06/01/2013
Temps d'enfance à Valle d'Orezza
A Valle d'Orezza,
Pieve d'Orezza, en Castagniccia
la Sainte Parenté
Dans cette surprenante et belle église de Castagniccia -récemment restaurée par l'atelier de J.C. Torre ( en compagnie de J.Sanguinetti , Loïc Corcuff, J.C. Desrues, Giovanni Pelloso ), parmi les autels baroques de stucs créés par la célèbre famille des RAFFALI au début du XVIII° siècle, voici l'autel dédié à la Sainte Parenté,
surmonté par le médaillon de Saint Joseph, armé de son bâton fleuri. Je salue au passage le joli travail de restauration, car le personnage était fort dégradé et difficilement identifiable , ayant perdu le bâton, son attribut essentiel. La cohésion du discours a guidé le restaurateur...
la fuite en Egypte
tandis que, sur la cuve l'autel, G. Raffali représente dans un médaillon charmant la Fuite en Egypte: Marie et Jésus, juchés sur un âne conduit par le bon Joseph, fuient le Massacre des Innocents, décrété par Hérode.
L'autel accueille une belle toile de la Sainte Parenté peinte par Giuseppe Maria CASALTA, ce peintre corse domicilié à Prunelli di Casaconi, dont on rencontre les oeuvres entre 1687 et 1713 (cf. l'Encyclopédie des peintres actifs en Corse, de Michel-Edouard Nigaglioni). Restauration d'Ewa Poli.
Au centre de la composition Marie présente l'Enfant Jésus sur ses genoux tout en maintenant le jeune Jean-Baptiste,
tendu vers son cousin et porté par sa vieille mère, Elisabeth.
L'Enfant Jésus souriant à Joseph prend une rose parmi la jonchée fraîchement cueillie par son père adoptif. C'est la Trinité terrestre : une tendre "famille recomposée", dirait-on aujourd'hui. Joseph s'incline vers la mère et le fils avec amour et respect.
De l'autre côté de la Vierge, veillant sur le groupe, Sainte Anne (du moins je le suppose) et Joachim, les parents de Marie, les yeux baissés.
Au-dessus de Saint Joseph, un personnage n'appartenant pas à la Sainte Parenté, s'intègre pourtant en douceur dans l'ensemble, s'apprêtant à offrir un fruit à l'Enfant: il s'agit de Saint Simon, portant sur son dos la scie de son martyre - St Simon est vénéré dans cette région de la Pieve d'Orezza .
Un ange vole au-dessus de la courbe des visages, tenant d'une main le bâton fleuri de St Joseph et de l'autre la couronne de la Vierge.
Seule Marie, le visage gracieux, rond et doux,
nous regarde, les yeux bienveillants, un léger sourire sur les lèvres.
Tous les autres personnages couvent du regard l'Enfant Jésus
Ailleurs, le thème de la Sainte Parenté peint par Simon de Chalons en 1543
au Musée Calvet à Avignon
Il s'agit là d'humaniser le mystère de la naissance de Jésus en l'inscrivant dans une famille élargie dotée d'ancêtres, de cousins multiples, bref un tissu familial rassurant qui renforce l'humanité de Jésus.
Sur le thème de la Sainte Parenté ou de la Sainte Famille élargie, je vous renvoie à une note intéressante de ce site:
Les trois maris de Sainte Anne, les sœurs - Biblioweb - Hypotheses
Leonard de Vinci, National Gallery, c. 1507-08: la Vierge avec Ste Anne, Jésus et St Jean-Baptiste
Raphaël, Canigiani Madonna, 1507, Alte Pinacothekde Munich:
Giulio Romano, la Vierge à l' Enfant avec Ste Elisabeth et St Jean-Baptiste, dite "La Petite Sainte Famille" - c.1517-18. Cette peinture est actuellement présentée dans la belle exposition consacrée aux dernières années de Raphaël, au Musée du Louvre.
En Corse à nouveau, le tableau miraculeux de Notre-Dame de Lavasina ( anonyme, XVI° siècle): la Vierge à l'Enfant avec Ste Elisabeth, St Jean-Baptiste et St Joseph ( merci M.E. Nigaglioni!). Cette peinture est à l'origine d'un grand pélerinage très populaire en Corse et de la propagation de cette dévotion sur l'îlecomme
(photo M.E. Nigaglioni)
comme ici à Bastia, église St Charles, cette peinture de Gilbert Bouchez (peintre et professeur de dessin à Bastia entre 1858 et 1874) inspirée de la toile de Notre-Dame de Lavasina.
10:52 Publié dans corse, famille, iconographie des saints, l'art baroque en corse, patrimoine de corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : valle d'orezza, sainte parenté, giuseppe maria casalta, giovanni raffali, sainte anne, saint joseph, sainte elizabeth, saint joachim, fuite en egypte, giulio romano, leonard de vinci, raphaël, notre-dame delavasina | Facebook |
24/12/2012
Bon Natale a tutti!
Au plus fort de la nuit obscure, la lumière de Noël :
nativité et maternité s'offrent au regard.
Et comme dit la chanson:
"C'est l'amour infini"
avec J.S.Bach, Oratorio de Noël, "Schlafe, mein Liebster"
http://youtu.be/F3sBCuK1CIQ
(clic droit, ouvrir le lien)
Après le long prélude de l'Avent où s'enténèbre notre monde, à bout d'espoir et d'énergie , voici l'annonce de la victoire de la fragilité sur la dureté des temps.
à Campana, la Nativité attribuée à Zurbaran (XVII° s.) ou à son école: une toile magnifique, achetée sur le continent et offerte au village de Campana par un habitant du village. L'Enfant Jésus illumine la scène, entouré de la tendre dévotion de Marie, de Joseph, des bergers ... L'agneau aux pattes liées préfigure le sacrifice de l'Agneau pascal et le panier d'oeufs fait partie des offrandes apportées aux jeunes accouchées, promesse de vie, de perfection , de re-naissance (ainsi en va-t-il de l'Oeuf de Pâques) .
Voilà un iconographie plus que rarissime en Corse, du moins dans les grandes toiles de nos églises. Alors que l'on trouve parfois la représentation de la naissance de la Vierge,
comme ici à Canavaggia avec cette scène représentant le premier bain de la petite Vierge Marie, tandis que sa vieille maman Anne reçoit le réconfort d'un oeuf bien reconstituant: Francesco Carli (XVIII° s.)
ou celle de la naissance de St Jean-Baptiste,comme à Nocario
(Giacomo Grandi , XVIII°).
Scènes empruntées à la vie villageoise, un univers féminin, baignée de douceur complice et de gestes tendres, de la part des servantes, amies, "sages-femmes". Le père (ici Joachim) y est simplement invité , toléré .
La nativité de Jésus, elle, est absente des autels, comme si ce thème ne suscitait pas plus que cela l'intérêt des anciens, ou du moins ne relevait pas du même registre. En Corse, la grande communion émotive jaillit naturellement lors de la Semaine Sainte avec la Passion du Christ, sa mort cruelle. La douleur plus forte que la joie ... ?
Les seules représentations de la Nativité se retrouvent sous forme de tableautins dans les toiles du Rosaire, occupant la troisième place des cinq Mystères Joyeux, avant les cinq Mystères Douloureux et les cinq Mystères Glorieux du Rosaire, tels qu'on peut les rencontrer dans de très nombreuses églises de Corse:
comme ici à Aregno, l'autel du Rosaire (début XVII°s.),
et sa Nativité, 3° Mystère joyeux de ce Rosaire.
Sous un format très modeste, tout est dit: le petit Enfant nu et démuni sur la paille sur lequel soufflent le boeuf et l'âne gris, la Vierge en prière et le bon vieux Joseph, le berger portant sa besace et un agneau sur ses épaules ... L'occasion de redire combien l'univers des crèches est populaire, poétique: Joseph a l'air de se chauffer au brasero de ce petit enfant lumineux et sans défenses ...
avec la chanson de Joseph est bien marié:
http://youtu.be/fy7zxwi7fkI
http://youtu.be/o1x1k1hUNao
à Carcheto, ce même Mystère joyeux du Rosaire est peuplé d'anges chantant leur "Gloria in excelsis Deo"
à Muro, cette petite Nativité du Rosaire reçoit la visite d'une solide paysanne, portant un panier d'offrandes sur sa tête et un autre rempli d'oeufs ...
à Nonza, l'Enfant Jésus tend les bras vers sa mère toute souriante, et le bon Joseph couve du regard Marie ...
(Giacomo Grandi, 1757)
à Vallica, le petit Jésus semble fourrer sa menotte dans le chaud museau du boeuf: Marie le veille d'une main et le prie de l'autre, tandis que Joseph tient son baton fleuri de roses, toute une histoire!
La représentation de la crèche est donc, pendant longtemps, limitée à ces petites scènes du Rosaire. En revanche, très tôt on ressent le besoin de représenter la maternité de Marie : la Vierge présentant son Fils dans toute sa fragilité comme une offrande au monde.
C'est la Vierge à l'Enfant, dans sa majesté, un enfant souvent nu et démuni,
comme ici à Castirla, chapelle St Michel, la Vierge présente l'Enfant à l'adoration des fidèles (fresque de la fin XV° s.)
ou à Cambia, chapelle San Chirgu:
fresque de la Vierge à l'Enfant vêtu de pourpre et bénissant.
Par ailleurs, sur de nombreux retables du XVI° siècle, la Vierge occupe le centre des triptyques sur bois, tenant avec tendresse l'Enfant,
comme ici, à Volpajola: la Vierge à l'Enfant sur un trône, entourée de saints et surmontée de l'Annonciation et de la Crucifixion,
ou à Cassano, ce retable sur bois à cinq travées d'Antonio de Calvi - 1505, provenant de l'église Sant'Albano
Cassano, Vierge à l'Enfant, élément central du retable ; à ses pieds, la signature: "Magister Antonius Simonis pinxit, 1505".
Luri, élément central du retable : ici, la Vierge est entourée d'anges musiciens, une iconographie que l'on retrouve souvent et où chante l'harmonie de la scène.
comme ici à Moltifau (élément central du triptyque) où l'Enfant bénit l'humanité
ou à Morosaglia, église Sta Reparata (élément central du triptyque), où l'Enfant Jésus tient sa croix.
Ailleurs toute la tendresse maternelle s'exprime dans ces Vierges allaitantes,
comme à Giocatojo, cette Vierge allaitante (élément central du triptyque): un petit Jésus particulièrement craquant, jouant avec le téton maternel, avec le regard vague du nourrisson repu ...
à Penta di Casinca, le même thème (toile beaucoup plus tardive)
ou à Oletta, avec ce retable signé de Giovan Michele Romano (autour de 1540): la Vierge allaite l'Enfant Jésus entre Sta Réparata et St André. Au-dessus, de part et d'autre de Dieu bénissant, les deux figures de l'Annonciation, Gabriel et Marie.
Cette Vierge à l'Enfant se retrouve au centre des compositions assurant la protection des villageois,
comme ici à Belgodère: la Vierge à l'Enfant en compagnie de St Thomas, st Pierre et des pieux donateurs et donatrices, avec, en prédelle, la Cène - peinture sur bois de Giovanni Battista Aicardo et de Lisandro Castellini, 1595
(merci Michel-Edouard!)
ou comme à Pino, la Vierge à l'Enfant, avec à ses pieds des pinzocole (béguines) entre St Pierre et St François (vers 1520)
Et on la retrouve toujours au centre de la dévotion du Rosaire (comme à Aregno, voir plus haut)
comme ici au hameau d' Incinacce, la Vierge et l'Enfant remettant le Rosaire à St Sylvestre et St Antoine de Padoue
ou accompagnant d'autres dévotions locales, comme ici à Olmi Cappella cette oeuvre populaire, à l'oratoire de la confrérie, où la Vierge allaitante veille sur le martyre de st Pancrace ...
ou comme ici, toujours à Olmi Cappella à l'église paroissiale, dans cette belle remise du Scapulaire à St Simon Stock, en présence de St Jean Baptiste: oeuvre de Marc Antonio De Santis (XVII° s.)
ou ici, à Cateri, avec cette splendide statue de Vierge à la maternité triomphante (art génois, XVIII°s.)
De taille plus modeste, cette charmante Vierge à l'Enfant de Joseph Giordani à Prunu, en 1852
ou celle-ci à Canavaggia de la Vierge à l'Enfant en compagnie du petit Jean Baptiste, d' Anton Santo Benigni (XIX°s.)
***
Revenons à l'esprit de Noël: il faudra attendre le début du XX° siècle pour voir arriver dans les églises de Corse les premières crèches, plus ou moins grandes selon la fortune des villages, amenées par l'expérience des Corses du continent et des crèches provençales en particulier. Une coutume qui se développe avec la statuaire de plâtre bon marché: aujourd'hui chaque village met son point d'honneur à dresser sa crèche le moment venu, composant ce reposoir particulier de Noël, éphémère et joyeux qui fait pendant aux reposoirs éphémères et douloureux de la Semaine Sainte.
la crèche de Corbara: un gros travail de costume et de mise en place pour les dames dévouées de la paroisse
Marie et l'ane ...
à Sta Reparata di Balagna, les grands personnages de la crèche sont installés sous une voûte près de l'église
la douce Marie
Joseph
Dans certains villages l'on joue le mystère de la Nativité: quoi qu'il en soit, tout sera fait pour renouer avec l'esprit d'enfance qui l'accompagne, lors des veillées, même en l'absence de messes. Les chants quant a eux cimenteront ce partage.
Je vous renvoie aux belles pages de Pierre-Jean Luccioni et Ghjaippina Giannesini dans Tempi Fà (fêtes religieuses, rites et croyances populaires de Corse, chez Albiana) consacrées à cette fête de Noël.
fête de la lumière qui renait après le solstice d'hiver, (comme ici avec le lumineux Bambinu de Campana)
(ou avec u Bambinu de Castifau )
lumière nouvelle symbolisée par les feux de Noël que l'on achève de préparer à l'heure où je termine cette note ...
à Speloncato, la cabane 2012
Bon Natale a tutti!
avec Alessandro Scarlatti:
http://youtu.be/d8JxIM4dn_E
(clic droit, suivre le lien)
Avec J.S. Bach:
http://www.youtube.com/watch?v=QKNoHAxuqBo&feature=share&list=PLhc5Cv2DoUKnl71Xaga2xdIdATHxcHGNO
http://www.youtube.com/watch?v=N9XObSQXXII&feature=share&list=PLhc5Cv2DoUKnl71Xaga2xdIdATHxcHGNO
http://www.youtube.com/watch?v=7L459WQ03c4&feature=share&list=PLhc5Cv2DoUKnl71Xaga2xdIdATHxcHGNO
08:24 Publié dans corse, esprit d'enfance, iconographie des saints, patrimoine de corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : natale, noêl, nativité, oratorio de noel bach, maternité, crèches, feux de noêl | Facebook |
25/11/2012
Ste Catherine d'Alexandrie, 25 novembre
Sainte Catherine d'Alexandrie
Santa Catarina
quelques témoignages en Corse
à Loriani, petit village de la Castagniccia, dans l'église sainte Catherine,
cette toile très intéressante représentant
le martyre de sainte Catherine
(voir en fin de note le récit de Jacques de Voragine dans " La Légende dorée)
en résumé :
Sainte Catherine, s'étant vouée au Christ, refuse d'épouser l'empereur Maxence et de sacrifier aux dieux. Mieux, elle sort victorieuse d'une célèbre dispute avec les plus sages de l'entourage de Maxence, une cinquantaine de philosophes et d'orateurs qu'elle parvient à convertir ... C'est que, on le sait, les Catherines sont de grandes intellectuelles! Maxence après l'avoir longuement emprisonnée sans nourriture la voue au martyre par le supplice des roues dentées de pointes acérées de fer: mais l'intervention divine brise en éclats la machine infernale qui se retourne contre les bourreaux et l'assistance ... Pour en finir il faudra tout de même décapiter notre redoutable, brave et coriace sainte Catherine ... et de son cou jaillit du lait
notre sainte Catherine en son martyre opère bien malgré elle un miracle sanglant
avec l'aide d'un angélique Exterminator: avis aux malveillants!
Cette belle toile porte une signature ( Marc Antonio De Santis, le peintre napolitain installé à Bastia) et une date surprenantes (1655): peut-être G. Grandi l'a-t-il, un siècle plus tard, reprise ?
Des références hors de Corse de cette scène:
vue par Masolino da Panicale (début XV°s.)
à l'église San Clemente de Rome
ou par Lucas Cranach (XVI° s.), avec toute sa féroce sensualité ...
Revenons en Corse:
à Nonza (Cap Corse), la Vierge et l'Enfant, entourés de St Antoine Abbé et st Jean-Baptiste
remettent le Rosaire à st Dominique, ste Catherine d'Alexandrie (présentant à la Vierge pour requérir sa protection, un vaisseau battant pavillon génois), Pie V, Philippe II, Don Juan d'Autriche , la reine Anne d'Espagne etc ...
Ici, Sainte Catherine a revêtu des vêtements royaux, signalant sa noblesse .
à la chapelle à fresques de San Pantaleu de Gavignano, le détail représentant Ste Catherine au côté de San Pantaleu. Cette chapelle fait l'objet d'une restauration cette année.
le beau visage pensif de Catherine, détail
à la chapelle Santa Cristina ( Valle di Campoloro), Santa Cristina tient la palme de son martyre,
tandis qu'à San Tumasgiu di Pastureccia (Rustinu), Catherine fait partie des six saints intercesseurs,
du moins ce qu'il en reste ...
La roue a disparu, mais reste le bâton de son supplice.
Hélas, la restauration prévue n'a toujours pas démarré et l'eau qui ruisselle a continué son oeuvre destructrice. Aux dernières nouvelles, le toît a reçu quelques rafistolages de lauzes en attendant mieux: incompréhensible pour l'une des plus belles fresques de Corse!
Un dernier thème:
le mariage mystique de Sainte Catherine
ici représenté à Sant Antonino (Balagne) - avec la donatrice à ses pieds : on sait que l'attribut traditionnel de Sainte Catherine d'Alexandrie est la roue de son martyre, qui est symbolisé ici par l'anneau de son mariage à Jésus.
... et le même thème peint par Hans Memling vers 1480 (Nationam Gallery of Art, New York).
Et maintenant, pour les plus courageux, La Légende dorée de Jacques de Voragine:
( http://fr.wikisource.org/wiki/La_L%C3%A9gende_dor%C3%A9e/Sainte_Catherine)
(25 novembre)
SAINTE CATHERINE, vierge et martyreCatherine, fille du roi Coste, fut instruite dès son enfance dans tous les arts libéraux. Lorsque l’empereur Maxence convoqua à Alexandrie tous les habitants de la province, riches et pauvres, pour sacrifier aux idoles. Catherine, qui avait alors dix-huit ans, et qui était restée seule dans son palais avec de nombreux serviteurs, entendit un jour un grand bruit mêlé de chants et de gémissements. Elle demanda d’où cela provenait ; et quand elle le sut, prenant avec elle quelques serviteurs et se munissant du signe de la croix, elle se rendit sur la place, où elle vit de nombreux chrétiens qui, par peur de la mort, se laissaient conduire aux temples pour y sacrifier. Blessée de cette vue jusqu’au fond de son cœur elle aborda audacieusement l’empereur et lui dit : « Je viens te saluer, empereur, à la fois par déférence pour ta dignité et parce que je veux t’engager à t’éloigner du culte de tes dieux pour reconnaître le seul vrai créateur ! » Puis, debout devant la porte d’un temple, elle se mit à discuter avec Maxence, conformément aux diverses modes du syllogisme, par allégorie et par métaphore. Après quoi, revenant au langage commun, elle dit : « Je me suis adressée jusqu’ici au savant, en toi. Mais à présent, dis-moi comment tu as pu rassembler cette foule pour célébrer la sottise des idoles ! » Et comme elle démontrait savamment la vérité de l’incarnation, l’empereur, stupéfait, ne sut d’abord que lui répondre. Enfin il lui dit : « Ô femme, laisse-moi achever le sacrifice, et ensuite je te répondrai ! » Et il la fit conduire dans son palais, où il ordonna qu’elle fût soigneusement gardée : car il avait été très frappé de sa science et de sa beauté. Catherine était en effet d’une beauté merveilleuse, que personne ne pouvait voir sans en être ravi.
Après la fête, l’empereur se rendit au palais et dit à Catherine : « J’ai entendu ton éloquence et admiré ta sagesse ; mais, absorbé comme je l’étais par la cérémonie, je n’ai pas pu pleinement comprendre tout ce que tu disais. Dis-moi donc à présent qui tu es ! » Et elle : « Je suis Catherine, fille du roi Coste. Née dans la pourpre, et élevée dès l’enfance dans les arts libéraux, j’ai dédaigné tout cela pour me réfugier auprès de mon Seigneur Jésus-Christ. Et quant aux dieux que tu adores, ils ne sauraient secourir ni toi, ni personne ! » Et l’empereur : « Je le vois, tu cherches à nous décevoir par ta pernicieuse éloquence, en t’efforçant d’argumenter à la manière des philosophes ! » Et, comprenant qu’il ne parviendrait pas à lui répondre lui-même, il manda en grande hâte, à Alexandrie, tous les grammairiens et rhéteurs du temps, leur promettant de grandes récompenses s’ils parvenaient à réfuter la jeune fille. Il en vint ainsi plus de cinquante, tous fameux dans les sciences de ce monde. Et comme ils demandaient pourquoi on les avait fait venir de régions si lointaines, l’empereur répondit : « C’est que nous avons ici une jeune fille d’une sagesse et d’un esprit incomparables, qui réfute tous les savants, et prétend que tous nos dieux ne sont que des démons. Réfutez-la, et je vous renverrai chez vous chargés d’honneurs et de présents ! » Alors un des orateurs s’écria : « Ô étrange projet, de rassembler tous les savants des quatre coins du monde pour tenir tête à une jeune fille que le moindre de nos clients réduirait au silence ! » Et l’empereur : « Je pouvais en vérité la contraindre à sacrifier aux dieux, ou la châtier en cas de refus ; mais j’ai jugé meilleur qu’elle fût confondue par vos arguments. » Alors les orateurs : « Qu’on amène donc en notre présence cette jeune fille, afin qu’elle avoue sa témérité, et reconnaisse n’avoir même jamais vu de vrais savants ! »
Mais,Catherine, en apprenant le combat qui se préparait pour elle, se recommanda au Seigneur ; et un ange descendit vers elle pour l’engager à la fermeté, lui affirmant que, non seulement elle ne serait pas vaincue par ses adversaires, mais que même elle les convertirait et leur procurerait la palme du martyre. Amenée en présence des orateurs, elle dit à Maxence : « De quel droit opposes-tu cinquante orateurs à une seule jeune fille ? et pourquoi promets-tu de les récompenser, en cas de victoire, tandis que tu me forces à lutter sans espoir de récompense ? Mais j’aurai ma récompense dans mon Seigneur Jésus-Christ, espoir et couronne de ceux qui luttent pour lui ! » Les orateurs lui dirent alors que c’était chose impossible qu’un Dieu devînt homme et connût la souffrance. Mais elle répondit en leur montrant que les païens eux-mêmes avaient prédit l’incarnation du Christ. La Sibylle n’avait-elle pas dit : « Heureux le Dieu qui pend sur une croix de bois ! » Et Catherine continua de discuter ainsi avec les orateurs » les réfutant par des raisons évidentes, jusqu’à ce que, stupéfaits, ils ne surent plus que lui dire. Alors l’empereur, furieux, leur reprocha de se laisser vaincre honteusement par une jeune fille. Et l’un de ces orateurs, qui était le plus savant, et parlait au nom de ses confrères, dit : « Tu sais, empereur, que personne jamais n’a pu nous résister ; mais c’est l’esprit même de Dieu qui parle en cette jeune fille ; et elle nous a remplis d’une telle admiration que nous n’osons plus dire un, seul mot contre ce Christ qui nous apparaît désormais comme le seul vrai Dieu ! » Ce qu’entendant, l’empereur, exaspéré, les fit tous brûler au milieu de la ville ; et Catherine, en même temps qu’elle les réconfortait, achevait de les instruire des vérités de la foi. Et, comme ils se plaignaient d’avoir à mourir sans être baptisés, elle leur répondit : « Soyez sans crainte, car l’effusion de votre sang vous tiendra lieu de baptême ! » Alors, s’étant munis du signe de la croix, ils furent précipités dans les flammes ; et ils rendirent leurs âmes de telle façon que ni leurs cheveux, ni leurs vêtements, ne furent touchés par le feu.
Pendant que les chrétiens s’occupaient de les ensevelir, Maxence dit à Catherine : « Noble jeune fille, aie pitié de ta jeunesse, et je te ferai impératrice dans mon palais, et le peuple entier adorera ton image, au milieu de la ville ! » Mais elle : « Cesse de dire des choses dont la pensée même est un crime. J’ai pris le Christ pour fiancé, lui seul est ma gloire et mon amour ; et ni caresses ni tourments ne pourront me détourner de lui ! » L’empereur la fit alors dépouiller de ses vêtements ; il la fit frapper de griffes de fer, puis, l’ayant jetée dans une obscure prison, il ordonna que pendant dix jours on la laissât sans nourriture.
Là-dessus, l’empereur se vit forcé de se rendre dans une autre province. Or sa femme, qui avait pour amant un officier nommé Porphyre, vint, la nuit, dans la prison de Catherine. Et, y étant entrée, elle vit la cellule remplie d’une clarté immense, et elle vit que les anges pansaient les plaies de la prisonnière. Et celle-ci, s’étant mise à lui décrire les joies éternelles, la convertit et lui prédit la couronne du martyre. Ce qu’apprenant, Porphyre alla se jeter, lui aussi, aux pieds de Catherine, et il reçut la foi du Christ avec deux cents de ses hommes.
Quand l’empereur revint, douze jours après son départ, il se fit amener la jeune fille, qu’il s’attendait à voir anéantie par ce jeûne prolongé. La voyant au contraire resplendissante de vie, il soupçonna que quelqu’un l’avait nourrie, dans sa prison, et décréta que ses gardiens fussent mis à la torture. Mais Catherine : « Aucun être humain ne m’a nourrie, mais bien le Christ par l’entremise de ses anges. » Alors l’empereur, plus frappé que jamais de sa beauté, lui proposa, une fois de plus, de l’élever au trône avec lui. Et comme elle s’y refusait, il lui dit : « Choisis entre deux choses, ou bien de sacrifier aux idoles, et de vivre, ou bien de mourir dans des tourments effroyables ! » Et elle : « Quelques tourments que tu puisses imaginer, n’hésite pas à me les infliger, car j’ai soif d’offrir ma chair et mon sang à Jésus, qui a offert pour moi sa chair et son sang ! Lui seul est mon Dieu, mon maître, mon mari et mon amant ! » Alors un préfet conseilla à l’empereur de faire préparer quatre roues garnies de pointes de fer, et de s’en servir pour déchirer les chairs de Catherine, de façon à épouvanter, par un tel exemple, les autres chrétiens. Et l’on décida que, de ces quatre roues, où l’on attacha la sainte, deux seraient poussées dans un sens et deux dans un autre, pour que les membres de Catherine fussent arrachés et broyés en morceaux. Mais la sainte pria Dieu que, pour la gloire de son nom et pour la conversion des assistants, il anéantît cette affreuse machine. Et voici qu’un ange secoua si fortement la masse énorme des quatre roues, que quatre mille païens périrent écrasés.
En ce moment l’impératrice, qui avait assisté à la scène du haut du palais, s’enhardit à descendre, et reprocha à son mari tant de cruauté. Le roi lui fit arracher les mamelles, puis trancher la tête. Et l’impératrice, allant au martyre demanda à Catherine de prier pour elle. Et Catherine : « Sois sans crainte, princesse aimée de Dieu, car ta royauté passagère va se changer aujourd’hui en une royauté éternelle, et en échange d’un mari mortel tu en acquerras un immortel ! » Sur quoi, l’impératrice, raffermie, encouragea ses bourreaux à exécuter leur mission. Ils la conduisirent donc hors de la ville, lui arrachèrent les mamelles avec des pointes de fer et lui coupèrent la tête. Et Porphyre, recueillant ses restes, les ensevelit.
I. Le lendemain, Maxence envoya au supplice les bourreaux de sa femme, qu’il soupçonnait d’avoir dérobé le corps de celle-ci. Mais Porphyre, s’élançant au milieu de la foule, s’écria : « C’est moi qui ai enseveli la servante du Christ, ayant reçu comme elle la foi chrétienne ! » Maxence, fou de douleur, poussa un rugissement terrible et s’écria : « Malheureux que je suis ! voici maintenant que Porphyre lui-même s’est laissé séduire, mon seul confident, le seul en qui j’avais confiance ! » Et comme il le dénonçait à ses soldats, ceux-ci répondirent : « Nous aussi, nous sommes chrétiens et prêts à mourir ! » Sur quoi, l’empereur, ivre de rage, les fit tous décapiter ainsi que Porphyre, et ordonna que leurs restes fussent jetés aux chiens.
Puis, se tournant vers Catherine : « Bien que, par tes sortilèges, tu aies causé la mort de l’impératrice, je t’offre encore, cependant, de devenir la première dans mon palais ! » Et comme, de nouveau, elle repoussait son offre avec indignation, il la condamna à être décapitée. Or, pendant qu’on la menait au supplice, elle dit, les yeux levés au ciel : « Espoir et salut des croyants, honneur et gloire des vierges, Jésus, mon bon maître, exauce ma prière ! Fais en sorte que toute personne qui m’invoquera, soit à l’heure de la mort ou dans le danger, se trouve secourue en souvenir de ma passion ! » Et une voix, du haut du ciel, lui répondit : « Viens, ma chère fiancée, les portes du ciel sont ouvertes devant toi. Et à ceux qui célébreront pieusement ton martyre je promets le secours qu’ils demanderont ! » Après quoi la sainte eut la tête tranchée, et de son corps jaillit du lait au lieu de sang. Et des anges, recueillant ses restes, les transportèrent de ce lieu sur le mont Sinaï, où ils ne l’ensevelirent que vingt jours après. Aujourd’hui encore, une huile miraculeuse découle de ses os, qui guérit aussitôt les membres affaiblis. Sainte Catherine fut martyrisée vers l’an du Seigneur 310. Quant à la façon dont Maxence fut puni de ce crime et des autres qu’il avait commis, nous l’avons racontée déjà en traitant de l’Invention delà Sainte Croix [1].
III. Un moine de Rouen s’était rendu au mont Sinaï, et, pendant sept ans, avait pieusement prié sainte Catherine. Au bout de ce temps, il demanda à la sainte la grâce de posséder un fragment de ses reliques ; et aussitôt de la main de la sainte se détacha un doigt, que le moine emporta joyeusement dans son monastère. – Un autre moine, après avoir eu longtemps une dévotion spéciale pour sainte Catherine, avait peu à peu négligé d’invoquer la sainte. Or un jour, étant en prière, il vit passer devant lui une troupe de vierges dont l’une, en l’approchant, se détourna et se couvrit le visage. Et comme il demandait à ses compagnes qui elle était, une d’elles lui répondit : « C’est Catherine, que jadis tu connaissais bien ! Mais comme maintenant tu parais ne plus la connaître, elle s’est voilé le visage en t’apercevant, pour passer près de toi comme une inconnue ! »
IV. Certains auteurs se demandent si, au lieu de Maxence, ce n’est pas plutôt Maximin qui a présidé au martyre de sainte Catherine. Il y avait alors trois empereurs : 1° Constantin, qui avait succédé à son père ; 2° Maxence, fils de Maximilien, élu à Rome par les soldats ; 3° Maximin, proclamé César en Orient. Et, suivant les chroniques, Maxence persécutait les chrétiens à Rome, pendant que Maximin les persécutait en Orient. On suppose donc qu’il y aura eu, dans le premier récit du martyre de sainte Catherine, une faute d’écriture, et que c’est Maximin qu’on doit lire au lieu de Maxence."
Epilogue:
" Cath’rine était chrétienne
Bibiboum bidiboum bidi boum boum boum
Cath’rine était chrétienne
sont père ne l’était pas Ah ah ! Ah ah ! (bis)
son père ne l’était pas
Un jour dans sa prière
Bibiboum bidiboum bidi boum boum boum
Un jour dans sa prière
son père la trouva Ah ah ! Ah ah ! (bis)
son père la trouva
Que faites-vous ma fille
dans cette pose là
Je prie Dieu mon père
que vous n’connaissez pas
Relevez-vous ma fille
ou bien l’on vous tuera
Tuez-moi donc mon père
mais je n’faillirai pas
Le roi dans sa colère
d’un glaiv’ la transperça
Les anges descendirent
chantant alléluia
Les démons accoururent
et enfourchèrent le roi
Cette histoire est trop triste
on n’la r’commenc’ra "
15:04 Publié dans iconographie des saints, patrimoine de corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : iconographie de sainte catherine | Facebook |
15/11/2012
Flore de l'Agriate: annonce de la 5ème journée de l'Agriate
5 ème journée de l'Agriate consacrée à la flore
Je relaie bien volontiers cette information transmise par Isabelle
Guyot, chargée de Mission pour l'Agriate:
" Le Département de la Haute-Corse, le Conservatoire du littoral et l'association 'les amis des Agriate' ont le plaisir de vous annoncer que la 5ème journée de l'Agriate se déroulera le 24.11.2012 à partir de 10h30 au camping de l'Ostriconi et sera consacrée à la flore du territoire (voir affiche en pièce jointe).
Seront abordées :
- les plantes aromatiques et leurs principaux usages, avec Stéphanie Orsini de l'Association "Fior' di vita", et Stan Leclercq et Julien Fauconnier de l'Association balanine d'agroécologie "Una Lenza da annacquà", qui feront sur place une distillation d'huile essentielle de lentisque,
- les espèces endémiques, les plantes protégées, la flore d'intérêt patrimonial et les plantes introduites (et invasives) du site avec Alain Delage du Conservatoire Botanique National de Corse (Office de l'Environnement).
Une petite randonnée est prévue à partir de 13h30 pour découvrir la flore des dunes et des zones humides du site.
Pour les personnes souhaitant participer à l'intégralité de la journée, il faut prévoir un pique nique, des chaussures confortables et si possible des bottes pour la traversée des cours d'eau."
Isabelle Guyot me confirme par ailleurs, suite à la récente note sur la ferme d'Ifana, que " le Conservatoire du littoral a l'intention de remettre en valeur ce beau site, avec l'installation sur place d'un agriculteur (...), et pour cela actuellement un groupe d'architectes et dingénieurs travaillent au projet de restauration des bâtiments."
Voici des informations réconfortantes!
(à suivre)
10:52 Publié dans corse, environnement en Corse, fleurs, patrimoine de corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : agriate, flore corse, ifana, conservatoire du littoral | Facebook |
08/10/2012
7 Octobre 2012
Hier 7 Octobre,
on a aussi fêté en Corse
Notre-Dame du Rosaire
à Costa, le Rosaire du Maître-autel (dit du "Maître de Feliceto", début 18° siècle)
(détail: les Mystères glorieux)
... selon Heinrich Ignaz Franz von BIBER (les Sonates du Rosaire: merveille! ) - clic droit pour ouvrir les liens -
l'Ascension:
et le Couronnement de la Vierge:
à Vallica, le Rosaire de Giacomo Grandi (milieu 18° siècle)
Ce même jour a été choisi pour la commémoration de la Bataille de Lépante
(7 Octobre 1571)
avec un genre musical à la mode après la Bataille de Lépante ... bien servi par les fameuses chamades des orgues d'Espagne ... ou du Nouveau Monde .
Donc, quelques batailles bien tonitruantes :
1°/Batalla du mexicain Joseph de Torrez Y Vergara (1661-1727). Joué sur l'orgue baroque de la Cathédrale de Mexico:
2°/ la Batalha Famoza, de Pedro dal Araujo
par Tonne Koopman à l'orgue de style espagnol de l'église Saint Lambert, Woluwé Saint Lambert près de Bruxelles en Belgique
et la Batalla du 5° Ton de Juan Cabanilles, à l'orgue de la Cathédrale de Tolède:
et une autre, la Batalla Imperial sur l'orgue de Segovia:
et encore Cabanilles sous la direction de Jordi Savall:
etc, etc ...
Je vous invite à retrouver la note de l'an dernier sur ce sujet :
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/10/07/aiti-la-devotion-du-rosaire-et-la-bataille-de-lepante.html
Enfin, le Pape Benoît XVI a également choisi la date du 7 Octobre 2012 pour nommer la grande mystique du XII° siècle Hildegarde de Bingen docteure de l'Eglise : à suivre!
18:21 Publié dans corse, patrimoine de corse, spiritualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rosaire, bataille de lépante, batailles à l'orgue | Facebook |