03/08/2022
Le Théâtre de la Passion à Castellu di Rustinu, samedi 6 Août 2022
Bien que cela soit "hors saison" je propose samedi 6 Août une découverte d'un patrimoine caché et éphémère, celui des sepolcri de Corse et en particulier ceux de Frassu et de Pastureccia.
Une histoire liée aux communautés et qui nous conduira du monde des fresques à celui des sepolcri, ces monuments de la Semaine Sainte, installations théâtralisées qui mettent en scène la Passion du Christ.
Cette présentation riche d'images se fera à partir de 18 h dans l'église de l'Annonciation de Pastureccia, à Castellu di Rustinu et sera l'occasion de voir les grandes toiles du sepolcru de Pastureccia. Elles ont grand besoin d'une restauration et il serait dommage que ce témoignage précieux disparaisse faute de reconnaissance et de soins.
Voir la note :
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2012/02/03/le-sepolcru-de-castellu-sort-de-l-ombre.html
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30/03/2013
2°/ les reposoirs de Bastia, cru 2013: l'Immaculée Conception
Suite de la note : http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2013/03/29/les-sepolcri-de-bastia.html
Le sepolcru 2013 de l'oratoire de l'Immaculée Conception, à Bastia
Dans la pénombre du merveilleux oratoire baroque de la Conception, le sepolcru de la Passion propose à l'empathie des Bastiais une surprenante scénographie:
cette année le confrère - pilier de la Conception !- Gaspard Griffi a créé la surprise en empruntant les cartelami de l'église Saint Charles ...
Cette fois-ci, les silhouettes découpées dans le contre-plaqué sont de taille modeste, contrairement aux cartelami utilisés habituellement les autres années et qui sont à la talle humaine. Version "hobbits", diraient mes enfants. La petitesse des sujets est compensée par le nombre et l'animation des acteurs:
le Christ à la colonne, tourmenté par ses bourreaux: peints par le peintre décorateur bastiais Armand Baffico (1882-1958)
le Christ tombant sous le poids de la croix (Armand Baffico)
une Pietà, peinte par Gilbert Bouchez (1824-1882):
c'est aujourd'hui le plus ancien cartelame conservé à Bastia
muette dramaturgie à laquelle ont contribué ces différents artistes locaux
le Christ mort (Armand Baffico)
Dans l'oratoire, les visiteurs prient, et commentent à voix basse l'installation, comparent avec le sepolcru de l'an dernier,
qui présentait en 2012 la dramatique mise au tombeau du Christ,
peinte par Albert Gilio (1892- 1964) :
"La facture manuscrite (...) a été conservée dans les archives paroissiales. Datée du 24 avril 1957, elle est ainsi rédigée: " La Confrérie de l'Immaculée Conceprion doit à Monsieur Gilio Albert pour l'exécution d'un reposoir, représentant la mise au tombeau du Christ la somme, prix forfaitaire convenu, de 60.000 francs". " (merci à Michel-Edouard Nigaglioni!)
On l'aura compris, ce patrimoine populaire et émouvant était naguère renouvelé dans une création effervescente où les diverses communautés se mesuraient . Aujourd'hui les personnes dévouées qui s'occupent de créer cet évènement annuel des sepolcri pour le Jeudi et Vendredi Saint, et qui ne sont plus de la première jeunesse, s'inquiètent de la relève et de la transmission. Une grande fierté accompagne cette installation annuelle, chacun ici est bien conscient de l'importance de cet héritage, souhaîte le sauvegarder, le montrer, le partager, d'autant plus que l'on sait que ce sont les derniers témoins d'un patrimoine autrefois beaucoup plus riche et désormais disparu.
18:41 Publié dans corse, décors monumentaux en Corse, la Semaine Sainte en Corse, sepolcri de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sepolcri de bastia, albert gilio, armand baffico, gilbert bouchez | Facebook |
18/01/2013
Le chef-d'oeuvre de Francesco Giavarini à Costa
Une oeuvre à découvrir en Balagne:
dans le petit village de Costa, Pieve de Tuani,
cette modeste église San Salvatore abrite une oeuvre remarquable :
Francesco Giavarini réalise vers les années 1818- 20 cet étonnant décor peint qui mériterait un programme de sauvegarde et de restauration. Souhaitons que la communauté de Costa puisse, dans un temps proche, trouver les moyens de mettre hors de danger cet ensemble remarquable :
le village de Costa a su, en 2004, et ce, malgré la modestie de ses moyens, faire restaurer cet délicieux petit orgue anonyme du début XIX° siècle. Espérons que l'ensemble du décor peint de Giavarini connaîtra un sort aussi enviable: un dossier est d'ors et déjà en cours pour refaire le toît, ce qui en soi est déjà une prouesse financière pour une toute petite commune (même si les subventions montent à 80%, les 20 % restant à la charge de la communauté pèsent lourd).
Francesco Giavarini est, nous dit Michel-Edouard Nigaglioni (Encyclopédie des peintres actifs en Corse, éd. Piazzola), un "peintre décorateur et peintre de chevalet né en 1781 dans le village de Ciamannacce (Corse-du-Sud). Il s'installe à Bastia , où en 1820 il épouse Marie-Jeanne Bourgeois. Giavarini est l'auteur de décors de grande envergure, tel celui de l'église d'Oletta (signé et daté de 1817) et celui de la cathédrale de Cervione (signé et daté de 1828 (...)".
L'église de Notre-Dame du Carmel à Stoppia Nova (actuellement en restauration), hameau de Quercitellu (Castagniccia) possède un chemin de croix intéressant, peint en 1824 par Giavarini.
Rappelons qu'il est aussi l'auteur des grandes toiles des volets de l'orgue de Corbara (signées et datées de 1819).
Des similitudes dans les décors des deux orgues de Costa (décor du doreur Bernardo Zigliara, en 1819) et de Corbara évoquent fortement des contacts étroits entre ces deux communautés qui semblent avoir fait travailler à la même époque ces deux artistes, Zigliara et Giavarini.
Francesco Giavarini réalise à Costa un décor monumental de grande qualité où se mêlent harmonieusement baroque et néoclassicisme.
Occupant le centre de la voûte, le médaillon du Christ du Sacré Coeur - un coeur brûlant et rayonnant d'amour, couronné d'épines et surmonté de la croix pour une dévotion largement diffusée par la France au XIX°siècle : Giavarini illustre les consignes de son temps.
Encadré, côté choeur, par la scène de la Décollation de Saint Jean-Baptiste.
Giavarini honore sans doute ici la demande de ses commanditaires qui souhaitent donner une place importante à St Jean-Baptiste: l'ancienne église de la Piève de Tuani, dédiée à San Giovanni Battista, dont il ne subsiste aujourd'hui que les murs, fut reconstruite vers le XIV° siècle en remplacement d'une église romane pisane du XI° siècle, qui elle-même aurait remplacé une église paléo-chrétienne. Cette église en ruines se trouve donc sur le territoire de Costa, tout à côté de l'ancien couvent franciscain observantin de Toani, et fort proche du village. Une façon pour les gens de ce petit village de Costa de signifier leur importance dans la Piève, face aux communautés voisines beaucoup plus importantes d' Occhiatana, Belgodère, Ville di Paraso et Speloncato. D'autant que Costa n'a gagné son indépendance sur son voisin Occhiatana que tardivement, devenant vicairie en 1774, et commune distincte à la Révolution française.
De l'autre côté de la voûte, vers l'orgue, cette représentation des trois Vertus théologales:
l'Espérance et son attribut, l'ancre: on est ancré dans la vie chrétienne par une foi solide.
la Foi, voilée, car elle n'a pas besoin de voir pour croire, porte ses attibuts: la croix du Christ et le calice du salut.
la Charité: elle allaite un orphelin ...
Sur les côtés de la voûte, au-dessus de fenêtres en trompe-l'oeïl et alternant avec des motifs végétaux et floraux, des médaillons accueillent des saints, une véritable galerie de portraits:
Saint Aloysius, alias le jeune Saint Louis de Gonzague
Saint Pie V, le pape dominicain, mystique et visionnaire, en fonction lors de la Bataille de Lépante qui opposa la coalition chrétienne au monde ottoman en 1571.
Saint Grégoire le Grand: la colombe de l'Esprit Saint inspire ses écrits, et le Livre ouvert témoigne qu'il est Docteur de l'Eglise.
L'apôtre Saint Paul: visage passionné et barbe ardente, armé du glaive de son martyre et du Livre.
Lui faisant face, de l'autre côté de la nef, le médaillon de Saint Pierre, hélas trop dégradé pour être ici présenté.
Saint Dominique, créateur de l'ordre des dominicains et de la dévotion du Rosaire.
Saint Philippe Néri et son coeur brûlant d'amour: le village voisin de Speloncato abrîtait une congrégation d'Oratoriens, créée par ce grand saint du XVI° siècle, mystique et charitable.
Saint Michel Archange, le peseur d'âmes et le grand pourfendeur de Satan:
je ne résiste pas à l'envie de vous le montrer de plus près, tant il est beau malgré les dégradations dues à l'humidité.
Par ailleurs, Francescu Giavarini a réalisé cette très jolie chaire de prêche en bois polychrome,
qui accueille , outre le motif central " JHS" (Jesus Salvator Hominum) cher aux Jésuites et aux Franciscains, le portrait des quatre Evangélistes et de leur symboles du Tétramorphe:
Saint Marc et son Lion fidèle
Saint Luc et le Taureau
Saint Matthieu et l'Ange, qu'il écoute manifestement!
Saint Jean l'Evangéliste et l'Aigle: jeune, inspiré ( exilé à Patmos, une figure resplendissante - ici le rayon - lui ordonne d'écrire l'Apocalypse) , il rédige l'Evangile le plus spirituel : "Au commencement était le Verbe ...". L'aigle, son compagnon, comme les trois autres attributs des évangélistes, est l'un des animaux de la vision du prophète Ezéchiel:
Au commencement de sa prophétie, Ezéchiel (Ez 1, 1-14) décrit sa vision :
« le ciel s'ouvrit et je fus témoin de visions divines » (Ez 1, 1). « Au centre, je discernais quelque chose qui ressemblait à quatre êtres vivants » (Ez 1, 5).
« Ils avaient chacun quatre faces et chacun quatre ailes (...) leurs sabots étaient comme des sabots de bœuf » (Ez 1, 6-7).
« Quant à la forme de leurs faces, ils avaient une face d'homme, et tous les quatre avaient une face de lion à droite, et tous les quatre avaient une face de taureau à gauche, et tous les quatre avaient une face d'aigle. » (Ez 1, 10).
On ignore tout de cette commande, les archives paroissiales ayant disparu, mais on peut penser que la population de Costa a dû se sentir fière d'une telle réalisation pour sa petite église. Souhaitons seulement que les descendants puissent sauver ce patrimoine exemplaire et menacé.
A propos du Tétramorphe:
Cette représentation du Tétramorphe est très présente, tant dans les chapelles à fresques (voir par exemple: elizabethpardon.hautetfort.com/restauration-du-patrimoine/ - 117k ) soit dans les églises baroques où on la retrouve fréquemment peinte dans les décors plafonnants ...
comme par exemple ici à Nocariu Supranu (Castagniccia), dans la petite chapelle Santa Barbara où notre Saint Marc se retrouve en compagnie d'un gros matou sympathique en guise de Lion,
et où Saint Luc maîtrise avec peine la cabrette-taurillonne fantasque qui lui tient lieu de Taureau ...
Non, non, ce n'est plus Giavarini, mais de l'art populaire et bien savoureux!
23:43 Publié dans artistes de corse, corse, décors monumentaux en Corse, iconographie des saints, patrimoine de corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : francescu giavarini, costa, sacré coeur de jésus, décollation de jean-baptiste, vertus théologales, tétramorphe, ezéchiel, pie v, st philippe neri | Facebook |
04/02/2012
le sepolcru de Castellu sort de l'ombre
Ce 31 janvier, à Castellu di Rustinu,
peu avant la neige ...
Bien sûr, ce n'est pas encore la saison, mais ... un grand merci , Richard!
A l'occasion de la rédaction d'un article sur les sepolcri peints de la Semaine Sainte en Corse pour la belle revue "Art Sacrés", et reprenant contact avec les amis de Castellu di Rustinu pour éclairer ce sujet, j'ai eu le grand plaisir de voir sortir de sa cachette et monté, tant bien que mal, pour la première fois depuis environ 80 ans, le magnifique sepolcru peint de Castellu. Son état actuel - chassis vermoulu, toiles très fragilisées ... n'a pas permis de le dresser totalement comme il le devrait, les deux panneaux latéraux épousant normalement exactement la forme trapézoïdale du" plafond" de la Résurrexion. Mais tel que (merci, Richard!) cet ensemble parle comme jamais jusqu'ici je ne l'avais entendu: la colline du Golgotha faisant le lien entre les trois panneaux. Ce remontage , très éphémère (il ne peut rester ainsi dans l'église) signe la prise de conscience de la communauté de Castellu qu'elle possède ici un héritage précieux et rare de la dévotion de ses ancêtres, et qui aboutira, j'en suis certaine, à une restauration: la municipalité est impliquée dans la restauration de son patrimoine: outre celle de la chapelle san Tumasgiu et de ses fresques, qui devrait débuter très prochainement, il est prévu de continuer l'effort de restauration dans la très belle église paroissiale : l'ensemble des autels et de leurs toiles dans un temps relativement proche également ... Le sepolcru suivra, je n'en doute pas, dans la foulée, et ... espérons-le aussi, l'orgue de Saladini retrouvera sa voix ...
Quelques détails du sepolcru
le Jugement de Ponce Pilate en compagnie de Caïphe (reconnaissable à son vêtement jaune, signe distinctif longtemps imposé aux Juifs ...)
Jésus chargé de sa croix: le trou dans la toile a probablement, comme les autres du sepolcru, été fait par la flamme des bougies ...
un premier groupe de cavaliers
Jésus tombe sous le poids de la croix, et Simon de Cyrène est appelé à la rescousse
En haut du panneau central, la scène de la Crucifixion
le groupe de soldats de la crucifixion. A noter les armes, très codifiées de ces messieurs (on les retrouve dans les sepolcri et les chemins de croix du XVIII° siècle) et leurs casques pointus. Le cavalier porte a baretta misgia, cette sorte de bonnet phrygien qui faisait partie du costume des montagnards corses, et un cimeterre tout-à-fait turc ou barbaresque. Une armée qui va pieds-nus ...
... les solutions techniques de la crucifixion ...
pas facile, mais nos gens ont de la ressource!
chorégraphie de la Déposition de croix
le groupe douloureux de la Déploration du Christ: la Vierge, Mater Dolorosa, a reçu sur ses genoux le corps supplicié de son fils et l'expose à,la compassion de tous, tandis que Marie-Madeleine - en robe jaune et cheveux dénoués,- pleure en saisissant la main de Jésus.
la Mise au tombeau. Je propose cette lecture: Joseph d'Arimathie à la tête du Christ et Nicomède à ses pieds, et le groupe de Marie-Madeleine et de saint Jean entourant la Vierge
détail: Marie-Madeleine soutient la Vierge
... et le tombeau du Christ (partie basse du panneau central): oups! les anges sont assez effrayants. De mauvaises langues en déduiraient que le Christ leur a faussé compagnie dès qu'Il a pu ...
le panneau de la Résurrection formant plafond:
ce thème de la Résurrection est suffisamment rare dans les sepolcri de Corse pour être signalé: un Christ triomphant, dans toute sa gloire. Généralement les sepolcri s'arrêtent à la Déploration de la mort du Christ et le message de Pâques reste à venir... ...
Il y a une quinzaine d’années, les hasards d’une recherche sur les orgues de Corse m’avaient conduite à Castellu di Rustinu, un village de montagne proche de la Castagniccia : seules quelques fumées paresseuses s’élevant des toits de lauze dans la lumière de janvier et au passage, une télé tonitruante mariée à une bonne odeur de soupe témoignaient encore de la vie au milieu de ces hautes maisons de schiste aux volets trop souvent clos. La délicieuse vieille dame qu’on m’avait indiquée m’accompagna pour me faire les honneurs de son église – elle venait de finir son déjeuner, me dit-elle avec un sourire serein, et n’avait rien d’autre à faire - Malgré l’état un peu dégradé des lieux, à l’époque, j’avais été frappée par la joyeuse propreté qui régnait ici, nappes impeccables soigneusement repassées, profusion attendrissante d’angelots joufflus et de fleurs artificielles, et par la qualité et la richesse du patrimoine : datant en majorité du XVIII° siècle, décors muraux, chaire de prêche et élégants autels de stuc baroques, retables, quatorze tableautins peints d’un intéressant chemin de croix populaire,
(ici le Christ mis en croix: chemin de croix peint par Giacomo Grandi pour Castellu au milieu du XVIII° siècle)
et, un peu plus tardif, un orgue hélas muet, bref … c’était ici l’une de ces surprenantes églises de la région qui racontent à foison une communauté dynamique à une époque où la majorité des Corses vivaient dans leurs villages, et où l’expression d’une religiosité dramatique et festive resserrait les liens.
Puis, passant derrière le maître-autel, ce fut pour moi un choc imprévu : contre le mur s’entassaient, abandonnées en vrac, plusieurs toiles rectangulaires, grossières et en mauvais état, de très grande taille, clouées sur des châssis vermoulus. Peintes à la détrempe, elles n’avaient rien à voir avec l’art savant des retables de l’église, mais s’apparentaient plus à l’esprit vernaculaire du chemin de croix – j’y reviendrai : elles disaient d’une façon immédiate et émouvante la Passion du Christ. Sur un premier panneau, du haut du perron de son prétoire, Pilate, enturbanné comme un oriental, prononçait son jugement, puis Jésus se trouvait chargé de la croix , gravissait un Golgotha où se tordaient de grands arbres, trébuchait, martyrisé par des soldats bigarrés, barbus, moustaches retroussées, une soldatesque disparate aux pieds nus, coiffés de casques ronds, de la barreta misghia (une sorte de bonnet phrygien, coiffure traditionnelle des corses jusqu’à la fin du XIX° siècle), armée de cimeterres, de lances et de hallebardes, montée sur de magnifiques chevaux, le tout dans un paysage abrupt de montagne … Sur un deuxième, c’était la crucifixion et la douleur de la Vierge, de saint Jean et des saintes femmes, et sur un autre, la déposition de croix, la déploration du Christ, la mise au tombeau efficacement racontées dans l’émotion, et enfin une dernière toile en forme de trapèze exaltait la Résurrection du Christ …
Comme je m’étonnais de la présence et de l’importance de ces décors, Laurence M. m’expliqua qu’il s’agissait du « Sepolcru », qu’on ne le sortait plus depuis longtemps, que lorsqu’elle était petite on le dressait dans l’église dès le jeudi saint pour accueillir le Christ mort, que chaque famille était chargée d’apporter un litre d’huile d’olive pour entretenir la flamme des lampes qui veilleraient sur le Crucifié en compagnie des fidèles : « c’est qu’ ici, on ne laisse jamais le mort seul » … et elle se souvenait de sa terreur, petite fille, lorsqu’il s’agissait de pénétrer la nuit dans cet espace étrange peuplé de ces silhouettes inhabituelles dansant à la lueur des cierges et des lampes… Par la suite, j’ai appris que ces grandes toiles servaient aussi autrefois de décor pour une Passion jouée par les villageois de Castellu - dramaturgie évoquée par les derniers anciens, et dont Laurence est désormais le dernier témoin vivant. Il semble que ce sepolcru anonyme du début XIX° siècle ne soit plus ressorti en situation depuis 1930 … Telle fut ma première rencontre avec ce monde si attachant des sepolcri peints de la Corse et elle a le visage rond et souriant d’une vieille dame optimiste née en 1917 …
le fronton triomphal que l'on n'a pas pu replacer sur le "plafond", faute de solidité
07/03/2011
La petite musique céleste de Monacia d'Orezza
MONACIA D'OREZZA,
A MUNACIA D'OREZZA
Pieve d'Orezza, Diocèse d'Aleria.
en route pour Monacia d'Orezza (le 6/3 /2011) ...
La route est bien dégagée, mais encore beaucoup de neige sur cette montée de Morosaglia
A Monacia, Monsieur Joseph Fantini nous accueille avec beaucoup de gentillesse dans ce qui fut l'une des communautés les plus importantes de la pieve d'Orezza:
" La paroisse de Monacia avait deux paroisses annexes: Parata (et les deux anciennes paroisses qui lui sont unies, Poggiale et Piazzole) et Valle d'Orezza " (cf François Casta: Paroisses et communes de France, Corse, CNRS Editions, 1993)
Monsieur Fantini nous explique que la grande église paroissiale qui se dressait face à celle-ci s'est écroulée sous le poids de 4 mètres de neige (!) dans les années 1930 et qu'elle a été rasée dans les années 1970. Elle était dédiée à San Mamiliano, et portait le titre d'archidiaconat d'Aléria. On ne peut que regretter sa ruine: Monseigneur Mascardi, en 1589, dit que son abside était peinte ...
Nous entrons dans ce qui fut la confrérie San Carlu de cette communauté et qui est devenu depuis, par la force des choses , l'église paroissiale. Dans le choeur, cette merveille de décor peint par Giacomo GRANDI au XVIII°s (note corrigée avec la complicité de M.E. Nigaglioni)
avec là-haut, au fond, trônant avec majesté
cette belle tribune d'orgue en trompe-l'oeïl, en partie cachée par une peinture en très mauvais état de saint Mamiliano, probablement récupérée de l'église détruite. Ce qui nous prouve bien l'intérêt porté par ces communautés du XVIII° à l'orgue, l'instrument noble de la musique religieuse au côté du chant - j'espère avoir l'occasion de refaire une photo de cet ensemble: à cette époque et dans cette région, Giacomo GRANDI pouvait s'inspirer des orgues construits pour les couvents de la région: couvent d'Orezza (serait-ce celui qui a été récupéré par Carcheto?), de Casabianca (déplacé, selon toute probabilité, à La Porta), de Valle d'Alesani ...
En exemple, l'orgue Lazari (1750) du Couvent d'Alesani, encore en place dans l'église conventuelle: fait suffisamment rare pour être souligné (c'est que la Révolution française est passée par là, détruisant ou, au mieux, déplaçant les orgues des couvents)
Quant à la musique en général, on dit qu'elle adoucit les moeurs et certes nous emmène au paradis. Ici, dans la voûte du choeur, le grand saint Charles Borromée, San Carlu Borromeu, est ravi au ciel par la musique céleste de quatre anges musiciens:
un ange joueur de cetera,
un ange bucinateur
et son collègue
un ange violoniste
Tandis que, de part et d'autre de l'autel
prient deux confrères ...
Nous souhaitons ardemment que cette communauté désormais peu nombreuse trouvera le moyen de sauver et de restaurer ce patrimoine: l'édifice lui-même, puis le beau témoignage de ce décor peint par G. Grandi, auteur entre autres, du médaillon de Sainte Marguerite à Carcheto dans la voûte de l'église :
Je rappelle donc - et merci encore à l'historien de l'art Michel-Edouard Nigaglioni pour son accompagnement amical et sans faille! :
Giacomo GRANDI, peintre originaire de Milan, a choisi de vivre en Corse où l'on suit sa riche production picturale de 1742 à 1772. Après avoir vécu en Balagne dans le village de Monticello où il s'était marié, il se remarie en 1758 après le décès de sa première épouse avec une jeune fille de Quercitello , village qui surplombe La Porta, en Castagniccia, et y vit de nombreuses années avant de s'éteindre (1772) à Borgo où il est enterré.
Quant au thème des anges musiciens, on le retrouve illustré non loin de là:
à la confrérie de Valle d'Orezza: ici les anges musiciens, version cette fois RAFFALLI ...
Quant à San Mamilianu ... est-ce le bout de la queue du dragon qu'il occit avec un bâton au sommet de l'île de Giglio et qui frétille encore au bas de cette toile mal en point? Evêque de Palerme, déporté en Afrique par Genséric, roi des Vandales au V° s., échappé avec ses compagnons et réfugié sur l'île de Monte Cristo où il vécut en ermite ... Voir le chapitre qui lui est consacré par Geneviève Moracchini-Mazel dans"Corsica Sacra", p. 87.
09:37 Publié dans anges musiciens, corse, décors monumentaux en Corse, Musique, orgues historiques, restauration du patrimoine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : monacia d'orezza, san mamilianu, san carlu, stucateurs raffali, anges musiciens, valle d'orezza, corsica sacra | Facebook |