06/12/2015
6 décembre fête de St Nicolas: San Nicolau di Moriani
Aujourd'hui 6 décembre,
l'on fête le grand saint Nicolas de Myre et de Bari,
avec la rencontre de l'extraordinaire décor foisonnant
de l'église paroissiale
de San Nicolao di Moriani,
Piève de Moriani, Diocèse de Mariana,
(prochainement restauré on l'espère:
la commune a déjà fait les travaux de restauration de l'extérieur et s'apprête à s'atteler à l'intérieur )
et les oeuvres d' Ignazio Saverio Raffali et Luigi Polleri
l'un de ces beaux villages insoupçonnables depuis la côte touristique,
surplombant la côte orientale du haut campanile de sa grande église paroissiale
l'église côté chevet
La façade accueille les deux saints patrons de la paroisse:
A gauche notre bon St Nicolas
à droite le grand St Pierre ...
" L'église San Nicolao, paroisse actuelle, est citée dans le cartulaire de Monte-Cristo. Curieusement le lieu-dit San Pietro désigne les alentours de l'église San Nicolao. Peut-être était-ce le vocable de la chapelle ruinée qu'on voit à côté de San Nicolao et qui par la suite aurait servi de confrérie. (...)
(Geneviève Moracchini-Mazel, Les églises romanes de Corse, p. 233)
Voilà une communauté a priori bien protégée!
(plaque commémorative dans l'église San Nicolao)
...ce qui malheureusement ne lui a pas épargné les pertes nombreuses et cruelles de la guerre de 1914 ...
Une église dotée d'un décor monumental foisonnant, vitaminé, une vraie cure de jouvence!,
où règne en maître St Nicolas (et sa légende de l'ogre- boucher cannibale ):
La complainte de saint Nicolas
(recueillie par Gérard de Nerval en 1842):
Il était trois petits enfants
Qui s'en allaient glaner aux champs.
S'en vont au soir chez un boucher.
« Boucher, voudrais-tu nous loger ?
Entrez, entrez, petits enfants,
Il y a de la place assurément.»
Ils n'étaient pas sitôt entrés,
Que le boucher les a tués,
Les a coupés en petits morceaux,
Mis au saloir comme pourceaux.
Saint Nicolas au bout d'sept ans,
Saint Nicolas vint dans ce champ.
Il s'en alla chez le boucher :
« Boucher, voudrais-tu me loger ? »
« Entrez, entrez, saint Nicolas,
Il y a d'la place, il n'en manque pas. »
Il n'était pas sitôt entré,
Qu'il a demandé à souper.
« Voulez-vous un morceau d'jambon ?
Je n'en veux pas, il n'est pas bon.
Voulez vous un morceau de veau ?
Je n'en veux pas, il n'est pas beau !
Du p'tit salé je veux avoir,
Qu'il y a sept ans qu'est dans l'saloir.
Quand le boucher entendit cela,
Hors de sa porte il s'enfuya.
« Boucher, boucher, ne t'enfuis pas,
Repens-toi, Dieu te pardonn'ra. »
Saint Nicolas posa trois doigts.
Dessus le bord de ce saloir :
Le premier dit: « J'ai bien dormi ! »
Le second dit: « Et moi aussi ! »
Et le troisième répondit :
« Je croyais être en paradis ! »
Revenons à notre san Nicolao di Moriani:
le maître-autel ouvre largement les bras de ses gradins pour vous accueillir: voici l'oeuvre roborative d'un enfant de la Castagniccia, le maître stuccateur Ignazio Saverio Raffalli "le Vieux", originaire de Piedicroce, et qui le signe en mars 1767.
Au revers de l'autel , au milieu des graffiti,
on retrouve la date
et,
sur la cuve de l'autel, la signature de Raffali sous la forme de la marguerite, omniprésente dans ses créations.
A l'angle de l'autel, comme écrasé, ce diablotin cornu roule des yeux
d'un air bien mauvais!
Caractéristiques aussi, les petits personnages malicieux, déhanchés,
nichés aux angles de l'autel,.
En médaillon, au centre de la cuve, l'image charmante des trois petits enfants de la légende barbotant dans leur saloir comme vos garnements dans leur baignoire.
Au fond de l'abside, sous les deux saints patrons Nicolas et Pierre, peints par Luigi Polleri (auteur de l'ensemble des décors peints: le choeur en 1812, les murs de la nef 1826, la voûte en 1829), et entre les deux fenêtres, l'emplacement actuellement vide et réservé au polyptyque - restauré en 2011 par Maria Teresa Donetti , toujours en dépôt au Musée de Bastia en attendant la restauration de l'église :
(d'après une photo)
Ce retable, oeuvre du florentin Raffaelle de Rossi a fait l'objet d'une exposition à Bastia au Palais des Gouverneurs en avril/ mai 2011:
" Le retable de San Nicolao, oeuvre d'un atelier ligure pour la Corse du XVI° siècle".
Commandé dans la première moitié du XVI° s. à l'origine pour orner l'arrière de la table de l'autel majeur (la "pala d'altare") de San Nicolau, il va être déplacé après la reconstruction de l'église au milieu du XVIII°s et en particulier l'édification du nouvel autel baroque d'I.S. Raffali: ayant perdu sa prédelle, on le place désormais dans le mur de l'abside où il reste, en bien mauvais état, scellé jusqu'à sa restauration ... qui lui a rendu tout son éclat.
La Vierge et l'Enfant, trônant sur un nuage au milieu de deux anges bucinateurs au-dessus d'un paysage montagneux en bord de mer, accompagne de sa protection les deux patrons de l'église, St Nicolas et St Pierre, tandis que, sur les pilastres, veillent les Saints Jean, Reparata, Lucie et Blaise; sur le registre supérieur, des anges musiciens accompagnent Dieu le Père bienveillant et bénissant ...
Le charmant décor peint de Luigi Polleri baigne l'église dans une tonalité souriante qui résonne en écho d'une autre oeuvre exubérante:
la belle chaire à prêcher baroque, du même Ignazio Saverio Raffalli,
datée du 29 mai 1740 .
Peints sur la chaire, ce Christ aux outrages,
cette Vierge de Douleur
cet ange fleuri ...
Au-dessus de la chaire, un joli abat-voix,
orné de la Colombe de l'Esprit Saint dans une gloire rayonnante et bordée de fort jolies fleurettes ...
et, représentant le prédicateur, ce religieux franciscain aux mains éloquentes, saisi en plein prêche ... enfin, je l'imagine!
Partout, dans cette église, dès qu'on lève les yeux, des surprises :
comme ce sage angelot perché sur sa corniche,
absorbé dans sa lecture
ou cette voûte de chapelle latérale peuplée de personnages à demi-nus et de chérubins en relief dans un éden végétal : des stucs de la seconde moitié du XVII° s émergeant des rinceaux de Polleri ...
avec au centre, cet ange qui brandit un cimeterre qui tient fermement dans son autre main quelque chose où je crois voir un petit serpent à crête de coq, un basilic ? à moins que cela ne soit une palme ? Toujours est-il que notre ange porte sur la tête une drôle de coiffe en forme de coussin sur laquelle il semble sur le point de pratiquer un sacrifice ...
mble être un petit serpent avec une crête de coq, un basilic ( la lutte de St Michel Archange contre le Mal?) Sur sa tête une sorte de coussin bizarre ...
ou ces curieux anges brandissant une lance contre deux dragons menaçants,
et tenant un blason très particulier, déjà rencontré dans l'église san Nicolau d'Olmi Cappella ... un phénix renaissant des flammes et regardant le soleil .
Et disserterons-nous sur sexe des anges?
ou cette petite dame feuillue,
bref, de quoi alimenter la rêverie de quelques fidèles distraits !
A propos des artistes stucateurs, peintres décorateurs à l'oeuvre dans l'église:
Ignazio Saverio Raffali : C'est le fils de Giovanni Raffalli "le vieux", originaire de Piedicroce en Castagniccia, né en décembre 1715 ou début 1716.
" L'activité d'Ignazio Saverio Raffalli" le vieux"est attestée jusqu'en 1777, année où il travaille sur le chantier de l'église de Tallone. Il est le membre le plus productif de la dynastie des Raffalli dont l'activité va s'exercer pendant près de 150 ans"
"(...) Les Raffalli et leurs divers élèves vont mettre au point et faire évoluer un style décoratif original. Un style éloigné de ce que l'on retrouve en Italie, en France ou en Espagne à la même époque, mais qui s'insère néanmoins dans le mouvement du Baroque international. "
( Michel Edouard Nigaglioni, l'Encyclopédie des peintres actifs en Corse, édition Piazzola)
Aloysius Polleri, alias Giacomo Luigi Polleri.
Voici ce qu'en dit notre ami M.E. Nigaglioni :
" Peintre décorateur né à Gênes (Ligurie, Italie) le 8 mars 1780. Il est établi très jeune à Bastia où il est probablement l'élève du peintre génois Giuseppe Wannenes. Luigi Polleri est le fils du doreur Giuseppe Polleri dont la présence en Corse est attestée dès 1802. (...) Luigi Polleri est l'auteur de décors peints dans lesquels on dénote une influence du style Louis XVI. (...)" Il est mort à Bastia le 24 décembre 1853.
(le Saint Nicolas de Sermanu peint à fresque entre 1450 et 1458 )
(à suivre !)
Pour en savoir plus sur le grand saint Nicolas, un saint qui m'importe, en bonne fille de lorrain (st Nicolas est le patron de la Lorraine ... et je devais, si j'avais été un garçon, porter ce nom ...) :
- ce qu'en dit la Légende dorée de Jacques de Voragine :
https://fr.wikisource.org/wiki/La_L%C3%A9gende_dor%C3%A9e/Saint_Nicolas
- et le long article de Wikipedia:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_de_Myre
- Louis Réau, dans son Iconographie de l'Art chrétien, lui consacre de longues pages: saint Nicolas demeure l'un des saints les plus populaires dans le monde chrétien, appartenant à la fois à l'Eglise grecque et à l'Eglise latine.
"Les pélerins et les chevaliers qui allaient s'embarquer à Brindisi pour la Terre Sainte ne manquaient pas de venir faire leurs dévotion à saint Nicolas de Bari dont le corps distillait une myrrhe parfumée qu'ils recueillaient précieusement dans des ampoules de plomb: c'est ce qu'on appelait la manne de saint Nicolas. Le pélerinage de Bari était d'autant plus fréquenté qu'il se conjuguait avec celui de saint Michel au Monte Gargano, situé à peu de distance sur la côte d'Apulie."
"Il est le patron des écoliers (...)
Prie pour nous, saint Nicholas
Qui les trois clercs ressuscitas"
Il est invoqué par les filles à marier (...) en souvenir des bourses qu'il offrit discrètement à trois pucelles qui, faute de dot, ne trouvaient pas d'épouseurs. " Saint Nicolas, comme dit la chanson, marie les filles avec les gars."
Patron des filles, saint Nicolas,
Mariez-nous, ne tardez pas !"
Le saint Nicolas d'Altiani, peint par Giacomo Grandi:
sur son livre les trois boules d'or évoquent les trois bourses données par le saint pour doter les trois pauvres jeunes filles vouées à la prostitution par leur père, faute de dote ...
"Il est aussi (...) le saint tutélaire des marins, de tous ceux "qui vont par eau et craignent le naufrage" parce qu'il a le pouvoir d'apaiser les tempêtes.(...) Mais ce n'est pas tout. Une douzaine de corporations se plaçaient sous son patronage: les avocats, procureurs et basochiers du palais, les prêteurs sur gage; les tonneliers [eh oui! le tonneau où barbotent nos trois petits enfants!], marchands de vin, jaugeurs et déchargeurs de vin; les grainetiers et les débardeurs de blé; les bouchers; les parfumeurs, les apothicaires et épiciers. (...)
Saint Nicolas passait en outre pour protéger contre les voleurs les trésors confiés à sa garde. (...)
Enfin la légende des trois officiers injustement emprisonnés lui avait valu la reconnaissance des prisonniers et des victimes d'erreurs judiciaires."
22:03 Publié dans saint Nicolas, Saints de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : san nicolau di moriani, luigi polleri, ignaziosaverio raffalli | Facebook |
05/12/2015
Immaculée Conception
8 décembre, fête de l'Immaculata,
l'Immaculée Conception
(note revisitée)
à Prunelli di Cascconi,
détail de l'Immaculée Conception,
attribuée par M.E. Nigagioni à Saverio Farinole :
un thème cher aux franciscains...
et aux Corses!
à Vallica (Ghjunsani),
le petit tableau de l'Immaculée Conception en compagnie de San Roccu et du jeune San Quilicu (alias, San Chirgu, Quilico, Cyr ...),
peint par Giacomo Grandi, autour de 1750.
La Vierge, conçue sans péché, les yeux baissés vers la Terre (où elle descend s'incarner), pieds nus sur le croissant de lune et écrasant le Serpent, la tête couronnée d'étoiles: à ce propos, en ces temps d'incertitude pour l'Europe, n'a-t-on pas dit que les étoiles du drapeau européen ont été empruntées à l'iconographie de la Vierge de l'Immaculée Conception ?
Au Musée Fesch d'Ajaccio, cette Immaculata peinte au XVIII°s par un anonyme napolitain, huile sur cuivre.
Petit retour en arrière: et tout ça, la faute à qui, je vous le demande?
notre petite mère Eve,
vue et aimée par Gilesbertus à Autun
Le choix d'Eve
Eve, avec son air de ne pas y toucher, voluptueusement couchée pour une petite sieste au Paradis d'Autun, le fruit défendu à portée de main ... Eve hardie et assoiffée de connaissance, décrite dans la Genèse comme la part la plus active du couple primordial: il s'agit, en mangeant le fruit défendu d'accueillir la vie avec tous ses risques, le bien et le mal: un programme illimité pour notre humanité! (Teilhard de Chardin n'aurait pas renié le choix d'Eve)... et d'un coup nous tombe dessus, marque indélébile pour ses descendants, le péché originel avec, jusqu'à la fin des temps et indissociables de la vie, la libido et la mort. Pas de conception sans libido, pas de naissance sans mort ... du grain à moudre pour les pasteurs des familles judéo-chrétiennes et les psychanalystes.
Récit de la Tentation et de la Chute, dans la Genèse 3, 1-24:
" Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que le Seigneur Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? La femme répondit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez. Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.
La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea. Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures.
à Cambia, chapelle San Quilicu, le récit de la Tentation.
L'arbre de la connaissance, solidement enraciné, est représenté ici sous sa forme la plus parlante: une fourche en Y, proposant les deux voies possibles du Bien ou du Mal, avec, au sommet, la Croix. Il fonctionne comme l'axe du monde et fait communiquer trois mondes: la monde des morts, souterrain; le monde des vivants, ici avec Adam et Eve; enfin le monde céleste, avec la Croix rédemptrice.
Alors ils entendirent la voix du Seigneur Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l'homme et sa femme se cachèrent loin de la face du Seigneur Dieu, au milieu des arbres du jardin. Mais le Seigneur Dieu appela l'homme, et lui dit : Où es-tu ? Il répondit : J'ai entendu ta voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et le Seigneur Dieu dit : Qui t'a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger ? L'homme répondit : La femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et j'en ai mangé. Et le Seigneur Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? La femme répondit : Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé. Le Seigneur Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon."
à Santa Maria de Rescamone,
le couple originel et l'Arbre où s'enlace le Serpent.
l'Immaculée Conception
l'Immaculée Conception, El Greco, Musée Santa Cruz
(Sous ses pieds, la ville de Tolède, mise sous la protection de la Vierge et des éléments iconographiques qui se réfèrent aux "Arma Virginis" dans les Litanies de la Vierge)
Une doctrine qui met longtemps à se mettre en place, longtemps combattue par les dominicains, diffusée par les franciscains, puis par les jésuites, consacrée par le Concile de Trente, et qui ne devient un dogme qu'en 1854, sous le pape Pie IX.
" Un signe grandiose apparut au ciel: c'est une Femme; le soleil l'enveloppe, la lune est sous ses pieds, douze étoiles couronnent sa tête (...) " (l'Apocalypse de Saint Jean)
Tiepolo, l'Immaculée Conception, 1769
Lumineuse, nimbée de soleil, couronnée des douze étoiles, protégée par la Colombe de l'Esprit Saint, écrasant de ses pieds nus le Serpent du Péché originel (regardez bien, il tient dans sa gueule le fruit défendu), Marie se tient bien droite: pas de doute, la terre peut tourner, rouler comme un vulgaire ballon de cirque, Marie reste en équilibre, les yeux baissés, non par pudeur excessive, mais par prudence, pour voir où elle met ses tendres pieds nus. A moins qu'elle ne couve de son regard attentif sa nichée humaine. C'est qu'elle descend du ciel sur terre, en mission:
Giorgio Vasari 1541, une oeuvre puissante:
au registre supérieur, l'Immaculée Conception, apaisante, contemple l'humanité dont elle a la charge et prie pour elle; l'arbre de la Tentation, habité par Satan, Serpent cornu à tête humaine (une femme, dites-vous?) sépare le registre inférieur, divisant le couple d'Adam et Eve, tandis que s'agitent et supplient leurs descendants.
"Quos Evae culpa damnavit,
Mariae gratia solvit"
(la grâce de Marie rachète la faute d'Eve)
Sous ses pieds, le croissant de lune.
Victoire de la Vierge Marie de la stabilité sur l'incertitude: la lune est l'attribut d'Eve, un attribut lié à l'élément liquide, mouvant, insondable, dangereux mais aussi nourricier de l'eau.
Mais aussi, victoire après la bataille de Lépante, des chrétiens sur le Croissant des ottomans ...
Fronton de l'autel des Ames du Purgatoire,
église du Couvent de Marcassu, à Catteri:
Un croissant de lune qui souvent présente ses cornes vers le haut: ces cornes sont un lointain écho du culte lunaire d'Isis, mais ici elles apparaissent surtout comme les cornes du Démon ...
La Vierge ouvre les mains pour accueillir sa mission divine (et sa future maternité).
Toujours au Couvent de Marcassu, l'Immaculée Conception, de Pietro Antonio Rossi (peintre domicilié à Bastia où son activité picturale est documentée à partir de 1692, mort avant 1722 - M.E. Nigaglioni)
La Vierge est représentée en compagnie du petit San Quilico/San Chirgu (alias St Cyr), Ste Catherine d'Alexandrie, Ste Apollonie, Ste Julitte (la mère du petit St Cyr), un évêque, et le donateur.
La très belle église du Couvent de Marcassu souffre hélas de l'impécuniosité de ses affectataires ...
http://www.youtube.com/watch?v=gVH0fkNY-xA&feature=colike
La lune encore, mais empruntée à l'iconographie de l'Antiquité:
Diane Chasseresse, Ecole de Fontainebleau, 1550, Musée du Louvre.
La lune coiffe Diane/Artémis et sa nudité.
Nous voilà bien loin de l'Immaculée Conception , et pourtant : dans cette citation de la chasteté de Diane/Artémis on pourrait voir une réappropriation détournée: la lune, symbole du cycle féminin, de la fécondité de la nature et du temps qui passe à travers ses phases successives et régulières, mort et renaissance. Les bons Pères de l'Eglise vont charger la Vierge de maîtriser toute cette part incontrôlable de la féminité: elle sera donc représentée foulant de ses pieds nus le croissant de lune ...
Il faut également signaler que le désir de conférer la pureté totale à la mère d’un dieu ou d’un héros se retrouve beaucoup plus anciennement dans les mythes de l’Asie: ainsi de Krishna qui nait de Devaki, vierge chaste qui l’enfante sans connaître l’homme ou du premier Boudha, conçu sans péché ni père par la vierge-mère Maya … C’est le concile d’Ephèse qui instaurera le culte de la Vierge Marie, Mère de Dieu, pour lutter contre le culte de la déesse Artémis.
***
L'histoire de Sainte Anne, mère de Marie
avec Giotto di Bondone, église de l'Arena (chapelle Scrovegni), vers 1303.
- Vu du petit bout de la lorgnette, on pourrait dire que la conception de Marie par ses parents Sainte Anne et Saint Joachim s'inscrit dans les gènes familiaux et tient du miracle.
Nulle trace de la présence précise des grand-parents maternels de Jésus dans le Nouveau-Testament, mais les évangiles apocryphes vont se charger de réparer poétiquement cette lacune (Proto évangile de Jacques et Pseudo Matthieu). Ils nomment les parents très âgés de Marie : Joachim (Dieu accorde) et Anne (la Grâce). Ce couple exemplaire de foi et d'humilité, affligé de stérilité, moqué par son entourage, va recevoir miraculeusement l'annonce de sa prochaine descendance par l'archange messager Gabriel ... dont on connait le rôle dans l'Annonciation faite par la suite à leur fille.
Peint par Giotto di Bondone à l'égise de l'Arena à Padoue:
l'annonce de sa future maternité à Sainte Anne
le songe de Saint Joachim, qui, moqué par ses pairs, a choisi de vivre au milieu des bergers.
(une préfiguration du songe de Saint Joseph ...)
Le chaste baiser d'Anne et Joachim devant la Porte Dorée de Jérusalem:
" La Mère de Dieu aurait été conçue non de façon naturelle (ex coitu), mais par un simple baiser sur les lèvres (ex oculo)" (Louis Réau, Iconographie de l'Art chrétien)
Toujours est-il que si la dévotion à Sainte Anne et Saint Joachim n'a pas connu le même engouement en Corse qu'en Bretagne, on la retrouve parfois dans nos églises de Corse, illustrant la naissance de la Vierge,
comme ici à l'église paroissiale de Muro: un Joachim bien pensif et que l'on pourrait prendre pour Joseph,
tandis qu'Anne, après l'effort de l'accouchement, reçoit le réconfort sous forme, traditionnelle, de deux oeufs.
ou à Canavaggia, peinte par Francesco Carli: la vieille Anne reçoit là aussi le réconfort tandis que les servantes ou les amies donnent son premier bain à Marie.
Scènes de la vie quotidienne ...
l'Immaculée Conception vue par le peintre génois Domenico Piola
" Nondum erant abyssi et ego jam concepta eram" (passage des Proverbes évoquant la nature immaculée de Marie): Piola illustre dans un raccourci saisissant la pensée créatrice de Dieu concevant Marie sans péché avant même la création du monde ... Dieu Trinitaire: le Père tient la couronne d'étoiles de l'Apocalypse, la colombe de l'Esprit Saint darde son rayon fécondant sur la Vierge, à ses pieds, l'Enfant Jésus terrasse Satan à l'aide de la croix ...
Et ici cette étonnante vision de Velasquez , en 1619 (collection privée) illustrant la pensée créatrice de Dieu projetant la Vierge à travers une sorte de vide sidéral, en dehors du temps et de l'espace.
Zurbaran ... et les Litanies de la Vierge :
(avec Marc Antoine Charpentier)
http://www.youtube.com/watch?v=XgVhpqjqnFE&feature=colike
Les attributs mystiques de la Vierge - Bréviaire Grimani -Bibliothèque Nationale de Venise -1450-1510
(frise du décor mural de l'église paroissiale de Catteri, attribué au peinte Fortius-Joseph Marchesi, de Belgodère)
"(...) Speculum justiciae,
Sedes sapientiae,
Causa nostrae laetitiae,
Vas spirituale,
Vas honorabile,
Vas insigne devotionis,
Rosa mystica,
Turris Davidica,
Turris eburnea,
Domus aurea,
Foederis arca, Janua coeli,
Stella matutina,
Salus infirmorum,
Refugium peccatorum,
Consolatrix afflictorum,
Auxilium Christianorum (...)"
(Catteri)
(...) Vase spirituel, priez pour nous.
Vase d'honneur, priez pour nous.
Vase insigne de la dévotion, priez pour nous.
Rose mystique, priez pour nous.
Tour de David, priez pour nous.
Tour d'ivoire, priez pour nous.
Maison d'or, priez pour nous.
Arche d'alliance, priez pour nous.
Porte du ciel, priez pour nous.
Étoile du matin, priez pour nous.
Salut des infirmes, priez pour nous.
Refuge des pécheurs, priez pour nous.
Consolatrice des affligés, priez pour nous.
Secours des chrétiens, priez pour nous.
http://www.youtube.com/watch?v=FAbrugfuAao&feature=colike
(Canari, l'Immaculée Conception,
pieds nus sur le serpent et le croissant de lune, cornes vers le bas).
Les angelots l'entourent des symboles des Litanies ("Arma Virginis") - l'un d'entre eux tend un miroir sans tache, Speculum sine macula, et elle apparait comme une véritable " Porte du Ciel", Porta coeli ...
Santa Lucia di Tallano, l'Immaculée Conception signée par Marc'Antonio De Santis et datée de 1668: merci Michel-Edouard Nigaglioni !
Ici l'iconographie est particulièrement riche: cette toile liée au couvent franciscain de Sta Lucia, représente, auprès de la Vierge, St François et St Jean-Baptiste, ainsi qu'un donateur qui nous regarde droit dans les yeux, nous invitant à partager sa dévotion. Le Serpent du Mal enlace puissamment la lune, témoignant de son emprise inquiétante sur l'humanité. Tout autour, les Arma Virginis et des détails qui évoquent les côtes corses, la mer et ses dangers:
voguant au large, un navire battant pavillon génois: armé par le donateur? La Méditerranée de l'époque n'est pas tranquille, pirates musulmans et chrétiens sont toujours prêts à fondre sur les navires de commerce, et les tours de guet ne suffisent pas protéger bateaux et populations riveraines. Mieux vaut se placer sous la protection de la Vierge...
Lire, sur le sujet:
- "Mer et religion", neuvièmes journées universitaires de Bonifacio (Editions A. Piazzola) et en particulier la contribution de M.E. Nigaglioni: " Périls de mer et iconographie dans les églises de Corse"
- " La Corse, la Méditerranée et le Monde musulman", douzièmes journées universitaires de Bonifacio (Editions A. Piazzola)
Cette dévotion de l'Immaculata est chère au cœur des Franciscains qui se feront les champions, avec les Jésuites, de ce qui n'était encore qu'une croyance et pas encore un dogme. C'est pourquoi il n'est pas rare, dans nos églises conventuelles franciscaines de Corse de la retrouver en bonne place, comme ici, à San Martinu di Lota, où St François place le couvent sous la protection de l'Immaculée Conception:
San Martinu di Lota, l'Immaculée Conception en compagnie de St François, St Jean-Baptiste, St Jacques, St Joseph et un donateur. Marc Antoine De Santis 1664
à Piedicroce , le même thème ... Ici le croissant de lune ressemble à la coiffe de Diane, pointes en l'air.
et ici encore, dans la gueule du serpent, le fruit défendu.
Le 8 décembre, en Corse, l'on a célèbre, avec l'Immaculée Conception, "a Festa di a Nazione" , la "Fête nationale de la Corse": en 1735, les grands hommes du moment, Sebastiano Costa, Luiggi Giafferi, Giacinto Paoli ... définissent au Couvent d'Orezza la légitimité de la révolte des corses contre l'oppresseur génois et la naissance d'une Nation corse indépendante en commençant par ces mots:
" Le royaume choisit pour sa protectrice l'Immaculée Conception de la Vierge Marie, dont l'image sera peinte sur ses armes et ses étendards. On en célèbrera la fête dans tous les villages avec des salves de mousqueterie et de canon".
Je citerai Antoine Marie Graziani:
"La Vierge avait une importance particulière à Gênes. Au 17° siècle, chaque Doge génois apparaissait lors de son couronnement avec une représentation de la Vierge d'un côté et de la Corse de l'autre. Les nationaux corses se sont sans doute approprié ce symbole génois. J'ai tendance à croire que cette référence à l'Immaculée Conception a pris de l'importance à la fin du 19°siècle lors du conflit entre l'Eglise et l'Etat. Dans une Corse encore très catholique, certains y ont sans doute vu le moyen de se démarquer de la République. Une position qui a dû s'exacerber avec la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905 et les conflits entre catholiques et anticléricaux. (...) Cela fait une douzaine d'années maintenant, avec la montée politique du mouvement nationaliste, que cette date est réapparue dans notre actualité."
à Bastia, oratoire de la Conception
(photo M.E. Nigaglioni: merci! )
Sur ce médaillon de la voûte de ce même Oratoire le peintre italien Francolini peint l'Immaculée, reprenant probablement le motif préexistant dans le décor du XVII° siècle :
"Francolini : peintre italien dont l’activité est attestée en 1854-1855. A cette époque, il fait partie d’une équipe qui restaure le décor monumental de l’Oratoire de la Conception, à Bastia (sous la direction du peintre florentin Bernardo Francesco Sienni, chef de chantier). Francolini est chargé de l’exécution des trois médaillons principaux de la voûte." (M.E. Nigglioni )
Toujours est-il que, dans les églises de Corse, chantres, confrères, fidèles chantent pour cette fête :
"Tota pulcra es , Maria
et macula originalis non es in te" (...) ,
" La Vierge immaculée est assimilée à la fiancée du Cantique des Cantiques. C'est la Sulamite du Pseudo-Salomon comme le prouvent les paroles inscrites sur un phylactère: Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te , et les métaphores bibliques semées autour d'elle comme les perles d'un collier. " ( Louis Réau: Iconographie de l'Art chrétien)
"Tota pulcra es , amica mea, et macula non es in te"...)
Ce beau chant alterné, transmis par des générations dans nos villages sur une trame musicale commune connait des variations d'une communauté à l'autre. A Speloncato j'ai le souvenir de la transmission de ce chant par feu notre cher sacristain Martin Ambrosini, Josette Giovansily, et par notre Marie Quilici.
Marie Quilici
Marie qui nous avait fait encore récemment le magnifique cadeau imprévisible de sa voix et de son témoignage sur ce chant, lors des Journées du Patrimoine 2010, alors que nous évoquions les chemins de la transmission du chant à Speloncato ... Une voix de dame âgée mais qui ne dévie pas de son centre, sans fioritures, naturelle et ferme. Une vraie leçon d'être au chant, et non de savoir faire. Malheureusement, pas d'enregistrement ...
Les chants transmis dans nos villages ne sont pas désincarnés, ni fixés une fois pour toutes dans une partition : ils ont une vie, je devrais dire des vies, une âme, une histoire, et toute la fragilité coriace d'un monde qui passe et résiste ...
Ce "Tota Pulcra es Maria" que l'on retrouve dans les grands livres de chœur des couvents franciscains des 17 et 18° siècles ...
à Speloncato, Collégiale Santa Maria Assunta:
l'autel de l'Immaculée Conception où chaque année se célèbre la messe de l'Immaculée
(stucs du maestro Domenico Impernetti et de son élève, le jeune Antonio Sartori delle Ville, 1770)
15:40 Publié dans artistes de corse, corse, iconographie des saints, Immaculée Conception, patrimoine de corse, regards sur l'art, Saints de Corse, spiritualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : immaculée conception, joachim et anne, attributs mystiques de la vierge, fête nationale corse, speloncato, cambia, autun, zurbaran, piola, tiepolo, canari, piedicroce, litanies de la vierge marc antoine charpentier, prunelli di casaconi, marc'antonio de santis | Facebook |
26/12/2014
San Stefano protomartyre
Aujourd'hui on fête le diacre
San Stefano / Saint Etienne
(dit "protomartyre")
le martyre le plus ancien de la chrétienté
mort lapidé à Jérusalem en 31
La Lapidation de Saint Etienne, par Rembrandt, 1625,
Musée des Beaux-Arts de Lyon
(Giotto di Bondone)
Après la mort du Christ le jeune Etienne avait été choisi avec six autres disciples, pour s'occuper des chrétiens de Jérusalem: ce sont les diacres, hommes de réputation exemplaire. Etienne accomplit de grands miracles et finit par susciter la jalousie de certains membres de la synagogue. Accusé devant le Sanhedrin avec de faux témoignages, se défendant avec la seule ardeur de sa foi il finit par être traîné hors de Jérusalem et lapidé en présence de Saul, qui deviendra, après sa conversion, St Paul. Il est toujours représenté avec le costume des diacres et les pierres de son martyre signalent sa lapidation.
Geneviève Moracchini-Mazel évoque une quinzaine d'édifices portant ce vocable de San Stefano en Corse, ruinés pour la plupart aujourd'hui.
A Speloncato, ornant aujourd'hui la façade de la collégiale Sta Maria Assunta, ce tympan du XI° s. provient de l'église San Stefano de Giustiniani.
On retrouve la dévotion de San Stefano dans certaines églises paroissiales,
comme ici dans l'église San Ghjorghju de Quenza, avec cette statue de bois polychrome,
et ce petit morceau de fresque, toujours à Quenza.
Ou à Belgodère, cette statue de bois doré transférée à l'église paroissiale San Tumasgiu après la désaffectation de la confrérie San Stefano.
Ou encore comme ce médaillon de la voûte, peint par J.C. Torre il y a de nombreuses années pour l'église paroissiale San Stefano d'Aiti.
"En ces jours-là, Étienne, rempli de la grâce et de puissance de Dieu, accomplissait parmi le peuple des prodiges et des signes éclatants. Intervinrent alors certaines gens de la synagogue dite des Affranchis, ainsi que des Cyrénéens et des Alexandrins, et aussi des gens originaires de Cilicie et de la province d’Asie. Ils se mirent à discuter avec Étienne, mais sans pouvoir résister à la sagesse et à l’Esprit qui le faisaient parler.
Ceux qui écoutaient ce discours avaient le coeur exaspéré et grinçaient des dents contre Étienne. Mais lui, rempli de l’Esprit Saint, fixait le ciel du regard : il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : « Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » Alors ils poussèrent de grands cris et se bouchèrent les oreilles. Tous ensemble, ils se précipitèrent sur lui, l’entraînèrent hors de la ville et se mirent à le lapider. Les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul [le futur St Paul]. Étienne, pendant qu’on le lapidait, priait ainsi : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » Puis, se mettant à genoux, il s’écria d’une voix forte : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » Et, après cette parole, il s’endormit dans la mort."
Actes des Apôtres (6, 8-10; 7, 54-60)
(Carlo Crivelli)
23:10 Publié dans Saints de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : san stefano, saint etienne protomartyre | Facebook |
06/12/2014
6 décembre Saint Nicolas de Bari
La Vierge du Scapulaire avec l'Enfant Jésus
entre saint Antoine de Padoue
et saint Nicolas
une peinture de Giacomo Grandi
Cette toile pleine de douceur nous présente la Vierge apparaissant avec l'Enfant Jésus à Saint Antoine de Padoue et à Saint Nicolas.
Un climat intime baigne cette pièce, ouverte sur un paysage familier des alentours. La Vierge assise parmi des nuages trône sur l'autel devant lequel prie Saint Antoine de Padoue. D'une main délicate elle tend le Scapulaire à Saint Antoine, cet objet de dévotion que l'on mettait au cou des enfants pour les protéger des entreprises du Diable et de la gente redoutée des mauvais esprits et autres sorcières malveillantes ... Pochette (ici double et peinte) contenant des morceaux de cierge béni de la Chandeleur ... et du sel (on n'est jamais trop prudent: les sorcières, on le sait, détestent le sel)
La Vierge, toute de bienveillance, ouvre largement les bras, tout en gardant debout contre elle l'Enfant Jésus: le blondinet tout frisotté pose sa menotte bien tendrement sur la tête de l'humble Saint Antoine, confit de tendresse, en prière devant un livre sacré . De son autre main, Jésus tient le globe terrestre: le message est simple ... les hommes - et plus précisément ici nos bons villageois d'Altiani - peuvent s'en remettre à ces deux excellents intercesseurs, Antoine et Nicolas.
De l'autre côté l'évêque Saint Nicolas de Bari regarde intensément la Vierge. Il porte un somptueux habit épiscopal, manteau chatoyant de roses rouges par-dessus sa robe travaillée de dentelles raffinées. C'est l'Eglise glorifiée à travers la richesse et la beauté de son costume chamarré ... Ce style fleuri est l'une des marques propres à l'inspiration de Giacomo Grandi .
Le grand saint Nicolas, si populaire dans toute l'Europe, porte la mitre, la crosse pastorale et un livre surmonté de trois boules d'or (or donné anonymement par le bon Nicolas pour empêcher la prostitution de trois jeunes filles pauvres que leur père s'apprêtait à livrer au bordel, faute d'argent ... terrible histoire, non?).
St Nicolas et les trois petits enfants à Feliceto
On connait aussi l'autre histoire, celles des " trois petits enfants qui s'en allaient glaner aux champs" , "mis au saloir comme des pourceaux" et ressucités par saint Nicolas... Nous la chantions tous les ans le soir du 6 décembre , en bonnes petites filles de notre papa lorrain, pour fêter dignement notre grand saint Nicolas et en espérant bien que le Père Fouettard ne viendrait pas à sa place nous tourmenter.
à Sermanu, le bon Saint Nicolas veille sur les habitants du Boziu ...
(chapelle san Nicolau, fresque peinte entre 1450 et 1458)
22:43 Publié dans iconographie des saints, saint Nicolas, Saints de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
23/01/2014
la fête de Sant' Anton Abbate à Aregno dimanche 19 janvier
Dimanche 19 janvier,
au milieu de ses innombrables fidèles ,
Aregno fêtait " son" Saint Antoine
... son cochon et ses oranges...
Le Saint protecteur d'Aregno s'habille de l'or de ses oranges pour mieux protéger le village: on le sait, les agrumes d'Aregno ont toujours fait, avec les amandes, sa renommée: une fête religieuse à la ferveur populaire.
Comme chaque année, toute l'église s'est décorée de bouquets et de guirlandes d'oranges, même la belle chaire de prêche du tout début XVIII° s.
On a laissé en place la magnifique crêche avec ses santons, ses maisons
et son église en miniature: c'est encore le temps des Rois Mages, de leurs offrandes et du partage.
A Aregno, la fête de St Antoine prend tout son sens avec le partage des oranges
Entrée des confrères, suivis du Père Paul-André, du couvent de Corbara. L'église est pleine: on me dit que même un car est arrivé de Bastia cette année pour assister à la fête!
Avant le début de la messe, Antoine Ciosi, accompagné de François Barbolosi au violon, adresse une prière fervente à son saint patron. L'assemblée écoute, surprise et complice.
Le Père Paul-André insuffle à la cérémonie religieuse une piété joyeuse et communicative, le tout accompagné par les chants des confrères d'Aregno et de Lavatoggio . L'orgue Agati-Tronci participe, lui aussi,
à la liturgie ...
brouhaha sympathique avant de sortir de l'église: on se salue, s'embrasse et chacun se munit d'un bouquet d'orange avant de partir en procession:
http://www.youtube.com/watch?v=21K_ndP8z7Y
début de procession, avec les confrères d'Aregno et de Lavatoggio
http://www.youtube.com/watch?v=Wk9tLk_eteU&feature=youtu.be
et grand bol d'air pour Saint Antoine en ses murs et dans la ferveur générale
les confrères cheminent en chantant en compagnie du saint
passage un peu périlleux: c'est lourd et ça balance ...
les enfants nombreux, petits et grands, sont aussi de la fête et prient.
après la bénédiction du village, retour à l'église
et bénédiction des oranges : joyeuse bousculade! Ces oranges qui symbolisent l'or, la lumière, le renouveau et que l'on va partager avec les proches, les amis ... Il est de tradition d'en conserver une que l'on gardera précieusement jusqu'à l'année prochaine et que l'on brûlera le jour de la St Antoine ... Orange-Phoenix ...
A propos de Saint Antoine Abbé et de sa légende, vous pouvez revisiter cette note ancienne
saint antoine abbé : ELIZABETH PARDON
http://www.telepaese.tv/Nutiziale/Nutiziale/Nutiziale_du_20_Janvier_2014-GQyPRNMsCz
... le tout sous le regard énigmatique du "tireur d'épine,
juste au-dessus du village,
où veille l'antique église de a Trinità, pievanie d'Aregno ...
21:08 Publié dans piété populaire, Saints de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : saint antoine abbé, aregno | Facebook |