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04/03/2010

U Ped'Orezza , Pieve d'Orezza, en Castagniccia

 
Santa Maria Assunta di U Ped'Orezza
Depuis les hautes maisons schisteuses du petit village de U Ped'Orezza (Pied'Orezza), vue plongeante sur sa chapelle romane, au milieu du cimetière communal.
Santa Maria Assunta de Ped'Orezza blog.jpg
Un beau chemin dallé nous y conduit , accompagné, ce 28 février, par le chant énergique du ruisseau qui dévale de la montagne : on peut également y accéder en voiture, en prenant la petite route qui part sur la gauche, après avoir dépassé le village de Ped'Orezza (en venant de Piedicroce, sur la D 71).
Ped'Orezza lavoir blog.jpg
le lavoir communal
Ped'Orezza village blog.jpg
On aura demandé au préalable la clé au village, gardée à l'église paroissiale.
 Les terrasses , comme le lavoir et le chemin dallé témoignent de la vie du village ...
Ped'Orezza chemin dallé et pont blog.jpg
Un petit pont trapu franchit le ruisseau peu avant d'arriver au cimetière et à la chapelle.
Ped'Orezza chapelle côté abside blog.jpg
 
Le chevet de Santa Maria Assunta , comme il se doit, orienté à l'Est.
Les maçonneries ont connu de nombreuses réfections. Geneviève Moracchini Mazel ("Les églises romanes de Corse", page 316) ) propose  le IX ° siècle pour la datation la plus ancienne.
 
Ped'Orezza ensemble avec charpente blog.jpg
Cette petite chapelle accueille ses fidèles pour la fête du 15 Août: les dames du villages auront alors pris soin de lui faire une beauté, nettoyage énergique et fleurs ... Aujourd'hui, Santa Maria Assunta nous accueille en silence sous sa belle charpente.
"(...) l'autel est placé sous une abside peinte (...)" Mgr Mascardi, 1589 (in "Les églises romanes", G. Moracchini Mazel).  Les peintures ont beaucoup souffert et sont  en grande partie cachées sous un badigeon au lait de chaux.
Ped'Orezza Thomas et Matthieu blog.jpg
Seuls deux personnages actuellement découverts, malgré leur décoloration , habitent le lieu de leur présence:
Ped'Orezza visages de Thomas et Matthieu blog.jpg
il s'agit des apôtres  saint Thomas et de saint Mathieu, en grande conversation ...  Thomas, chauve et barbu, semble expliquer d'un index convainquant quelque chose d'important à son ami  Mathieu:  menton glabre, longue chevelure blonde  de Mathieu, grands yeux attentifs donnent une douceur particulière à ce personnage juvénile ...
Ped'Orezza main et livre de Mathieu blog.jpg
Les deux saints portent à la main un livre fermé : la Parole à transmettre ...
D'autres éléments de décor apparaissent çà et là sous le badigeon :
Ped'Orezza fenêtre abside blog.jpg
ici, la fenêtre de l'abside.
"Nous avons repéré des peintures à fresque sous le crépi de l'abside (...)  les peintures se poursuivent vraisemblablement sur le mur oriental et au départ des murs latéraux " (p. 316 in : Les églises romanes" de G.M.M.)
 
il serait vraiment dommage que l'on ne puisse découvrir l'ensemble de ce qui reste de ces fresques, certes naïves, mais tellement vivantes ...
Ped'Orezza Autel et Vierge blog.jpg
Sous l'arc de l'abside, un très joli autel baroque et son décor raffiné de stucs : la Vierge de l'Assomption  .
Cette chapelle, malgré sa modestie,  connaîtra bientôt le sort enviable de ses grandes soeurs, et fait partie de la troisième tranche de l'ambitieux programme de restauration par la Collectivité Territoriale de Corse des chapelles à fresques de l'île ...
 
 
 

03/12/2009

restaurations des chapelles à fresques en Corse

Où en sont les travaux et les projets de restauration des fresques ?
affiche carrousel Louvre vov 2009.jpg 
Début novembre se tenait à Paris, au Carrousel du Louvre,
le SALON INTERNATIONAL DU PATRIMOINE CULTUREL.
La Corse était présente et témoignait des efforts de la Collectivité Territoriale pour sauvegarder le  patrimoine de l'île ...
IMG_7807.JPG
( à Santa Cristina, dernière visite le 17 novembre 2009: un chantier aujourd'hui achevé et magnifiquement conduit par l'équipe de Michel Hébrard, d'Avignon)

PROGRAMME DE SAUVEGARDE ET DE RESTAURATION DES CHAPELLES À FRESQUES INSULAIRES

La Corse dispose d’un ensemble de chapelles à fresques d’une richesse exceptionnelle, menacé de dégradations irréversibles voire de disparition.
C’est pourquoi, dès 2007, la CTC a engagé un ambitieux programme de sauvegarde et de restauration sur 14 édifices aux décors monumentaux conservés datés entre la fin du XIVe siècle (Sainte Marie des Neiges à Brando) et le début du XVIe siècle (San Tumasgiu di Pastureccia à Castello di Rostino). Ces chapelles, situées sur les communes d’Aregno, Brando, Calvi, Cambia, Castello di Rostino, Castirla, Favalello, Furiani, Gavignano, Murato, Pied’Orezza, Pruno, Sermano, Valle di Campoloro seront restaurées d’ici la fin 2010.

Le Salon du Patrimoine 2009 est l’occasion pour la CTC de présenter à travers une vidéo-projection, l’ensemble du projet et notamment les 4 chapelles actuellement en cours de restauration :
- Sainte Christine à Valle di Campoloro,
- Saint Nicolas à Sermano,
- Notre Dame des Neiges à Brando,
- San Quilicu à Cambia.

La chapelle Sainte-Christine de Valle-di-Campoloro est classée aux Monuments Historiques depuis 1875, les peintures murales de son abside ont été classées en 1900. Cet édifice, un des monuments majeurs de Corse, est situé en contrebas du village dans un cimetière qui n’est plus utilisé, avec des tombes relativement anciennes.
Elle possède un plan très particulier, comportant une nef d’aspect traditionnel conduisant à une sorte de transept largement débordant, équipé de 2 absides orientales jumelées. Le chevet de la chapelle est également orné d’un ensemble remarquable de peintures datées de 1473 qui est parvenu à nous pratiquement complet malgré de nombreuses dégradations. Par ailleurs, il s’agit d’une des rares chapelles en Corse dont la construction est bien connue, puisque la date de 1470 est gravée sur le linteau de la porte sud du transept.

La chapelle Saint-Nicolas de Sermano est située à quelques centaines de mètres en contrebas du village. Seul un chemin escarpé permet d’y accéder. L’édifice, classé Monuments Historiques le 16 octobre 1992, a été édifié à une date difficile à déterminer de l’époque médiévale (XIVe ou XVe siècle). Il présente toutes les caractéristiques traditionnelles des chapelles construites en Corse sous domination pisane, avec un plan rectangulaire achevé par une abside semi-circulaire orientée. Plus tard, un campanile maçonné abritant une cloche sous son arcature a été implanté à l’aplomb du mur oriental de la nef, sur le côté nord du monument.

La chapelle Santa-Maria di e Neve (ou Notre-Dame des Neiges) de Brando est classée aux Monuments Historiques depuis 1976, les peintures murales classées en 1958.
Elle est facilement accessible aux visiteurs, mais le plus souvent fermée et son aspect intérieur semi-abandonné surprend en regard de la qualité architecturale du site composé des 3 églises du village. L’édifice, construit à l’époque romane avec une nef rectangulaire et une abside demi-ronde, conserve quelques-unes des plus anciennes fresques de Corse, et celles qui sont les mieux documentées sur leur commanditaire, Domina Benedicta, fille d’une puissante famille de Gènes, et sur leur créateur, le peintre Maestro Giovani originaire de Recco, qui reçut commande du travail en 1386.

La chapelle San-Quilicu de Cambia est classée aux Monuments Historiques depuis 1983, le meuble de sacristie depuis 1975. Elle est située en contrebas du hameau du même nom. On y accède par un sentier abrupt, qui débouche sur une clairière boisée et un enclos abritant le monument.
Remarquable par son aspect extérieur avec ses façades entièrement appareillées, et par l’ensemble de ses décors intérieurs (peintures murales, statuaire, décors de stucs et mobiliers de grande qualité), elle fait partie des édifices religieux médiévaux majeurs de Corse. Un campanile de la fin de l’époque médiévale, élevé à l’aplomb de l’arc triomphal sur le côté sud, et une clôture d’abside de l’époque baroque, sont les 2 principaux ouvrages rapportés à la construction d’origine, dont le projet ambitieux prévoyait un clocher porche, comme celui de San-Michele de Murato.

Les travaux de remise en état de ces 4 chapelles, d’un montant de près de 2 M€ s’achèveront début 2010. La poursuite de la restauration des chapelles à fresques aboutira fin 2009 à l’engagement de 6 opérations nouvelles constituant la 2nde tranche fonctionnelle de cet ambitieux programme de sauvegarde du patrimoine insulaire :
- l’église de la Trinité d’Aregno
- l'église Saint Thomas de Pastureccia, à Castello di Rostino
- l’église Saint Michel de Castirla
- l’église Saint Pantaléon de Gavignano
- l’église Saint Michel de Murato
- l’église Santa Maria Assunta, à Pruno

La CTC assurera la direction des travaux de conservation dont la livraison est prévue fin 2010
."

(Document de la CTC)


IMG_7913.JPG

 

Dernière visite hier, 2 décembre, à la petite chapelle de Castirla, en attente de sa prochaine restauration: toujours interdite au public, le toît menaçant de s'écrouler est toujours solidement bâché: en espérant que cette petite merveille d'art populaire sera attribuée à un atelier réellement compétent ... Le travail de restauration des fresques a un prix, celui du savoir-faire et du temps nécessaire pour l'exercer: gare aux devis trop légers qui annoncent souvent des travaux bâclés ...

(à suivre)



27/06/2009

Muratu, San Michele: l'intérieur de l'église, suite 14

L' intérieur de San Michele de Murato

(Pour clore ces notes regroupées sur San Michele di Muratu,

à nouveau quelques images de l'intérieur )

San Michele intérieur.jpg
Une douce lumière baigne le maitre-autel par la porte ouverte: sinon, l'église médite dans une relative obscurité, traversée par les rais lumineux des fenêtres meurtrières et la croix évidée au-dessus du choeur.
Annonciation fresque.jpg
Trop peu d'éléments nous restent de ce qui fut sûrement l'une des plus belles fresques de Corse: le temps a fait son oeuvre, effaçant inexorablement ces peintures à fresque de la fin du XV°siècle. Demeure la présence estompée de cette Annonciation dans les écoinçons de l'Arc triomphal.
Muratu Archange Gabriel blog.jpg
L'Archange Gabriel, drapé dans un manteau blanc constellé de croix, brandit le phylactère de son Annonce à Marie...
Vierge Annonciation.jpg
... qui reçoit le divin message le visage méditatif: Marie en robe rouge et manteau bleu est représentée en prière dans sa chambre close de tentures rouges évoquant l'inviolabilité du ventre maternel de Marie. Se détachant sur ce fond rouge  un vase évoque les Litanies de la Vierge
" Vas spirituale, ora pro nobis,
Vas honorabile, ora pro nobis,
Vas insigne devotionis, ora pro nobis..." 
De même que l'étoile qui semble ici remplacer la colombe de l'Esprit Saint:
"Stella maturina, ora pro nobis"
Ici et là des traces de fresques subsistent, aujourd'hui illisibles... dont, sur le mur nord des éléments très effacés de ce qui fut peut-être le personnage de Saint Michel Archange.
aigle sculpté arc blog.jpg
Sous la croix évidée du choeur, un aigle sculpté, ailes déployées.
chapiteau sculpté choeur blog.jpg
Un chapiteau orné de sculptures naïves, à gauche du choeur.
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Le linteau de la façade occidentale, hélas détruit par la foudre en décembre 1969 et déposé à l'intérieur: deux paons semblent tirer les oreilles d'un homme qui les maintient par les pattes... Le paon, emblème dans l'antiquité de l'incorruptibilité et de la gloire, devient , dans la symbolique chrétienne, l'emblème de l'immortalité grâce à la résurrection:
"A la résurrection générale , en ce jour où tous les arbres, c'est-à-dire tous les saints , commenceront à reverdir, ce paon - qui n'est autre que notre corps - débarrassé des plumes  de la mortalité, recevra celles de l'immortalité" ( Saint Antoine de Padoue, Sermon pour la Férie, 5ème après la Trinité: cité dans "Le Bestiaire du Christ" de Louis Charbonneau-Lassay).
C'est aussi  le symbole du Christ conduisant les âmes vers la vie éternelle...
Ici, les paons étaient sertis de pierres colorées: deux paons tirant par les oreilles l'humain agrippé à leurs pattes... une invite peu commune à l'envol spirituel!
linteau Murato dessin.jpg
(dessin reproduit dans: " Corse Romane" de Geneviève Moracchini-Mazel, édition Zodiaque)

26/06/2009

Murato, San Michele, suite 13: l'Agneau mystique et le cerf

San MICHELE de MURATO,

 

L'Agneau mystique

 

enfin des images lumineuses du mur Nord...

(note du 26/6/09)

fenêtre nord ouest blog.jpg
En cette fin d'après-midi du 14 juin, dans une lumière favorable, la fenêtre de l'angle nord ouest de San Michele.
l'agneau cheval blog.jpg
La victoire de l'Agneau mystique entre  deux bêtes féroces aux yeux rouges...
L'agneau divin, emblème christocentrique du chrétien, et les bêtes sauvages, représentation de toutes les hérésies, ariennes en particulier,  et des envahisseurs sarrazins à grand peine extirpés de l'île en ce XII° siècle?
En écho: "Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups" ( St Luc, Evangile X 3)
 Ce thème de l'Agneau nous vient de l'Apocalypse, ce texte illuminé de saint Jean de Patmos:
" Je ne vis point de temple, car le Seigneur Dieu tout-puissant et l'Agneau en sont le Temple. La ville n'a besoin ni de soleil ni de lune pour l'éclairer, car la gloire de Dieu l'illumine et l'Agneau est sa lampe, son flambeau ... et les nations de la terre marcheront à sa lumière"
beatus agneau mystique01.jpg
La grande Théophanie, miniature du Beatus de Facundus. (Apocalypse IV et V): peint par Facundus pour le Roi Ferdinand Ier de Castille et Leon en 1047.
 Beatus de Liebena était un moine espagnol du monastère de San Martin de Turieno (en Cantabrie): son livre, écrit en 776, donnant une traduction latine de la visionnaire  Apocalypse de Jean ( du grec apocalupteïn, dévoiler) et un commentaire de ce dernier texte du corpus biblique chrétien. a connu une grande notoriété. Les "Beatus" sont ces manuscrits  espagnols des XI° et XII° siècle, richement enluminés de miniatures aux couleurs pures, où seront recopiés l'Apocalypse de Jean et le commentaire du moine Beatus. Au VIII° siècle, l'Apocalypse, centré sur la divinité du Christ (ce que refusent les Ariens), devient une arme de résistance pour les chrétiens d'Espagne en lutte contre les musulmans.
Toujours est-il que ce thème de l'Agneau portant sa croix comme un étendard se retrouve fréquemment sur les disques métalliques qui ornaient le dessus des gants  pontificaux...
 
Un peu plus loin, toujours sur le mur nord,
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le cerf.
" Le cerf est l'un des animaux symboliques qui furent acceptés de la façon la plus certaine dès les premiers temps chrétiens comme une image allégorique du Seigneur Jésus Christ, et du chrétien, son disciple. (...)
En effet, naturalistes et poètes anciens: Pline, Théophraste, Xénophon, Elien, Martial, Lucrèce, et bien d'autres ont présenté le cerf comme l'ennemi particulier et implacable de tous les serpents qu'il poursuivrait de sa haine jusque sous terre. (...)
... Martial et Plutarque ajoutent que le cerf, du souffle de ses narines - d'autres disent de sa bouche- fait sortir les serpents de leurs demeures souterraines et qu'il les dévore, acquérant par là une jeunesse nouvelle"
(Louis Charbonneau-Lassay, dans : le Bestaire du Christ, édition Albin Michel)
Symbole de lumière, de longévité- sa ramure se renouvelant périodiquement -, il est aussi le symbole du Christ combattant, crachant de l'eau (la Parole victorieuse) dans les profondeurs de la terre où se cachent les serpents et les obligeant à en sortir. C'est aussi l'emblème de la soif ardente de l'âme chrétienne:
"Sicut cervus desiderat ad fontes..."
"Comme le cerf altéré aspire après les sources d'eau, ainsi mon âme soupire après toi, mon Dieu" (Psaume de David LXII)
Ces sources d'eau vive représentant aussi bien l'Eucharistie que l'eau baptismale.
Encore une fois, le cerf se trouve être l'un des animaux symboliques les plus importants dans de nombreuses cultures anciennes du monde...
 
Au fait, on a réintroduit depuis peu le cerf corse sur l'île: puissent les chasseurs le laisser croître et  multiplier en paix...
 
"Fuis, mon Bien-Aimé, cours, et sois semblable aux jeunes cerfs sur les montagnes où croissent les baumiers..." (Cantique des Cantiques VIII, 14)

Murato, San Michele (suite 11) : la vendange

 

La vendange mystique
(et autres...)
 
 
ensemble tentation vendange.blog.jpg
Sur le mur nord, sous la fenêtre de la Tentation
Harmoniques.
L' Apocalypse de Saint Jean, 14, 18.
"(...) Un autre Ange sortit alors du temple, au ciel, tenant également une faucille aiguisée. Puis un autre Ange sortit de l'autel - l'Ange préposé au feu - et cria très fort à celui qui tenait la faucille: "Jette ta faucille aiguisée, vendange les grappes de la vigne de la terre, car ses raisins sont mûrs." L'Ange alors jeta sa faucille sur la terre, il en vendangea la vigne et versa le tout dans la cuve de la colère de Dieu, cuve immense! Puis on la foula hors de la ville, et il en coula du sang qui monta jusqu'au mors des chevaux sur une distance de mille six cents stades."
Mais aussi, Evangile de Saint Jean, 15, 6:
"C'est moi, le vrai cep et mon Père est le vigneron.
Tout sarment en moi qui ne porte pas de fruit, il le coupe
et tout sarment qui porte du fruit, il l'émonde, 
pour qu'il en porte encore plus. 
(...) C'est moi, le cep; vous êtes les sarments.
Qui demeure en moi comme moi en lui, porte beaucoup de fruit;
car hors de moi vous ne pouvez rien faire."
 Qu'elle soit le symbole du peuple d'Israël , du Messie ( et du Pressoir mystique) ou de l'Eglise, la Vigne  est plantée puis vendangée. 
Jean Daniélou, dans "Les ymboles chrétiens primitifs" (Editions du Seuil, P.33 à 48) lui consacre  un chapitre bien intéressant ("La vigne et l'arbre de vie"). Citant Astérios le Sophiste:
"La vigne divine et antérieure aux siècles a poussé hors du sépulcre et a porté comme fruits les nouveaux baptisés comme des grappes de raisins sur l'autel. La vigne a été vendangée et l'autel, comme un pressoir, a été rempli de grappes"
 
 
Curieusement ici, les entrelacs de la vigne font écho aux entrelacs du serpent de la tentation. C'est que la Vigne, comme l'Arbre de la connaissance où s'enlace le serpent, comme l'Arbre de la Croix où se crucifie la nature humaine, sont plantés et vendangés par "le Père".
 
Et dans ce pays de vignobles, on sait de quoi on parle. 
                    
vendange mystique 14 juin blog.jpg
 
A gauche le buste de  l'ange, ailes grandes ouvertes, qui brandit son glaive : avis! c'est bien du sang qui coulera des grappes. A gauche,   
un petit bonhomme habillé d'une longue robe, vient de couper avec son couteau une belle grappe de raisin. Entre les deux se développent les sarments lourdement chargés de fruits juteux. La vigne a été bien plantée, ses racines plongent solidement dans le sol nourricier.
Résonance  peu raisonnable d'une autre vendange, que mon père me fit biberonner dès mes jeunes années au doux pays de Chinon:
   " En l'abbaye estait pour lors un moine claustrier, nommé Frère Jean des Entommeures, jeune, guallant, frisque ( joyeux), de hayt ( de bonne humeur), bien à dextre, hardy, adventureux, délibéré, hault, maigre, bien fendu de gueule, bien adventaigé en nez,  beau despescheur d'heures, beau débrideur de messes, beau descroteur de vigiles, pour tout dire sommairement vray moyne si oncques en feut depuys que le monde moynant moyna de moynerie; au reste clerc jusques es dents en matière de bréviaire.
vendange Rabelais.jpg
   Icelluy, entendent le bruict que faisoyent les ennemys par le cloz de leur vine, sortit hors pour veoir ce qu'ils faisoient, et, advisant qu'iz vendangeoient leur cloz auquel estoyt leur boyte (boisson) de tout l'an fondée, retourne au cueur de l'église, où estoient les aultres moynes, tous estonnez comme fondeurs de cloches, lesquelz voyant chanter Ini nim, pe, ne, ne, ne (...): " C'est, dist il, bien chien chanté! Vertus Dieu! que ne chantez vous:
Adieu, paniers, vendanges sont faictes?"
"Je me donne au diable s'ilz ne sont en nostre cloz et tant bien couppent et seps et raisins qu'il n'y aura, par le corps Dieu! de quatre années que halleboter ( grappiller) dedans. Ventre sainct Jacques! que boyrons nous ce pendent, nois aultres pauvres diables? Seigneur Dieu, da mihi potum ( à boire!)!"   
(Rabelais, Gargantua, chapitre XXVII)
S'ensuit un massacre mémorable où Frère Jean des Enommeures occit à lui tout seul armé du bâton de la croix treize mille six cent vingt-deux ennemis, soldatesque du roi Picrocole:
   " Les ungs mouraient sans parler, les autres parlaient sans mourir. Les ungs mouraient en parlant, les aultres parloint en mourant".
(ce qui nous pend au nez, lors de la vendange finale)
En fait, c'est sur image de Samivel que petite fille j'ai enfin visualisé ce à quoi pouvaient ressembler les âmes dont me parlaient tant les chères soeurs de ma petite école primaire: des paires d'ailes montées sur ressort, pressées d'abandonner ce tas informe de trépassés tout cabossés...
Jean des Entommeures.jpg
 
(Rabelais illustré par Samivel:
pour mes huit ans mon père m'avait offert ce livre qui m'a joyeusement accompagnée toute mon enfance!)
 
 
 
(à suivre)