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08/03/2015

Balade autour du Bestiaire fantastique de Speluncatu: le Basilic et le Griffon

 

Une balade hors du temps

autour  du Bestiaire fantastique de Speluncatu,

sous le sceau de la dualité 

le Basilic et le Griffon

 

"A qui lui demandait : "Si un incendie était en train de détruire ta maison, qu'est-ce que tu te hâterais de sauver ? " Jean Cocteau répondit : "Le feu. "

le basilic et le griffon.jpg

 le tympan (début XII°s.?) de  feu l'église San Stefano de l'antique village de Giustiniani: il  orne aujourd'hui le portail de la Collégiale Santa Maria Assunta de Speloncato.

Un bref rappel: le village de Speloncato s'est développé à cheval sur deux pièves distinctes, celle de Tuani (vallées des affluents de la rive droite du Regino) et celle de Sant'Andrea (haute vallée du Regino et ses affluents), un cas de figure rarissime. Ecoutons ce qu'en dit, dans sa  Description de la Corse au XVI° s.,  Agostino Giustiniani (1470- 1536) : la Pieve de Tuani comprend "  les  ensembles habités de Quercioli, Belgodère, Occhiatana,  Ville, Costa, Cavalleragie et   Speloncato. Et Speloncato, quant à la juridiction ecclésiastique, appartient moitié à la pieve de Tuani et moitié à celle de Sant'Andrea. " De l'autre côté, la Pieve de Sant'Andrea,   "qui renferme les villages de Nessa, Feliceto, Casenove, Muro et Giustiniani" (Avapessa n'est pas alors mentionné).

 

 

Chapelle San Filipu.jpg

Sur le chemin muletier entre Speloncato et le site antique de Giustiniani,

la petite chapelle baroque de San Filippu (de Neri): une chapelle "récente" au regard de l'antiquité de   l'occupation humaine dans cette région bénie ... Un peu plus loin se trouve le site de San Martinu, l'église annexe de San Stefano, elle aussi aujourd'hui disparue , et que viendra par la suite remplacer dans le rôle de paroisse l'église Santa Catarina au village.

(Summarium : merci Edouard!)

A propos de l'occupation de la communauté de Giustiniani dans la plaine de Speloncato : elle fait donc partie de la pieve de Sant'Andrea : "On rencontre  Giustiniani ou  Yustignano, Iustignano dans les documents du XIII° siècle (G. Pistarino, Le carte, pp.14 et sq.). Les ruines éparses de ce village et de son église (San Stefano) se trouvent aujourd'hui sur le territoire de la communauté de Speloncato (rouleau du Plan Terrier n°8 - lieu-dit Santo Stefano)" (in: Description de la Corse, par Agostino Giustiniani, préface, notes et traduction d'Antoine-Marie Graziani, éd. Piazzola, p.89).

En résumé pour diverses raisons (en particulier d'insécurité ) , les familles de Giustiniani vont donc peu à peu délaisser leur habitat de la plaine, leur antique église San Stefano, migrer vers les hauteurs et s'installer à Speloncato (versant pieve de Sant'Andrea), autour de leur oratoire Santa Catalina qui prendra par la suite le titre d'église paroissiale après l'abandon progressif de San Stefano et San Martino.

 

la tour de Giustiniani.png

e Torre de Giustiniani, entre X° et XVI ° s. ...

Voir la note du site de Speluncatu Noi Tutti sur le sujet:  http://www.noitutti.com/articles.php?lng=fr&pg=518

Toute cette région intéressait grandement Geneviève Moracchini Mazel qui est venue l'interroger à plusieurs reprises en compagnie des anciens . Saluons ici la mémoire de cette grande dame de l'archéologie médiévale insulaire qui nous a quittés il y a déjà maintenant un an, mais qui continue d'habiter tous ces sites pour lesquels elle a donné toute l'énergie et les intuitions de sa vie.

sous Giustiniani.jpg

sous e Torre, des maisons anciennes du village abandonné au XVII° s. de Giustiniani

Les thermes.jpg

un riche territoire rural occupé depuis le néolithique et investi par le monde romain:  

ici, les fameux "Bagni", thermes romains.

 Voir à ce sujet la note de Noi Tutti:

http://www.noitutti.com/articles.php?lng=fr&pg=536

 

Mais avant d'arriver à I Bagni et e Torre, l'on rencontre au bord du chemin le site de San Stefano, l'église de Giustiniani, aujourd'hui disparue . "En 1646,  lors de la visite pastorale de Mgr Marliani, l'église S.Stefano était déjà détruite et le curé de Speloncato touchait les revenus du "benefizio semplice di S. Stefano ... chiesa distrutta alla spiaggia" (G. Moracchini-Mazel ,  Les églises romanes de Corse, p.236 )

 

Sto Stefano Giustiniani.jpg

Sur le site de San Stefano

l'on aperçoit en hauteur les maisons de Speloncato et

 au premier plan, une aire de battage et un pagliaghju.pierres aire.jpg

On a comme souvent par le passé ailleurs , réutilisé de belles pierres de l'église  romane San Stefano pour le pavage de l'aghja,

pagliaghju pierres angle.jpg

ainsi que pour construire le pailler,  taillées dans des granits de différentes couleurs : San Stefano devait avoir fière allure, avec son harmonie polychrome et son tympan sculpté .

mur du tympan.jpg

C'est dans le mur de cette maisonnette ...

 

tympan paillier copie.jpg

que se sont trouvés piégés pour de longues décennies nos deux animaux fabuleux après la ruine de l' église.

Délogés une seconde fois de leur habitat champêtre, contraints d'abandonner  San Stefano et suivant la migration des anciens habitants de Giustiniani vers les hauteurs,   ils trouvent refuge  dans la crypte de l'église St Michel/ Sta Maria Assunta de Speloncato (versant pieve de Tuani).  Là ils subissent quelques longues années de purgation avant de retrouver enfin une place digne de leur statut, au-dessus du linteau de la porte d'entrée de la collégiale.

portail avec tympan.JPG

Mais qui sont ces étranges gardiens du sanctuaire,?

Nulle part ailleurs en Corse, à ma connaissance, nous ne voyons semblable tympan où je choisis de  lire la lutte  d'un Basilic et d'un Griffon .

 

Speloncato.jpg

 

A gauche un étrange volatile à la tête surmontée d'une aigrette ou plutôt d'une crête, le corps me semble-t-il terminé par une queue de serpent enroulée, à moins qu'il ne s'agisse  d'un  vulgaire croupion et d'une paire d'aile - (le bas-relief a souffert par le passé d'un excès de zèle et reste difficile à interpréter) s'attaque à un quadrupède puissant, un corps de fauve et une tête  d'aigle au large bec crochu  , la queue fouettant l'air, et deux grandes ailes déployées comme pour défendre un passage : une vision dramatique, ardente, de combat entre deux bêtes fantastiques   nées des premiers temps de l'humanité, chargée d'un message  pour ces hommes du Moyen-Âge et qu'il nous faut tenter d'approcher en déposant notre carapace raisonnable de gens du XXI°s. En nous laissant conduire par notre imaginaire le plus archaïque, le plus instinctif , celui-là même qui surgit à l'improviste dans nos rêves,  peuplant parfois nos nuits de créatures inquiétantes ou bienfaisantes dans les situations les plus anodines. 

 

Deux animaux tout droit sortis des "Bestiaires" médiévaux (issus  de l'antique premier Bestiaire chrétien, le  Physiologos, entre le II° et le IV° s. qui a inspiré durablement tous les Bestiaires médiévaux ) après un long temps d'adaptation au christianisme:

"Les Bestiaires sont des livres qui nous racontent et nous font voir  les rêves du Moyen Âge.

 (...) Leur éclairage  résulte d'un discours idéologique. (...) Nous voilà donc devant les monuments d'un faux savoir zoologique. La logique du vivant n'y est qu'en apparence naturelle. Rien de plus arbitraire que ce système culturel qui va enfermer la pensée occidentale dans une ménagerie orientale. Il est vrai qu'il s'agit , en fin de compte, de prêcher le christianisme, religion née au Moyen-Orient, en figurant le dogme par des légendes animalières là-bas plus familières. L'implantation des idées se fait par bouturage en jardin d'acclimatation exotique. Bel exemple d'acculturation, illustrant la construction d'un système de pensée sur des schémas venus de l'étranger. Les traditions gauloises, romaines et germaniques sont broyées par une machine gréco-orientale, fabriquant encore, dix siècles après son invention, des thèmes religieux et des motifs esthétiques pour séduire l'Europe médiévale." ( Daniel Poirion , dans Le Bestiaire, Histoires dites naturelles, p. 13- Ed. Philippe Lebaud)

 

A quels archétypes venus du fond des âges appartiennent ces créatures fantastiques qui peuplent l'univers de nos chapelles, églises  et cathédrales  romanes ?  Comme souvent, ces animaux fabuleux s'avèrent singulièrement polyvalents, évoluant au fil du temps, tantôt fastes, tantôt néfastes, tour à tour protecteurs ou destructeurs ...

Je vais devoir prendre parti, sans certitude aucune ...

Et pour commencer, je déciderai donc de voir dans mon petit volatile de gauche  un Basilic, plutôt qu'une huppe ou une quelconque gallinacée. Il faut dire que ça m'arrange. Voyez plutôt:

 

Le Basilic ( Basileus,  le petit roi)

"Le Basilic, antithèse du Coq emblématique

De même que le Coq fut souvent l'image du Sauveur, le Basilic fut celle de Satan, l'Adversaire, l'Anté-Christ, après avoir été, dans les cultes préchrétiens, l'emblème du Mal et de la Mort" (  Le Bestiaire du Christ, Louis Charbonneau-Lassay p. 641, éd. Albin Michel)

basilic copie.jpg

 (merci Leo!)

 basilic cathédrale Metz.jpg

le basilic de la Cathédrale de Metz s'apparente assez au nôtre :

une  créature hybride,  redoutable malgré sa petite taille, entre  une quinzaine et une cinquantaine de centimètres et qui appartient au monde rampant des serpents, mais aussi à celui des oiseaux .

Un basilic qui a de nombreux ancêtres lointains,  

tombe du quadrige infernal serpent 3 têtes copie.jpg

 dont ce terrible serpent  à trois têtes à crêtes de coq, gardant la tombe étrusque dite "du Quadrige infernal" (fin IV° s. a. J.C.), dans la nécropole des Pianacce à Sarteano.

 

 On le trouve mentionné à plusieurs reprises dans l'Ancien Testament: Isaïe menaçant les Philistins leur prédit que " de la race de la couleuvre sortiront le basilic et son fruit, qui est un serpent ailé et de feu".  Pline l'ancien, dans sa description du basilic,  signale que son sang aurait des vertus plutôt inattendues venant de ce petit monstre meurtrier , lui attribuant "le pouvoir  de faire réussir  l'homme près des puissances dans les demandes, près des dieux dans les prières, de guérir les maladies et de prévenir les maléfices. Certains l'appellent Sang de Saturne" (Pline , Histoire naturelle, XXIX, 19) . Bon, tout n'est pas perdu!

 Son apparence se modifie au Moyen-Age, il est doté de pattes et son apparence hybride mi-coq,  mi-serpent révèle une symbolique complexe et contradictoire:

- coq,  courageux et vaillant, il a le pouvoir de capturer avant l'aube et d'annoncer par son chant le retour de la lumière, et , pourvu d'ailes, il appartient au monde du Ciel ; mais son regard tue,  irradiant comme le soleil qu'on ne peut regarder en face.

serpent, intelligent et patient, il rampe à la surface de la Terre,  communique avec le monde souterrain  (et les morts) qu'il affectionne particulièrement ; mais son haleine fétide empoisonne l'eau des sources et des puits. 

 

 

" Une femelle crapaud, alors qu'elle se sentait fécondée, vit un œuf de serpent, s'assit dessus pour le couver jusqu'à ce que ses petits viennent au monde. Ils moururent, mais elle continua de couver l'œuf du serpent jusqu'à ce que s'y manifeste une vie nouvelle, et cette vie fut placée dès lors sous le signe du serpent de l'Eden ... Le petit brisa la coquille, se glissa hors de l'œuf mais exhala aussitôt de puissantes flammes... Il tue tout ce qu'il rencontre." 

(Hildegarde de Bingen , 1098- 1179)

 

 

   

Son seul regard tue et son haleine épouvantable condamne à mort celui qui la respire ... Il semble que seule la belette puisse l'affronter sans crainte . 

  St Augustin qui le considère comme le roi des serpents ne tient guère en estime Parmi les péchés capitaux, le Basilic représente la Luxure. * 

On trouve également une variante du Basilic avec une tête de chien ou de loup:

Basilic tête chien baptistère Parme copie.jpg 

 

 

 

 

comme ici sculpté sur

le Baptistère roman de Parme

Basilic chapiteau Reims.jpg

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 ou comme ici sur ce chapiteau de la Cathédrale de Reims

 

 

 

 

 

Un petit monstre peu fréquentable, puant, tueur invétéré ,  et que l'on ne peut vaincre qu'en le forçant à se regarder lui-même dans un miroir. A chacun son basilic intérieur qu'il convient d'affronter avec lucidité et prudence, tout un programme, me semble-t-il. En tous cas, nettement une créature plutôt diabolique, un emblème ou, à tout le moins, un serviteur de l'Esprit du Mal.

"Dans la Kabbale, le Basilic est la monture de l'ange infernal Azagel, parce que ce monstre ne tue pas seulement par le regard, mais par les germes de la peste et des maladies contagieuses qu'il porte avec lui" (ibid. Le Bestiaire du Christ, Louis Charbonneau-Lassay, p. 646, )

En somme une créature sans âge  qui  fut, est et sera , continuant d'empoisonner à sa source l'eau de la vie, et  à qui j'attribuerai volontiers aussi les innombrables fléaux de notre temps ,  égoïsmes,  intolérances,  obscurantismes, fanatismes de tous poils,  écailles et  plumes, avec leurs lugubres cortèges de guerres, assassinats, viols, désespoirs, folies, exodes, désastres écologiques et pollutions définitives ...

 

***

  Face au Basilic

le Griffon déploie ses ailes aquilines 

  

griffon copie.jpg

le Griffon de San Stefano

Parmi les animaux hybrides venus du fond des âges  la symbolique chrétienne a souvent choisi le griffon "pour figurer la nature et l'excellence du Christ divin" (Charbonneau, le Bestiaire du Christ).

 Un corps de lion ,  des ailes et une tête d'aigle, souvent du reste pourvue d'oreilles de cheval. Un héritage qui nous vient de loin:

              Cnossos salle du trône.jpg

 

ici à Cnossos (capitale Minoenne de la Crète, Age du bronze,),

la salle du Trône, bien gardée par la frise de ces magnifiques griffons

 

les griffons de Persépolis .jpg

ou ce chapiteau de colonne portant ces deux griffons achéménides de Persépolis (la Ville des Perses),  gardiens de l'Allée des processions (V° s. a. J.C.).

Symbole de la Perse et de son antique religion le Mazdéisme où s'affrontent les deux Esprits primordiaux - pour faire simple - du Bien et du Mal, le Griffon apparait comme le symbole du dualisme entre ces deux principes fondamentaux, développés par la doctrine du Zoroastrisme : au sein d'un monothéisme,  le dualisme du Bien et du Mal, de la Lumière et des Ténèbres, de la Vie et de la Mort ... jamais l'un sans l'autre, mais, à la fin des temps, la victoire annoncée de la Lumière sur les Ténèbres.

Une vision qui séduit toujours autant : sans oublier  le Manichéisme et les hérésies cathares, "Le Seigneur des Anneaux", "Harry Potter" vous connaissez ?

Dualisme ou gémellité ? Tout homme, en tous cas, a toujours le choix d'affirmer, par ses actes, sa préférence. 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Zoroastrisme

http://www.clio.fr/bibliotheque/le_mazdeisme_la_religion_des_mages.asp

 

 

Une religion qui sans doute imprègnera durablement le Judaïsme et le peuple des Hébreux lors de leur déportation à Babylone, lorsque les Perses prendront la ville au VI° s. a. J.C. ... Et dont héritera peu ou prou le Christianisme, qui aura à lutter, entre autres,  contre les tentations des dérives manichéennes .

Là encore le Griffon apparait dans toute sa complexité hybride , doté d'une abondante parentèle ailée, lié au pouvoir, à la vie et à la mort, au bien et au Mal, tantôt démon, tantôt génie protecteur, et toujours représenté avec une tête de rapace: une puissance "hiéracocéphale" (comme le dieu Horus des Egyptiens) qui aura beaucoup d'avatars:

 

Assyrie un génie ailé avec arbre de vie Louvre.jpg

comme dans cette représentation du griffon "fertilisant "  l'Arbre de Vie (à l'aide d'une pomme de pin) , mi-homme, mi-aigle: un génie serviteur de Nergal, dieu des Enfers, à l'origine maléfique puis protecteur - Palais du Roi Assurnasipal II ( Assyrie, IX° s. A. J.C.) - Musée du Louvre.

Gardiens des trésors, du sacré, de l'arbre de vie et de l'arbre de la connaissance, n'hésitant pas à anéantir du bec et des griffes les téméraires qui  violent les frontières du mystère, nos griffons font partie de la grande fratrie de ces êtres hybrides nés à l'aube des âges: ils assurent leur service  solaire auprès des dynasties puissantes et des dieux dans ce Moyen-Orient fertile, dans la Crète du Roi Minos, à Mycènes  ou en Egypte ...

 

Israël griffon de Megiddo 1300 a. J.C..jpg

tel ce griffon sculpté dans l'ivoire (datant de 1300 a.J.C.)  et qui provient du site de Megiddo (à 90 km de Jérusalem)

 

 

palais Darius Suse la frise des griffons.jpg

ou ce cousin proche,  lion/griffon  de la frise du Palais des Achéménides à Suse, 510 a. J. C. (Musée du Louvre)

Lamassu taureau ailé de Dur-Sharrukin -713 a.J.C.jpg

- ou ce puissant "Lamassu", taureau ailé, génie protecteur posté de part et d'autre des portes du palais de Sargon II à Dur-Sharrukin ( 713 a. J.C.)- Musée du Louvre.

(petite,  ces personnages colossaux et énigmatiques m'impressionnaient terriblement  )

[un patrimoine humain mondial pré-islamiste  aujourd'hui dramatiquement menacé de destruction définitive par les intégristes islamistes - il faut dire qu'avant eux, Alexandre le Grand s'était chargé de l'anéantissement de Persépolis ...]

http://www.france24.com/fr/20141224-images-onu-liste-tres...

http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-paul-baquiast/090315/...

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orien...

 

 

 

 [ mais même les incendies et bombardements ne pourront détruire le feu de la spiritualité]

- ou ces "Keroubim"- Chérubins (créatures de sainteté, "ceux qui communiquent", "qui prient", terme et concept empruntés directement de l'imagerie babylonienne) dont nous parle l'Ancien Testament :

 - après la chute d'Adam et Eve , Yahvé les chasse du jardin d'Eden: " Il bannit l'homme et il posta devant le jardin d'Eden les chérubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l'arbre de vie." (Genèse 3-24)

- ou les immenses statues de Chérubins aux ailes déployées du Temple de Salomon

- ou l'extraordinaire vision d'Ezéchiel dont héritera la chrétienté à travers la représentation du  Tétramorphe (les quatre Evangélistes et leurs symboles ailés: l'Homme de St Matthieu, le Taureau de St Luc, le Lion de St Marc, et l'Aigle de St Jean):

 

(gravure tirée de la Bible de l'Ours, 1569)
Ezechiel Bible de l'Ours 1569.jpg10:1 Je regardai : sur la voûte céleste qui était au-dessus de la tête des keroubim il y avait comme du lapis-lazuli; on voyait au-dessus d'eux quelque chose dont l'aspect ressemblait à un trône.
10:2 Il dit à l'homme vêtu de lin : Entre à l'intérieur du tourbillon sous les keroubim, remplis tes mains de braises que tu prendras entre les keroubim, et jette-les sur la ville ! Et il y alla sous mes yeux.
10:3 Les keroubim se tenaient à droite de la Maison quand l'homme arriva, et la nuée remplit la cour intérieure.
10:4 La gloire du SEIGNEUR s'éleva de dessus le keroub sur le seuil de la Maison; la Maison fut remplie de la nuée, et la cour fut remplie de la clarté de la gloire du SEIGNEUR.
10:5 Le bruit des ailes des keroubim se fit entendre jusque dans la cour extérieure, pareil à la voix du Dieu-Puissant lorsqu'il parle.
10:6 Ainsi, quand il ordonna à l'homme vêtu de lin : « Prends du feu à l'intérieur du tourbillon, entre les keroubim ! », il alla se placer près de la roue.
10:7 Alors le keroub étendit la main entre les keroubim vers le feu qui était entre les keroubim; il en prit et le mit dans les mains de celui qui était vêtu de lin. Il le prit et sortit.
10:8 Quant aux keroubim, une forme de main humaine apparaissait sous leurs ailes.
10:9 Je regardai : il y avait quatre roues près des keroubim, une roue près de chaque keroub; l'aspect de ces roues avait l'éclat d'une pierre de chrysolithe.
10:10 Par leur aspect, toutes les quatre se ressemblaient; chaque roue paraissait être au milieu d'une autre roue.
10:11 Quand elles se déplaçaient, elles allaient sur chacun de leurs quatre côtés; elles ne viraient pas en se déplaçant; elles allaient dans la direction de la tête, sans virer en se déplaçant.
10:12 Tout le corps des keroubim, leur dos, leurs mains et leurs ailes, étaient remplis d'yeux tout autour, de même que les roues, leurs roues à eux quatre.
10:13 J'entendis qu'on appelait les roues « Tourbillon ».
10:14 Chacun avait quatre faces; les faces du premier étaient des faces de keroub, les faces du deuxième des faces d'homme, pour le troisième des faces de lion, et pour le quatrième des faces d'aigle.
10:15 Et les keroubim montèrent. C'était le vivant que j'avais vu près du Kebar.
10:16 Quand les keroubim se déplaçaient, les roues allaient à côté d'eux; quand les keroubim déployaient leurs ailes pour s'élever de terre, les roues, à leur côté, ne viraient pas.
10:17 Quand ils s'arrêtaient, elles s'arrêtaient; quand ils s'élevaient, elles s'élevaient avec eux, car le souffle du vivant était en elles.
10:18 La gloire du SEIGNEUR se retira du seuil de la Maison et se plaça sur les keroubim.
10:19 Les keroubim déployèrent leurs ailes et montèrent de terre sous mes yeux quand ils partirent avec les roues. Ils s'arrêtèrent à l'entrée de la porte de la maison du SEIGNEUR, côté est; et la gloire du Dieu d'Israël était sur eux, en haut.
10:20 C'était le vivant que j'avais vu sous le Dieu d'Israël près du Kebar, et je sus que c'étaient des keroubim.
10:21 Chacun avait quatre faces et quatre ailes et, sous leurs ailes, ce qui ressemblait à des mains humaines.
10:22 Leurs faces ressemblaient à celles que j'avais vues près du Kebar; c'était le même aspect, c'était eux-mêmes. Chacun allait droit devant lui.

(EZ. 10)

 

 

vision d'Ezechiel 1573.jpg

autre gravure de 1573: la vision d'Ezechiel, façon OVNI

... des Keroubim/Chérubins redoutables, ardentes antennes du Verbe .

Rien à voir avec les charmants chérubins putti qui suivront!

 

 

 

 Le monde ancien des griffons étant d'une richesse inépuisable,  pas question ici d'en faire le tour exhaustif. Toujours est-il qu'il ne cesse d'être présent, traversant les âges, survolant les déserts, les montagnes et les mers, sortant ici ses griffes redoutables, perdant là quelques plumes,  atteignant le grand nord, les monts  de l'Hyperborée, et même au-delà, la Scythie, pays des Arimaspes :

 

griffons et Arimaspes, 370 a. J.C. Musée du Louvre.jpg

Scène de Grypomachie:

lutte de griffons contre les  légendaires Arimaspes., peuple cyclope.

(autour de 370 a. J. C. - Musée du Louvre)

Dans l'univers des Grecs, il est consacré à Apollon, dieu de lumière et de beauté, dont il garde les trésors (Hérodote).

Apollon et griffon art grec.jpg

Apollon chevauchant un griffon. Coupe attique - 380 a. J. C. Kunsthistoriche Museum de Vienne.

"Et, conception plus haute, ils  [les Grecs] le considéraient comme "le gardien, aussi, des voies du salut" (le Bestiaire du Christ, ibid.) : il lutte alors contre les êtres malfaisants ... rampants comme le serpent et le basilic en particulier.

 

Animal "psychopompe" (ou "psychagogue"), de ses ailes puissantes il élève au ciel les âmes des défunts: c'était le rôle, dans l'Egypte ancienne, du griffon Sefer " qui se transformait , s'identifiait avec les offrandes brûlées des sacrifices, et, par leurs fumées, portait vers le ciel les âmes des morts pour lesquels elles avaient été offertes".

Un rôle que l'on va retrouver dévolu à St Michel Archange à l'époque médiévale, lui qui d'une main armée d'une lance ou d'une épée maîtrise le Malin- dragon-serpent  et de l'autre pèse les âmes,  permettant aux justes de s'élever au ciel ...

 

St Michel pesant les âmes blog.jpg

Aregno, église de la Trinité, fresque de St Michel (1448).

Le magnifique et redoutable Archange St Michel dans sa dualité :  tout comme le griffon, à la fois gardien impitoyable au bras armé d'une épée ou d'une lance terrassant Satan, et passeur d'âme (psychopompe), pesant les défunts et conduisant ceux qui le méritent vers le ciel. 

Une constante dans l'iconographie de nos chapelles à fresques de Corse.

***

Un autre épisode significatif se trouve dans les légendes d'Alexandre le Grand restituées au XII° s. , récits aussi populaires et largement diffusés que la Bible elle même :

Alexandre et les griffons Hans Scäufelein copie.jpg

le grand roi Alexandre, lors de ses voyages, aurait capturé deux griffons dans une contrée étrange et sauvage, puis, les ayant fait jeûner trois jours, les attache à une sorte de nacelle de bois et de cuir (voire, à son trône) , qu'il fait s'envoler en leur tendant sous le bec un morceau de viande du bout de sa lance ... " Il monte jusqu'au ciel de feu. La chaleur excessive le contraint enfin à descendre, ce qu'il fit en abaissant sa lance." (ibid. Le Bestiaire du Christ)

 

 

 

gravure d' Hans Scäufelein (1480/1539)

 

Alexandre -Jean Wauquelin - XV°s. BNF Manuscrits.jpg

Jean Wauquelin, Alexandre emporté par les griffons -
Flandre ( XV° s.) -BNF, Manuscrits, Français 9342 fol. 180v

Pour l'historien de l'art Emile Mâle "Alexandre , c'est l'orgueil humain, c'est la science qui veut arracher à Dieu ses secrets. L'homme monte, il entre avec audace dans la région des mystères, mais c'est une région sans limite, et il faut qu'enfin il s'arrête devant de nouveaux mystères" (cité par Charonneau-Lassay, ibid, dans le Bestiaire du Christ p. 371). 

Je crois entendre s'interroger tout haut nos astrophysiciens et autres fous de l'infiniment petit ...

***

 Revenons-en au Moyen-Âge , un temps où l'on ne doute pas de la réalité du griffon, au même titre que de celle du lion, de la hyène, du basilic, du hérisson ou de la salamandre, et dont on tire des leçons morales tout-à-fait édifiantes à défaut d'une connaissance scientifique infaillible.

 

Voici ce qu'en dit le Physiologos (cf .plus haut) dont se sont inspirés les Bestiaires médiévaux : 

 

" LE GRIFFON

 

Le griffon est un oiseau qui est d’une taille supérieure à celle de tous les oiseaux du ciel. Il se dresse en Orient, dans le port du fleuve Océan ; et lorsque le soleil se lève, surgissant des profondeurs des eaux, et qu’il inonde le monde de ses rayons, le griffon, justement, déploie ses ailes et capte l’incandescence du soleil pour éviter que la terre habitée ne soit entièrement brûlée. Un second griffon les accompagne jusqu’au crépuscule, selon ce qui est écrit sur ses ailes : « avance, toi qui donnes la lumière, donne au monde la lumière ».

De la même façon la divinité est accompagnée de deux griffons en marche, autrement dit l’archange Michaël et la sainte Mère de Dieu, et ils captent l’incandescence du soleil, autrement dit la colère de Dieu, pour éviter qu’il ne dise à tous les hommes : « je ne vous connais pas », et que sa colère ne les brûle entièrement."

 

Le Griffon, après quelque temps de disgrâce et de mauvaise réputation dans les tout premiers temps du christianisme où on le soupçonne de servir les forces du Mal,  va se trouver réhabilité et son symbolisme va s'enrichir de nouveaux attributs qui finiront par en faire l'emblème du Christ

 alliant la puissance solaire du lion à l'action céleste de l'aigle,  faisant communiquer la terre et le ciel, reliant la matière à l'esprit, le monde tellurique au monde cosmique, celui des morts et celui des esprits célestes entre lesquels vivent les hommes,  il va symboliser la double nature du Christ, humaine (lion) et divine (aigle), et sa double royauté : le lion, roi des animaux terrestres, et l'aigle roi des créatures célestes.

 

Dante Alighieri, dans sa Divine Comédie, met en scène dans ses Chants du Purgatoire  le symbolisme christique du Griffon, "l'animal à la double nature" ("ch'è sola una persona in due nature"), aux ailes immenses, tirant le char symbolique de la vision d'Ezechiel sur lequel descend Béatrice à la rencontre de Dante:

 

Sandro Botticelli - Dante -le char du Griffon.jpg

 Sandro Botticelli, entre 1480 et 1500, Purgatoire: le char mystique tiré par le Griffon

Le Griffon, c'est à dire l'Homme-Dieu, le Christ, attache le char à l'arbre de la connaissance du bien et du mal desséché, dévitalisé par le péché originel d'Adam et Eve, et le faisant reverdir et fleurir:

 " Bienheureux es-tu, Griffon, qui de ton bec ne détache rien de cet arbre agréable au goût, puisque se tordent dans la douleur les entrailles qui s'en nourrissent" ( Purgatoire, Chant XXXII )

***

Là encore, pour les alchimistes, le Griffon est un emblème important:

Aurora consurgens - 1410, le combat du soleil et de la lune.jpg

Aurora Consurgens-1410

le combat du soleil et de la lune:

"Dans le combat que se livrent l'aigle (volatil) et le lion ( fixe), il faut que les deux protagonistes soient réciproquement confondus pour constituer finalement le griffon, c'est-à-dire un seul et même corps parfaitement fixe et indivisible (...)"

(Les clés secrètes de l'alchimie -Fabrice Bardeau, édit. Lanore)

Mais il faut bien reconnaître que dans l'iconographie du Moyen-Age on rencontre parfois aussi l'autre versant du Griffon, alors emblème de Satan: il porte alors souvent de monstrueuses ailes de chauve-souris, un arrière-train dragonné avec une queue reptilienne ...  iconographie que l'on retrouve également dans certains blasons,

armoieries d'Hérimoncourt.jpg

 

Comme ici, les armoiries d' Hérimoncourt, au griffon rampant et lampassé, et aux ailes de chauve-souris.

 

 

 

 

 

 

 

La figure du griffon  se retrouve dans d'innombrables armoiries,

 

armoieries Ville de Gênes Père Accinelli (XVIII°).jpg

                              

comme ici dans ce Blason de la République de Gênes, vues par le Père Accinelli au XVIII° s. :

on peut reconnaître en haut du blason soutenu par deux griffons la tête de Maure de la Corse ...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

poids pour le Doppia de Gênes 1792-97.jpg

 

 

et, toujours à Gênes,

ce poids pour le Doppia de Gênes,

(1792- 97)

 

 

 

Blason de Volterra griffon et basilic.jpg 

et  ici à Volterra:

sur ce blason, le noble Griffon règle son compte à l'infâme Basilic ...

 

Une remarque : ici l'identité du Bien (Griffon) n'existe pas en soi, elle ne peut se manifester que dans la relation au Mal (Basilic) ... Nous voilà revenus au dualisme du temps de Zoroastre et cette image nous rapproche du tympan de Speluncatu

 

***

 Revenons enfin en Corse :

qu'en est-il du Griffon et du Basilic de Speluncatu?

 

Basilic et griffon copie.jpg

Au mieux, c'est un dialogue, comme diraient certains chefs d'état dans l'impasse, entre deux principes fondamentaux, opposés ... voire complémentaires. Bref un gentil petit couple.

 

Au plus réaliste c'est un combat sans merci, et notre Griffon de Speloncato (anciennement de San Stefano) ouvre largement ses ailes immenses pour protéger nos gens du Basilic tueur : je ne doute pas qu'il arrive, comme à Volterra, à maîtriser l'Adversaire. 

 

Car j'ai définitivement choisi : pour les besoins de ma lecture, je décide de voir  à Speloncato la queue serpentine du  Basilic et non le croupion déplumé d'une Poule ou d'un Coq. Parce que si c'était une Poule, tout mon scénario tomberait à l'eau car elle serait alors l'emblème de la bonté vigilante  du Sauveur et il faudrait revoir en négatif le rôle de son adversaire, le Griffon ... Ainsi en est-il du monde complexe des symboles, à  chacun sa lecture.

 

Enfin, depuis que ce tympan a élu domicile au-dessus de la porte de l'église Saint Michel - devenue Collégiale Santa Maria Assunta en 1749 -  notre Griffon se voit en outre symboliquement investi de la mission du passeur d'âmes, du "psychopompe" attribuée à St Michel.

 

Où retrouver d'autres Basilics et d'autres Griffons en Corse ? Pour ma part je connais deux tympans qui évoquent le même univers:

 

 

 

Portail Mariana.jpg

Le décor de la porte occidentale de la Cathédrale  de Mariana:

au-dessus du linteau et du tympan sculptés en plat-relief,  les six claveaux de l'archivolte forment une frise d'animaux. De gauche à droite :

- une sorte de lion

-  puis deux griffons ailés à tête d'aigle s'affrontent bec à bec

-  vient ensuite au centre de la frise l' Agneau mystique, agenouillé et portant sa croix

-  sur sa droite un loup bondit vers lui, la gueule ouverte sur des crocs menaçants, prêt à le déchiqueter

-  le cinquième claveau montre un cerf atteint dans sa course par un chien portant un collier et qui lui mord déjà le flanc

-  enfin le sixième claveau porte deux basilics affrontés à tête de loup ...

Piedicorte  portail roman.jpg

à Piedicorte di Gaggio :

l'archivolte, le linteau et le tympan semi-circulaire romans réemployés à la base du clocher de l'église paroissiale actuelle Sta Maria Assunta .

" Le style de ces entrelacs et de ces sculptures rappelle celui de la porte occidentale de l'église Santa Maria Assunta, ancienne cathédrale de Mariana, dite la Canonica; c'est pourquoi nous avons pensé que ces œuvres pouvaient être contemporaines, c'est-à-dire dater des environs de 1100 " (ibid. G.Moracchini-Mazel, Les églises romanes de Corse p. 334)

De gauche à droite:

-  deux bêtes féroces affrontées,

- puis un griffon,  bien centré,

- qui combat sur sa droite, un basilic à tête de loup.

 

Piedicorte le griffon.jpg

le Griffon de Piedicorte 

  Piedicorte Basilic.jpg

et "son" Basilic

Enfin, il faut signaler le monde perdu de la cathédrale San Marcello d'Aleria, évoqué par Geneviève Moracchini-Mazel:

mésopotamie,speloncato,cathédrale de mariana,piedicorte,symbolisme du griffon et du basilic

Aléria - Bas-relief publié par Mérimée en 1840 et provenant vraisemblablement de la cathédrale San Marcello (début XII°s.).

"(...) Mérimée a publié une sculpture qu'il a vue en 1840 remployée sur le mur d'une maison qu'on venait de construire dans le petit hameau d'Aleria, et qui lui semblait "provenir de quelque église détruite aujourd'hui";

Pour G. Moracchini-Mazel, " il est probable en effet que ce bas-relief provient bien de la cathédrale San Marcello, en raison de son style" ( Les églises romanes de Corse, p. 104)

 Ce bas-relief n'a malheureusement pas été retrouvé . Il s'inscrit nettement dans le même dualisme qu'à Speloncato ...

Ouvrez l'oeïl !

A suivre ...

A faire, une lecture intéressante sur le voyage iconographique au Haut Moyen-Âge et qui concerne le sujet:

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cr...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

07/03/2015

tr: Objet stage de clown théâtre à ALGAJOLA

Je relaie bien volontiers cette annonce de notre amie Marie-Elise

qui devrait booster nos grands zygomatiques!

 

 

 Un stage de Clown Théâtre 
 
dirigé par Stefan Litty, Cies Eureka théâtre et I Chjachjaroni de Porto Vecchio, aura lieu 
Le Samedi 28 Mars et le Dimanche 29 Mars prochains  
à ALGAJOLA , Terre Plein de la Gare, 
Organisé par la Cie I LUMINELLI d'ALGAJOLA
 
 
Renseignements et inscriptions au 06 07 13 52 36 .
Nombre de places limité."

Solidarité en ligne : cliquez ici pour soutenir l’association Le Rire Médecin

-- Envoyé via mailforgood


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05/03/2015

le stage d'orgue de Renaissance de l'Orgue Corse du 6 au 10 Juillet 2015

Renaissance de l'Orgue Corse organise son stage annuel de formation sur les orgues de Corse

 à Corte du 6 au 10 juillet 2015

Cette année R.O.C. retrouve avec grand plaisir

le maestro Umberto FORNI

Qui nous fait partager depuis tant d'années son immense talent, sa pédagogie,

et sa passion de musicien sur nos orgues de Corse.

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22/02/2015

la Collectivité territoriale unique en Corse, communiqué de la LDH Corse

 

A propos de la Collectivité territoriale unique en Corse, la Ligue des Droits de l'Homme communique:


> De : "Infocom Ldh" <infocom-ldh@ldh-france.org>
> A : infocom-ldh@ldh-france.org
> Copie à :
> Objet : [infocom-ldh] LDH Corse
>
>

COMMUNIQUÉ

> >  

La collectivité territoriale unique

 

La collectivité unique de Corse pourrait voir le jour dès le 1er janvier 2018. Telle est la conséquence de la proposition faite par le gouvernement d’inscrire ce projet dans le débat en cours sur la nouvelle organisation territoriale de la République. La Ligue des droits de l’Homme constate avec intérêt la réactivité du gouvernement sur ce dossier, et la prise en compte d’une résolution adoptée par l’Assemblée de Corse en décembre dernier. Cette accélération du calendrier politique aurait pour conséquence de remettre en cause une consultation des électeurs,  également demandée par l’Assemblée de Corse.

Certains élus revendiquent la tenue d’un référendum. Or, demander aux citoyens de répondre par oui ou par non, après quelques jours de débats publics, à une question complexe, est un leurre démocratique. Faut-il rappeler  qu’il aura fallu plusieurs années de débats au sein de l’Assemblée de Corse, un comité stratégique, la sollicitation de personnes qualifiées, la rédaction d’un rapport, pour que les élus en viennent à maîtriser le sujet. 

Dans le même temps, la LDH constate que les citoyens n’ont pas été appelés à  une  participation démocratique au cours de la phase d’élaboration du projet, a contrario de la méthode mise en œuvre pour le PADDUC. Le débat sur l’organisation des institutions territoriales touche pourtant au fonctionnement démocratique de la société. Il est aussi la conséquence des mobilisations contre le clanisme et le clientélisme.

Pour sa part, la LDH soutient le projet même si elle continue à s’interroger sur la place dans la future collectivité unique de l’intercommunalité, dont les élus ne sont pas issus du suffrage universel. Elle s’interroge également sur le fait que l’intersyndicale de la CTC se soit exprimée sur une insuffisance d’information concernant le projet.

Aussi, la mise en œuvre de la Collectivité Unique, dans le sens d’une simplification de l’organisation actuelle, ne doit pas oublier les finalités qu’elle s’est données. En organisant différemment l’action publique,  elle devra permettre un meilleur exercice de la démocratie locale et ce faisant  agir contre les inégalités sociales.

 

> > Corte, le 14/02/2015

> >  

> >  Le bureau de LDH Corsica

 

 

 

 

15/02/2015

les énigmes de la fresque d'Omessa

 

 Les énigmes de la fresque découvertes en novembre 2014 dans  l'église Sant' Andria d'Omessa

Pieve de Talcini

( dernière visite le 9/2/2015)

 

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Omessa, Quartier du Rione et l'église Sant'Andria

 

            Omessa plaque Evêques.jpg

" C'est l'église paroissiale actuelle. La description de Mgr Mascardi confirme que ce n'était pas une église de fondation ancienne avec un style roman traditionnel; cette indication est en accord avec la tradition orale et certains auteurs qui rapportent que cette église est un ancien hôpital transformé en église en 1460 par Ambrogio d'Omessa, évêque d'Aleria. Du temps de Mgr Mascardi, "elle avait trois nefs, mais les collatéraux étaient un peu étroits ... un toit en charpente ... trois portes; un campanile en forme d'arcade avec deux cloches ..." ( Geneviève Moracchini-Mazel:  Les Eglises Romanes de Corse - 1967)

Ambroggio d'Omessa évêque d'Aleria entre 1412 et 1466, aurait donc aurait donc, en 1460, transformé un ancien hospice fortifié "U Rione" en église ( le quartier historique actuel de l'église San'Andria a du reste gardé ce nom) .

affiche patrimoine église.jpgDSC_3611 détail.jpg

 

Article de Corse-Matin du 14/12/2014

L'église fait toujours l'objet d'une restauration depuis octobre 2014, et l'on a confié à l'atelier de notre amie Ewa Poli le soin des décors peints. C'est en travaillant sur l'autel baroque latéral du Rosaire, après l'enlèvement de la toile, que furent découvertes en novembre quelques traces peintes qui ont attisé la curiosité des restaurateurs. Et après un délicat dégagement, divine surprise! est apparue une fresque d'une grande beauté malgré ses lacunes, révélée après des siècles de sommeil sous un emplâtre de chaux, "dans son jus", vierge de tout repeint, ce qui en fait un cas particulièrement intéressant ...

L'autel construit à l'époque baroque a été plaqué contre ce mur peint à fresque (XV° s.? les analyses souhaitables pourraient nous conforter ou non dans cette datation), -ce qui pose aujourd'hui un dilemme de taille, car une partie de la fresque dort encore sous l'ensemble architecturé de l'autel ... (on connait le même problème dans la chapelle de San Chirgu à Cambia, ou les deux ailes du petit autel baroque avaient été plaquées contre les pied-droits peints à fresque au XV°s.).

 

ensemble fresque Omessa.jpg

Deux espaces se superposent: à l'étage supérieur l'on devine la Charité de St Martin, et à l'étage inférieur, c'est le martyre de St Pierre, crucifié, selon les Actes apocryphes, la tête en bas et les pieds vers le ciel.

La Charité de St Martin:

« Tout ce que vous ferez à l'un de ces petits,

c'est à moi que vous le ferez».

 

Omessa ensemble supérieur.jpg 

Entre les pattes d'un cheval blanc, un adolescent grelottant reçoit la moitié de la chlamyde (manteau de légionnaire romain) de St Martin, dont on ne voit qu'une main mais ni le corps ni le visage, sans doute encore cachés sous les stucs baroques.

Omessa l'enfant mendiant.jpg

L'enfant nu s'enveloppe dans l'étoffe que la main visible du bon St Martin

du haut de son cheval semble trancher avec son épée.

Omessa visage enfant.jpg

Une tignasse rousse ébouriffée sur un doux visage fissuré, innocent,

bouche ouverte d'étonnement ... Bouleversant!

A mi-corps un trou béant dans le mur interrompt le corps de l'enfant qui reprend plus bas au niveau des genoux et nous réserve cette incroyable surprise:

Omessa pattes d'oiseau.jpg

à la place des pieds , deux fragiles pattes d'oiseau aux longs doigts humains:

 il semble bien que l'artiste ait voulu évoquer ici un lépreux, l'un de ces "Pauperes Christi", "Pauperes Sancti Lazari" , pauvres d'entre les pauvres, les pauvres du Christ, de Saint Lazare,  la lèpre rongeant la chair des pieds.

" Martin, qui n'est encore que catéchumène, m'a donné ce manteau" (Martinus, adhuc catechumenus, hac me veste contexit). Le jeune mendiant lépreux, c'est le Christ lui-même. A cette représentation de la Charité de St Martin, épisode célèbre et populaire de sa légende qui se déroule aux portes d'Amiens, se mêle un  autre épisode où St Martin, à Paris, guérit un lépreux d'un baiser:

 

Louveciennes le baiser au lépreux.jpg

 Cette "œuvre de miséricorde" envers un être mutilé dans son humanité, abject et puant, est à rapprocher d'une autre rencontre avec les lépreux, celle du Poverello St François d'Assise, si décisive pour sa conversion:

 « Le Seigneur me donna ainsi à moi, frère François, de commencer à faire pénitence : lorsque j’étais dans les péchés, il me semblait extrêmement amer de voir des lépreux. Et le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux et je leur fis miséricorde. Et en m’en allant de chez eux, ce qui me semblait amer fut changé pour moi en douceur de l’âme et du corps ; et après cela, je ne restait que peu de temps et je sortis du siècle. Et le Seigneur me donna une telle foi dans les églises que je priais simplement et disais : « Nous t’adorons, Seigneur Jésus-Christ, et dans toutes tes églises qui sont dans le monde entier, et nous te bénissons, parce que par ta sainte croix tu as racheté le monde » ( Testament de St François d'Assise). 

Œuvre de charité qui transforme celui qui donne le baiser tout autant que celui qui le reçoit.

Le monde des lépreux est longtemps resté dramatiquement stigmatisé par les populations "saines", un monde d'indésirables et d'exclus, dont on redoutait et fuyait le contact malodorant et la vue insupportable, comme un reflet de sa propre humanité irréversiblement déchue .  Dans de nombreuses régions les lépreux vivaient à part des vivants, car on les considérait comme déjà morts et extrêmement contagieux, même lorsqu'il s'agissait de ce que l'on nommait la "lèpre blanche", forme infiniment moins dangereuse que la terrible "lèpre rouge" à l'issue fatale.

 

 

Quoi qu'il en soit de la réalité médicale à l'aulne de nos connaissances actuelles, une lèpre dont on pensait qu'elle était héréditaire, créant ainsi des familles entières de parias vivant en dehors des quartiers "sains", affectés à certains corps de métier, comme les métiers du bois - A retrouver ou découvrir en particulier dans l'univers des cagots du Sud-Ouest de la France:   http://fr.wikipedia.org/wiki/Cagots - où l'on apprend que ces proscrits spécialisés entre autres dans la charpente avaient été appelés pour réaliser la charpente de Notre-Dame de Paris ...

Toujours est-il qu'ils devaient vivre et se marier entre eux,  et avaient obligation de se signaler en portant sur leur costume un signe distinctif en forme de patte d'oie. Une constante dans nos sociétés humaines si promptes à la discrimination de l'Autre : pattes d'oies pour les lépreux et autres cagots, rouelles puis étoiles jaunes  pour les juifs etc ... A signaler, dans le genre "intouchables", le fait que le contact  des femmes en période de menstrues était considéré comme impur et qu'elles devaient elles aussi, dans certaines régions, partager  en ces moments ce même insigne en patte d'oie des lépreux : tout ce qui touche à la nature incontrôlable des femmes est décidément suspect,  et on le sait bien depuis la Tentation d'Adam et Eve - La souillure de la lèpre et la nature des femmes sont cousines germaines, et pour faire court, le port de la patte d'oie pouvait s'avérer utile en cas de cour trop pressante de ces messieurs . Dans certains récits hagiographiques des saints, l'on rencontre de jeunes vierges dédiées à Dieu et brusquement affligées de pieds lépreux pour dissuader les amoureux trop entreprenants.  Une légende intéressante éclaire assez bien ce propos, celle de la Reine Pédauque  (la Reine au pied d'oie): http://fr.wikipedia.org/wiki/Reine_P%C3%A9dauque

 ***

Cet adolescent à pattes d'oiseau: mi-animal (mais quel animal! susceptible d'envol spirituel), mi-humain, nous plonge dans un vertige proche du sacré, une chute vertigineuse dans l'inconscient collectif:

Ba -tombe de Deir El Medina.jpg

comme ici, dans cette représentation sur une tombe égyptienne de Deir El Medina du "Ba" (dans la conception de l'Egypte ancienne, l'un des sept éléments constituant chaque individu: ici, l'âme -énergie spirituelle de transformation) - en oiseau à tête humaine , symbolisant l'âme mobile du défunt.

***

 

Comme toujours le symbole est rarement  univoque, même s'il est intimement relié à l'époque où il s'exprime. Ici ce jeune mendiant/Christ aux pattes d'oiseau est directement intégré à la Charité de St Martin, grand saint s'il en fut parmi tous les saints les plus célèbres d'Europe . La Corse possède un grand nombre de paroisses et sanctuaires très anciens dédiés à ce saint (évêque de Tours à partir de 370) , patron de l'abondance (Divizia!) , protecteur des cultures,  des vignes et des troupeaux, et que l'on fête le 11 novembre, jour où l'on goûtera le vin nouveau. Ce qui en fait un saint remarquable de notre ruralité. D'autre part son rôle de missionnaire en butte à l'hérésie arienne tout au long de sa longue  vie ( il meurt en 397 à plus de quatre-vingt ans) trouve encore une résonance particulière dans la Corse du V° s. alors occupée par les Vandales, ariens comme beaucoup de peuples "barbares" de l'époque. San Martinu trouve décidément sa place très tôt sur l'île :

"Le fait est que ce saint a été fort populaire en Corse, et qu'il y eut le plus grand nombre de sanctuaires, après Maria, Giovanni Battista et Pietro.

En effet, une bonne cinquantaine de sanctuaires étaient dédiés à San Martino; et parmi ces édifices quelques uns avaient été fondés dès la fin du IV° s. ou le V° s.; mais la plus grande partie d'entre eux ont été élevés au cours du haut Moyen-Âge et plusieurs ont été rebâtis dans le cours du X° s. "

Geneviève Moracchini-Mazel, in Corsica Sacra, p. 38

 St Martin donnant l'exemple de cette œuvre de miséricorde envers les estropiés, exilés,  malades de la vie, et en particulier envers les plus réprouvés d'entre eux: les lépreux, en gardant à l'esprit toute la portée symbolique de la charité destinée à la chair souffrante du Christ nous ferait pencher vers l'idée d'une dévotion développée ici au sein de cet hypothétique hospice d'U Rione à Omessa.  

Ce mur portant cette ensemble peint à fresque appartenait-il à l'oratoire de cet hospice de fondation ancienne avant la construction présumée de l'église Sant'Andria par l'évêque Ambroggiu d'Omessa en 1460 ? 

 

            Pour ceux qui voudraient mieux connaître cette grande figure, voici l'histoire de St Martin, empruntée ici au site : http://www.saintmartindetours.eu/p/la-vie-de-saint-martin...:

 

Médaillon voûte San Martinu di Lota copy.jpg

voûte de l'église San Martinu di Lota

La vie de saint Martin

I Enfance de saint Martin
 
Saint Martin naquit de parents païens en 316 à Savaria, en Pannonie (nord-ouest de la Hongrie actuelle), sous le règne de Constantin Ier. Cette contrée appartenait à l'Empire romain depuis Tibère. C'est par le hasard du lieu de garnison de son père, tribun dans l'armée romaine (commandant de la Légion), qu'il naquit en Pannonie. Le prénom de Martinus, Petit Mars, dérivé de Mars, dieu de la guerre, était considéré comme un honneur dans les familles d'officiers, mais peu répandu à l'époque. Martin paraissait donc prédestiné, par sa naissance, à la carrière des armes. Lorsqu'il était petit enfant, la famille fut envoyée en Italie, à Pavie (Ticinum). La garnison se trouvait à quelques kilomètres de là, dans le faubourg sud, le Sicco Mario, une langue de terre d'alluvions au confluent du Tessin et du Pô. A dix ans, il fréquenta une église proche de chez lui, où il fut sensibilisé à la religion chrétienne, et sans la permission de ses parents, demanda à devenir catéchumène, sous l'impulsion de l'évêque Anasthase. Martin semblait déjà attiré par la solitude, qui le mènera plus tard à la vie monastique. Alors qu'il n'était qu'adolescent, l'Empereur Constantin imposa par une mesure exceptionnelle l'incorporation des fils de vétérans les plus jeunes pour augmenter l'effectif de ses troupes. A quinze ans, Martin fut donc enrôlé dans l'Armée, livré par son père, enchaîné captus et catenatus (Sulp, loc. sit.) et forcé de prêter serment à l'Empereur. Il servit d'abord dans des troupes d'adolescents préparatoires au métier militaire, puis fut affecté dans la cavalerie de la garde. Simple et généreux, il n'avait qu'un seul serviteur, Demetrius, qui l'accompagnait partout. Il mangeait avec lui, lui nettoyait ses chaussures…Il était aimé et respecté de tous.
 
 
II La Charité de Martin - Le songe et le baptême
 
Amiens, ville de garnison, était un lieu de communication stratégique entre la Bretagne, la Belgique et les Germanies. L'Empereur y envoya donc le corps de cavalerie. Martin occupait la fonction de circuitor : il était chargé de faire des rondes de nuit et des rapports sur les infractions à la discipline. Lors d'un hiver particulièrement rigoureux, un matin, devant la Porte des Jumeaux, Martin , rentrant d'une tournée d'inspection, rencontre un pauvre à moitié nu, implorant la pitié des passants. Le soldat, touché par la compassion, n'hésite pas : il sort son glaive, coupe en deux sa chlamyde, sorte de large cape rouge portée sur la cuirasse. Il en donne une moitié au mendiant, et se recouvre comme il peut de l'autre, sous les moqueries générales. La nuit suivante, Martin voit apparaître en songe le Christ revêtu de la moitié du manteau ; celui-ci, s'adressant à la foule des anges, leur dit : « Martin, encore catéchumène, m'a revêtu de cet habit ». Jésus se souvenait de la parole du Seigneur : « Tout ce que vous ferez à un de ces petits, c'est à moi que vous le ferez ». Bouleversé par cette vision, Martin décide aussitôt de se faire baptiser à Amiens. Cependant, il ne quitte pas immédiatement l'armée, pour rester auprès de son ami tribun qui veut s'engager au service de Dieu à la fin de son service. Il demeure encore deux ans au service de l'Empereur.
 
 
III Démission de l'armée
 
Des Barbares tentant d'envahir la Gaule romaine, l'armée se dirigea vers le Rhin. L'Empereur réunit ses soldats à Worms pour préparer l'attaque contre les Barbares. Il distribua à ses troupes le donativum, récompense destinée à encourager les soldats au combat. Martin profita de cette occasion pour demander son congé de l'armée. Il refusa la gratification, jugeant qu'il ne voulait pas faire la guerre. L'Empereur l'accusa alors d'avoir peur de combattre. Martin répondit : « Demain, je me tiendrai debout et sans armes, en face de nos ennemis ; je marcherai au milieu de leur armée, protégé uniquement par le signe de la croix ». L'Empereur le prit au mot, le fit arrêter et jeter en prison pour qu'il tienne sa promesse. Le lendemain, les ennemis se rendirent et l'Empereur l'autorisa à partir. Après tant d'années passées dans l'armée, il était enfin libre de devenir soldat du Christ !
 
 
IV Rencontre avec Hilaire
 
Martin se rendit alors à Trèves, où il se lia d'amitié avec l'Evêque Maximin, originaire de Poitiers. Il l'accompagna pendant quelques années lors de ses voyages. De retour de Rome, Maximin proposa à Martin de le suivre à Poitiers, pour revoir sa ville natale. Ainsi, Martin put-il rencontrer l'Evêque Hilaire, dont il avait tant entendu parler. Maximin mourut peu après à Poitiers. Hilaire fit de Martin son disciple, le forma et voulut lui conférer la charge de diacre, qu'il refusa par modestie. Il accepta seulement d'être exorciste, ce qui lui permit d'acquérir des facultés d'orateur et de témoigner bonté et générosité. Quelques années plus tard, il lui fut demandé en songe de se rendre dans sa patrie revoir ses parents plongés dans les ténèbres de l'idolâtrie. Il partit donc après avoir obtenu le consentement d'Hilaire, qui le supplia de revenir en pleurant.
 
 
V Retour en Pannonie
 
Il se dirigea vers les Alpes, avec l'intention de gagner la Pannonie par le Milanais. C'est en traversant les vallées alpines en direction d'Aoste qu'il s'égara et fut attaqué par des brigands. Ils essayèrent de le voler, mais ne trouvèrent rien. Alors, l'un d'eux, chargé de le garder et de le dépouiller, l'emmena à l'écart et lui demanda : « Qui es-tu ? » Martin répondit : « Je suis chrétien ». Le voleur lui demanda alors : « Est-ce que tu as peur ? », ce à quoi Martin répondit qu'il n'avait jamais eu autant de courage, mais qu'il plaignait surtout les brigands. Il se mit à lui expliquer l'Evangile. Le voleur le crut, le délivra et le remit sur la bonne route en le conjurant de prier pour lui. Tout se passa ensuite sans encombre jusqu'à Milan, où Martin s'arrêta très peu de temps. Continuant sa route, un soir, le Diable vint à sa rencontre sous la forme d'un homme et le prévint qu'il serait toujours sur son chemin. Martin lui répondit qu'il n'avait pas peur, parce qu'il était soutenu par le Seigneur. L'Esprit du Mal disparut alors. Martin parvint enfin en Pannonie, où il retrouva ses parents, qui s'étaient retirés à Savaria. Il parvint à convertir sa mère, mais son père persista dans son idolâtrie. Il convertit également certains de ses compatriotes. Il gagna ensuite l'Illyrie (ouest de la Slovénie et de la Croatie actuelles), ravagée par l'arianisme. Persécuté par les Ariens, battu de verges, il fut forcé de quitter la région, et gagna l'Italie. Martin n'avait qu'une hâte, retrouver Hilaire. Mais Hilaire était au même moment poursuivi lui aussi par la haine des Ariens, et il avait dû quitter Poitiers et partir en exil en Asie Mineure.
 
 
VI De Milan à Gallinaria
 
Reprenant le même chemin qu'à l'aller, Martin s'arrêta à Milan, et commença à y mener une vie d'ermite avec quelques disciples. Mais Auxence, l'évêque arien de Milan, persécuta Martin et le fit chasser de la ville. Martin s'enfuit avec un compagnon prêtre et s'isola sur une petite île de la côte ligure : Gallinaria (« l'île des petites poules »). Cette île, située face à Albenga, à près de 100kms au sud-ouest de Gènes, rivalisait avec le désert : là régnaient la solitude et le dénuement. Un jour, Martin s'empoisonna avec une plante vénéneuse, et échappa à la mort par la prière. Cette première expérience anachorétique s'acheva au moment où il apprit que l'exil d'Hilaire était terminé. Martin prit le chemin de Rome pour le rejoindre, mais son ami avait déjà repris la route de Poitiers.
 
 
VII Fondation du premier Monastère de la Gaule
 
Hilaire et Martin furent très heureux de se retrouver à Poitiers après tant d'années d'épreuves. Vers 360, aidé par Hilaire, il partit s'installer sur les bords du Clain, à 8 kilomètres au sud de Poitiers, à Ligugé. C'est ainsi que Martin fonda le premier Monastère de la Gaule. Ce couvent était à la fois un lieu de retraite et un centre apostolique qui unissait trois modes de vie : vie solitaire, vie communautaire et vie missionnaire. Martin et ses frères moines logeaient dans de petites cabanes, se rassemblaient pour prier ensemble à certaines heures. A d'autres moments, ils partaient annoncer l'Evangile en soignant les malades, en instruisant les enfants. C'est à cette époque de sa vie qu'il accepta de devenir prêtre. Il acquit une grande réputation de thaumaturge. Deux miracles extraordinaires sont rapportés par Sulpice Sévère : la résurrection d'un catéchumène et celle d'un esclave suicidé. Pendant l'absence de Martin, un jeune catéchumène du monastère de Ligugé mourut subitement sans avoir été baptisé. A son retour, deux ou trois jours après, Martin, très affligé, fit sortir tous les moines de la cellule où se trouvait le corps. Après s'être étendu sur le corps du frère défunt et s'être mis à prier deux heures durant, il vit le jeune homme remuer peu à peu ses membres et entrouvrir les yeux ! Les moines accoururent et découvrirent vivant celui qu'ils avaient laissé mort. Peu de temps après, il ressuscita par sa foi un pauvre serviteur qui s'était pendu. A partir de ce moment-là, le nom de Martin devint célèbre. Les malades et les malheureux affluèrent vers lui.
 
 
VIII Martin évêque
 
A la mort d'Hilaire en 367, les Poitevins n'avaient pas réussi à convaincre Martin de devenir leur évêque. Quelques années plus tard, à la mort de l'Evêque de Tours, les Tourangeaux durent inventer un subterfuge pour l'amener dans leur ville. Un certain Rusticius réussit à tirer le moine de son monastère poitevin en le priant de venir porter secours à sa femme prétendument. Martin consentit à quitter Ligugé. En chemin, il comprit qu'il s'agissait d'un complot, et qu'il avait été enlevé par les tourangeaux pour le conduire à Tours. Poussé par le flot du peuple, Martin fut entraîné vers la cathédrale de Tours, où tous l'acclamèrent, et déclarèrent unanimement : « Martin est le plus digne de l'épiscopat. Heureuse l'église qui aura un tel évêque. » Ce choix populaire se heurta cependant à l'opposition de certains, notamment Defensor, « Défenseur », l'Evêque d'Angers. Ils le décrivaient comme un homme «mal peigné, aux vêtements sales, à la mine pitoyable ». Mais les acclamations du peuple et l'avis des évêques favorables à Martin l'emportèrent sur toute opposition, et l'on commença les préparatifs du sacre. Au début de la cérémonie, le clerc chargé de lire les Psaumes n'avait pas pas pu traverser la foule pour gagner le chœur. Les prêtres s'impatientèrent, l'un des assistants prit le livre de psaumes et lut au hasard le premier passage qu'il trouva : « Tu as reçu des louanges de la bouche des enfants. Tu les places en face de tes adversaires pour détruire l'ennemi et le Défenseur ». A ces mots, le peuple acclama Martin, et ses opposants furent confondus. Martin fut donc élu évêque par la volonté de Dieu le dimanche 4 juillet 371. Devenu évêque, Martin chercha à conserver le plus possible son ancienne vie. Pendant quelque temps, il habita une petite cellule près de la Cathédrale. Mais il avait peu de repos, car les fidèles venaient sans cesse le trouver. Comme il n'arrivait pas à mener la vie monastique qu'il souhaitait, il chercha un lieu de retraite près de Tours, pour concilier les devoirs de sa charge pontificale et les exigences de l'état monastique. Quand il était à Tours pour remplir ses fonctions épiscopales, il s'était ménagé au sein de la cathédrale une cellule pour prier, méditer, et recevoir les pauvres. Un jour, alors qu'il allait célébrer une messe à la cathédrale, l'évêque, renouvelant le geste de la porte d'Amiens, revêtit un pauvre de sa tunique, et dut porter sous son aube une grossière tunique que l'archidiacre avait achetée quelques deniers pour célébrer la messe. Au moment de bénir l'autel, seuls un des prêtres et trois moines virent jaillir de la tête de Martin un globe de feu qui s'éleva dans les airs avec un rayonnement lumineux.
 
 
IX Marmoutier
 
Martin choisit un lieu solitaire et sauvage à 2km en amont de Tours, sur la rive droite de la Loire. C'est là que devait s'établir le grand Monastère de l'Evêque, Marmoutier. Là, il vécut dans une cabane en bois, puis dans une grotte, bientôt rejoint par quatre-vingt disciples venus se former, qui eux aussi, logeaient dans des grottes. Personne ne possédait rien en propre, tout était mis en commun. Les moines n'avaient pas le droit de commercer, le seul art exercé était celui de copiste, ils vivaient dans la solitude, qu'ils rompaient seulement pour prendre leurs repas et prier ensemble. Martin vivait comme ses disciples, il n'avait qu'un lit de cendres dans sa cellule.
 
 
X L'évangélisateur des campagnes
 
Parallèlement, à partir de 375, Martin commença son œuvre d'évangélisation des campagnes, d'abord en Touraine, puis dans toute la Gaule. Il circulait sans escorte, pauvrement vêtu. Il employait toujours la même méthode : destruction des temples païens et des idoles, construction d'une église ou d'un oratoire au même endroit, baptême des paysans et installation d'un prêtre à demeure parmi eux. Il coupait ainsi le paganisme à la racine, et rassemblait les nouveaux chrétiens en une paroisse. Un de ses tous premiers actes fut de détruire un temple païen en forme de pyramide à Amboise, pour en faire la première église rurale de la Touraine. Puis vinrent les paroisses de Langeais, Saunay, Chisseaux, Tournon Saint-Pierre et Candes-Saint-Martin. Un jour, après avoir détruit le temple d'un village, Martin voulut aussi détruire l'arbre sacré, un pin, que les gens du pays vénéraient comme une idole. Les villageois, qui avaient supporté la démolition de leur temple, protestèrent farouchement. Martin ne voulait pas en démordre. Un païen pensa alors l'effrayer en le défiant : « Si tu as quelque confiance en ce Dieu que tu dis adorer, nous couperons nous-mêmes cet arbre, à la condition que tu sois dessous pour le recevoir dans sa chute. Si ton Seigneur est avec toi, comme tu le prétends, tu échapperas. » Martin le prit au mot. Les païens se réjouirent à l'idée qu'il allait écraser leur adversaire ; Ils attachèrent Martin à l'arbre et commencèrent à le couper. Tandis que le pin s'inclinait peu à peu, les disciples de Martin assistaient à la scène avec terreur, ils avaient perdu toute espérance. Mais Martin, confiant dans le Seigneur, attendait avec courage. Soudain, au moment où l'arbre craquait et s'abattait sur lui, Martin leva la main vers lui et fit le signe de la croix ; comme si une tornade se levait tout à coup, l'arbre tomba de l'autre côté, et faillit même écraser les paysans qui se croyaient à l'abri. La foule poussa alors une immense clameur, les moines se mirent à pleurer de joie, et ils se mirent tous ensemble à louer d'une seule voix le nom du Christ. Se rendant de Tours à Chartres pour évangéliser la population, il s'arrêta à Vendôme. Là, une femme se précipita vers lui, son enfant mort dans les bras. Par ses prières, saint Martin ressuscita l'enfant qui fut baptisé sur le champ. Cette résurrection fut la troisième et dernière de saint Martin (deux lorsqu'il était moine, une lorsqu'il était évêque).
 
 
XI Martin en Gaule et en Europe
 
Mais Martin exerça également son action de missionnaire hors de la Touraine. Ses nombreux voyages le conduisirent dans toute la Gaule et en Europe. Martin se rendit une première fois à Trèves au début de son épiscopat pour demander une grâce à l'Empereur Valentinien 1er. Celui-ci avait une épouse arienne, l'Impératrice Justine, qui haïssait le catholicisme et ses défenseurs. Elle réussit à empêcher l'Empereur de le recevoir. Martin jeûna et pria alors jour et nuit pendant une semaine. Puis, il pénétra sans difficulté dans le palais jusque dans l'appartement de l'Empereur. Valentinien, furieux, ne se leva pas devant Martin, comme il en était l'usage devant les grands dignitaires de l'Eglise. Soudain, le feu se déclara dans la chambre, jusqu'au siège de Valentinien, qui fut obligé de se lever et de rendre à Martin l'honneur qui lui était dû. Effrayé par cet accident, et impressionné par Martin, il se jeta à son cou, l'embrassa et lui accorda tout ce qu'il désirait. Martin fut ensuite admis à la table de l'empereur et lui donna des conseils qui exercèrent une grande influence sur lui, puisqu'il protégea ensuite les catholiques malgré les suggestions de sa femme, sans pourtant persécuter les ariens. Le second voyage de Martin à Trèves l'amena dans la capitale des Gaules pour plaider la cause des évêques priscillanistes condamnés à mort par l'empereur Maxime et certains évêques pour hérésie. Au cours d'un dîner à la table de Maxime avec de grands dignitaires de la cour, Martin fut prié de s'asseoir auprès du souverain ; un prêtre qui l'accompagnait se trouvait également près de lui. Au milieu du repas, un serviteur apporta à l'empereur une coupe de vin qui devait circuler parmi les convives selon l'usage. Maxime n'y toucha pas, il la fit d'abord offrir à l'évêque afin de l'honorer. Tout le monde pensait qu'après avoir bu, Martin s'empresserait de rendre la coupe à l'empereur. Nul courtisan n'y eût manqué. Martin n'en fit rien. Il tendit la coupe à son humble compagnon, car il pensait que nulle dignité de la cour, pas même celle de l'empereur, ne pouvait rivaliser avec celle d'un simple prêtre. Maxime fut bouleversé de cette audace, il en félicita chaleureusement l'évêque et tous ses convives firent chorus avec lui. De plus, l'Impératrice Elena, fille de rois bretons, était fascinée par la sainteté de Martin, et le supplia d'accepter un dîner intime, afin d'écouter le sage et de le servir elle-même. Martin devint très populaire à Trèves, profitant de son séjour pour exercer son apostolat et ses bienfaits parmi les habitants de la ville. C'est ainsi que Martin crut obtenir de Maxime la grâce des condamnés. Mais, aussitôt après son départ, l'Empereur, qui avait un caractère faible, se ravisa, et les évêques priscillanistes furent exécutés. Martin se rendit une troisième fois à Trèves pour intervenir à nouveau, lorsque Maxime envoya en Espagne des juges chargés de rechercher, arrêter et exécuter les hérétiques. Horriblement gêné de revoir Martin après avoir manqué à sa promesse, Maxime lui refusa l'entrée de la ville s'il ne se décidait pas à se rallier à sa cause. Martin passa la nuit en prières dans la cathédrale de Trèves, et se représenta le lendemain au palais. Maxime n'osa pas lui refuser audience, mais ne voulut pas céder. Lors d'une seconde audience, l'Empereur, excité par les adversaires de Martin, lui ordonna de céder. Martin résista, et l'empereur, se retirant sans vouloir l'écouter, donna l'ordre d'envoyer les exécuteurs. Prévenu dans la nuit, Martin, violant toutes les règles, fit irruption dans le palais. Il promit à Maxime de communier avec les évêques persécuteurs si les priscillanistes étaient épargnés et les émissaires rappelés. Maxime consentit. Le lendemain, jour du sacre de l'Evêque Félix, Martin participa à la communion avec les évêques présents, bien que beaucoup fussent des persécuteurs des priscillanistes. Même s'il se réjouissait d'avoir sauvé de futures victimes, Martin ne se pardonnait pas d'avoir pactisé avec le parti de la violence. Le lendemain, il partit plein de remords. Sur le chemin du retour, dans un village près de Luxembourg aujourd'hui appelé Niederhanven, il s'arrêta dans la forêt pour méditer sur ces faiblesses. Un ange lui apparut alors et lui dit : « Tu as raison d'avoir des regrets, mais tu ne pouvais en sortir autrement. Reprends tes forces, rallume ton courage, de peur d'exposer, non plus ta gloire, mais ton salut éternel ». Déçu par l'attitude de nombreux évêques, il évita désormais les assemblées d'évêques et n'assista plus à aucun concile. A son retour, il passa par Paris, et son arrivée attira de grandes foules. Au moment où il franchissait la porte de la cité, avant de traverser la Seine au Pont au Change, il aperçut un lépreux à l'aspect repoussant. Il l'embrassa et le bénit ; aussitôt, le mal disparut. Dès le lendemain, il vint à l'église pour se convertir. En souvenir de cette guérison miraculeuse, on construisit une église et une abbaye : Saint-Martin-Des-Champs.
 
 
XII La mort de Martin
 
Le dernier acte de Martin fut encore un acte de réconciliation. Un jour, il apprit avec tristesse que les prêtres chargés de l'église de Candes se disputaient. Alors qu'il avait plus de quatre vingts ans et qu'il se sentait fatigué, il décida de se rendre dans sa communauté pour apaiser les querelles. Il parvint à les réconcilier, ce qui le réjouit. Mais il sentait ses forces le trahir. Il fit alors appeler ses moines et leur annonça qu'il allait partir. Tous accourraient avec inquiétude des abbayes de Marmoutier et de Ligugé, et même des moines de la région, auprès de leur père mourant. Ils s'assemblaient près de lui et pleuraient : « Pourquoi nous abandonnes-tu, Père ? ». Martin ne savait que faire, ne voulant ni abandonner ses frères, ni être plus longtemps séparé du Christ : « Seigneur, dit-il, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse pas le travail. Que votre volonté soit faite ! ». L'état de Martin empira peu à peu. Durant plusieurs jours, il fut en proie à une fièvre ardente. « Il passait les nuits en prières et en veilles, forçant ses membres épuisés à servir son âme, couché sur son beau lit de cendres et couvert d'un cilice…Ses disciples le priant de permettre que l'on glissât au moins sous lui de grossières couvertures ». « Il ne convient pas, dit-il, qu'un chrétien meure autrement que sur la cendre. Moi, si je vous laissais un autre exemple, j'aurais pêché. » Cependant, les yeux et les mains toujours tendus vers le ciel, l'âme invisible, il priait sans relâche. Des prêtres, qui étaient arrivés le soir, insistaient pour qu'il reposât son corps, en changeant de côté : « Laissez-moi regarder le ciel plutôt que la terre, pour mettre dès maintenant mon âme droit dans le chemin qui doit conduire au Seigneur ». Comme il venait de parler, il sentit la présence du démon et il l'apostropha : « Eh bien ! dit-il, pourquoi te tiens-tu ici, bête sanguinaire ? Tu ne trouveras rien en moi qui t'appartienne, maudit. Le sein d'Abraham s'ouvre qui va me recevoir ». En disant ces mots, il rendit l'âme. Des gens qui étaient là, raconte Sulpice Sévère, m'ont attesté qu'ils avaient vu alors son visage transfiguré, « comme le visage d'un ange ». Fraternellement unis auprès de la couche funèbre de Martin, les Poitevins et les Tourangeaux n'avaient cependant pas tout à fait les mêmes désirs. Les premiers ne pouvaient se consoler de ne pas avoir eu Martin comme évêque, et souhaitaient ardemment ramener le corps pour lui élever un tombeau dans leur ville. Ils étaient venus nombreux à Candes et montaient la garde auprès du corps. Mais les Tourangeaux ne désiraient pas moins conserver la dépouille de leur évêque. Ils profitèrent du sommeil des Poitevins pendant la nuit pour déjouer leur surveillance, ils descendirent le cercueil dans un bateau et le transportèrent sur la Loire jusqu'à Tours. Tout le long de son passage, les bords de la Loire se mirent à refleurir : c'est ce que l'on appelle « l'Eté de la Saint-Martin ». Le soir du 9 novembre 397,l'embarcation s'arrêta un peu en aval du vieux Tours gallo-romain, à hauteur de la région des cimetières. Tout le peuple était sorti de la ville et vint acclamer l'évêque défunt. On fit de grands préparatifs et, le 11 novembre, le cercueil de Martin fut mis en terre, devant une foule immense où l'on comptait deux mille moines et une multitude de chrétiens venus de toutes les régions voisines.

 ***

Au registre inférieur: le martyre de St Pierre

 

             Omessa crucifixion St Pierre.jpg

Crucifixion du Prince des Apôtres St Pierre, la tête en bas et dans un environnement citadin (ici avec une perspective tout-à-fait maîtrisée ) , en 64 sous la persécution de Néron: on raconte dans les traditions les plus anciennes qu'il passe les vingt-trois dernières années de sa vie à Rome. Après  l'épisode de son évasion de la Prison Mamertine,

" Prenant la fuite  de peur des persécutions, il rencontre sur la Voie Appienne le Christ, portant sa croix auquel il demande " Quo vadis, Domine?" et qui lui répond: "Je vais à Rome afin d'y être de nouveau crucifié." Pierre, honteux de sa faiblesse, retourne alors à Rome où il subit le martyre en même temps que saint Paul: mais tandis que Paul, citoyen romain, a la tête tranchée, Pierre qui n'est qu'un juif, est crucifié.

Les Pères de l'Eglise enseignaient que saint Pierre, ne voulant pas mourir de la même mort que son divin Maître, avait demandé par humilité, à être crucifié la tête en bas. "

(Louis Réau, in Iconographie de l'art chrétien, p. 1078)

Là encore cette représentation du martyre de St Pierre nous intrigue à Omessa, car San Petru n'apparait pas non plus dans la liste des Saints honorés au Moyen-Âge dans la Pieve de Talcini (cf. G.Moracchini-Mazel in: Les églises romanes de Corse, p. 329)

 

Omessa supplice St Pierre.jpg

L'autel baroque recouvre le bas de la fresque et nous ne pouvons voir qu'une moitié du corps de St Pierre ... On ne sait ce qui sera décidé par la suite : on aimerait découvrir l'ensemble de la fresque mais ce serait fatal pour l'autel baroque ...

Omessa bourreau st Pierre.jpg

A côté de St Pierre, le soldat bourreau s'affaire, grimpé en équilibre instable sur son échelle. Sur la gauche, des monuments à belle perspective évoquent une Rome antique rêvée.

Omessa crucifixion détail droit.jpg

Sur la droite de cette scène, l'on aperçoit un étendard bien difficile à analyser ...  celui de Rome ?

Omessa oriflamme.jpg

 Une sale bestiole dragonnante à mille pattes ? Difficile d'y voir plus clair en attendant une restauration souhaitée : que sera-t-il décidé en "haut lieu" ?. En tous cas une fresque d'une très belle facture . Je suis, quant à moi, sous le charme du visage du mendiant adolescent aux pattes d'oiseau, digne d'un Piero della Francesca ...

 

 Enfin, si vous ne les connaissez pas, découvrez les Chemins de Saint Martin en Europe:

http://viasanctimartini-france.blogspot.fr/

 

 

Je signale, à propos des Chemins de Saint Martin  le très important travail fait par notre ami Christian Andreani à Patrimonio : une nouvelle aventure pour San Martinu en Corse ...

 

Patrimonio : A San Martinu, entre festival de la ruralité et fête ...

 

www.vallendrea.com/.../patrimonio-a-san-martinu-entre-festival-de-la-ru...

 

 

A suivre!