'on propose pour rien
le forfait illimité de la connaissance
le seul contrat à signer
croquer le fruit défendu
à dire vrai ils n'avaient pas même besoin de penser
ils se sentaient un en deux moitiés
comme toutes les créatures vivantes du Jardin
mais à présent l'autre est autre
et le monde reste à découvrir
dans la défiance dans l'inquiétude
dans la curiosité
jetés hors du Jardin
curieux et courageux
mais à cet instant ils ne le savent pas encore
ils savent seulement qu'ils sont
séparés
ils ont perdu la grâce de leur innocente nudité
eux qui ne désiraient rien car ils étaient comblés
ils doivent désormais assumer
l'humaine destinée
désir sexualité mort
survie et au-delà
progrès génocides
paix éphémères guerres fratricides
consumérisme charité
art fertile stérile pollution
béatitude auto-destruction
bref le grand bazard
et voilà que
de nombreux millénaires plus tard
c'est l'Annonciation
Cathédrale d'Autun dans la proximité du chapiteau de l'Annonciation
la Vierge lève les mains pour l'écoute
l'étonnement et l'acceptation
l'ange Gabriel l'index dressé
intime son message
Psautier St Alban- Hildesheim 1100
Le récit de saint Luc, 1,26-38 : Annonciation et Incarnation
L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu
dans une ville de Galilée, appelée Nazareth,
à une jeune fille, une vierge,
accordée en mariage à un homme de la maison de David,
appelé Joseph ;
et le nom de la jeune fille était Marie.
L’Ange entra chez elle et dit :
« Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. »
A cette parole, elle fut toute bouleversée,
et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
L’Ange lui dit alors :
« Sois sans crainte, Marie,
car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils,
et tu lui donneras le nom de Jésus.
Il sera grand,
il sera appelé Fils du Très- Haut ;
le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ;
il régnera pour toujours sur la maison de Jacob,
et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’Ange : « Comment cela va-t-il se faire,
puisque je suis vierge ? »
L’Ange lui répondit :
« L’Esprit Saint viendra sur toi,
et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ;
c’est pourquoi celui qui va naître sera saint,
et il sera appelé Fils de Dieu.
Et voici qu’Elisabeth, ta cousine,
a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse,
et elle en est à son sixième mois,
alors qu’on l’appelait : ‘la femme stérile’.
Car rien n’est impossible à Dieu. »
Marie dit alors :
« Voici la servante du Seigneur ;
que tout se passe pour moi
selon ta parole. »
Alors l’Ange la quitta.
(Lc 1,26-38)
Simone Martini 1333 Galerie des Offices, Florence
dedans
l'or mystique de sa chambre close
surprise par l'archange dans sa méditation
sur le livre entr'ouvert de la prédiction d'Isaïe
" Ecce Virgo concipiet "
la Vierge frissonne apeurée
drapée dans son manteau bleu de nuit
reçoit la parole de l'archange
les mots entre eux deux traversant l'espace
de la bouche de l'un à l'oreille de l'autre
le rameau vigoureux dans la main de Gabriel
bâton du messager du ciel
répond au bouquet de lys de la pureté de Marie
(avec Heinrich Ignaz von Biber)
http://youtu.be/HdwKledgv_o
dans la pénombre de la cathédrale de Carrare
le silence des Casarelle
(avec Guillaume Dufaye)
http://youtu.be/O-25R_SaDao
dans le vide d'un espace muet
Gabriel déroule le phylactère divin
Marie surprise et attentive
suspend sa pensée
accepte l'inconcevable
Fra Angelico 1433 Musée diocésain de Cortone
(dans la prédelle , les scènes de la vie de la Vierge)
là-haut à gauche en prélude
se joue le drame d'Adam et Eve chassés du Paradis
tandis que déjà dans cet espace ouvert
l'échange des paroles
les mains croisées sur la poitrine presque déjà creusée
pour se protéger
ou pour se soumettre
la Vierge écoute
l'Annonciateur qui avance
annonce d'un geste oratoire
les index dressés pour convaincre
l'un pour le ciel
l'autre pour la terre
Fra Angelico 1425 Musée du Prado - Madrid
à nouveau et cette fois-ci toute proche l'expulsion d'Adam et Eve du paradis tandis que roulent sous leurs pieds nus les fruits défendus
il s'agit bien de cela:
" Sumens illud Ave
Gabrielis ore,
Funda nos in pace,
Mutans Hevae nomen"
( Faites que pour jamais
au doux Ave de l'ange
le nom d'Eve se change
en présage de paix)
(Ave maris stella)
comme toujours Marie porte sa robe rouge
signe de son humanité
recouverte du manteau bleu
signe de son appartenance céleste
ici Gabriel et Marie dialoguent en silence
les mains croisées dans un mutuel respect
dans le rayon déjà à l'oeuvre
la colombe de l'Esprit Saint
la parole divine s'incarne le Verbe se fait chair
le temps de l'incarnation n'existe pas
seul celui de la gestation humaine
Fra Angelico, 1442, couvent San Marco, Florence
dedans
espace dépouillé d'une cellule silencieuse pour cette ultime Annonciation
sous le regard de saint Dominique
la Vierge frêle pliée en avant
en équilibre
du bout des genoux
"Elle plia les genoux et joignit les mains en disant
"Ecce ancilla Domini"
interrompue dans sa lecture pieuse
la servante du Seigneur reçoit son visiteur
plus légère que son ombre humaine
aile sombre déposée sur le mur
devant elle Gabriel le messager ailé
bien droit
sans poids presque sans ombre
mais non sans la douceur
d'une bien humaine tendresse
Botticelli 1489 Galerie des Offices à Florence
à nouveau la parole qui déséquilibre la Vierge
elle vacille
déjà un évanouissement comme au pied de la croix
cette fois c'est l'archange qui s'agenouille
le lys à la main
comme intitimidé par sa mission
à la tension dans la chambre
répond au loin le calme d'un paysage maîtrisé par l'homme
et se dresse entre terre et ciel
l'Arbre
Leonard de Vinci 1472-75 Galerie des Offices à Florence
(avec Biber : la passacaille- l'Ange gardien)
http://youtu.be/JS8tnac9ad0
dehors
Ici la Vierge n'est plus dans une pièce close
elle interrompt sa prière
assise devant son prie-Dieu sur les fleurettes du jardin
comme femme à la quenouille aux beaux jours
l'ange Gabriel lui adresse son angélique salutation
d'un profil très pur
Marie reçoit le message une main sur les écritures
l'autre ouverte pour l'accueil
sereine
la tranquillité du jardin
l'aide à respirer
ce doit être la fin de l'après-midi
car l'ombre de Gabriel s'allonge entre eux
(avec Heinrich Ignaz von Biber: les mystères du Rosaire)
http://youtu.be/JS8tnac9ad0
Lorenzo Lotto 1534 - Pinacoteca Civica de Recanati
"La puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre"
le geste impérieux du Père
l'intrusion de l'archange décoiffé
j'allais dire l'effraction
projetant son ombre inquiétante dans une chambre bien rangée
au fait est-ce vraiment l'ombre de l'ange
n'est-ce pas plutôt celle du très-Haut
tandis qu'au sol le chat noir au poil hérissé
s'enfuit en poussant un miaulement diabolique
tout cela a bien de quoi pétrifier la Vierge
El Greco 1596-1600, Musée du Prado à Madrid
passage
le dialogue véhément de l'archange vert aux ailes déployées
et de la Vierge éclairée par la colombe de l'Esprit Saint
transperçant les nuages
entre eux montent les flammes d'un buisson ardent
et résonne la baroque musique des anges
nous voilà bien loin du silence de Fra Angelico
mais quelle divine promesse!
(à nouveau l'Ave Maris Stella des Vêpres de Monteverdi, autre version)
http://youtu.be/cim9oZd8N7Y
un peu plus tard Nicolas Poussin en 1657 peint à Rome cette merveilleuse Annonciation minimaliste - National Gallery à Londres
dedans
à nouveau le silence d'un temps suspendu
sous le vol immobile de la colombe
la Vierge offerte
pieds nus sur sa petite estrade
les bras ouverts comme son livre
les yeux fermés pour mieux recevoir
le message de l'ange aux index indicatifs
elle porte le vêtement jaune des femmes juives de l'époque à Rome
( avec Marc-Antoine Charpentier)
http://youtu.be/Hu_5p400SeQ
"Alors l'ange la quitta"
(à suivre pour d'autres variations de l'Annonciation en Corse)
00:57 Publié dans regards sur l'art, spiritualité | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : annonciation, ave maris stella, autun, simone martini, monteverdi, fra angelico, botticelli, lorenzo lotto, leonard de vinci, el greco, poussin | Facebook |