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26/06/2009

Murato, San Michele (suite 11) : la vendange

 

La vendange mystique
(et autres...)
 
 
ensemble tentation vendange.blog.jpg
Sur le mur nord, sous la fenêtre de la Tentation
Harmoniques.
L' Apocalypse de Saint Jean, 14, 18.
"(...) Un autre Ange sortit alors du temple, au ciel, tenant également une faucille aiguisée. Puis un autre Ange sortit de l'autel - l'Ange préposé au feu - et cria très fort à celui qui tenait la faucille: "Jette ta faucille aiguisée, vendange les grappes de la vigne de la terre, car ses raisins sont mûrs." L'Ange alors jeta sa faucille sur la terre, il en vendangea la vigne et versa le tout dans la cuve de la colère de Dieu, cuve immense! Puis on la foula hors de la ville, et il en coula du sang qui monta jusqu'au mors des chevaux sur une distance de mille six cents stades."
Mais aussi, Evangile de Saint Jean, 15, 6:
"C'est moi, le vrai cep et mon Père est le vigneron.
Tout sarment en moi qui ne porte pas de fruit, il le coupe
et tout sarment qui porte du fruit, il l'émonde, 
pour qu'il en porte encore plus. 
(...) C'est moi, le cep; vous êtes les sarments.
Qui demeure en moi comme moi en lui, porte beaucoup de fruit;
car hors de moi vous ne pouvez rien faire."
 Qu'elle soit le symbole du peuple d'Israël , du Messie ( et du Pressoir mystique) ou de l'Eglise, la Vigne  est plantée puis vendangée. 
Jean Daniélou, dans "Les ymboles chrétiens primitifs" (Editions du Seuil, P.33 à 48) lui consacre  un chapitre bien intéressant ("La vigne et l'arbre de vie"). Citant Astérios le Sophiste:
"La vigne divine et antérieure aux siècles a poussé hors du sépulcre et a porté comme fruits les nouveaux baptisés comme des grappes de raisins sur l'autel. La vigne a été vendangée et l'autel, comme un pressoir, a été rempli de grappes"
 
 
Curieusement ici, les entrelacs de la vigne font écho aux entrelacs du serpent de la tentation. C'est que la Vigne, comme l'Arbre de la connaissance où s'enlace le serpent, comme l'Arbre de la Croix où se crucifie la nature humaine, sont plantés et vendangés par "le Père".
 
Et dans ce pays de vignobles, on sait de quoi on parle. 
                    
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A gauche le buste de  l'ange, ailes grandes ouvertes, qui brandit son glaive : avis! c'est bien du sang qui coulera des grappes. A gauche,   
un petit bonhomme habillé d'une longue robe, vient de couper avec son couteau une belle grappe de raisin. Entre les deux se développent les sarments lourdement chargés de fruits juteux. La vigne a été bien plantée, ses racines plongent solidement dans le sol nourricier.
Résonance  peu raisonnable d'une autre vendange, que mon père me fit biberonner dès mes jeunes années au doux pays de Chinon:
   " En l'abbaye estait pour lors un moine claustrier, nommé Frère Jean des Entommeures, jeune, guallant, frisque ( joyeux), de hayt ( de bonne humeur), bien à dextre, hardy, adventureux, délibéré, hault, maigre, bien fendu de gueule, bien adventaigé en nez,  beau despescheur d'heures, beau débrideur de messes, beau descroteur de vigiles, pour tout dire sommairement vray moyne si oncques en feut depuys que le monde moynant moyna de moynerie; au reste clerc jusques es dents en matière de bréviaire.
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   Icelluy, entendent le bruict que faisoyent les ennemys par le cloz de leur vine, sortit hors pour veoir ce qu'ils faisoient, et, advisant qu'iz vendangeoient leur cloz auquel estoyt leur boyte (boisson) de tout l'an fondée, retourne au cueur de l'église, où estoient les aultres moynes, tous estonnez comme fondeurs de cloches, lesquelz voyant chanter Ini nim, pe, ne, ne, ne (...): " C'est, dist il, bien chien chanté! Vertus Dieu! que ne chantez vous:
Adieu, paniers, vendanges sont faictes?"
"Je me donne au diable s'ilz ne sont en nostre cloz et tant bien couppent et seps et raisins qu'il n'y aura, par le corps Dieu! de quatre années que halleboter ( grappiller) dedans. Ventre sainct Jacques! que boyrons nous ce pendent, nois aultres pauvres diables? Seigneur Dieu, da mihi potum ( à boire!)!"   
(Rabelais, Gargantua, chapitre XXVII)
S'ensuit un massacre mémorable où Frère Jean des Enommeures occit à lui tout seul armé du bâton de la croix treize mille six cent vingt-deux ennemis, soldatesque du roi Picrocole:
   " Les ungs mouraient sans parler, les autres parlaient sans mourir. Les ungs mouraient en parlant, les aultres parloint en mourant".
(ce qui nous pend au nez, lors de la vendange finale)
En fait, c'est sur image de Samivel que petite fille j'ai enfin visualisé ce à quoi pouvaient ressembler les âmes dont me parlaient tant les chères soeurs de ma petite école primaire: des paires d'ailes montées sur ressort, pressées d'abandonner ce tas informe de trépassés tout cabossés...
Jean des Entommeures.jpg
 
(Rabelais illustré par Samivel:
pour mes huit ans mon père m'avait offert ce livre qui m'a joyeusement accompagnée toute mon enfance!)
 
 
 
(à suivre)
 
 
 

 

     

Murato, San Michel (suite 10)

 

                                                                                       

 L'ARBRE ET LA CROIX

(note du 12/4/09)

(suite de la note 9 sur la vigne: petite méditation de Pâques)

Murato arbre mur nord.blog jpg.jpg
"l'Arbre de Vie"
Prologue en amont de ce dimanche de Pâques.
Genèse (traduite par CHOURAQUI)
"Ils sont achevés, les ciels, la terre et toute leur milice.
Elohîm achève au jour septième son ouvrage qu'il avait fait.
Il chôme, le jour septième, de tout l'ouvrage qu'il avait fait.
Elohîm bénit le jour septième, il le consacre (...)
Tout buisson du champ n'était pas encore en terre,
toute herbe du champ n'avait pas encore germé:
oui IHVH Elohîm n'avait pas fait pleuvoir sur la terre,
et de glébeux, point, pour servir la glèbe.
Mais une vapeur monte de la terre,
elle abreuve toutes les faces de la glèbe.
IHVH Elohîm forme le glébeux - Adâm, poussière de la glèbe -Adama.
Il insuffle en ses narines haleine de vie:
et c'est le glébeux, un être vivant.
IHVH Elohîm plante un jardin en Edèn au levant.
Il met là le glébeux qu'il avait formé.
IHVH Elohîm fait germer de la terre tout arbre
convoitable pour la vue et bien à manger,
l'arbre de la vie, au milieu du jardin
et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
Un fleuve sort de l'Edèn pour abreuver le jardin
(...)
IHVH Elohîm prend le glébeux et le pose au jardin d'Edèn,
pour le servir et pour le garder.
IHVH Elohîm ordonne au glébeux pour dire:
"De tout arbre du jardin, tu mangeras, tu mangeras,
mais de l'arbre de la connaissance du bien et du mal,
tu ne mangeras pas,
oui, du jour où tu en mangeras, tu mourras, tu mourras."
(...)
Le destin de l'humanité est scellé. Dieu sait.
Dieu sait comment tout cela doit finir!
En attendant, il faut mettre en marche l'histoire de l'homme.
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(Jérome Bosch: le Jardin des délices)
 ... S'ensuit la création de la femme, tirée du côté d'Adam (et non de sa côte):
"il colle à sa femme et ils sont une seule chair.
Les deux sont nus, le glébeux et sa femme: ils n'en blêmissent pas."
L'Arbre de la Vie se dresse au milieu de l'Eden. Arbre cosmique, pivot et centre de l'univers, échelle parfaite pour une ascension vers l'immortalité: Adam et Eve n'auront pas le temps d'y goûter, leur humanité qui les élève à la verticalité, la tête vers le ciel, les conduit aussi avec un instinct irrémédiable vers l'Arbre de la Connaissance du bien et du mal, celui dont il ne fallait surtout pas manger les fruits, sous peine de mourir. Mourir? Qu'est-ce que cela pouvait bien dire, dans ce Jardin de l'Eden, comment auraient-ils pu seulement concevoir la mort, ces pauvres innocents? Quant au bien et au mal...?  Leur nudité est  légère, lumineuse, sans arrière-pensée, de même leur union: "ils sont une seule chair" . UN à l'image de Dieu. "Res simplex", la chose simple.
Ils ne savent pas ce qui les attend un peu plus loin dans le jardin, pas plus que l'arbre de vie ne connait sa destinée, cet arbre solaire aux racines obscures qui deviendra le bois de la croix, le jour de la Passion du Christ, arbre de mort conduisant à la rédemption des hommes: je vous dis cela parce qu'aujourd'hui les chrétiens fêtent Pâques, la résurrection, la renaissance de la lumière après l'épreuve des ténèbres...
Donc Adam et Eve ne savent pas encore. En fait ils ne savent pas grand chose les pauvres petits, sinon que les fruits de ce jardin sont délectables à regarder et à manger . Adam a sans doute appris à Eve l'interdit qui pèse sur l'arbre de la connaissance du bien et du mal, et en bons enfants qu'ils sont, ils ne s'interrogent pas sur la signification du bien et du mal et ne se sentent même pas frustrés (la psychanalyse n'est pas encore inventée, mais ça ne saurait tarder).
Quand soudain, au détour d'un bosquet...
tentation blog.jpg
(Murato: la Tentation, mur Nord)
... un bel arbre ressemblant fort à l'arbre de vie s'élève dans une prairie souriante. Ses fruits semblent être des figues, mûres à souhait. Aucun écriteau ne signale qu'il s'agit du fameux arbre de la connaissance, et quand bien même il y en aurait un, ils ne savent pas lire, pauvres petits.
 
A dire vrai, j'ai beau relire la Genèse, je ne sais toujours pas comment nos ancêtres devaient reconnaître ces deux arbres: sans doute que Dieu leur a fait faire le tour du propriétaire avant de les poser là et leur a montré les deux plus beaux arbres du jardin. Un grand serpent s'est enroulé autour du tronc, il se balance entre les branches. Moi qui sais la suite, je voudrais crier à Eve: méfie-toi du serpent! Si seulement je pouvais lui montrer ce monstre qui guette au-dessus de cette scène, gueule ouverte et narines dilatées, un vrai gouffre infernal...
Mais le drame se noue inexorablement dans la pierre:
"Le serpent était nu,
plus que tout vivant du champ qu'avait fait YHVH Elohîm.
Il dit à la femme: "Ainsi Elohîm l'a dit:
"vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin" ..."
(Une pareille mauvaise foi!)
"La femme dit au serpent:
"Nous mangerons les fruits des arbres du jardin,
mais du fruit de l'arbre au milieu du jardin, Elohîm a dit:
"Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas,
afin de ne pas mourir". "
Le serpent dit à la femme:
Non vous ne mourrez pas, vous ne mourrez pas,
car Elohîm sait que le jour où vous en mangerez
vos yeux se dessilleront et vous serez comme Elohîm,
connaissant le bien et le mal."
La femme voit que l'arbre est bien à manger,
oui, appétissant pour les yeux,
convoitable, l'arbre, pour rendre perspicace.
Elle prend de son fruit et mange.
Elle en donne aussi à son homme avec elle et il mange.
Les yeux des deux se dessillent, ils savent qu'ils sont nus."
Ici curieusement Eve est ce personnage plutôt androgyne, sans marque de féminité, qui tend une main vers le serpent et se cache le sexe de l'autre, comme si le sculpteur avait voulu évoquer dans ce seul personnage le couple humain fusionnel au moment de sa chute, c'est-à-dire de son arrachement à l'unité divine. Où de 1 l'on passe à 2. C'est la première expérience de la mort.
Cambia péché originel blog.jpg
(tympan de la porte ouest de San Quilicu, à Cambia, la scène du péché originel: la"chute" de l'homme est évoquée, me semble-t-il par la chute des deux étoiles stylisées: cf les notes sur San Quilicu de Cambia des 28/1, 31/1 et 6/2 2008)
 
Ce thème de l'Arbre  et de la Croix, si profondément relié à Pâques, se retrouve magnifiquement imagée sur le mur nord de l'église de la Trinità d'Aregno, en Balagne: à droite, sans doute, l'Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, évoquant la chute d'Adam et Eve, et, à gauche, l'Arbre de Vie qui fournit le bois de la Croix.
 
L'Arbre, redisons-le, est une échelle qui plonge ses racines au plus profonds de nos ténèbres intérieures et tend ses branches vers le ciel. Une histoire "d'ascension", le symbole du haut (le monde céleste, la valeur positive) et du bas (le monde infernal, la valeur négative) se retrouvant constamment illustré dans l'art roman: le spirituel s'illustre par le monde céleste de l'oiseau, le charnel par le monde rampant du serpent... Dans ce contexte précis, voyez comme la Croix est une échelle posée sur, non plus enracinée, toute dirigée vers le monde céleste: "haec est scala peccatorum" (Adam de Saint Victor)
Aregno arbre et croix.jpg
 
( L'Arbre et de la Croix entrelacés, à Aregno, église de la Trinità, la soeur granitique de San Michele de Murato)
 
Le chemin parcouru entre les deux va reconduire à l'unité de ce qui était divisé. Nous retrouvons alors pour les chrétiens la symbolique alchimique du Cantique des Cantiques. Unité mystique de l'Epoux (Sponsus) et de l' Epouse (Sponsa), de "l' âme du Christ (anima Christi) vivant dans le corps mystique ( corpus mysticum) de l'Eglise" (C.G.JUNG, Psychologie du transfert).
 
(à suivre)

Murato, San Michele (suite7): dualité

 
 
Autour de la dualité et du couple
 
 
Murato abside Est.jpg

Côté Est, l'abside et le fronton évoquent à plusieurs reprises la symbolique des nombres.

Au-dessus de la fenêtre meurtrière de l'abside, la lumineuse archivolte rectangulaire, en plein cintre comme les précédentes, et  taillée dans le calcaire: serties dans la pierre blanche, un couple d'étoiles vertes centrées à six branches surmonte de part et d'autre six claveaux verts disposés en arc, accentuant la ronde douceur de l'ensemble absidial.

archivolte étoilée abside.jpg

L'étoile à six branches m'évoque, ici stylisée, l' hexagramme du " Sigillum Salomonis" ("sceau de Salomon"), " Scutum Davidis" ( "bouclier de David"), composée de deux triangles complémentaires, l'un symbolisant l'eau ( le triangle féminin, pointe en bas) et l'autre le feu ( le triangle masculin, pointe en haut). Image de complétude harmonieuse d'un couple d'opposés. Cette figure est suffisamment "chargée" de sens pour en développer ici la multiplicité : simplement, signaler qu'elle est déjà présente dans l'art rupestre, qu'elle appartient aussi bien au monde de la symbolique alchimique, qu'à celui de la sorcellerie, celui des loges maçonniques, celui de la psychanalyse, etc... et du pur plaisir des yeux! Pourquoi 2 étoiles? Pourquoi 6 claveaux? Les six jours de la Création? Invitation au jeu des multiples: 12 (mois, tribus, signes du Zodiaque, apôtres...) , 24 (heures, vieillards de l'apocalypse ...),  à chacun ses menus vertiges. Les artistes de cette époque nous proposent des énigmes et nous jouons avec eux aux"pierres flèchées". Et plus, si affinité. Quelle était la réalité du regard "des gens du peuple" sur tout ceci? A qui s'adressent ces messages? Sans doute à tout le monde, à des degrés divers. Ici on n'explique pas, on touche.

Croix fronton abside détail blo.jpg

 Sur le fronton Est, au-dessus de l'abside, nous retrouvons le motif central de la croix évoquée dernièrement: curieusement, surmontant cette croix essentielle, un modillon sculpté représentant un couple de feuilles dressées comme deux oreilles, et qui me rappellent par leur forme les feuilles d'or du fameux diadème  de la Reine Puabi, retrouvé dans une tombe du cimetière "royal" d'Ur, la ville sumérienne d'origine du patriarche Abraham... feuilles de peuplier? Côté ombre et côté lumière, l'arbre frissonnant de la dualité a les pieds dans l'eau et la tête dans le ciel.

double croix et cercle.blogjpg.jpg
 
Deux arcs plus loin, ce modillon qui chante à mes oreilles intérieures comme une coda du thème précédent du carré, de la croix et du cercle: là encore un  couple de croix encloses dans un cercle surmontant un autre  couple de cercles. Etrange dualité gémellaire... A moins qu'ici soit aussi évoqué le couple homme/femme, dont nous allons retrouver en tous cas un écho étonnant sur l'une des pierres réemployées du premier sanctuaire de San Michele (autour du X°s), présentes sous la corniche de l'abside:
couple homme femme blog.jpg
 

 Ici le couple humain  me semble obéir à l'injonction de la Genèse: "croissez et multipliez"... Cela dit la posture opposée indique pour le moins une certaine difficulté de communication... Serions-nous sur le terrain miné du vice et non de la complémentarité? Libre à chacun de choisir son interprétation. Alchimie des couples d'opposés.

couple figures géométriques.jpg

 Ici, un autre motif géométrique qui résonne un peu comme un écho stylisé du couple humain précédent.

couple oiseaux est.jpg
Et toujours parmi ces pierres de réemploi sous la corniche de l'abside, ce couple d'oiseaux affrontés.

 

 
 
Couple, dialogue, dualité, bref, à partir de deux, on sort de l'unicité pour rentrer dans le multiple. Ou bien s'agit-il du croisement nécessaire où se vit l'unité, c'est-à-dire le divin. Transformation.
A propos de dualité: vous l'aurez remarqué depuis le début, San Michele, comme ses grandes soeurs pisanes, se vit en sombre et clair...
(à suivre...)

 

 

 

 

 

Murato, ( suite 2) l'église romane "San Mieli"

 
Murato, San Michele,
toujours la façade Sud.
 
La deuxième fenêtre en meurtrière a reçu, elle aussi, un décor symbolique fort... On notera là aussi l'alternance des chloritites sombres et des calcaires.
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L'archivolte ici s'orne d'une double arabesque formée par deux vigoureux serpents entrelacés ( les queues nerveusement animées, les "cous" solidement noués:la conjugaison, pleine d'énergie! des forces du mal? ), la tête "à l'envers" ( contre nature), la fixité rougeoyante de leurs yeux (fascination), à la gueule ouverte sur des dents aiguisées (un appétit à toute épreuve!) et une longue langue (le verbe séducteur: le serpent détient les connaissances occultes, il assure savoir les secrets de la vie) , s'apprêtant à dévorer un oiseau ( la spiritualité)... Le message est "clair" (on pourrait du moins le croire...)  et nomme le danger qui guette l'homme en quête de spiritualité: mais ne jamais oublier que serpent et oiseau font partie intégrante de chaque humain. Leur nature profonde n'est pas si opposée: voir, par exemple, le serpent-oiseau Quetzal-Coatl des Aztèques...
A gauche l'étoile a huit pointes entrecroisées, celle de droite sept. Ces nombres sont lourds de symboles:MuratoEtoile à 7 branches blog.jpg Muratoétoile huit branches blog.jpg
 
 
 
SEPT:" Il a (...) moins d'importance que le Quatre ou le Trois dont il est la somme, évoquant ainsi l'union de la terre et du ciel (...) Par excellence, c'est un nombre appartenant à l'Apocalypse, ce livre qui a tant marqué l'iconographie romane: les sept Eglises d'Asie, les sept cornes de la Bête, les sept coupes de la colère divine. C'est essentiellement un symbole hébraïque(...) 
HUIT:"Le nombre Huit symbolise la renaissance par le baptême, la résurrection: c'est pourquoi les baptistères et les fonts baptismaux ont souvent la forme octogonale (...) Le Huit correspond  encore aux Béatitudes, aux tons de la musique grégorienne. (...) C'est le nombre de la vie future". "(Lexique des symboles, Zodiaque)
Au centre de l'étoile à sept branches, une deuxième figure étoilée à six branches:
SIX:  " Par opposition au Cinq qui est l'humanité, le Six serait le surhumain,, la puissance: ce chiffre correspond aux jours de la création, aux oeuvres de miséricorde. (idem) 
Au centre de l'étoile à huit pointes, une étoile à quatres branches: quatre éléments (terre, air, eau, feu), quatre saisons, quatre fleuves du paradis (Phison, Géon, Tigre et Euphrate) pour arroser les quatre coins du monde, quatre points cardinaux, quatre Evangélistes, quatre Pères de l'Eglise, quatre vertus cardinales... etc... etc... L'art roman, héritier des civilisations antiques, se nourrit naturellement de symboles.
Notre époque espère tout pouvoir expliquer rationnellement grâce aux progrès de la science, ou du moins recule les limites de l'inconnu: à l'époque romane, tout peut s'exprimer à travers le langage symbolique.Murato fleur soleil.blog.jpg Comprenne qui pourra!
 
Au-dessus de l'archivolte, à la retombée de l'arc sur la gauche, une "fleur-solaire" avec une croix axiale en son coeur: lumière, immortalité,  résurrection. En opposition avec les ténèbres. Alchimie.
 Puis, sous l'arc, une alvéole qui contenait à l'origine un bol en céramique polychrome (on retrouve ailleurs sur l'église ces éléments qui devaient apporter cette touche brillante de couleurs et s'illuminer au soleil).
Murato crapaud blog.jpg Suit une sombre créature accroupie, un crapaud semble-t-il, avec ses gros yeux globuleux. C'est un animal des ténèbres, dédié à Saturne: il est vrai que la pauvre bête ne jouit pas d'une très bonne réputation, et on lui attribue volontiers des accointances avec le monde démoniaque: compagnon des sorcières, en enfer il tourmente sans fin les femmes adonnées à la luxure. Murato eau primordiale blog,.jpgPourtant quelle douceur dans son chant de cristal!
 
Le modillon à sa droite évoque les eaux primordiales de la création, ou bien le déluge: hiéroglyphe de l'eau dans l'Egypte ancienne, symbole universellement répandu dans toutes les civilisations, sur tous les continents... "L'esprit de Dieu planait sur les eaux" (La Genèse)
 
 
 
 
Murato ensemble serpents blog.jpg
Enfin, sous la meurtrière, un bandeau sculpté déroule un chaînage de douze cercles solidaires, deux fois six, et alternant les images  : on retrouve trois étoiles à huit pointes (avec des variations de motif en leur centre), trois sortes de gerbes liées en leur centre, trois motifs de liens entrelacés (avec une sorte de progression de la gauche vers la droite: un brin, deux brins , deux brins et plus; un motif avec deux soleils superposés; deux oiseaux aux attitudes totalement différentes (celui de gauche semble chuter, blessé à mort, celui de droite au contraire s'apprête à l'envol). Au centre, une tête humaine se dégage en relief au-dessus de cette série de maillons, affublé d'une sorte de queue d'oiseau (si je la compare avec le motif de l'oiseau qui le précède) mettant bien l'accent sur le sujet de l'ensemble: c'est bien l'aventure spirituelle de l'homme qui est au centre de l'oeuvre de toute l'église, et chaque motif se lit et s'enrichit au contact de ses voisins. A lire ... ou à ressentir, chaque image provoquant une multitude d'ondes entrecroisées à l'intérieur de celui qui prend le temps de regarder et de rêver. 
Il faut bien accepter de ne pas comprendre: comme, par exemple ( entre autres!) ce cercle contenant les deux soleils superposés
Notre habitude de lecture de gauche à droite nous conduit à ressentir ce bandeau comme un récit dont nous ne possédons pas toute la signification: il y a un avant ( la partie à gauche de la tête ) et un après (à droite). Confusément s'installe une certaine idée de la création,  de l'abondance divine et de l'organisation de la matière créée par séparation et interdépendance des éléments: les deux oiseaux figurant peut-être, à gauche, la chute du premier homme (Adam et Eve), et l'annonce de son destin mortel, à droite, la rédemption spirituelle du nouvel homme ...
Ce qui m'apparait aussi dans cette frise, c'est l'accent mis, dans chaque figure (mis à part les oiseaux) sur le centre: le centre des étoiles est en creux, je me demande même si à l'origine il ne portait pas une pierre rouge comme les yeux des serpents plus haut ; le lien des gerbes; le croisement des brins; le centre des soleils. Histoire de recentrage, de transformation. Alchimie spirituelle.
 
 
(à suivre)
 
 
 
 
 
 

30/05/2009

SPELUNCATU: l'orgue historique (Balagne)

 
L’orgue historique de la Collégiale Santa Maria Assunta de SPELUNCATU   
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(Photo Tomas Heuer) 
 Historique

Les archives paroissiales nous informent que le 20 septembre 1808 le facteur d’orgue toscan Giuseppe CRUDELI (fils du célèbre facteur installé à Lucca, Michelangelo CRUDELI : 1728/1801), s’engage à construire « un orgue suffisant » pour la Collégiale Santa Maria Assunta de Speluncatu :

« Oggi 20 7bre 1808 in Speloncato

Giuseppe Crudeli si obliga formare un organo sufficiente per la nostra chiesa per la somma di scudi francesi di franchi sei l’uno, cento trenta (…)  ( pour la somme de 130 écus français de 6 francs l’un …)  

Les premières interventions repérables de Giuseppe CRUDELI en Corse sont signées en 1804 sur les orgues de l’église saint Georges d’Algajola et de la Confrérie San Carlu de Monticello. Ce n’est donc pas un inconnu que l’on a appelé pour ce chantier, l’on sait qu’il a, entre autres, aussi entretenu l’orgue de Muro et les orgues de St Jean-Baptiste et de Ste Croix de Bastia.

Pourtant, pour une raison à ce jour inconnue, Giuseppe fait faux-bond et c’est son fils, le tout jeune Giovanni CRUDELI, qui construira et signera l’orgue de la Collégiale en 1810 :

« Giovanni Crudeli di Lucca fece l’anno del Signore 1810 »

Il revient en 1812 pour « arranger les cinq tuyaux principaux de l’orgue, et la construction de la porte du tambour d’entrée si nécessaire pour empêcher le froid, parce que grande ouverte elle menace les prêtres qui doivent y pratiquer le culte » - je rappelle ici que Speluncatu est un beau village médiéval implanté à 550 m d’altitude et que les hivers peuvent y être rudes, parole d’organiste ! -  A cette même époque il construit un petit orgue-armoire pour la chapelle privée d’une famille de notables du village : témoignage non négligeable de la vie sociale, religieuse et musicale d’un village important de Balagne à cette époque…

Spel petit orgue Crudeli blog.jpg
(le petit orgue armoire de Giovanni Crudeli, 1812)

Le sommier porte une date plus ancienne : 1746, et d’autres éléments antérieurs à 1810 sont réutilisés pour ce nouvel orgue, en particulier les portes latérales du buffet, peintes des deux côtés, et qui sont sans doute à l’origine les volets d’un instrument plus petit (photo)

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 Le mystère reste entier : cet orgue de 1746 était-il déjà installé dans cette église Saint Michel qui n’allait pas tarder à recevoir le titre enviable et très honorifique de Collégiale -  demandé en 1749, il sera accordé en 1766, faisant de l’église devenue Santa Maria Assunta l’une des quatre Collégiales de Corse : les autres étant à Corbara, Calenzana et Luri. Est-il nécessaire de souligner que pour ces quatre Collégiales, trois sont situées en Balagne et la quatrième à Luri: signe de prospérité indiscutable...  

Ou bien l'orgue était-il dans l’église du Couvent capucin de Santa Maria di a Pace ? Speluncatu, jusqu’à cette époque, pouvait s’enorgueillir de posséder deux églises paroissiales (fait unique pour un village de Corse) et un Couvent : c’est dire si la communauté regorgeait de religieux, capucins, chanoines, prêtres…

 

Le village ne manquait pas non plus de musiciens de talent, éclos dans les milieux privilégiés des notables, rompus à la pratique musicale et capables de jouer aussi bien la musique savante " de chambre»  que la musique religieuse. Et comme pour le reste de la vie "culturelle", ces musiciens suivent de près l'évolution du goût musical de l'époque, et naturellement encore à cette date, le goût italien malgré le rattachement récent à la France.  Les chantres de l'église soignaient la réputation de Speluncatu bien autant qu'ils travaillaient à la gloire divine: le répertoire des chants polyphonique de Speluncatu est très riche et particulièrement intéressant (avec une tendance au "mode pélerin" qui se retrouve peut-être dans le choix des deux trompettes des anges donnant le sol et le la). Sans parler des nombreux chanteurs et musiciens villageois animant sérénades et autres danseries de fête…Les Corses, on ne le dira jamais assez, sont un peuple musicien.

Toujours est-il qu’en 1749 l’on y chantait les vêpres « au son des instruments » .

Cet engouement pour la musique et pour l'orgue se confirmera au début du siècle suivant avec la construction non seulement de ce magnifique orgue de la collégiale par le jeune Giovanni Crudeli, mais aussi des deux petits orgues privés, l'orgue armoire de G. Crudeli en 1812 dont nous avons parlé plus haut, et l'orgue commode du tout jeune facteur d'orgue Anton Pietro Saladini, en 1825, formé comme son père Anton Giuseppe Saladini au contact des Crudeli ... On peut du reste penser que ce chef-d'oeuvre d'ébénisterie est la création d'Anton Giuseppe.

Notons aussi, et cela n'est pas anodin, que Speloncato, historiquement, s'est trouvé au contact de Lucca (notre ami François Mariani nomme Speloncato: "le village aux soixantes seigneurs", seigneurs qui seraient venus au Moyen-Age de Lucques): les contacts entre la Balagne et la Toscane se trouvent en tous cas confirmés par le choix de facteurs toscans: Marracci, à La Porta, Pagnini, à Muro, Crudeli, à Speloncato...

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Donc, en 1812, l’on va soigner non seulement la santé des prêtres qui officient mais aussi celle de leurs ouailles en construisant ce tambour. Quelques années plus tard, en 1821, cet ébéniste extrêmement renommé du village, Anton Giuseppe SALADINI, signe avec une fierté légitime la magnifique tribune de bois galbé en forme de conque marine, peinte la même année par Grunwaldo GRAFFINI.

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On dit au village que les deux têtes sculptées sous la tribune représentent les deux fils d' Anton Giuseppe Saladini:1377894866.jpg

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  Cette tribune marquera durablement les esprits de son temps par sa majesté et son élégance, faisant de l’ensemble tribune, buffet et orgue un chef-d’œuvre de référence qui inspirera de nombreuses autres réalisations par la suite.

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(les volets fermés: version un peu kitsch du Roi David, peint par Grünwaldo Graffini)

 

 

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(... et la petite Sainte Cécile de Speloncato, peinte par Graffini sur la tribune: elle joue sur un petit orgue qui ressemble grandement à l'orgue armoire de Crudeli de 1812 - voir plus haut)

   -         En 1863, Victor MARCUCCI, artisan polyvalent et qui se présente comme "Maître Encyclopédique en de nombreuses choses » (!) signe un tuyau de façade. Ce personnage étonnant a pris le temps d’écrire « trois cents livres » pour démontrer passionnément sa grande découverte : oui, c’est bien le Soleil qui tourne autour de la Terre , et non l’inverse, contrairement à ce que veulent nous faire croire des pseudos scientifiques… preuves et observations en montagne à l’appui. Il se plaint amèrement que son travail n’a pas été admis à l’exposition universelle de Paris en 1900… (cf : l’orgue corse, de Sébastien Rubellin) C’était par ailleurs un excellent ébéniste doublé d’un bon musicien : il a construit un délicieux petit harmonium en 1880, restauré et  en bon état de marche au village.

-         En 1905, Antonio de FERRARI, dernier représentant d’une famille d’ « organari » venus de Ligurie, installé à Pigna, signe une réparation importante, remplaçant la vieille soufflerie à soufflets cunéiformes par une nouvelle « machine pneumatique carrée ».

-         En mai-juin 1943, Claude HERMELIN, facteur d’orgue actif en Corse entre 1943 et 1954, réparant et entretenant dans des conditions difficiles de nombreux instruments sur l’île à une époque peu favorable au patrimoine suite à la guerre, va effectuer des travaux sur l’orgue. Il reconstruit le pédalier, recoupe les tuyaux pour les mettre au goût du jour, remet l’instrument en état de servir.

- L’orgue cesse de parler après la guerre, comme bien d’autres sur l’île. Les années passent. Les orgues de Corse souffrent d’abandon jusqu’au jour (1963) où a lieu une première résurrection, la restauration à l‘identique par Formentelli du petit orgue historique de La Porta … Un nouveau souffle va revivifier ce beau patrimoine oublié des orgues de Corse : Speluncatu à son tour se mobilise autour de son instrument et, en 1991, Antoine MASSONI va travailler, lors de sa restauration, à restituer la personnalité de l’orgue Crudeli de 1810 : il remplace la soufflerie à lanterne d’Antonio de Ferrari par deux soufflets cunéiformes de Saladini, datés de 1840 et retrouvés à Pigna.

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 Il redonne à l’orgue son ancienne registration, son pédalier de huit notes, ses accessoires (rossignol et trombe dell’angelo)…

A présent l’orgue est aux bons soins de Jean-François MUNO, depuis la disparition brutale d’Antoine Massoni. Actuellement il "revisite" (euphémisme!) le jeu des trompettes.

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COMPOSITION

Principale, Ottava, Quintina (Quinta sopra l’ottava), Quinta decima, Decima nona, Vigesima seconda, Vigesima sesta, Vigesima nona.

Flauto dolce, Nazardo, Cornetto nei soprani (3 rangs), Cornetto nei bassi (2 rangs), Trombe nei Soprani, Trombe nei bassi, Voce umana.

Deux « trombe dell’angelo » donnant un sol et un la ;

Un tamburu et un rossignol.

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1933249543.jpg( ici le mécanisme du rossignol)

 

Clavier de 45 notes (DO –DO5), octave courte. A noter la largeur exceptionnelle ( 2,30 cm en moyenne) des touches du clavier. (Marcel Perez disait à ce propos qu’à Speloncato, il «  jouait  en charentaises » !). Placage des touches en buis et ébène.

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Pédalier de 8 notes à octave courte. Contrabassi 16’ et Bassi 8’ obligés. Les trois dernières notes font sonner les trombe dell'angelo (sol et la). Entre ces deux touches, celle qui appelle le Tamburo (deux tuyaux désaccordés en do)

DIAPASON : 437 HZ (à 25°)

TEMPERAMENT : mésotonique.

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CONTACTS : la mairie de Speloncato (04 95 61 59  00)

et l’organiste titulaire: Elizabeth PARDON ( 04 95 61 34 85), qui facilite autant qu'elle peut l'accès à l'instrument pour les organistes de passage...

Email : elizabethpardon@orange.fr

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Depuis le 15 Août 1991, jour de sa bénédiction par le curé Gérard Squarccioni et du premier  récital donné par Maria Cecilia Farina (qui eut la charge insigne de faire redécouvrir leur instrument aux gens de Speloncato dans une église comble comme jamais: une fête mémorable!) , l’orgue n’a cessé de jouer en concert chaque année, recevant des organistes de grand talent : M.C. Farina  S.Vartolo, M. Perez, J. Beraza, V. Loriaut, E. Baillot, G. Harlé, J. Martin Moro, U. Forni, M. Chapuis, M.H. Geispieler, S. Rodi, C. Glaenzer, B. Dercksen, P. Brezard, S. Rodi… et des ensembles qui se sont épanouis dans la belle accoustique de l’église : Arabesco Stravagante, Cimbalata Accademia…

 

Cet orgue est régulièrement servi en situation liturgique. Il sert de support à la formation musicale pour de jeunes enfants du village. Il fait aussi partie des visites de "LA MONTAGNE DES ORGUES" au cours desquelles on l'entendra sonner.

 

Nous ne remercierons jamais assez Sébastien RUBELLIN à qui l'on doit ce travail magnifique: "L'ORGUE CORSE de 1557 à 1963" (éditions Alain Piazzola).

Une pensée amicale pour Antoine MASSONI, disparu prématurément au printemps 2003.

 

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En annexe, cette courte note sur la famille des Saladini:

 

 

Une  famille d'organiers à SPELONCATO:

les SALADINI

 

Anton Giuseppe SALADINI  nous est connu en qualité de « falegname » : Né en 1763 à Speloncato, il devient rapidement un artisan émérite et complet. En 1794 il fait une « garde-robe » pour la sacristie de Palasca et parmi les meubles qu’il a réalisés, on peut encore aujourd’hui voir celui de la sacristie de St-Nicolas de Feliceto, qu’il signe sur la corniche : ANT.JOSEPH SALADINI SPEL.AN. MDCCCXXI

En 1798 il travaille à la construction du buffet de l'orgue  de Muro, de Tomaso Pagnini, un facteur d'orgue lucquois: c'est probablement sa première approche du monde de l'orgue.

En 1810 il assiste à la construction de l’orgue de son village par le jeune facteur d’orgue Giovanni CRUDELI : il signe  avec quelque fierté en 1821 la tribune de ce bel orgue … Ce contact avec les CRUDELI, père et fils, semble déterminant pour son avenir et trace aussi celui de son jeune fils, Anton PIETRO qui signe à son tour en 1825 un petit orgue-commode : un véritable chef-d’œuvre de marqueterie.

Le goût de l’ébénisterie n’a jamais quitté la famille et nombre des descendants des Saladini continueront d’exercer ce don. En revanche Anton Giuseppe et Anton Pietro Saladini seront les seuls corses de cette époque à laisser leur nom dans l’histoire de la facture d’orgue de l’île. On peut admirer en Balagne plusieurs de ces belles tribunes en bois galbé : Pioggiola (1814), Speloncato (1821), Zilia (1831), Palasca (1833), Feliceto (1839) ...

L'atelier des Saladini jouxtait l'église, et l'on est étonné de l'exiguïté de l'espace où furent construits ces beaux instruments: la preuve, s'il en était besoin, que nous sommes là dans le monde modeste de l'artisanat. Modeste ... et fier de l'être!

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 (la signature ostensible d'un artisan fier de son ouvrage!)