31/10/2011
Gravures rupestres dans le Rustinu avec Toussaint Quilici
E PETRE SRITTE DI RUSTINU
Avec Toussaint Quilici, cheville ouvrière de Castellu di Rustinu, dans la vallée de Riscamone
La semaine dernière, Toussaint Quilici, l'infatigable artisan du patrimoine de la Pieve du Rustinu nous a emmenés à la découverte de l'un des sites de gravures rupestres de la Vallée de Riscamone, au centre de la Pieve du Rustinu. Toussaint Quilici finit de boucler son ouvrage sur la Pieve du Rustinu, fruit de quarante années de passion partagée avec ses amis, de recherches, de hasards heureux et de flair, qui devrait paraître pour la Noël, si tout va bien. Sans vouloir déflorer le sujet, je puis vous affirmer que cette parution va en faire frissonner plus d'un, tant le matériau, accumulé dans la région au fil des années, des balades et des rencontres, est d'une richesse inespérée.
Je vous invite à retrouver cette coupure de presse de 2009 qui évoque l'un des sites vus ce jour:
article Gravures Riscamone 2009.docx
Cette région de vieille culture et de passage au-dessus de la vallée du Golo s'avère assurément l'une des plus intéressantes de Corse. Voici donc quelques images à découvrir avec un peu d'avance, en attendant la parution de la monographie sur le Rustinu.
incisions et petites cupules
motifs scalliformes
une hache
une figure énigmatique ...
difficile à interpréter:
les uns y voient une vulve (les incisions les plus fines sont manifestement largement postérieures ...), les autres y décèlent une silhouette de cheval ... Prudence!
dans le même secteur, une deuxième pierre gravée ...
Toutes ces gravures paraitront , dûment photographiées, dessinées et commentées dans le prochain livre de Toussaint Quilici, en compagnie des autres sites inventoriés par lui et ses amis dans le Rustinu. Je vous tiendrai au courant de cette parution qui fera l'objet d'une présentation par l'auteur à Valle di Rustinu ... si le ciel ne nous tombe pas sur la tête d'ici là!
En attendant vous pouvez retrouver ce monde des gravures rupestres de Corse dans le beau livre du préhistorien Claude Weiss:
Un patrimoine dont on est bien loin de connaître la portée, tant il parait certain que de nombreux sites restent à découvrir, ainsi que l'analyse de leur environnement qui appellerait des fouilles en règle: patrimoine parfois si proche et si familier qu'on ne le reconnait même pas, au risque - sans le vouloir - de le dégrader ou de l'occulter, comme à Grate (hameau de Valle di Rustinu), au coeur du village:
et où l'on a construit anciennement un mur de soutènement qui recouvre en partie ce rocher gravé ...
Une chose est sûre: l'antiquité de l'occupation humaine dans cette région du Rustinu, avec pour fleuron, la présence si forte de l'église pievane et des deux baptistères de santa Maria di Rescamone ...
Merci à Toussaint de ce partage : la suite dans votre livre!
(à suivre, donc)
16:58 Publié dans corse, préhistoire corse, racines de pierre | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : petre scritte, gravures rupestres de corse, rustinu, toussazint quilici, valle di rustinu, grate, santa maria di rescamone | Facebook |
29/10/2011
Un chemin du septième ciel dans le Ghjunsani ...
"La mer, l'inlassable goutte d'eau, le vent, qui peuvent attendre, qui ne sont pas comme l'homme contraints de se hâter, assurent aux corps qu'ils caressent et qu'ils usent, le profil le plus pur, le plus pauvre aussi, mais le seul véritablement nécessaire. Dans ce long acquiescement, dans cette ultime misère, se dissimule assurément une des formes concevables de la perfection."
(Roger Caillois, Pierres, poésie Gallimard)
Dimanche 16 Octobre 2011.
En chemin, donc, avec Hélène, Colette et le bon génie (vous l'aurez remarqué, il doit y en avoir au moins un par pieve) du Ghjunsani, Santu: quelques images de cette lumineuse journée d'automne entre terre, ciel, montagne et mer
L'un des nombreux sentiers soigneusement dallés qui reliaient les communautés entre elles, entre le Ghjunsani et la Balagne: voies de communication dans tous les sens du terme.
Santu nous a concocté un parcours où le paradis se mérite par la crapahute
... tant de choses à raconter à chaque pas! Des bonnes, d'autres moins heureuses: le feu a ravagé plus d'une fois cette région, laissant à nu la terre rocailleuse là où poussaient chênes, châtaigniers, genévriers et les céréales opiniâtrement cultivées sur ces terres pauvres jusqu'au sommet des montagnes dans le système solidaire des prese : chaque communauté villageoise permettant à chaque famille de cultiver et de récolter le fruit d'un sol communautaire.
Vers la Boca à Leccia, pour contenir la divagation nouvelle des bêtes à cornes le fil de fer a remplacé les vieilles clôtures, les têtes de lit en fer forgé et rouillé, l'agencement de piquets liés, et la désertification a bientôt définitivement dévoré la végétation ancienne: la nécessité des anciens de survivre par le travail de la terre jusqu'aux sommets ne se devine plus par endroits que par cette écriture patiente des vieux murs sur le flanc aride des montagnes.
Là-haut, du côté d'Arba Bona (là où l'herbe était parfumée par l'air marin), la vue vers le Cap Corse
Côté Balagne et le barrage de Codole
et au loin, l'Isola Rossa ...
Sur le parcours, le chat-sentinelle veille sur le Ghjunsani et pose ses énigmes à l'imprudent qui s'égare
Côté San Parteu et Piuggiula
Côté San Pedrone et Castagniccia
L'aménagement des abris naturels témoigne de la permanence d'une occupation humaine très ancienne. A l'époque des premiers Corsi : s'abriter, se protéger du froid, des ennemis, et prendre le temps de vénérer les sources, les arbres, les rochers puissants ... On peut les comprendre !
plongeon dans la nuit des temps: abri au pied du sommet de Tornaboie
En leur honneur, libations sur le Monte Bacchus: Santu a sorti la Dive Bouteille! Cela risque de plomber un peu nos jambes après ces agapes, mais la communion avec les esprits du lieu mérite quelques sacrifices.
vers a rocca Speluncata, pour l'instant tout va bien ...
et quelque part près du ciel, on peut rencontrer dans cet univers granitique, proclamant à l'improviste la présence des hommes de la préhistoire, une cupule, aujourd'hui "cabaret des oiseaux" (les jours de pluie ...)
il est temps d'amorcer la descente:
c'est que nous avons rendez-vous à nouveau avec les premiers habitants de cette montagne ...
au passage, cette aire de battage, aghja plantée en plein vent à flanc de rocher
et cette source aménagée qui dit beaucoup sur cette montagne autrefois incessamment parcourue par les gens et les bêtes, hélas aussi sur l'abandon et la sècheresse d'aujourd'hui
Enfin, voici le site de l'Ascita: rencontre avec le "dolmen" d'Olmi Cappella: " L'endroit où se trouve ce mégalithe est fortifié par la nature et par l'homme: il est entouré de blocs énormes placés les uns sur les autres." (Rapport sur les Monuments mégalithiques de la Corses, par Adrien de Mortillet, autour de 1883)
la lourde dalle repose sur deux rochers naturels
et, toute proche, cette belle cupule creusée dans le granite, qui évoque à nouveau des usages et des rites dont nous ne savons toujours pas grand chose à ce jour.
Un temps où les hommes du lieu n'avaient rien à envier aux autres habitants de la Méditerranée.
Merci, très cher Santu, pour ce beau partage de vos racines ... dans ce monde de naguère où chaque lieu et chaque objet avait une âme, comme en témoigne cette fable (via Bernardu Pazzoni) :
(sélectionner et un clic droit pour ouvrir)
http://www.youtube.com/watch?v=UMWGYgJdrE8&feature=colike
11:35 Publié dans balades en Corse, les pierres qui signent, racines de pierre | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : ghjunsani, dolmen de l'ascita, favula | Facebook |
25/10/2011
Une journée branchée dans le Rustinu et la Castagniccia ...
pour une découverte biogéologique du côté de Santa Maria di Riscamone
en la compagnie de Michel Benedetto, fils et petit-fils de puisatiers/sourciers de Provence ...
qui a fait le pari, à l'aide de ses baguettes et de son pendule, de décrasser nos antennes, comme dit la chanson.
Je l'avais engagé à venir sonder le site rocheux qui me semblait "avoir une âme". Il surplombe côté sud l'ensemble de Santa Maria di Riscamone, et comporte une forme intéressante avec sa grande dalle, sans doute détachée du rocher, qui repose, telle une table de dolmen, sur deux montants rocheux naturels ...
Table aussitôt adoptée par notre amie Chantal pour une séance de méditation sous l'oeïl perplexe de mes jeunes Leo et Vincent ...
Un résultat qui révèle, semble-t-il, un maillage serré du réseau Hartmann: je ne peux en dire plus, car je n'y connais pas grand-chose, mais peut-être aurai-je plus à donner d'ici quelque temps.
Une chose est sûre: cette structure s'ouvre dans un axe est/ouest, tout comme, plus bas, l'église et le petit baptistère paléochrétien. Ce qui conforte ma rêverie à propos de la permanence du sacré: nos gens de ces époques reculées (préhistoire, protohistoire, puis antiquité ...) tenaient leurs antennes en état de marche par nécessité, choisissaient en connaissance de cause leurs lieux de vie et de communication avec l'au-delà et ses mystères. Il ne me parait donc pas impossible que l'on ait utilisé cette structure pour y pratiquer des sépultures. Toussaint Quilici, le veilleur attentif de la région, me dit du reste avoir trouvé dans cet environnement du matériel lithique préhistorique.
Rien d'étonnant, le site s'y prête admirablement et l'eau n'est pas loin, sous ce petit plateau, servant aujourd'hui à la toilette des familles de cochons ( je les ai souvent vus se rouler dans la boue fraîche, avec délice en été) et de sangliers qui peuplent le vallon.
A propos d'eau, l'étape suivante fut de prospecter le sol des deux baptistères:
présence de l'eau (sous terre, faut-il le préciser?) au centre même du grand baptistère roman, ce qui n'étonnera personne. Cet édifice octogonal, le plus important du genre en Corse, s'est inexorablement ouvert sous les glissements de terrain, et continue de bouger ...
Quant au petit baptistère paléochrétien, le point d'eau se trouve légèrement décentré par rapport à la cuve baptismale ... et nous recevons là sous la houlette de Michel une première leçon de baguettes ... assez concluante!
Inattendue, Michel qui nous a gratifié d'une sérénade adressée aux pierres du lieu sur son galoubet ...
Notre balade a suivi d'autres chemins, en Castagniccia cette fois,
vers Cambia
et San Quilicu
puis en fin de journée vers san Giovanni di Corte où le tambour à cordes entre en action en compagnie du galoubet ...
Esprits du lieu et du crépuscule, avez-vous aimé cet instant étrange et fugitif? Et qu'en a pensé Ugo Colonna dans sa résidence sous la colline? Des larmes ont-elles trouvé le chemin de ses paupières de ronces et coulé dans sa barbe que j'imagine fleurie comme celle de Charlemagne, dit-on ?
Merci aux amis, à Nicole en particulier qui nous fait faire cette rencontre inhabituelle, et à Chantal pour ses photos !
la lumière de cette journée d'automne était incroyablement favorable à la présence des pierres, comme ici, malgré le lichen, avec mes chers Adam et Eve, que j'avais rarement vus si beaux et si fringants,
ou ici, saisissante, sur la stantara de Santa Maria, à Cambia: à propos du monde préhistorique de la Corse, une prochaine note concernera e petre scritte du Monte Cuglioni, visitées dimanche dernier en compagnie de Toussaint Quilici, le bon génie de la pieve de Risccamone.
(à suivre, donc!)
17:10 Publié dans corse, les pierres qui signent, préhistoire corse | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : biogéologie, santa maria di rescamone, réseaux hartmann, biogéologie du sacré, cambia, san giovanni de corte | Facebook |
23/10/2011
Méditation
quelques belles errances ces jours:
reconnaissez-vous ce lieu " chargé" ?
l'amie Chantal médite sur une dalle bien étrange ...
(à suivre)
11:19 Publié dans corse, les pierres qui signent | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
12/10/2011
le rocher de Sisyphe
"Il n'y a pas de travail inutile: Sisyphe se faisait les muscles.
X ...
Avertissement
La civilisation n'est rien d'autre qu'une conquête de l'homme sur lui-même. Elle représente un risque, un abandon volontaire et périlleux de forces, d'avantages, de moyens également sûrs, pour des biens qu'il est toujours possible de perdre, qui ne sont pas indispensables et dont la valeur même est, si l'on veut, de convention. C'est enfin le destin nécessaire de la civilisation de donner contre elle des armes à la barbarie.
(...) Je voulais manifester que la civilisation est un effort toujours à recommencer, toujours en danger, et dont le progrès n'est guère sensible, mais où beaucoup s'accordent à reconnaître la meilleure gloire de l'homme."
" Nous étions trop faibles, trop amoureux de choses très vieilles et très frêles, auxquelles nous tenions plus qu'il ne nous semblait: la beauté, la vérité, la justice, toute délicatesse. Nous n'avons pas su en faire le sacrifice. Et quand nous avons compris que c'était celui-là justement qu'il fallait consentir, nous avons reculé et nous nous sommes retrouvés à notre place, de l'autre côté, dans ce monde ancien et gâté, qui a fait son temps et qu'il est l'heure de liquider. Viennent donc, pour le détruire et nous balayer avec ses débris, les jeunes et rudes ouvriers que nous avions cru pouvoir devenir et qui, pour être ce qu'ils sont, n'auront rien dû trahir ni abandonner, qui n'auront pas eu besoin non plus de forcer ridiculement leur nature, qui sont d'eux-même vaillants et brutaux, ardents et frustes, avides et généreux, qui ne s'embarrassent pas enfin de principes, de scrupules, d'élégance, d'exactitude. Leurs neveux découvriront à nouveau l'usage et l'avantage de ces raffinements précieux qui nous empêchèrent de les rejoindre et qu'on verra peu à peu ressurgir rajeunis et plus admirables, plus précis, plus exigents qu'ils furent jamais. Il n'est civilisation qui puisse s'en passer: ils la constituent entièrement. Ce sont pourtant des barbares qui chaque fois la fondent. Eux seuls en ont la force. Voici le moment de leur passer la main; comme il faut, hélas: en les combattant sans espoir et sans haine, cherchant à éduquer plutôt qu'à vaincre ces adversaires fraternels. Car il est bon que chacun demeure fidèle à son destin."
(Roger Caillois: Le rocher de Sisyphe - 1942-, chez Gallimard nrf, 1946: l'exergue, l'avertissement, puis la dernière page de ce livre rédigé par le jeune Caillois pendant la guerre)
(" car il est bon que chacun demeure fidèle à son destin")
12:30 Publié dans civilisation, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : civilisation, sisyphe, roger caillois | Facebook |