12/06/2017
Giuseppe Ronchi sort peu à peu de l'ombre ...
En attendant l'enquête approfondie de Michel-Edouard Nigaglioni et pour vous mettre en appétit
quelques oeuvres du Signore Giuseppe Ronchi,
alias notre cher " Maître des Anges musclés" ,
un contemporain (et concurrent!) de Giacomo Grandi ...
à Altiani, un vigoureux Saint Michel virevoltant brandit une épée de feu et terrasse Satan: l'élégance de sa tunique transparente, fleurie et fendue sur une cuisse musclée n'a d'égale que sa détermination à vaincre l'affreux dragon. La langue du monstre (quel hurlement terrible!) fait un pâle écho au glaive du général des milices célestes...
à Feliceto, la Déposition de croix, récemment restaurée par Ewa Poli: un Christ doté de muscles abdominaux en "tablettes de chocolat" efficaces: voilà bien le maître des Anges musclés! Une composition complexe dominée par Dieu le Père et la Colombe de l'Esprit Saint, formant avec le Christ mort une sorte de Trône de Grâce; le corps du Christ, accompagné de Marie-Madeleine, de la Vierge pâmée de douleur et du juvénile saint Jean forment le devant de scène en diagonale; au-dessus, à gauche , Nicomède portant un vase pour l'embaumement; au-dessus, à droite, un ange porte les "Arma Christi", les instruments de la Passion.
Toujours à Feliceto, il peint également ce joli médaillon représentant Saint Nicolas et Saint Antoine Abbé
à Olmi Cappella, le discours élaboré des "Âmes du Purgatoire": notre homme sait composer ses sujets ... Ici il fait encore rentrer un maximum d'informations dans le cadre de cet autel de dévotion si fréquemment illustré dans nos églises:
- dominées par la présence de la Trinité, les malheureuses âmes du Purgatoire subissent la purgation par le feu, et cette "remise à niveau" n'est manifestement pas une partie de plaisir, si l'on en juge par le visage torturé du personnage central au bas de la toile .
- à sa droite un beau vieillard encore bien vert, si j'en juge par sa musculation à faire pâlir d'envie les adeptes du bodybuilding, reçoit le rafraîchissement de l'eau versée par un angelot dodu, une vraie réclame de bouillies pour bébés: il s'agit là de l'eau de nos prières qui soulage nos pauvres défunts ...
- à côté de lui, une jolie jeune femme, elle, se trouve baignée par le sang qui jaillit de la blessure du Christ: le message est clair, Jésus a souffert la Passion pour la rédemption des âmes pécheresses ...
- au centre, une autre âme a fini son temps de purgation (je vous rappelle: une moyenne de 800.000 ans, parait-il ...) et son ange gardien, aussi grassouillet que le précédent, s'apprête à la tirer de la fournaise: c'est que, au-dessus d'eux, Saint Michel armé de sa balance a donné le feu vert, le compte est bon!
- à sa gauche, la Vierge Marie est représentée dans son rôle d'avocate: de sa main droite elle désigne ces pauvres âmes du Purgatoire, tout en brandissant dans sa main gauche un scapulaire - le porter a évité le pire (l'enfer!) à ces âmes souffrantes, mais maintenant elle supplie la Trinité de les sortir de là, elles sont régénérées par le feu. Derrière elle, Saint Joseph, son époux bienveillant et ma foi, pas si vieux que ça, armé de son bâton fleuri de roses (la fleur de la Vierge), mais ceci est une autre histoire (à retrouver dans les évangiles apocryphes!).
Cette toile est intégrée dans un bel autel de stuc daté de 1671: les deux anges tiennent la balance du Jugement et un phylactère évoquant l'église du Purgatoire. Au-dessus , dans le fronton interrompu, les deux soldats gardiens du sepulcre ; l'un dort encore profondément; l'autre vient de se réveiller et se frotte les yeux: allons! Il était là il y a un instant et Il a disparu! Au centre, peut-être y avait-il une représentation du Christ ressucité. Les colonnes torses abritent une faune bien particulière: des salamandres, ces animaux semi-mythiques qui se régénèrent par le feu, symbolisant ces âmes du Purgatoire ...
Oui, décidément notre Giuseppe Ronchi sait composer ses sujets. Il met du reste son talent dans la réalisation de quelques beaux chemins de croix,
dont celui de Santa Lucia di Moriani,
qui nous avait révélé la seule indication dont nous disposions jusqu'alors, une date, 1760, lisible sur le soubassement de la colonne à droite, dans cette deuxième station de cette série de Santa Lucia di Moriani ...
Il est l'auteur de ces deux merveilleux antependia de Speluncatu, un festin de fleurs, de fruits et de putti :
le Christ Roi, tenant le serpent par la queue
et Elie enlevé sur son char de feu
Nous espérons en apprendre à présent bien davantage, maintenant que l'identification de ce peintre baroque (majeur pour la Corse et quelque peu archaïsant) s'est révélée fortuitement dans un document de 1764 à Bisinchi: un immense merci à Jean-Charles Ciavatti qui l'a découvert. Nous attendons avec impatience l'étude que ne manquera pas de faire notre ami Michel-Edouard Nigaglioni , au septième ciel depuis cette découverte!
20:07 Publié dans artistes de corse, Giuseppe Ronchi | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : antependium, speloncato, feliceto, olmi cappella | Facebook |
05/12/2015
Immaculée Conception
8 décembre, fête de l'Immaculata,
l'Immaculée Conception
(note revisitée)
à Prunelli di Cascconi,
détail de l'Immaculée Conception,
attribuée par M.E. Nigagioni à Saverio Farinole :
un thème cher aux franciscains...
et aux Corses!
à Vallica (Ghjunsani),
le petit tableau de l'Immaculée Conception en compagnie de San Roccu et du jeune San Quilicu (alias, San Chirgu, Quilico, Cyr ...),
peint par Giacomo Grandi, autour de 1750.
La Vierge, conçue sans péché, les yeux baissés vers la Terre (où elle descend s'incarner), pieds nus sur le croissant de lune et écrasant le Serpent, la tête couronnée d'étoiles: à ce propos, en ces temps d'incertitude pour l'Europe, n'a-t-on pas dit que les étoiles du drapeau européen ont été empruntées à l'iconographie de la Vierge de l'Immaculée Conception ?
Au Musée Fesch d'Ajaccio, cette Immaculata peinte au XVIII°s par un anonyme napolitain, huile sur cuivre.
Petit retour en arrière: et tout ça, la faute à qui, je vous le demande?
notre petite mère Eve,
vue et aimée par Gilesbertus à Autun
Le choix d'Eve
Eve, avec son air de ne pas y toucher, voluptueusement couchée pour une petite sieste au Paradis d'Autun, le fruit défendu à portée de main ... Eve hardie et assoiffée de connaissance, décrite dans la Genèse comme la part la plus active du couple primordial: il s'agit, en mangeant le fruit défendu d'accueillir la vie avec tous ses risques, le bien et le mal: un programme illimité pour notre humanité! (Teilhard de Chardin n'aurait pas renié le choix d'Eve)... et d'un coup nous tombe dessus, marque indélébile pour ses descendants, le péché originel avec, jusqu'à la fin des temps et indissociables de la vie, la libido et la mort. Pas de conception sans libido, pas de naissance sans mort ... du grain à moudre pour les pasteurs des familles judéo-chrétiennes et les psychanalystes.
Récit de la Tentation et de la Chute, dans la Genèse 3, 1-24:
" Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que le Seigneur Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? La femme répondit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez. Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.
La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea. Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures.
à Cambia, chapelle San Quilicu, le récit de la Tentation.
L'arbre de la connaissance, solidement enraciné, est représenté ici sous sa forme la plus parlante: une fourche en Y, proposant les deux voies possibles du Bien ou du Mal, avec, au sommet, la Croix. Il fonctionne comme l'axe du monde et fait communiquer trois mondes: la monde des morts, souterrain; le monde des vivants, ici avec Adam et Eve; enfin le monde céleste, avec la Croix rédemptrice.
Alors ils entendirent la voix du Seigneur Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l'homme et sa femme se cachèrent loin de la face du Seigneur Dieu, au milieu des arbres du jardin. Mais le Seigneur Dieu appela l'homme, et lui dit : Où es-tu ? Il répondit : J'ai entendu ta voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et le Seigneur Dieu dit : Qui t'a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger ? L'homme répondit : La femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et j'en ai mangé. Et le Seigneur Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? La femme répondit : Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé. Le Seigneur Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon."
à Santa Maria de Rescamone,
le couple originel et l'Arbre où s'enlace le Serpent.
l'Immaculée Conception
l'Immaculée Conception, El Greco, Musée Santa Cruz
(Sous ses pieds, la ville de Tolède, mise sous la protection de la Vierge et des éléments iconographiques qui se réfèrent aux "Arma Virginis" dans les Litanies de la Vierge)
Une doctrine qui met longtemps à se mettre en place, longtemps combattue par les dominicains, diffusée par les franciscains, puis par les jésuites, consacrée par le Concile de Trente, et qui ne devient un dogme qu'en 1854, sous le pape Pie IX.
" Un signe grandiose apparut au ciel: c'est une Femme; le soleil l'enveloppe, la lune est sous ses pieds, douze étoiles couronnent sa tête (...) " (l'Apocalypse de Saint Jean)
Tiepolo, l'Immaculée Conception, 1769
Lumineuse, nimbée de soleil, couronnée des douze étoiles, protégée par la Colombe de l'Esprit Saint, écrasant de ses pieds nus le Serpent du Péché originel (regardez bien, il tient dans sa gueule le fruit défendu), Marie se tient bien droite: pas de doute, la terre peut tourner, rouler comme un vulgaire ballon de cirque, Marie reste en équilibre, les yeux baissés, non par pudeur excessive, mais par prudence, pour voir où elle met ses tendres pieds nus. A moins qu'elle ne couve de son regard attentif sa nichée humaine. C'est qu'elle descend du ciel sur terre, en mission:
Giorgio Vasari 1541, une oeuvre puissante:
au registre supérieur, l'Immaculée Conception, apaisante, contemple l'humanité dont elle a la charge et prie pour elle; l'arbre de la Tentation, habité par Satan, Serpent cornu à tête humaine (une femme, dites-vous?) sépare le registre inférieur, divisant le couple d'Adam et Eve, tandis que s'agitent et supplient leurs descendants.
"Quos Evae culpa damnavit,
Mariae gratia solvit"
(la grâce de Marie rachète la faute d'Eve)
Sous ses pieds, le croissant de lune.
Victoire de la Vierge Marie de la stabilité sur l'incertitude: la lune est l'attribut d'Eve, un attribut lié à l'élément liquide, mouvant, insondable, dangereux mais aussi nourricier de l'eau.
Mais aussi, victoire après la bataille de Lépante, des chrétiens sur le Croissant des ottomans ...
Fronton de l'autel des Ames du Purgatoire,
église du Couvent de Marcassu, à Catteri:
Un croissant de lune qui souvent présente ses cornes vers le haut: ces cornes sont un lointain écho du culte lunaire d'Isis, mais ici elles apparaissent surtout comme les cornes du Démon ...
La Vierge ouvre les mains pour accueillir sa mission divine (et sa future maternité).
Toujours au Couvent de Marcassu, l'Immaculée Conception, de Pietro Antonio Rossi (peintre domicilié à Bastia où son activité picturale est documentée à partir de 1692, mort avant 1722 - M.E. Nigaglioni)
La Vierge est représentée en compagnie du petit San Quilico/San Chirgu (alias St Cyr), Ste Catherine d'Alexandrie, Ste Apollonie, Ste Julitte (la mère du petit St Cyr), un évêque, et le donateur.
La très belle église du Couvent de Marcassu souffre hélas de l'impécuniosité de ses affectataires ...
http://www.youtube.com/watch?v=gVH0fkNY-xA&feature=colike
La lune encore, mais empruntée à l'iconographie de l'Antiquité:
Diane Chasseresse, Ecole de Fontainebleau, 1550, Musée du Louvre.
La lune coiffe Diane/Artémis et sa nudité.
Nous voilà bien loin de l'Immaculée Conception , et pourtant : dans cette citation de la chasteté de Diane/Artémis on pourrait voir une réappropriation détournée: la lune, symbole du cycle féminin, de la fécondité de la nature et du temps qui passe à travers ses phases successives et régulières, mort et renaissance. Les bons Pères de l'Eglise vont charger la Vierge de maîtriser toute cette part incontrôlable de la féminité: elle sera donc représentée foulant de ses pieds nus le croissant de lune ...
Il faut également signaler que le désir de conférer la pureté totale à la mère d’un dieu ou d’un héros se retrouve beaucoup plus anciennement dans les mythes de l’Asie: ainsi de Krishna qui nait de Devaki, vierge chaste qui l’enfante sans connaître l’homme ou du premier Boudha, conçu sans péché ni père par la vierge-mère Maya … C’est le concile d’Ephèse qui instaurera le culte de la Vierge Marie, Mère de Dieu, pour lutter contre le culte de la déesse Artémis.
***
L'histoire de Sainte Anne, mère de Marie
avec Giotto di Bondone, église de l'Arena (chapelle Scrovegni), vers 1303.
- Vu du petit bout de la lorgnette, on pourrait dire que la conception de Marie par ses parents Sainte Anne et Saint Joachim s'inscrit dans les gènes familiaux et tient du miracle.
Nulle trace de la présence précise des grand-parents maternels de Jésus dans le Nouveau-Testament, mais les évangiles apocryphes vont se charger de réparer poétiquement cette lacune (Proto évangile de Jacques et Pseudo Matthieu). Ils nomment les parents très âgés de Marie : Joachim (Dieu accorde) et Anne (la Grâce). Ce couple exemplaire de foi et d'humilité, affligé de stérilité, moqué par son entourage, va recevoir miraculeusement l'annonce de sa prochaine descendance par l'archange messager Gabriel ... dont on connait le rôle dans l'Annonciation faite par la suite à leur fille.
Peint par Giotto di Bondone à l'égise de l'Arena à Padoue:
l'annonce de sa future maternité à Sainte Anne
le songe de Saint Joachim, qui, moqué par ses pairs, a choisi de vivre au milieu des bergers.
(une préfiguration du songe de Saint Joseph ...)
Le chaste baiser d'Anne et Joachim devant la Porte Dorée de Jérusalem:
" La Mère de Dieu aurait été conçue non de façon naturelle (ex coitu), mais par un simple baiser sur les lèvres (ex oculo)" (Louis Réau, Iconographie de l'Art chrétien)
Toujours est-il que si la dévotion à Sainte Anne et Saint Joachim n'a pas connu le même engouement en Corse qu'en Bretagne, on la retrouve parfois dans nos églises de Corse, illustrant la naissance de la Vierge,
comme ici à l'église paroissiale de Muro: un Joachim bien pensif et que l'on pourrait prendre pour Joseph,
tandis qu'Anne, après l'effort de l'accouchement, reçoit le réconfort sous forme, traditionnelle, de deux oeufs.
ou à Canavaggia, peinte par Francesco Carli: la vieille Anne reçoit là aussi le réconfort tandis que les servantes ou les amies donnent son premier bain à Marie.
Scènes de la vie quotidienne ...
l'Immaculée Conception vue par le peintre génois Domenico Piola
" Nondum erant abyssi et ego jam concepta eram" (passage des Proverbes évoquant la nature immaculée de Marie): Piola illustre dans un raccourci saisissant la pensée créatrice de Dieu concevant Marie sans péché avant même la création du monde ... Dieu Trinitaire: le Père tient la couronne d'étoiles de l'Apocalypse, la colombe de l'Esprit Saint darde son rayon fécondant sur la Vierge, à ses pieds, l'Enfant Jésus terrasse Satan à l'aide de la croix ...
Et ici cette étonnante vision de Velasquez , en 1619 (collection privée) illustrant la pensée créatrice de Dieu projetant la Vierge à travers une sorte de vide sidéral, en dehors du temps et de l'espace.
Zurbaran ... et les Litanies de la Vierge :
(avec Marc Antoine Charpentier)
http://www.youtube.com/watch?v=XgVhpqjqnFE&feature=colike
Les attributs mystiques de la Vierge - Bréviaire Grimani -Bibliothèque Nationale de Venise -1450-1510
(frise du décor mural de l'église paroissiale de Catteri, attribué au peinte Fortius-Joseph Marchesi, de Belgodère)
"(...) Speculum justiciae,
Sedes sapientiae,
Causa nostrae laetitiae,
Vas spirituale,
Vas honorabile,
Vas insigne devotionis,
Rosa mystica,
Turris Davidica,
Turris eburnea,
Domus aurea,
Foederis arca, Janua coeli,
Stella matutina,
Salus infirmorum,
Refugium peccatorum,
Consolatrix afflictorum,
Auxilium Christianorum (...)"
(Catteri)
(...) Vase spirituel, priez pour nous.
Vase d'honneur, priez pour nous.
Vase insigne de la dévotion, priez pour nous.
Rose mystique, priez pour nous.
Tour de David, priez pour nous.
Tour d'ivoire, priez pour nous.
Maison d'or, priez pour nous.
Arche d'alliance, priez pour nous.
Porte du ciel, priez pour nous.
Étoile du matin, priez pour nous.
Salut des infirmes, priez pour nous.
Refuge des pécheurs, priez pour nous.
Consolatrice des affligés, priez pour nous.
Secours des chrétiens, priez pour nous.
http://www.youtube.com/watch?v=FAbrugfuAao&feature=colike
(Canari, l'Immaculée Conception,
pieds nus sur le serpent et le croissant de lune, cornes vers le bas).
Les angelots l'entourent des symboles des Litanies ("Arma Virginis") - l'un d'entre eux tend un miroir sans tache, Speculum sine macula, et elle apparait comme une véritable " Porte du Ciel", Porta coeli ...
Santa Lucia di Tallano, l'Immaculée Conception signée par Marc'Antonio De Santis et datée de 1668: merci Michel-Edouard Nigaglioni !
Ici l'iconographie est particulièrement riche: cette toile liée au couvent franciscain de Sta Lucia, représente, auprès de la Vierge, St François et St Jean-Baptiste, ainsi qu'un donateur qui nous regarde droit dans les yeux, nous invitant à partager sa dévotion. Le Serpent du Mal enlace puissamment la lune, témoignant de son emprise inquiétante sur l'humanité. Tout autour, les Arma Virginis et des détails qui évoquent les côtes corses, la mer et ses dangers:
voguant au large, un navire battant pavillon génois: armé par le donateur? La Méditerranée de l'époque n'est pas tranquille, pirates musulmans et chrétiens sont toujours prêts à fondre sur les navires de commerce, et les tours de guet ne suffisent pas protéger bateaux et populations riveraines. Mieux vaut se placer sous la protection de la Vierge...
Lire, sur le sujet:
- "Mer et religion", neuvièmes journées universitaires de Bonifacio (Editions A. Piazzola) et en particulier la contribution de M.E. Nigaglioni: " Périls de mer et iconographie dans les églises de Corse"
- " La Corse, la Méditerranée et le Monde musulman", douzièmes journées universitaires de Bonifacio (Editions A. Piazzola)
Cette dévotion de l'Immaculata est chère au cœur des Franciscains qui se feront les champions, avec les Jésuites, de ce qui n'était encore qu'une croyance et pas encore un dogme. C'est pourquoi il n'est pas rare, dans nos églises conventuelles franciscaines de Corse de la retrouver en bonne place, comme ici, à San Martinu di Lota, où St François place le couvent sous la protection de l'Immaculée Conception:
San Martinu di Lota, l'Immaculée Conception en compagnie de St François, St Jean-Baptiste, St Jacques, St Joseph et un donateur. Marc Antoine De Santis 1664
à Piedicroce , le même thème ... Ici le croissant de lune ressemble à la coiffe de Diane, pointes en l'air.
et ici encore, dans la gueule du serpent, le fruit défendu.
Le 8 décembre, en Corse, l'on a célèbre, avec l'Immaculée Conception, "a Festa di a Nazione" , la "Fête nationale de la Corse": en 1735, les grands hommes du moment, Sebastiano Costa, Luiggi Giafferi, Giacinto Paoli ... définissent au Couvent d'Orezza la légitimité de la révolte des corses contre l'oppresseur génois et la naissance d'une Nation corse indépendante en commençant par ces mots:
" Le royaume choisit pour sa protectrice l'Immaculée Conception de la Vierge Marie, dont l'image sera peinte sur ses armes et ses étendards. On en célèbrera la fête dans tous les villages avec des salves de mousqueterie et de canon".
Je citerai Antoine Marie Graziani:
"La Vierge avait une importance particulière à Gênes. Au 17° siècle, chaque Doge génois apparaissait lors de son couronnement avec une représentation de la Vierge d'un côté et de la Corse de l'autre. Les nationaux corses se sont sans doute approprié ce symbole génois. J'ai tendance à croire que cette référence à l'Immaculée Conception a pris de l'importance à la fin du 19°siècle lors du conflit entre l'Eglise et l'Etat. Dans une Corse encore très catholique, certains y ont sans doute vu le moyen de se démarquer de la République. Une position qui a dû s'exacerber avec la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905 et les conflits entre catholiques et anticléricaux. (...) Cela fait une douzaine d'années maintenant, avec la montée politique du mouvement nationaliste, que cette date est réapparue dans notre actualité."
à Bastia, oratoire de la Conception
(photo M.E. Nigaglioni: merci! )
Sur ce médaillon de la voûte de ce même Oratoire le peintre italien Francolini peint l'Immaculée, reprenant probablement le motif préexistant dans le décor du XVII° siècle :
"Francolini : peintre italien dont l’activité est attestée en 1854-1855. A cette époque, il fait partie d’une équipe qui restaure le décor monumental de l’Oratoire de la Conception, à Bastia (sous la direction du peintre florentin Bernardo Francesco Sienni, chef de chantier). Francolini est chargé de l’exécution des trois médaillons principaux de la voûte." (M.E. Nigglioni )
Toujours est-il que, dans les églises de Corse, chantres, confrères, fidèles chantent pour cette fête :
"Tota pulcra es , Maria
et macula originalis non es in te" (...) ,
" La Vierge immaculée est assimilée à la fiancée du Cantique des Cantiques. C'est la Sulamite du Pseudo-Salomon comme le prouvent les paroles inscrites sur un phylactère: Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te , et les métaphores bibliques semées autour d'elle comme les perles d'un collier. " ( Louis Réau: Iconographie de l'Art chrétien)
"Tota pulcra es , amica mea, et macula non es in te"...)
Ce beau chant alterné, transmis par des générations dans nos villages sur une trame musicale commune connait des variations d'une communauté à l'autre. A Speloncato j'ai le souvenir de la transmission de ce chant par feu notre cher sacristain Martin Ambrosini, Josette Giovansily, et par notre Marie Quilici.
Marie Quilici
Marie qui nous avait fait encore récemment le magnifique cadeau imprévisible de sa voix et de son témoignage sur ce chant, lors des Journées du Patrimoine 2010, alors que nous évoquions les chemins de la transmission du chant à Speloncato ... Une voix de dame âgée mais qui ne dévie pas de son centre, sans fioritures, naturelle et ferme. Une vraie leçon d'être au chant, et non de savoir faire. Malheureusement, pas d'enregistrement ...
Les chants transmis dans nos villages ne sont pas désincarnés, ni fixés une fois pour toutes dans une partition : ils ont une vie, je devrais dire des vies, une âme, une histoire, et toute la fragilité coriace d'un monde qui passe et résiste ...
Ce "Tota Pulcra es Maria" que l'on retrouve dans les grands livres de chœur des couvents franciscains des 17 et 18° siècles ...
à Speloncato, Collégiale Santa Maria Assunta:
l'autel de l'Immaculée Conception où chaque année se célèbre la messe de l'Immaculée
(stucs du maestro Domenico Impernetti et de son élève, le jeune Antonio Sartori delle Ville, 1770)
15:40 Publié dans artistes de corse, corse, iconographie des saints, Immaculée Conception, patrimoine de corse, regards sur l'art, Saints de Corse, spiritualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : immaculée conception, joachim et anne, attributs mystiques de la vierge, fête nationale corse, speloncato, cambia, autun, zurbaran, piola, tiepolo, canari, piedicroce, litanies de la vierge marc antoine charpentier, prunelli di casaconi, marc'antonio de santis | Facebook |
06/07/2015
un coup de coeur, la découverte du peintre René Weber, chantre lumineux de la Balagne
Je vous invite à partager la découverte de
René WEBER (1910 - 1996),
peintre talentueux de Feliceto
chantre de la lumière de Balagne,
de ses paysages et de ses gens
en allant visiter le joli site que lui a consacré sa famille:
https://reneweberpeintre.wordpress.com/
J'en extrais ces quelques belles images :
un village de Balagne ...
la cueillette des olives
et un peu de fraîcheur pour notre réchauffement climatique ...
les poules dans le verger
l'intimité fleurie de la maison
Né en Alsace, il apprend et pratique très jeune la peinture tout en faisant une belle carrière de médecin, épouse Emilienne, une jeune femme corse qui lui apporte en dot l'amour de son île et après une vie bien remplie René Weber se retire à Feliceto où il continue et perfectionne son art au contact de la lumineuse Balagne...
... qu'il peindra jusqu'à son dernier souffle comme un éternel printemps ...
( la brève notice rédigée par Claude Giansily dans son "Dictionnaire des peintres corses et de la Corse (1800-1950) " , éditions La Marge.
Merci à mon amie Chantal Weber de m’avoir signalé cette œuvre talentueuse et sincère de son beau-père, chantante et attentive comme celle du poète de Feliceto, Pierre Soavi …
19:00 Publié dans artistes de corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : feliceto, rené weber | Facebook |
05/05/2014
Jeudi 15 MAI 2014, la Montagne des Orgues en Castagniccia
L' Association Saladini propose ses parcours de
« LA MONTAGNE DES ORGUES »
Itinéraire pastoral et musical
à la découverte du PATRIMOINE
Des parcours initiatiques et festifs pour rencontrer la Corse autrement, vous immerger dans ses paysages et ses communautés, découvrir son histoire, son patrimoine, ses traditions rurales : des clefs pour vous ouvrir les églises, vous faire comprendre leur sens caché et entendre leurs orgues historiques que l’on vous joue.
Jeudi 15 Mai 2014
une journée en CASTAGNICCIA
Accueil à Ponte Novu, à 9h, sur le parking de la poste.
(Santa Maria di Rescamone)
Nous commencerons par la découverte du site archéologique (paléo-chrétien et roman) de Santa Maria di Rescamone,
(Notre-Dame du Mont Carlel, à Stroppia Nova)
puis nous poursuivrons par celle de l’église nouvellement restaurée de Stoppia Nova (Notre-Dame du Mont-Carmel, une petit bijou de l’art baroque), puis de La Porta (église Saint Jean-Baptiste et son emblématique petit orgue Maracci de 1780), Verdèse (église Saint Sébastien et son orgue Ahgati Tronci fin XIX°) , enfin Piedicroce (église Saint Pierre et Saint Paul et son orgue Spinola, le plus ancien de Corse, 1619)
Renseignements et réservations au :
04 95 61 34 85 / 06 17 94 70 72
14:27 Publié dans actualité des parcours de la Montagne des orgues, artistes de corse, parcours de découverte du patrimoine en Corse, patrimoine des chapelles à fresques en Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : valle di rustinu, santa maria di rescamone, stoppia nova, la porta, piedicroce | Facebook |
13/10/2013
Mardi 15 Octobre, la Montagne des Orgues en Balagne
L’association Saladini propose son prochain parcours de
« LA MONTAGNE DES ORGUES »
MARDI 15 OCTOBRE 2013
en Haute -Balagne
(Costa, Confrérie: le Rosaire du "Maître de Feliceto", détail)
Accueil à COSTA, à 9 heures sur la place de l’église, et découverte de San Salvadore (orgue anonyme début XIX° s.), puis de SPELONCATO ( collégiale Santa Maria Assunta, orgue Crudeli 1810), de CATERI (église Santa Maria, orgue Domini 1902), d’AREGNO (église romane A Trinità) enfin de Corbara (orgue Saladini début XIX°/ Agati Tronci 1890 de la Collégiale a Nunziata …)
Speloncato, l'orgue Crudeli 1810 sur sa belle tribune Saladini
(Speloncato, décor Grafini de l'orgue Crudeli, détail)
( la signature du mystérieux Grunwaldo Grafini - 1821)
A propos de Grunwaldo Grafini, voir la note sur cet artiste mystérieux, dont on ne connait que deux oeuvres, toutes deux importantes et en Balagne: le décor de la tribune et du buffet de l'orgue de Speluncatu, et celui de la "Salla Regina " du Palazzu de Monticellu:
grunwaldo grafini : ELIZABETH PARDON
16:22 Publié dans actualité des parcours de la Montagne des orgues, artistes de corse, Balagne, découverte du patrimoine en Corse, orgues historiques de Corse, Speloncato | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grunwaldo grafini, costa, speloncato, cateri, aregno, corbara | Facebook |