26/06/2009
Murato, San Michele (suite 11) : la vendange
18:06 Publié dans art roman, chapelles romanes corses, découverte du patrimoine en Corse, patrimoine des chapelles à fresques en Corse, racines de pierre, regards sur l'art, San Michele di Muratu, spiritualité, symbolique romane | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : murato, corse, conca d'oro, apocalypse, la vigne, vendange symbolique, symboles romans, rabelais | Facebook |
Murato, San Michel (suite 10)
L'ARBRE ET LA CROIX
(note du 12/4/09)
(suite de la note 9 sur la vigne: petite méditation de Pâques)
17:49 Publié dans chapelles romanes corses, histoire de l'art, patrimoine des chapelles à fresques en Corse, racines de pierre, regards sur l'art, San Michele di Muratu, spiritualité, symbolique romane | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : symbolique romane, corse, l'arbre et la croix, arbre de vie, symbole de verticalisation, ascension, union mystique | Facebook |
Murato, San Michele: la vigne (suite 9)
(note du 5/4/09)
Un vigoureux pied de vigne donnant de belles grappes aux raisins serrés que je sais noirs - j'ai les mêmes en septembre au jardin - délectables, gorgés de soleil, d'un sang rouge sombre, convoités par sangliers et renards en maraude autant que par étourneaux, geais ou merles: les nôtres, qui viennent du jardin bas-dauphinois du grand-père Johannès, ont traversé la mer et aimé s'enraciner ici dans cette terre amoureusement bêchée par d'autres grand-pères. J'observe la force des racines qui ancrent le cep en terre, mais aussi de ses racines célestes qui l'amarrent au ciel. Comme une échelle végétale reliant monde terrestre et monde céleste, avec les fruits de l'abondance divine pour subvenir à l'ascension, image du "Pressoir de la Croix" et de l'Arbre de vie:
" Entre tes bras s'enlace la vigne, d'où coule pour nous en abondance le doux vin qui a la rougeur du sang" (Venance FORTUNAT, Poèmes II, 1)
Le jour des Rameaux, l'Evangile de St Marc évoque la Cène et l'Eucharistie: "Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, répandu pour la multitude. Amen, je vous le dis: je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu'à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le Royaume de Dieu". Le signe est fort, explicite.
Que ce pied de vigne figure non loin de la croix sur la façade Est de San Michele de Murato ne nous surprendra donc pas.
La vigne, on la pratique ici depuis des millénaires, vous le savez bien, vous qui aimez le vin de la Conca d'Oro. Vigne puissamment enracinée dans le terroir corse, comme partout en Méditerranée, en Orient, en Egypte, comme au temps immémorial de Dionysos, de Noé,... comme dans notre pensée, dans nos fêtes. Vin favorisant l'extase, l'union spirituelle. Aux Noces de Cana, l'angoisse monte lorsqu'il n'y a plus de vin, et c'est même là le premier miracle de Jésus, de transformer l'eau en vin: on en mesure toute l'importance, la gravité.
Le vin lui aussi transforme. Il transforme du reste, et c'est là le problème, ou en dieu ou en bête... Comme toujours le symbole est une porte entrouverte par où souffle l'Esprit à l'intérieur de chacun : si l'on a besoin d'air, qu'on laisse la porte ouverte, sinon, qu'on la ferme!
Le grand poète persan Omar KHAYYAM (né vers 1040), presque contemporain de San Michele, dans ses quatrains, célèbre le vin:
« Je bois du vin, et quiconque boit comme moi en est digne.
Si je bois, c’est chose bien légère devant Lui.
Dieu savait, dès le premier jour, que je boirais du vin,
Si je ne buvais pas, la science de Dieu serait vaine. » ( LXXV)
« Une seule coupe de vin vaut cent cœurs et cent religions ;
Un trait de vin vaut l’empire de la Chine.
Hors du vin, ce rubis, il n’y a point sur terre
Une seule chose acide valant mille âmes douces » (LXXXV)
A prendre comme on veut...
Les mystiques musulmans en font aussi un symbole de l'extase divine: le maître soufi RÛMI (Le Livre du Dedans), un siècle après Omar Khayyam, exprime sa sagesse dans une langue familière et simple comme les paraboles du Christ, disant:
"Si les mystiques se servent de comparaisons et d'images, c'est afin qu'un homme aimant mais à l'esprit faible puisse saisir la vérité".
... Ce qui pourrait s'appliquer à l'artiste roman oeuvrant avec son ciseau sur les pierres de nos églises.
Et encore, à propos de la vigne:
"Avant qu'il y eût en ce monde un jardin, une vigne et du raisin, notre âme était déjà enivrée du vin immortel".
Ailleurs, il écrit, et cela me parle bien:
"Si les chemins sont différents, le but est unique"
L'image de ce cep de vigne de Murato s'adresse à tout homme qui chemine vers l'intérieur de lui-même, pourvu que la porte (de son éveil spirituel ) ait été maintenue entrouverte: cette chapelle San Michele nous emmène en chemin et nous intègre à son silence de pierre. En témoignent la cordelière solide et les délicats entrelacs qui courent sous les rampants du toit, nous faisant en un lien continu solidaires de l'église.
Sous la dernière arcade de droite, l'alvéole désormais vide où s'intégrait à l'origine un bol en céramique polychrome.
17:47 Publié dans art roman, chapelles romanes corses, les pierres qui signent, patrimoine des chapelles à fresques en Corse, racines de pierre, regards sur l'art, San Michele di Muratu, spiritualité, symbolique romane | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : symbolique romane, chapelles romanes corses, symbole de la vigne, pressoir mystique, mystiques et poètes chrétiens et musulmans médiévaux, murato, le vin et le sang | Facebook |
Murato (suite 8): le Cantique des Cantiques
DIALOGUE DES EPOUX
"Tandis que le Roi est en son enclos,
mon nard donne son parfum.
Mon Bien-Aimé est un sachet de myrrhe,
qui repose entre mes seins.
Mon Bien-Aimé est une grappe de cypre,
dans les vignes d'En-Gaddi." (...) (premier poème)
L'EPOUX:
(...) "Elle est un jardin bien clos,
ma soeur, ma fiancée;
un jardin bien clos,
une source scellée.
Tes jets font un jardin de grenadiers
et tu as les plus rares essences:
le nard et le safran,
le roseau odorant et le cinnamone,
avec tous les arbres à encens;
la myrrhe et l'aloès,
avec les plus fins aromes.
Source qui féconde les jardins,
puits d'eau vive,
ruisseau dévalant du Liban!
L'EPOUSE:
Lève-toi, aquilon,
accours, autan!
Soufflez sur mon jardin,
qu'il distille ses aromates!
Que mon Bien-Aimé entre dans son jardin;
qu'il en goûte les fruits délicieux!
L'EPOUX:
J'entre dans mon jardin,
ma soeur, ma fiancée,
je récolte ma myrrhe et mon baume,
je mange mon miel et mon rayon,
je bois mon vin et mon lait.
Mangez, amis, buvez,
enivrez-vous, mes bien-aimés!"
(troisième poème)
Je cite Marie-Madeleine DAVY (Initiation à la symbolique romane (XIIème siècle), Champs histoire), citant ici elle-même St Bernard:
"Si le mariage charnel - dira Bernard - unit deux êtres en une seule chair, l'union spirituelle les unit en un seul esprit (Sermon VIII,9). "Tu as conçu -dira l'Epoux à l' Epouse - tes seins sont gorgés de lait" (Sermon IX,7). L'Epouse est fécondée quand l'âme possède l'expérience de Dieu, un "flot de lait" coule dans son sein(id.), par son exhortation et sa compassion elle abreuve de nombreux nourrissons (Sermon IX, 8)
Un seul point commun se présente entre l'homme charnel et l'homme spirituel: ils ne sont jamais rassasiés."
(...) La réalité du symbole roman implique la connaissance, l'amour, l'union, la fécondité.
Le symbole conjugal s'ouvre sur une perspective eschatologique dans laquelle l'unité s'ébauche avant d'être parfaitement réalisée. Seront unis l'extérieur et l'intérieur de telle sorte qu'il n'y aura plus ni extérieur ni intérieur, ni masculin, ni féminin."
Je vous invite à retrouver ce beau texte très inspiré de M.M. Davy
( éditions Flammarion)
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Murato, San Michele (suite7): dualité
Côté Est, l'abside et le fronton évoquent à plusieurs reprises la symbolique des nombres.
Au-dessus de la fenêtre meurtrière de l'abside, la lumineuse archivolte rectangulaire, en plein cintre comme les précédentes, et taillée dans le calcaire: serties dans la pierre blanche, un couple d'étoiles vertes centrées à six branches surmonte de part et d'autre six claveaux verts disposés en arc, accentuant la ronde douceur de l'ensemble absidial.
L'étoile à six branches m'évoque, ici stylisée, l' hexagramme du " Sigillum Salomonis" ("sceau de Salomon"), " Scutum Davidis" ( "bouclier de David"), composée de deux triangles complémentaires, l'un symbolisant l'eau ( le triangle féminin, pointe en bas) et l'autre le feu ( le triangle masculin, pointe en haut). Image de complétude harmonieuse d'un couple d'opposés. Cette figure est suffisamment "chargée" de sens pour en développer ici la multiplicité : simplement, signaler qu'elle est déjà présente dans l'art rupestre, qu'elle appartient aussi bien au monde de la symbolique alchimique, qu'à celui de la sorcellerie, celui des loges maçonniques, celui de la psychanalyse, etc... et du pur plaisir des yeux! Pourquoi 2 étoiles? Pourquoi 6 claveaux? Les six jours de la Création? Invitation au jeu des multiples: 12 (mois, tribus, signes du Zodiaque, apôtres...) , 24 (heures, vieillards de l'apocalypse ...), à chacun ses menus vertiges. Les artistes de cette époque nous proposent des énigmes et nous jouons avec eux aux"pierres flèchées". Et plus, si affinité. Quelle était la réalité du regard "des gens du peuple" sur tout ceci? A qui s'adressent ces messages? Sans doute à tout le monde, à des degrés divers. Ici on n'explique pas, on touche.
Sur le fronton Est, au-dessus de l'abside, nous retrouvons le motif central de la croix évoquée dernièrement: curieusement, surmontant cette croix essentielle, un modillon sculpté représentant un couple de feuilles dressées comme deux oreilles, et qui me rappellent par leur forme les feuilles d'or du fameux diadème de la Reine Puabi, retrouvé dans une tombe du cimetière "royal" d'Ur, la ville sumérienne d'origine du patriarche Abraham... feuilles de peuplier? Côté ombre et côté lumière, l'arbre frissonnant de la dualité a les pieds dans l'eau et la tête dans le ciel.
Ici le couple humain me semble obéir à l'injonction de la Genèse: "croissez et multipliez"... Cela dit la posture opposée indique pour le moins une certaine difficulté de communication... Serions-nous sur le terrain miné du vice et non de la complémentarité? Libre à chacun de choisir son interprétation. Alchimie des couples d'opposés.
Ici, un autre motif géométrique qui résonne un peu comme un écho stylisé du couple humain précédent.
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