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24/06/2010

samedi 26 JUIN, échappée baroque en Castagniccia

SAMEDI 26 JUIN 2010 ,

cette escapade baroque en Castagniccia avec

les amis du comité des fêtes de la ville de Bastia

 

 

Cette journée nous conduit au cœur de la Corse schisteuse, sous le sommet du San Petrone (1767 m) qui abritait autrefois la minuscule cathédrale de l’évêché d’Accia. Région  montagneuse et forte où le châtaignier est roi, autrefois extrêmement peuplée : le moindre promontoire accueille un village construit de ses hautes maisons austères, couvertes de lauzes, sous la protection de son église et lançant par-dessus la forêt nourricière l’appel de son campanile ouvragé… Ici vivait naguère en quasi autarcie une population dure à la peine, inventive, industrieuse et suffisamment prospère pour laisser ces innombrables églises baroques embellies de stucs et de peintures dont vous ferez aujourd’hui quelques rencontres. N’oublions jamais qu’elles témoignent de cette vie agro-pastorale fortement structurée, traversée par les drames de la vendetta mais aussi par le patriotisme et le souffle de l’histoire.

Piedicroce église ensemble côté Autel blog copie.jpg

 

Eglise saint Pierre et saint Paul, à PIEDICROCE

(Pieve d’Orezza, autrefois diocèse d’Aléria)

 

Cette grande église domine la vallée d’Orezza depuis 1691, aux côtés de l’oratoire Santa Devota, Confrérie du village. La théâtralité baroque de l’édifice manifeste dès sa façade (décor d’I.S. Raffali) son appartenance à l’Art de la Contre-Réforme. A l’intérieur la profusion du décor omniprésent submerge le fidèle, l’instruit et le guide comme un livre d’images : pas un espace n’échappe au pinceau didactique des peintres ni à la truelle des stucateurs et le visiteur consciencieux en sera quitte pour un léger torticolis … La voûte est peinte aux alentours de 1872 par Alberti dans un style néo baroque persistant ...

voûte Alberti, vers 1872 blog.jpg

(dans la voûte: la Pentecôte, St Pierre et St Paul, la Résurrection, les Evangélistes ...) 

Dans les chapelles latérales, l’on retrouve les thèmes obligés des Ames du Purgatoire (Marc Antoine De Santis, XVII°s.), de l’Immaculée Conception, du Rosaire (admirable ! peint par Ermenegildo   Costantini en 1763), un beau Chemin de Croix … On doit l’imposant maître-autel au grand stucateur lombard Angelo Maria Fontana (1706) qui a probablement inspiré par la suite la célèbre famille des Raffali : et derrière l’autel, coulent les larmes de saint Pierre au chant du coq … La remarquable chaire de prêche roccoco est de Giovanni Raffali (1723), le pionnier de cette famille de stucateur.

chaire prêche Giovanni Raffali 1723 blog.jpg
(la chaire de prêche de Giovanni Raffali)
 
 

Enfin écoutons ici le doyen des orgues corses, construit en 1619 par le génois Giorgio Spinola pour la cathédrale sainte Marie de Bastia, puis transféré à Piedicroce et agrandi par Anton Pietro Saladini (le célèbre facteur d’orgue de Speloncato). La magnifique façade caractéristique des orgues italiens du XVII°s., conjuguée aux arabesques dorées des volets ouverts, confère une grande majesté au vieil instrument. Alain Sals l’a restauré en 1985, lui restituant toute sa qualité musicale pour notre plus grand plaisir.

l'orgue volets ouverts blog.jpg

 

Eglise de la Décollation de Saint Jean Baptiste, à LA PORTA

 (Pieve d’Ampugnani, autrefois diocèse d’Accia, puis de Mariana)

la Porta village.jpg
parfois dans la brume ... le village de La Porta ...
St Jean Baptiste de La Porta blog.jpg
...mais souvent sous une belle lumière comme mardi dernier ...

  Le haut campanile (45 m) à cinq étages malheureusement alourdi par un crépissage récent disgrâcieux, signale au loin ce village, patrie du clan des Sébastiani, « porte » d’entrée et capitale historique de la région d’Ampugnani : ici  maisons anciennes et  chapelles privées des puissants notables conservent le souvenir de leur apogée, au XVIII ° s…

L’église, commencée en 1648, agrandie à la fin du XVIII° s., trouve ici son expression la plus aboutie avec l’intervention de l’architecte Domenico Baino, originaire de la région de Côme (état de Milan), actif en Corse entre 1695 et 1732 et qui termine en 1707 la somptueuse façade baroque au portique triomphal, animée de pilastres,  de volutes, de coquilles …Il signe également tout le décor peint en trompe l’oeïl de la voûte (1707) , le maître-autel et deux autels latéraux. Enfin, et non des moindres, il dessine et commence le campanile (qui sera terminé par un architecte de Quercitello en 1720) démesuré, fiché comme un défi permanent et triomphal lancé aux habitants de Quercitello, le  village voisin  en surplomb et dont dépendait  La Porta avant 1654 ( date de son érection en église paroissiale par Monseigneur Marliani.

Les multiples facettes du génie monumental de D. Baino inspireront définitivement la dynastie des Raffali.

A l’intérieur nous attendent les thèmes chers à la Contre-Réforme : les Ames du Purgatoire (Giordani, autour de 1880), St Joseph et St Pancrace (idem),  avec une mention particulière pour une remarquable petite « Décollation de saint Jean-Baptiste » et deux grandes toiles , l’une de Destouches (le Martyre de sainte Eulalie), et l’autre, copie de l’Annonciation de Guido Reni. Une église qui appellerait une restauration pour la débarrasser de ses couches de repeints grisâtres et qui retrouverait alors le visage lumineux et coloré de l’époque de Baino.

orgue fermé.jpg

            Enfin, c’est dans la pénombre traversée par un rai de lumière sous la verrière ovale, que se révèle le petit orgue altier et sa tribune de bois polychrome. Construit selon toute vraisemblance en 1780 par le franciscain lucquois Benedetto Maracci, alors installé à Rogliano, pour l’église du couvent tout voisin de Casabianca, puis transféré à l’église saint Jean Baptiste sous la Convention par le conventionnel Saliceto avant de brûler le couvent lors du sombre épisode de la « Cruceta », c’est un petit instrument doublement miraculé : en 1963, le tout jeune facteur d’orgue franco-italien Barthélémy Formentelli signe ici la première et magnifique « restauration à l’identique », redonnant sa voix à l’un des instruments les plus raffinés et des plus chantants de Corse.

La Porta façade centrée blog.jpg

 

Peu après cette restauration naîtra l’association Renaissance de l’Orgue Corse qui a depuis dynamisé la politique de restauration des orgues historiques en Corse : nous fêtons en 2010 ses 40 ans d’action pour  la reconnaissance et la valorisation de ce formidable patrimoine de notre île …

clavier La Porta.blog jpg.jpg
( ... si tu ne me vois pas, écoute au moins ma voix ! ...)

 

 

… avec Elizabeth Pardon et « La Montagne des Orgues », Association Saladini de Speloncato.

Tel : 04 95 61 34 85 et 06 17 94 70 72 – site internet : www.montagne-des-orgues.com

08/03/2010

Mursiglia, la chaire de prêche de San Ciprianu

Cap Corse
MORSIGLIA, église saint Cyprien
L'une des plus belles façades d'église de Corse,
Morsiglia façade 1 blog.jpg
... emmenant le regard jusqu'au ciel,
harmonieuse et chantante dans son langage de  colonnes, pilastres,
chapiteaux, corniches, pyramidions ...
Morsiglia façade 2 blog.jpg
cette magnifique façade baroque donc,
aujourd'hui blanchie et attaquée par les vents salins,
 invite le fidèle à entrer pour écouter la bonne parole,
Morsiglia chaire ensemble blog.jpg
du haut d'une chaire de prêche   pour le moins inattendue ...
Morsiglia chaire abat-voix colombe blog.jpg
Parole inspirée, au centre de l'abat-voixpar la colombe de l'Esprit Saint ...
Morsiglia chaire détail.jpg
Tout une faconde virtuose habite l'ensemble de bois polychrome, dans ses motifs végétaux et architecturaux :
ici les petites niches semblent toujours attendre  l'arrivée des  Evangélistes...
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Tout en bas, soutenant le culot de la chaire,
 ce visage déterminé et peu amène comme une figure de proue fendant l'onde amère.
Morsiglia chaire bas blog.jpg
Et, couronnant cette base, quatre personnages en buste évoquent les dangers
qui entraînent les pauvres âmes à leur perte:
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deux masculins et deux féminins (la parité dans le vice, oui, oui!)
Chaire 3 blog.jpg
 démones alternant la redoutable séduction  à chair rose ...
âmes prostituées en leur décolleté pigeonnant, à l'actif des "vertus " féminines ...
chaire 2 blog.jpg
...  violence et dangerosité à l'actif des "vertus" masculines de ces démons mauresques,
redoutables masques d'ébène aux yeux sanguinaires et injectés de sang :
chaire 5 blog.jpg
c'est que le grand péril des razzias barbaresques est encore bien présent en cette fin du XVII ème siècle : "i Turchi", "les Turcs", alias les barbaresques d'Afrique du Nord sévissent encore jusqu' au XVIIIème siècle - Par exemple, le couvent servite de Sisco sera saccagé en 1736 ( cf. Les Servites de Marie en Corse, p. 511, éditions Alain Piazzola , 2000)... Les vaillants marins du Cap Corse paient un lourd tribut à ce juteux commerce de la piraterie en transportant gens et  marchandises au péril de leur vie et à tout le moins de leur liberté ...
Ces sculptures ont l'évidence et la force des "arts premiers", l'immédiateté aussi du message. L'esprit qui les anime n'est pas si différent de celui des sculptures de nos petites églises romanes ...
La virtuosité exubérante dont a fait preuve ce maître ébéniste en fait un chef-d'oeuvre rare et tonique.
L'artiste en avait certes conscience, puisque, fait totalement inhabituel à cette époque, il a signé son oeuvre sur l'abat-voix:
Morsiglia abat-voix signature Pelegrini jpg.jpg
" Giovanni Pellegrini opus fecit 1696 "
Une telle signature est un cadeau inespéré pour les historiens de l'art qui travaillent sur le patrimoine de la Corse, rencontrant plus souvent l'humble anonymat des artistes locaux. Je vous invite à retrouver, si vous le pouvez, l'article écrit par Michel Edouard NIGAGLIONI:
"GIOVANNI PELLEGRINI, un ébéniste virtuose oublié de la fin du XVIIème siècle",
dans l'excellente revue A CRONICA (Journal de l'histoire du Cap Corse), Numéro 8, Octobre 1994
La vitalité de cette chaire m'évoque une autre oeuvre toute aussi extraordinaire et roborative dont je parlerai une autre fois: le maître autel de la chapelle saint Jean de Belgodère, construit à l'origine pour accueillir la statue de la Vierge des Douleurs dans l'église du couvent des Servites de ce village : même période, même esprit généreux et fantasque !
anges de St Jean Belgodere 2 blog.jpg
(l'un des innombrables anges du maître-autel de st Jean de Belgodère)
( à suivre !)