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26/06/2009

Murato, San Michele (suite7): dualité

 
 
Autour de la dualité et du couple
 
 
Murato abside Est.jpg

Côté Est, l'abside et le fronton évoquent à plusieurs reprises la symbolique des nombres.

Au-dessus de la fenêtre meurtrière de l'abside, la lumineuse archivolte rectangulaire, en plein cintre comme les précédentes, et  taillée dans le calcaire: serties dans la pierre blanche, un couple d'étoiles vertes centrées à six branches surmonte de part et d'autre six claveaux verts disposés en arc, accentuant la ronde douceur de l'ensemble absidial.

archivolte étoilée abside.jpg

L'étoile à six branches m'évoque, ici stylisée, l' hexagramme du " Sigillum Salomonis" ("sceau de Salomon"), " Scutum Davidis" ( "bouclier de David"), composée de deux triangles complémentaires, l'un symbolisant l'eau ( le triangle féminin, pointe en bas) et l'autre le feu ( le triangle masculin, pointe en haut). Image de complétude harmonieuse d'un couple d'opposés. Cette figure est suffisamment "chargée" de sens pour en développer ici la multiplicité : simplement, signaler qu'elle est déjà présente dans l'art rupestre, qu'elle appartient aussi bien au monde de la symbolique alchimique, qu'à celui de la sorcellerie, celui des loges maçonniques, celui de la psychanalyse, etc... et du pur plaisir des yeux! Pourquoi 2 étoiles? Pourquoi 6 claveaux? Les six jours de la Création? Invitation au jeu des multiples: 12 (mois, tribus, signes du Zodiaque, apôtres...) , 24 (heures, vieillards de l'apocalypse ...),  à chacun ses menus vertiges. Les artistes de cette époque nous proposent des énigmes et nous jouons avec eux aux"pierres flèchées". Et plus, si affinité. Quelle était la réalité du regard "des gens du peuple" sur tout ceci? A qui s'adressent ces messages? Sans doute à tout le monde, à des degrés divers. Ici on n'explique pas, on touche.

Croix fronton abside détail blo.jpg

 Sur le fronton Est, au-dessus de l'abside, nous retrouvons le motif central de la croix évoquée dernièrement: curieusement, surmontant cette croix essentielle, un modillon sculpté représentant un couple de feuilles dressées comme deux oreilles, et qui me rappellent par leur forme les feuilles d'or du fameux diadème  de la Reine Puabi, retrouvé dans une tombe du cimetière "royal" d'Ur, la ville sumérienne d'origine du patriarche Abraham... feuilles de peuplier? Côté ombre et côté lumière, l'arbre frissonnant de la dualité a les pieds dans l'eau et la tête dans le ciel.

double croix et cercle.blogjpg.jpg
 
Deux arcs plus loin, ce modillon qui chante à mes oreilles intérieures comme une coda du thème précédent du carré, de la croix et du cercle: là encore un  couple de croix encloses dans un cercle surmontant un autre  couple de cercles. Etrange dualité gémellaire... A moins qu'ici soit aussi évoqué le couple homme/femme, dont nous allons retrouver en tous cas un écho étonnant sur l'une des pierres réemployées du premier sanctuaire de San Michele (autour du X°s), présentes sous la corniche de l'abside:
couple homme femme blog.jpg
 

 Ici le couple humain  me semble obéir à l'injonction de la Genèse: "croissez et multipliez"... Cela dit la posture opposée indique pour le moins une certaine difficulté de communication... Serions-nous sur le terrain miné du vice et non de la complémentarité? Libre à chacun de choisir son interprétation. Alchimie des couples d'opposés.

couple figures géométriques.jpg

 Ici, un autre motif géométrique qui résonne un peu comme un écho stylisé du couple humain précédent.

couple oiseaux est.jpg
Et toujours parmi ces pierres de réemploi sous la corniche de l'abside, ce couple d'oiseaux affrontés.

 

 
 
Couple, dialogue, dualité, bref, à partir de deux, on sort de l'unicité pour rentrer dans le multiple. Ou bien s'agit-il du croisement nécessaire où se vit l'unité, c'est-à-dire le divin. Transformation.
A propos de dualité: vous l'aurez remarqué depuis le début, San Michele, comme ses grandes soeurs pisanes, se vit en sombre et clair...
(à suivre...)

 

 

 

 

 

Murato, San Michele (suite 4): à propos des sirènes

Sirènes ...
Murato sirène blog.jpg
 
"Il faut observer qu'après des siècles de culture basée sur l'écriture, sur le livre, nous revenons à l'image et nous devenons capables de concevoir la portée réelle de ces signes. En effet, que font la publicité, le cinéma, la télévision, sinon utiliser un langage d'images dont la force convaincante est évidente? (...) La psychanalyse, Jung en particulier, a révélé la portée incalculable de cette sorte de mémoire accumulée dans notre inconscient, les archétypes qui sont le produit d'une culture universelle.
(...) Que des millénaires plus tard, les Romans aient retrouvé un langage comparable à celui des hommes préhistoriques, une préécriture s'inscrivant dans l'édifice sacré, fait qui n'a pas d'équivalent ailleurs dans le monde à cette date, est la preuve de la réalité d'une structure. En fait, si l'on possédait des séries complètes de toutes les images qui ont précédé l'art roman, on pourrait voir que, contrairement à l'opinion d'Emile Mâle, à aucun moment la tradition symbolique propre à l'Occident ne s'est perdue et que, loin d'être un renouvellement, le symbolisme roman est un aboutissement."
(Liminaire du "Lexique des Symboles" d'Olivier Beigbeder, collection ZODIAQUE, introductions à la nuit des temps)
 
 
Nous voici en présence de "la sirène" ou plutôt du "triton" bifide, si du moins l'on accepte l'idée que les mains maintiennent des queues de poisson et non des pieds. Ce modillon fait suite (comme par hasard) dans notre lecture ambulatoire, au motif du livre maintenu ouvert par les mains emmanchées sur un même bras (note précédente). Nous rencontrons ce thème ailleurs: la Trinità d'Aregno, San Quilicu de Cambia...
Si ce personnage appartient au monde des sirènes:  image ambiguë, personnage amphibie, doté d'une double nature aquatique et terrestre, doté ici d'un visage souriant, "croisant" ici sa double appartenance avec une espèce de plénitude joyeuse.
L'évocation du mot sirène nous conduit tout d'abord à un autre type ambiguë : les cruelles sirènes de l'Odyssée, ces créatures ensorceleuses, dotées d'ailes et de griffes qui fascinent les malheureux navigateurs qui n'auraient pris le soin, tel Ulysse, de se faire attacher solidement au mat de leur navire pour pouvoir entendre la bouleversante beauté de leur chant: ce chant  annihile la raison du voyageur et entraîne irrémédiablement une plongée dans les profondeurs océannes de l'inconscient dont on ne revient jamais. Ou du moins dont on ne revient pas sinon totalement transformé ... Fou ou enrichi? Naufrage ou rédemption?
Notons que dans la tradition des vieux Mésopotamiens, la terre ferme reposait en quelque sorte sur un soubassement liquide: Apsû, ou Engur , signifiant cette "énorme réserve d'eau douce sur laquelle devait bien flotter le sol, puisqu'on la rencontrait partout pour peu qu'on le creusât, et qu'elle s'en échappait  par les sources et les cours d'eau." (Dictionnaire des Mythologies et des religions des sociétés traditionnelles et du monde antique, sous la direction d'Yves Bonnefoy, 1981 chez FLAMMARION)
Dans les mythes mésopotamiens, se détache - aux côtés du dieu Enki (sumérien)/ Ea ( accadien) -  la figure civilisatrice de l'ummânu, ou de l'apkallu (terme sumérien): "Super techniciens, sages incomparables, génies fameux, ils ont été considérés comme les héros civilisateurs, ceux qui ont enseigné aux hommes, encore frustres, tout ce qui constitue "la vie civilisée" (...) : "l'écriture, les sciences et les techniques".(idem)
Et la sirène ou le triton, dans tout cela, me direz-vous?
J'y viens: parmi ces apkallu, le premier d'entre eux est Uanna: Oannès , le "Sage", celui qui apporte la connaissance des arts, des lettres, de la science, de l'astronomie, de la religion... A quoi ressemble-t-il? D'après Berose le Babylonien, prêtre-astronome- historien (3°siècle av.J.C.), Oannès est un "initié", envoyé par EA, le grand dieu de la mer et de la sagesse de la ville-Etat d' Eridu, sous le règne du premier Roi antédiluvien (entre 4500 et 4000 ans av. J.C.):
Oannès a l'apparence du poisson, mais il possède une tête d'homme sous celle de poisson, et des pieds également par-dessous semblables à ceux d'un homme joints à la queue de poisson, et sa voix et son langage aussi sont articulés et humains ; de jour il séjourne auprès des hommes qu'il enseigne,  la nuit il retourne dans les profondeurs de la mer.
 
Une fois de plus le mythe croise la science. L'homme-poisson continue de hanter notre imaginaire et ce modillon sculpté peut en témoigner, à l'heure où l'on découvre que la survie de l'humanité dépend de la vie des océans...
 
Qu'elle soit de plumes ou d'écailles, la sirène (ou le triton) de par sa double nature mêle deux mondes: le connaissable et l'inconnaissable, le monde d'ici-bas, et le monde de l'au-delà. Voilà de quoi en terroriser plus d'un. Tout à la fois physique et spirituelle, c'est, de par son ambiguïté une créature inquiétante pour de nombreux penseurs de l'Eglise: alors la sirène ou le triton représentent une idée particulièrement dangereuse de la luxure, transformant, dans cette acceptation, l'homme pécheur en animal. La bestialité et sa représentation la plus "dynamique" (l'énergie vitale du sexe ), seraient alors clairement désignés sur ces modillons de Murato et de Cambia (ci-dessous). C'est l'acceptation la plus commune. Le geste des mains emprisonnant les jambes/queues traduiraient alors l'immobilisation de la démarche spirituelle par la luxure (jambes ouvertes) et ses acolytes, gloutonnerie, ivrognerie, consommation immodérée des biens de ce monde...
 
A vous de choisir l'interprétation qui vous convient le mieux: éveil à la spiritualité et  travail de transformation visant à l'unité de soi, ou emprisonnement dans une animalité supposée pécheresse. Dans ce geste de contrôle, qui contrôle qui?
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cambia triton blog.jpg
"l'homme-poisson" de l'église San Quilicu de Cambia
La figure du triton bifide (ou de la sirène) appartient au discours " classique" des sculpteurs romans: on la rencontre sur de nombreux chapiteaux(Chaspuzac, Saint Rémy de Haute-Loire, Brioude, Paray-le Monial, Colombiers etc...), avec des connotations tantôt maléfiques tantôt bénéfiques...
Enfin: pour certains, la présence de sirènes bifides sur les murs des églises romanes indiqueraient des croisements souterrains de cours d'eau. Il serait sans doute intéressant, dans cette perspective, de venir à Murato avec des sourciers pour vérifier la présence de l'eau sous ce sanctuaire.
C'est une idée que j'accueille d'autant plus volontiers que tous ces lieux sacrés semblent avoir été été choisis avec une sensibilité, une connaissance dont nous avons aujourd'hui perdu l'instinct: les églises anciennes agissaient comme des "piles" d'énergie , mettant en communication le monde terrestre des vivants avec celui, souterrain, des trépassés et avec le monde céleste de Dieu, des saints et des anges. Par l'intermédiaire, en particulier de l'autel consacré et de ses saintes reliques: l'autel devenant alors le centre symbolique du cosmos, l'axe du monde - en tous cas l'endroit le plus "chargé" de l'église, " la porte du ciel", une puissante invite à l'ascension spirituelle. Encore une fois, ces lieux étaient souvent déjà investis par les précurseurs du christianisme, et l'on y ressent comme une permanence du sacré inscrit dans le sol.
 
(à suivre)
 

Murato, San Michele (suite 3)

San Michele, toujours le mur sud.
 
bras volumen et sirène.blog pg.jpg
 
A nouveau, redisons que cette approche des images animant - au sens fort - l'église San Michele de Murato ne peut être que subjective, même si elle est passablement nourrie par l'abondante recherche sur le symbolisme de l'art roman. Ces images agissent sur moi comme peuvent le faire des parfums subtils et complexes dans la nature, éveillant émotions enfouies, nostalgie de paradis oubliés... 
Sous le toit, un frise végétale élégante, alternant là aussi chloritite et calcaire: des lys, semble-t-il. Ce motif de décor, s'il s'agit bien de lys, entre autres déjà largement exploité par l'Egypte ou Mycènes nous rappelle l'héritage antique de cet art roman. Cela dit, le lys lui aussi apporte sa part de sens dans cet univers profondément chrétien: dans les mains de l'Archange messager Gabriel lors de l'Annonciation à la Vierge Marie, il est à la fois la fleur immaculée annonçant la pureté de Marie et sceptre royal de la volonté divine. C’est un « marqueur » de l’essence divine qui conduit à l’immortalité.
Par ailleurs, sa forme trilobée répétée inlassablement sur cette frise semble marteler aussi un autre message, celui du dogme de la Trinité…
 
Sur cette image, deux modillons à la retombée des arcs racontent autre chose. A gauche, un bras terminé par deux mains déroule fermement un parchemin:  lecture des Ecritures ou proclamation d'une sentence?
Il est temps ici d'évoquer à nouveau la vocation de San Michele:
"Princeps militiae angelorum" ( l'archistratège des milices célestes),
"Custos Ecclesiae romanae" (défenseur de l'Eglise romaine),
Psychopompe et peseur d'âmes ... pour ne parler que des "affaires courantes", si je puis dire.
 
Au Moyen Age, choisir le vocable de l'Archange  Michel pour une église c'est se mettre sous la protection du parangon de la chevalerie, de la fidélité (par opposition à l'Ange déchu, Lucifer), parfaitement armé pour lutter contre toutes les déviances du Malin. Mais c'est aussi désirer sa bienveillance au Jour du Jugement dernier: San Michele a récupéré les fonctions (nécessaires...) de passeur et de peseur des âmes mortes  tenues autrefois par le dieu égyptien Anubis, par l'Hermès psychopompe, par Mercure... Il n'est pas rare que les chapelles dédiées à St Michel remplacent un temple dédié à Mercure. Louis Réau cite, dans son iconographie de l'Art chrétien, une colline de Vendée s'appelant " Saint- Michel- Mont-Mercure... A Murato l'archéologie nous apporterait peut-être un éclairage de ce genre...
 
Quoi qu'il en soit, plusieurs éléments du décor sculpté parlent en faveur de l'idée d'un lieu de jugement: rappelons ces deux statuettes campées sur la façade ouest, à la porte d'entrée de ce sanctuaire, accueillant et avertissant les fidèles sur leur passage symbolique de l'extérieur vers l'intérieur. L'église San Michele est certainement en rapport avec l'exercice de la Justice, et de nombreuses images en témoignent,
comme cette main coupée (des voleurs) ..)
main coupée blog copie.jpg
 
 
ou ce qui semble être des ciseaux (pour couper la langue des diffamateurs),
Murato à identifier 1 blog.jpg
renforçant l'idée que nous sommes devant le lieu du tribunal de la piévanie. Tribunal humain et divin.
En attendant, le village de Murato fête son San Mieli chaque 8 mai, célébrant l'apparition le 8 mai 492 du grand Archange à l'évêque de Siponte sur le Monte Gargano, en Apulie:
" Garganus décoche contre un taureau échappé une flèche qui fait volte-face et lui revient dans l'oeil. L'évêque  de Siponte extrait la flèche et, suivant les instructions de l'Archange, il lui consacre le mont." (L.Réau, idem)
Dans le diocèse du Nebbio, dans la Piève de Nonza, l'on retrouvera une autre dédicace à San Michele à Ogliastro (x°s.)
 
(à suivre)
 
 

19/06/2009

Monte Revincu 14 juin

Ce dimanche 14 Juin, avec Colette, Hélène et Chantal:
quelques photos d'une délicieuse improvisation dans l'Agriate et le Nebbiu...
 
 
 
structure dallée.jpg
Après une bonne grimpette (avec cueillette d'un petit morceau de bronze), cette première structure dallée... le plongeon dans le temps a commencé...
 
 
 
 
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Matinée chaude, cuisson annoncée dans le maquis du Monte Revincu: nous arrivons au-dessus de A Casa di l'Orca ( la maison de l'Ogresse: retrouver la légende de l'Orcu et de l'Orca dans la note du 5/6/2009)
Casa di l'Orca entrée.jpg
L'entrée de la Stazzona di l'Orca: la chambre devait être précédée d'un couloir. Ouvert au soleil levant, ce petit dolmen  est composé de 3 orthostates (dalles de pierre dressées) et d'une dalle faisant couverture... Une agréable fraîcheur règne à l'intérieur, tapissé d'une douillette végétation parfumée.
Casa di l'Orca visite blogjpg.jpg
 
Deux sympathiques et jeunes ogresses maîtresses d'école en visite contemplent l'aménagement des dalles autour de la stazzona,
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et la force tranquille d'une vieille orca ...
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Respectueuses pour l'Ancêtre mais prudentes, les jeunes ogresses se tiennent à l'entrée de la Casa en attendant je ne sais quel oracle.
structures rectangulaires.jpg
Un peu plus haut, dans le secteur de la Cima-di-Suarella: le site est vaste et impressionnant, découvert dans les dernières années du XXème siècle, en partie fouillé (la végétation recouvre encore une partie du site) depuis 1996 par l'équipe de Franck LEANDRI, cette importante nécropole mégalithique aurait été utilisée entre la fin du Ve millénaire et l'Âge du Bronze. La destination de ce site, associant la fonction funéraire des coffres et des dolmens à ces structures rectangulaires évoquant un usage d'habitat, dans ce paysage de col entre le Nebbiu et l'Agriate nous interroge . Quelle que soit la réponse, le lieu dégage avec force une obstination dans le travail de la pierre et le sens du sacré au sein d'une population pastorale..
Pour cette balade, je vous renvoie au livre, parmi d'autres:
MONUMENTS DE CORSE,
édité par Franck Leandri et Laurent Chabot à EDISUD

casa di l'Orcu 1 blog.jpg
De l'autre côté du col, à quelques mètres de là, a Casa di l'Orcu , qui, comme a Casa di l'Orca, a conservé une partie de son tumulus et de son couloir d'accès. Toujours aussi présent.
casa di l'Orcu éventré.jpg
 
 
Un étai consolide maintenant la dalle de couverture. Rappelons que par le passé ce dolmen (déjà classé en 1887) se trouvait au milieu du champ de tir de l'Armée, servant de cible: un tir d'obus bien ajusté l'a gravement endommagé dans les années cinquante... Aujourd'hui le site, racheté par le Conservatoire du littoral et des espaces lacustres, semble protégé...
Orcu ouest.jpg
La grande dalle du "fond".
roquette.jpg
no comment!
Monte Revincu coffre blog.jpg
Et, tout proche de la Casa di l'Orcu, l'une des tombes en coffre:
"L'un de ces coffres, situé à proximité immédiate du dolmen de la Casa di l'Urco illustre la continuité de la fonction funéraire du site du Monte Revincu: elle s'inscrit dans la tradition des premières tombes en coffres méditérranéennes et permet de concevoir l'émergence de ce type d'architecture en Corse vers la fin du Ve millénaire (...)"
(in: Monuments de Corse, précité.)
à suivre...

05/06/2009

Monte Revincu: a Casa di l'Orcu et a Casa di l'Orca

 
Orcu civilisateur
(suite de la note précédente sur Piève):

 Légende de a Casa dell’Orcu et de a Casa di L’Orca, sur le Monte Revincu.

 
 
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(a casa dell'Orcu)

 

Dans ces temps lointains, vivaient dans  sur le Monte Revincu un Orcu ( ogre)  d’une force terrifiante et sa mère. Ils s’étaient construit chacun leur maison en dressant ces lourdes dalles de pierre que vous voyez ici. La plus grande était la demeure de l’Orcu, et un peu plus loin, celle  de la mère, plus petite, avec, pour l’une et l’autre, une vue imprenable sur les alentours et l’ouverture au soleil levant. Soulever ces lourdes pierres était un jeu d'enfant pour l'Orcu.

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(a casa di l'Orca)

L’Orcu, un jeune ogre très curieux des choses de ce monde,  terrorisait tous les pauvres gens de la région, déambulant à grandes enjambées sur les pentes fleuries du Monte Revincu, franchissant à la vitesse de l’éclair les vallons fertiles de l’Agriate, faisant jour après jour sa besogne d’ogre.

 

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Bien des téméraires avaient perdu la vie en essayant de l’attraper : mais sa force était prodigieuse et sa mère rusée arrivait toujours à déjouer toutes les embuscades … Pourtant un jour un jeune berger  - de ceux qui savent attraper les oiseaux tout en gardant leurs troupeaux -  inventa un piège d’un genre nouveau : pendant une nuit obscure d’hiver il déposa silencieusement devant la casa de l’Orcu une énorme et robuste botte en peaux de sanglier ( il en avait fallu 350 pour arriver à coudre quelque chose d’assez grand pour le pied géant de l’ogre : on avait mesuré ses empreinte s… ) enduite de poix à l'intérieur et sur la semelle. Le matin, l'ogre découvrit cette merveille et voulut aussitôt l’essayer : à grand mal il enfila son énorme pied dans l’énorme botte  et se trouva piégé. Les bergers qui s’étaient cachés derrière les rochers  se précipitèrent sur lui pour le tuer. L'ogre les supplia de le laisser vivre, leur faisant cette promesse : " si vous me laisser vivre  je vous promets de vous apprendre le secret de la fabrication du brocciu » ( en ce temps là, les bergers corses ne savaient pas encore fabriquer cette merveille à partir du petit lait de leurs chèvres) :  il leur révéla donc cette divine et mystérieuse recette  dérobée aux dieux. Les bergers, faisant fi de leur marché, voulurent  se débarrasser définitivement de l’ogre qui essaya encore de sauver sa peau en leur promettant –malgré les conseils prudents de sa mère -  de leur apprendre aussi le secret de la fabrication de la cire à partir du dernier petit lait … Peine perdue, les hommes massacrèrent l’ogre et sa mère avant d’avoir obtenu cette dernière révélation : c’est ainsi que s’est transmise à travers les âges la recette du précieux brocciu, tel que vous pouvez encore le déguster à la bonne saison si du moins vous allez le chercher chez les bergers qui se la transmettent de génération en génération depuis la nuit des temps. 

( d'après la légende récoltée par Adrien de Mortillet en 1883, rédigeant un rapport sur les "mégalithes de Corse")

 

DSC03726.jpg

Toujours est-il que là haut vous pouvez encore voir ces coffres à usage funéraire, ces structures rectangulaires conservées dans une végétation généreuse, qui témoignent d'un art de la construction et d'une pratique cultuelle inscrits dans la durée: les fouilles archéologiques ont révélé un matériel lithique et céramique qui semble dater de la fin du Vème millénaire avant notre ère... Association entre l'usage des vivants et l'usage des morts:

 

 
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En espérant que les tirs de la Légion épargneront désormais  ce site fouillé  et désormais protégé par son acquisition par le Conservatoire  du littoral et des espaces lacustres
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Merci, Colette, pour les photos!