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08/03/2010

Mursiglia, la chaire de prêche de San Ciprianu

Cap Corse
MORSIGLIA, église saint Cyprien
L'une des plus belles façades d'église de Corse,
Morsiglia façade 1 blog.jpg
... emmenant le regard jusqu'au ciel,
harmonieuse et chantante dans son langage de  colonnes, pilastres,
chapiteaux, corniches, pyramidions ...
Morsiglia façade 2 blog.jpg
cette magnifique façade baroque donc,
aujourd'hui blanchie et attaquée par les vents salins,
 invite le fidèle à entrer pour écouter la bonne parole,
Morsiglia chaire ensemble blog.jpg
du haut d'une chaire de prêche   pour le moins inattendue ...
Morsiglia chaire abat-voix colombe blog.jpg
Parole inspirée, au centre de l'abat-voixpar la colombe de l'Esprit Saint ...
Morsiglia chaire détail.jpg
Tout une faconde virtuose habite l'ensemble de bois polychrome, dans ses motifs végétaux et architecturaux :
ici les petites niches semblent toujours attendre  l'arrivée des  Evangélistes...
Morsiglia chaire 9 blog.jpg
Tout en bas, soutenant le culot de la chaire,
 ce visage déterminé et peu amène comme une figure de proue fendant l'onde amère.
Morsiglia chaire bas blog.jpg
Et, couronnant cette base, quatre personnages en buste évoquent les dangers
qui entraînent les pauvres âmes à leur perte:
chaire 6 blog.jpg
deux masculins et deux féminins (la parité dans le vice, oui, oui!)
Chaire 3 blog.jpg
 démones alternant la redoutable séduction  à chair rose ...
âmes prostituées en leur décolleté pigeonnant, à l'actif des "vertus " féminines ...
chaire 2 blog.jpg
...  violence et dangerosité à l'actif des "vertus" masculines de ces démons mauresques,
redoutables masques d'ébène aux yeux sanguinaires et injectés de sang :
chaire 5 blog.jpg
c'est que le grand péril des razzias barbaresques est encore bien présent en cette fin du XVII ème siècle : "i Turchi", "les Turcs", alias les barbaresques d'Afrique du Nord sévissent encore jusqu' au XVIIIème siècle - Par exemple, le couvent servite de Sisco sera saccagé en 1736 ( cf. Les Servites de Marie en Corse, p. 511, éditions Alain Piazzola , 2000)... Les vaillants marins du Cap Corse paient un lourd tribut à ce juteux commerce de la piraterie en transportant gens et  marchandises au péril de leur vie et à tout le moins de leur liberté ...
Ces sculptures ont l'évidence et la force des "arts premiers", l'immédiateté aussi du message. L'esprit qui les anime n'est pas si différent de celui des sculptures de nos petites églises romanes ...
La virtuosité exubérante dont a fait preuve ce maître ébéniste en fait un chef-d'oeuvre rare et tonique.
L'artiste en avait certes conscience, puisque, fait totalement inhabituel à cette époque, il a signé son oeuvre sur l'abat-voix:
Morsiglia abat-voix signature Pelegrini jpg.jpg
" Giovanni Pellegrini opus fecit 1696 "
Une telle signature est un cadeau inespéré pour les historiens de l'art qui travaillent sur le patrimoine de la Corse, rencontrant plus souvent l'humble anonymat des artistes locaux. Je vous invite à retrouver, si vous le pouvez, l'article écrit par Michel Edouard NIGAGLIONI:
"GIOVANNI PELLEGRINI, un ébéniste virtuose oublié de la fin du XVIIème siècle",
dans l'excellente revue A CRONICA (Journal de l'histoire du Cap Corse), Numéro 8, Octobre 1994
La vitalité de cette chaire m'évoque une autre oeuvre toute aussi extraordinaire et roborative dont je parlerai une autre fois: le maître autel de la chapelle saint Jean de Belgodère, construit à l'origine pour accueillir la statue de la Vierge des Douleurs dans l'église du couvent des Servites de ce village : même période, même esprit généreux et fantasque !
anges de St Jean Belgodere 2 blog.jpg
(l'un des innombrables anges du maître-autel de st Jean de Belgodère)
( à suivre !)
 

20/04/2009

Pieve de Giovellina: Torre di Monte Albano et a Tribuna

Toujours ce lundi de Pâques 2009: l'après-midi,
sous Prato di Giovellina

 

Prato Monte Albano blog.jpg
En début d'après-midi, descente depuis le village de PRATO pour tenter de retrouver les vestiges de "a Tribuna". Un beau sentier plonge sous les chênes: nous avons regardé d'en haut dans ce large et magnifique paysage la douce colline où s'est implantée cette tour carrée que l'on voit de loin, la tour de Monte Albano, et quelle que soit la bonne direction pour "a Tribuna", nous ferons le crochet par la tour... Sa consolidation et sa valorisation ont fait l'objet d'un chantier de la FAGEC, relaté par une émission des "Racines et des Ailes" en février dernier.
tour Monte Albano blog.jpg
La tour a fière allure, solidement campée sur une base pyramidale au sommet d'un mamelon isolé. Depuis la tour, le regard porte à 360° tout autour, vers Rescamone, Supietra (la première fortification des Amondashi: voir la note précédente) d'Omessa, le San Pedrone, les sommets de Castagniccia de Tenda,  les aiguilles de la Giovellina... A vol d'oiseau, on est à 3 km au Sud-Est du château de Serravalle que nous venons de quitter...  Cette construction carrée datable du XV° ou XVI° siècle (cf. Cahier Corsica 214) avait probablement une vocation de guet et non de défense: du haut de cette tour, on pouvait voir de loin les mouvements de troupes et dans la lutte engagée à cette époque contre les incursions des Barbaresques responsables de tant de malheurs en Corse, cette Torre stratégique a sans doute permis la transmission de l'information par des signaux de fumée. On suppose qu'au XI° siècle se dressait déjà à cet emplacement une première résidence des ancêtres des Amondeschi...
Monte Albano, intérieur blog.jpg
De l'intérieur: Prato et les aiguilles. (merci Anna!)
Monte intér et meurtrière blog.jpg
 
 
Détail de l'intérieur: une meurtrière.
 
De retour au pied de la colline, nous nous engageons sur un sentier en direction de notre but convoité: a Tribuna... Parcours admirable qui nous conduit progressivement au coeur d'une dense végétation arborée, sans autres indications que des panneaux "Réserve de chasse" clouées aux arbres, confirmés par une impressionnante abondance de douilles au sol... Les sangliers doivent connaître ces sentes mieux que nous et nous ne tardons pas à perdre la trace d'un véritable chemin. Cela fait un moment que nous n'avons plus de repères visuels dans le paysage. Nous nous dirigeons "à vue de nez", saluant les restes de murs, les ruines de maison comme autant d'indications de notre approche.
Le  chant d'un ruisseau, nous attire au fond d'un vallon, nous pressentons que nous approchons...  Et soudain, alors que le découragement gagne un peu les troupes, de l'autre côté du ruisseau, c'est la divine surprise:
Prato Tribuna 1 blog.jpg
Sur une sorte de petit plateau au-dessus du vallon, les ruines de la Tribuna, au milieu de ce qui nous est paru nulle part, mais qui semble  avoir été une bourgade romaine (cf "Les églises romanes de Corse" de Geneviève Moracchini Mazel, p. 300: je suis récompensée d'avoir porté cette bible dans mon sac à dos!). Dans une note (p.30), G. Moracchini-Mazel dit ceci:
"C'est dans ces parages, soit au pied des aiguilles de Giovellina, que nous chercherions volontiers les traces d'un sanctuaire païen dédié à Giove (car Giovellina vient, dit-on, de Giove); en effet ce massif montagneux est si impressionnant qu'il a dû être consacré aux divinités depuis les temps les plus reculés, et, en bonne logique, au maître des dieux, à l'époque romaine."
Continuité du sacré.
Ici, nous sommes donc sur le lieu nommé "la Pieve" (ancien cadastre de Prato, en 1848) , mais aussi "a Tribuna" (appellation locale).
Une nef unique avec une petite abside à l'Est.: la façade et les murs se dressent encore dans leur appareil malheureusement dépouillé à de nombreux endroits de leurs belles dalles de parement de granite, arrachées et récupérées ...
Prato Tribuna 3 blog.jpg
La porte d'entrée occidentale: sous l'arc, un linteau monolithe de schiste vert, provenant d'un édifice précédent, sans doute d'époque préromane, porte un décor  d'entrelacs gravés encore visibles.
Prato Tribuna 4 blog.jpg
L'abside et les restes de maçonnerie d'un mur de clôture, disposition indiquant peut-être une organisation judiciaire particulière, évoquée par le terme de "tribuna".
Nous attendons avec impatience la publication du deuxième volume de CORSICA SACRA  , de Geneviève Moracchini-Mazel, qui évoquera certainement ce lieu particulièrement intéressant de la Corse romane et féodale.
Prato Tribuna 2 blog.jpg
Je vous quitte pour aujourd'hui avec cette image des restes d'arcatures décoratives de l'abside, retrouvées lors des fouilles...
Je vous rassure: grâce à la gentillesse de dames rencontrées par hasard sur le bord de la route qui nous ont ramenées à nos voitures (en fin de journées nous étions à une douzaine de kilomètres par la route de notre point de départ), nous n'avons pas eu à bivouaquer sur le petit plateau de la Tribuna... Une journée bénie!
a tribuna Hélène.jpg