05/11/2011
un cycle de civilisation
avec Roger Caillois,
à méditer par tous nos hommes politiques dans la tourmente:
"Les textes de l'ancienne littérature chinoise relatifs à la fondation d'un ordre neuf semblent admettre que le pouvoir ne s'exerce pas sans s'épuiser et se corrompre"
"Or les philosophes soulignent qu'ils n'ont jamais entendu dire que l'Empire eût été réformé par quelqu'un qui ne sétait pas d'abors réformé soi-même, et encore moins par quelqu'un qui s'était déformé soi-même (car il aurait déformé le peuple en lui donnant pour principes les erreurs auxquelles il s'abandonnait).
Tout concorde ainsi à démontrer que l'instaurateur d'un ordre nouveau ne doit être ni avide ni emporté. Ces commandements s'étendent aux souverains:" Le Fils du Ciel, est-il prescrit, cultive des concombres et des fleurs. Il n'amasse ni ne thésaurise les moissons." Il donne l'exemple de la modération. Les mauvais princes sont des accapareurs. Ils profitent de la puissance.
(...)
Les monstres qui sévissent durant le règne des tyrans sont bannis. La Vertu se reconstitue après l'apogée de la violence et de la fraude. (...) On distingue avec éclat où résidaient l'ordre et la durée et où, le désordre et l'infamie. Les prestiges s'évanouissent, la fantasmagorie se dissipe. La maîtrise de soi triomphe du vertige. Les calamités sont conjurées. Une Vertu jeune et efficace préside aux relations humaines. Et jusqu'à ce qu'elle s'épuise et se corrompe, le bonheur et la justice sont assurés, autant qu'il se peut dans un monde où les démons gardent tant d'accès."
(Roger Caillois, en 1942 dans " Le rocher de Sisyphe", chapitre II: l'ordre nouveau - Gallimard)
http://youtu.be/gAjwzyeMctw
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12/10/2011
le rocher de Sisyphe
"Il n'y a pas de travail inutile: Sisyphe se faisait les muscles.
X ...
Avertissement
La civilisation n'est rien d'autre qu'une conquête de l'homme sur lui-même. Elle représente un risque, un abandon volontaire et périlleux de forces, d'avantages, de moyens également sûrs, pour des biens qu'il est toujours possible de perdre, qui ne sont pas indispensables et dont la valeur même est, si l'on veut, de convention. C'est enfin le destin nécessaire de la civilisation de donner contre elle des armes à la barbarie.
(...) Je voulais manifester que la civilisation est un effort toujours à recommencer, toujours en danger, et dont le progrès n'est guère sensible, mais où beaucoup s'accordent à reconnaître la meilleure gloire de l'homme."
" Nous étions trop faibles, trop amoureux de choses très vieilles et très frêles, auxquelles nous tenions plus qu'il ne nous semblait: la beauté, la vérité, la justice, toute délicatesse. Nous n'avons pas su en faire le sacrifice. Et quand nous avons compris que c'était celui-là justement qu'il fallait consentir, nous avons reculé et nous nous sommes retrouvés à notre place, de l'autre côté, dans ce monde ancien et gâté, qui a fait son temps et qu'il est l'heure de liquider. Viennent donc, pour le détruire et nous balayer avec ses débris, les jeunes et rudes ouvriers que nous avions cru pouvoir devenir et qui, pour être ce qu'ils sont, n'auront rien dû trahir ni abandonner, qui n'auront pas eu besoin non plus de forcer ridiculement leur nature, qui sont d'eux-même vaillants et brutaux, ardents et frustes, avides et généreux, qui ne s'embarrassent pas enfin de principes, de scrupules, d'élégance, d'exactitude. Leurs neveux découvriront à nouveau l'usage et l'avantage de ces raffinements précieux qui nous empêchèrent de les rejoindre et qu'on verra peu à peu ressurgir rajeunis et plus admirables, plus précis, plus exigents qu'ils furent jamais. Il n'est civilisation qui puisse s'en passer: ils la constituent entièrement. Ce sont pourtant des barbares qui chaque fois la fondent. Eux seuls en ont la force. Voici le moment de leur passer la main; comme il faut, hélas: en les combattant sans espoir et sans haine, cherchant à éduquer plutôt qu'à vaincre ces adversaires fraternels. Car il est bon que chacun demeure fidèle à son destin."
(Roger Caillois: Le rocher de Sisyphe - 1942-, chez Gallimard nrf, 1946: l'exergue, l'avertissement, puis la dernière page de ce livre rédigé par le jeune Caillois pendant la guerre)
(" car il est bon que chacun demeure fidèle à son destin")
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