29/10/2011
Un chemin du septième ciel dans le Ghjunsani ...
"La mer, l'inlassable goutte d'eau, le vent, qui peuvent attendre, qui ne sont pas comme l'homme contraints de se hâter, assurent aux corps qu'ils caressent et qu'ils usent, le profil le plus pur, le plus pauvre aussi, mais le seul véritablement nécessaire. Dans ce long acquiescement, dans cette ultime misère, se dissimule assurément une des formes concevables de la perfection."
(Roger Caillois, Pierres, poésie Gallimard)
Dimanche 16 Octobre 2011.
En chemin, donc, avec Hélène, Colette et le bon génie (vous l'aurez remarqué, il doit y en avoir au moins un par pieve) du Ghjunsani, Santu: quelques images de cette lumineuse journée d'automne entre terre, ciel, montagne et mer
L'un des nombreux sentiers soigneusement dallés qui reliaient les communautés entre elles, entre le Ghjunsani et la Balagne: voies de communication dans tous les sens du terme.
Santu nous a concocté un parcours où le paradis se mérite par la crapahute
... tant de choses à raconter à chaque pas! Des bonnes, d'autres moins heureuses: le feu a ravagé plus d'une fois cette région, laissant à nu la terre rocailleuse là où poussaient chênes, châtaigniers, genévriers et les céréales opiniâtrement cultivées sur ces terres pauvres jusqu'au sommet des montagnes dans le système solidaire des prese : chaque communauté villageoise permettant à chaque famille de cultiver et de récolter le fruit d'un sol communautaire.
Vers la Boca à Leccia, pour contenir la divagation nouvelle des bêtes à cornes le fil de fer a remplacé les vieilles clôtures, les têtes de lit en fer forgé et rouillé, l'agencement de piquets liés, et la désertification a bientôt définitivement dévoré la végétation ancienne: la nécessité des anciens de survivre par le travail de la terre jusqu'aux sommets ne se devine plus par endroits que par cette écriture patiente des vieux murs sur le flanc aride des montagnes.
Là-haut, du côté d'Arba Bona (là où l'herbe était parfumée par l'air marin), la vue vers le Cap Corse
Côté Balagne et le barrage de Codole
et au loin, l'Isola Rossa ...
Sur le parcours, le chat-sentinelle veille sur le Ghjunsani et pose ses énigmes à l'imprudent qui s'égare
Côté San Parteu et Piuggiula
Côté San Pedrone et Castagniccia
L'aménagement des abris naturels témoigne de la permanence d'une occupation humaine très ancienne. A l'époque des premiers Corsi : s'abriter, se protéger du froid, des ennemis, et prendre le temps de vénérer les sources, les arbres, les rochers puissants ... On peut les comprendre !
plongeon dans la nuit des temps: abri au pied du sommet de Tornaboie
En leur honneur, libations sur le Monte Bacchus: Santu a sorti la Dive Bouteille! Cela risque de plomber un peu nos jambes après ces agapes, mais la communion avec les esprits du lieu mérite quelques sacrifices.
vers a rocca Speluncata, pour l'instant tout va bien ...
et quelque part près du ciel, on peut rencontrer dans cet univers granitique, proclamant à l'improviste la présence des hommes de la préhistoire, une cupule, aujourd'hui "cabaret des oiseaux" (les jours de pluie ...)
il est temps d'amorcer la descente:
c'est que nous avons rendez-vous à nouveau avec les premiers habitants de cette montagne ...
au passage, cette aire de battage, aghja plantée en plein vent à flanc de rocher
et cette source aménagée qui dit beaucoup sur cette montagne autrefois incessamment parcourue par les gens et les bêtes, hélas aussi sur l'abandon et la sècheresse d'aujourd'hui
Enfin, voici le site de l'Ascita: rencontre avec le "dolmen" d'Olmi Cappella: " L'endroit où se trouve ce mégalithe est fortifié par la nature et par l'homme: il est entouré de blocs énormes placés les uns sur les autres." (Rapport sur les Monuments mégalithiques de la Corses, par Adrien de Mortillet, autour de 1883)
la lourde dalle repose sur deux rochers naturels
et, toute proche, cette belle cupule creusée dans le granite, qui évoque à nouveau des usages et des rites dont nous ne savons toujours pas grand chose à ce jour.
Un temps où les hommes du lieu n'avaient rien à envier aux autres habitants de la Méditerranée.
Merci, très cher Santu, pour ce beau partage de vos racines ... dans ce monde de naguère où chaque lieu et chaque objet avait une âme, comme en témoigne cette fable (via Bernardu Pazzoni) :
(sélectionner et un clic droit pour ouvrir)
http://www.youtube.com/watch?v=UMWGYgJdrE8&feature=colike
11:35 Publié dans balades en Corse, les pierres qui signent, racines de pierre | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : ghjunsani, dolmen de l'ascita, favula | Facebook |
10/04/2011
Lumière
à la lumière d'avril, au bord des chemins ...
... dans les jardins de la Balagne la danse des oliviers ...
16:09 Publié dans balades en Corse, Méditerranée, nature, sentiers de Balagne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : oliviers de balagne | Facebook |
05/04/2011
Balade sur les sentiers de Costa à Speluncatu ...
Sentiers de Balagne:
Dimanche matin, impossible de rester enfermés par ce beau temps.
Nous décidons de tester un parcours au pas de l'homme de la Montagne des Orgues : départ de la gare de Belgodère, puis Costa, Couvent de Tuani, Ville di Paraso, Speluncatu ... et retour.
Départ au matin depuis la gare de Belgodère
un enchantement floral: anémones , euphorbes, petits arums encapuchonnés, pastels, bourraches, pâquerettes, asphodèles, mourons et myosotis minuscules et leur fervent langage de vie ... corolles, étamines, anthères, stigmates, pétales, styles, pistils, calices, ovules, ovaires, réceptacles ...
fleurs habitées et zonzinnantes de bourdons et d'abeilles
petit crochet par San Bastianu, avant de terminer la grimpette vers Costa
Sur la place de Costa, silence paisible, presque trop: où sont donc passés les enfants d'antan?
l'église san Salvatore
... et toujours le même plaisir d'y retrouver son petit orgue ... Puis l'ancien couvent franciscain observentin de Tuani, d'où nous prenons le sentier de Ville di Paraso:
tout près du couvent, les ruines de l'église San Giovanni Battista, ancienne piévanie de Tuani, récupérée par la suite par san Michele de Speluncatu : une église romane entièrement reconstruite vraisemblablement au 14° siècle.
Derrière l'église, on aperçoit E Ville di Paraso et, plus haut, Speluncatu ... Dans le champ, pas le moment de traîner: beuglements des vaches et des taureaux, c'est le printemps vitaminé!
Une fois passé le beau village d' E Ville di Paraso, et grimpé le raidillon vers Speluncatu, nous voilà bientôt arrivés à la Collégiale Santa Maria Assunta
... et son orgue Crudeli ...
En redescendant de Speluncatu, visite amicale à la petite chapelle de la Nunziata
aux murs gravés de pieux graffitis
et par la porte béante, en face, le couvent de Tuani que nous regagnons
au retour, à l'entrée de Costa, le lavoir et la source généreuse à l'eau si légère
traversée de Costa, puis nouveau sentier ...
encore l'eau vive d'une source aménagée
et le long du sentier, la récolte des olives sur un lit de pâquerettes
sentier dallé, ombragé
et son pont génois par-dessus la rivière du Pinzu Corbu:
nous voici quasiment revenus, après quelques cinq heures de marche tranquille ... Si ça vous dit, c'est la bonne saison!
23:04 Publié dans balades en Corse, corse, la montagne des orgues, orgues historiques de Corse, sentiers de Balagne | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : sentiers de balagne, costa, ville di paraso, speluncatu | Facebook |
18/12/2010
dimanche 12 décembre, avec Via Stella ...
Ce dimanche dernier, l'équipe de Via Stella avec René, Laurent et Dumè s'apprête à partager une nouvelle journée de randonnée en Balagne:
une petite moisson d'images entre Aregnu, Cateri, Lavatoggiu et Lumiu...
première étape, AREGNU.
La lumière hivernale ce matin là sur notre chère Balagne est tout bonnement magnifique!
Ce dimanche, nous n'aurons pas le temps de jouer le bel orgue Agati-Tronci (1888) de l'église paroissiale: les sentiers nous appellent ...
Sur la place de l'église Sant' Antone, d'un côté la vue sur Cateri , au pied des colllines de Carcu (site néolithique ancien) et de Modria (oppidum protohistorique) ...
... de l'autre sur Sant' Antuninu, le fief altier de Pinito Savelli vers 870, domine de ses 521 m du haut de son Capu Corbinu : à l'est la riche plaine du Reginu, à l'ouest la région d'Aregnu... Sans doute occupé dès l'époque romaine (III° s. avant J.C.) pour sa situation stratégique, au IX° s. capitale de la Balagne en remplacement de Curbara, Sant'Antuninu (St Antonin, " l"Inestimable", martyrisé en 308 à Césarée), au cours de sa tumutueuse histoire, défraie la chronique: au XIII°s. le comte Buono Savelli y fera assassiner une soixantaine de cavaliers du Giudice di Cinarca, dont il conteste la suprématie sur la Balagne, au XV° s., les maisons des Savelli, alliés de Rinuccio da Lecca sont détruites et brûlées par Juan-Paolo da Lecca... Au XVI° s., à l'ère des Caporali, la place forte sera disputée par les troupes de Sampieru Corsu ...
L'église de la Trinité, aujourd'hui sur la commune d'Aregnu, dépendait à l'origine de ces seigneurs turbulents de Sant'Antoninu ...
Justement, nous attaquerons notre journée de balade dans cette partie de la Balagne par une visite incontournable à l'église pisane polychrome de la Trinità et San Ghjuvan-Battista (XII°s.), ancienne église piévane, où nous attend Colette (merci Colette pour tes photos!)
La façade ouest et sa statuaire si éloquente!
le "tireur d'épine" (invitation à s'extirper le mal de l'âme)
Les deux personnages de part et d'autre de la porte d'entrée , que l'on retrouve dans d'autres églises piévanes de Corse (cf. Murato) signalent-ils les fondateurs de l'église ou évoquent-ils la justice religieuse et temporelle? toujours est-il qu'à proximité se situait l'arringu, où se rendait la justice de cette pieve.
Je reviendrai une autre fois sur cette église si belle que nous ne faisons qu'effleurer ce matin, comme nos ombres ... Elle fait partie de la deuxième tranche du programme de restauration des chapelles à fresques ... En principe cette année ...
Sur le sentier qui descend d'Aregno vers Cateri,
première renconte avec les stars!
Monter, descendre, tranquillement, un vrai plaisir
Un milan plane, nous avec ...
et Laurent filme
A CATERI, découverte de l'orgue de Gaspard Domini, restauré par Alain Sals : comment ça marche ?...
René s'exerce d'un air fort inspiré à l'art de l'organiste de village ... Je ne sais trop ce qu'en ont pensé les voisins de l'église: ars nova ?
En bas, Sainte Lucie est prête pour la grande fête du lendemain:
je viendrai animer la messe à l'orgue ...
Le chemin nous a conduits en-dessous de LAVATOGGIU. Fief dissident, sous les deux sommets du Capu d'Occi (5563 m) et du Capu Bracaghju (556 m), du seigneur Malafede-Savelli, frère de Pinasco, et neveu d'Arrigo Bel Messere: indépendance autodéclarée autour de l'an mille ... Je me promets de revenir bientôt à Lavatoggio, riche d'histoire et de rumeurs médiévales ...
la chapelle San Lorenzu, dans le hameau de Croce
Le lavoir de Croce: à cette saison l'eau jaillit de toutes parts
alimentant le bassin où l'on allait encore il n'y pas si longtemps laver son linge: l'endroit bruisse toujours des conversations d'alors ...
Le sentier nous conduit sur le plateau habités d'anciens pagliaghji et où l'on rencontrera la chapelle San Giovanni a i Venti, puis celle de la Madonna di a Stella (et de son ermitage). Là-haut, la surprise de voir un couple d'aigles tournoyant autour du Capu Bracaghju, en compagnie de leur jeune en vol: impressionnant, le temps suspendu et l'envie de rester là, à les regarder sans penser à rien ... Merci!
La chapelle de la Madonna di a Stella.
C'est bientôt la fin de notre balade: la journée hivernale s'achève tôt. La lumière s'est rétécie, la nuit prépare déjà son ombre ... Ce qui ne ruisselle pas craquelle comme verre de gel sous nos pas.
En redescendant du côté de Lumio, nous allons retrouver "la civilisation", la vue sur la mer, Monte Ortu, les maisons contemporaines, le ciment, et ... le bruit : j'ai oublié de vous dire que ce fameux dimanche 12 décembre, il y avait la course des voitures, vroum, vroum, vroum et pétarades à l'envie.
Là-haut, de l'autre côté sous Bracaghju, c'était le divin silence traversé par le cri royal des aigles en vol ...
Merci à tous! (photo de René)
la troupe (photo de René)
Cette émission réalisée pour Via Stella sera diffusée en début d'année:
donc, à suivre! J'espère qu'on verra les aigles .
a prestu!
16:33 Publié dans balades en Corse, parcours de découverte du patrimoine en Corse, patrimoine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : via stella, randonnées de découverte, balagne, aregno, cateri, lavatoggio, lumio | Facebook |
27/09/2010
Sur le plateau de Cauria
CAURIA, avec Philippe JACCOTTET
Coriaces, drues, dressées au matin d'automne, les chardonneuses sentinelles du plateau de Cauria.
Veille:
Et puis en silence tournés vers le soleil levant, i stantari. Contemplation.
"Poids des pierres, des pensées
Songes et montagnes
n'ont pas la même balance
Nous habitons encore un autre monde
Peut-être l'intervalle"
(...) En fait, de toutes mes incertitudes, la moindre (la moins éloignée d'un commencement de foi) est celle que m'a donnée l'expérience poétique; c'est la pensée qu'il y a de l'inconnu, de l'insaisissable, à la source, au foyer même de notre être. Mais je ne puis attribuer à cet inconnu, à cela, aucun des noms dont l'histoire l'a nommé tour à tour. Ne peut-il me donner aucune leçon, hors de la poésie où il parle -, aucune directive, dans la conduite de ma vie ?
Réfléchissant à cela, j'en arrive à constater que néanmoins, en tous cas, il m'oriente, du moins dans le sens de la hauteur (...)
(La plus haute espérance, ce serait que tout le ciel fût vraiment un regard)
Philippe JACCOTTET: Eclaircies, dans Paysages avec figures absentes. NRF Gallimard.
19:12 Publié dans balades en Corse, les pierres qui signent, préhistoire corse | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : plateau de cauria, préhistoire corse, philippe jaccottet | Facebook |