30/11/2012
Sainte Cécile et le Roi David en Corse patrons de la musique sacrée
le 22 novembre on fêtait
Sainte Cécile de Rome
http://youtu.be/fkxZZFEAkiM
http://youtu.be/vhIA3RcrLYk
comme on le sait, patronne de la musique sacrée, des organistes et des facteurs d'orgue, tâche qu'elle partage fort souvent et bien volontiers avec son collègue de l'Ancien Testament, le Roi David, du moins sur les tribunes et les volets d'orgues de Corse, et ce, souvent avec une verve toute populaire ...
à Zilia (Balagne), du haut de la belle tribune d'Aton Giuseppe Saladini, peints sur les volets de l'orgue ( (Saladini 1831) ,Sainte Cécile et le Roi David veillent sur la destinée de la "Musica sacra" au village:
Cécile , drapée dans sa dignité de vierge martyre des premiers âges, s'appuie sur "son" orgue,
tandis que le Roi David assure, le regard inspiré ( du moins je veux bien le croire) et affublé d'un costume à l'antique d'opéra, une main sur le coeur, l'autre tenant sa harpe biblique . Bref, ils se donnent à voir avec toute l'intention adéquate ... et la meilleure bonne volonté du moment,
avant que ne s'ouvrent les ailes de la musique:
hélas, aujourd'hui l'orgue n'est pas au mieux de sa forme et j'imagine sans peine la déception de ses saints patrons !
A Corbara (Balagne), peints sur les volets de l'orgue Saladini (début XIX°)/ Agati-Tronci, (1890)
Francesco Giavarini peint sa Sainte Cécile enturbannée en compagnie du Roi David en 1819 : à nouveau d'un côté la harpe pour David ( l'Ancien Testament), de l'autre l'orgue pour Cécile ( le Nouveau Testament).
Cette représentation de Cécile jouant de l'orgue, semble reposer sur un contresens. Voici ce qu'en dit Louis Réau dans son Iconographie de l'Art Chrétien ( cet ouvrage précieux et convoité, édité en 1958 aux Presses Universitaires de France, malheureusement aujourd'hui épuisé ):
"On lisait en effet dans la Passio légendaire de sainte Cécile la phrase suivante: " Cantantibus organis, Caecilia in corde suo soli Domino decantabat, dicens: Fiat cor et corpus meum immaculatum"; ce qui veut dire : " Pendant qu'on conduisait Cécile, le jour de ses noces, dans la maison de son fiancé au son des instruments de musique, c'est Dieu seul qu'elle invoquait dans son coeur pour lui demander la gâce de conserver son coeur et son corps sans tâche."
Ainsi non seulement , si l'on interprète correctement ce passage, Cécile n'est pas elle-même musicienn, elle ne joue ni de l'orgue ni d'un instrument quelconque; mais elle ferme ses oreilles à la marche nuptiale exécutée en son honneur pour concentrer sa pensée sur Dieu seul et implorer la sauvegarde de sa virginité. Elle aurait été plutôt mélophobe que mélomane.
Comment, dans ses conditions sainte Cécile a-t-elle pu passer pour une amie de la musique? C'est parce que l'antienne extraite de sa Passio, en détachant les mots : cantatibus organis et en supprimant in corde suo a dénaturé le sens de la phrase : on a compris que Cécile chantait au son des instruments ou même en s'accompagnant de l'orgue. En réalité organa ne signifie pas orgues et decantabat doit être pris au sens figuré.
La fable de sainte Cécile musicienne et son patronage usurpé de la musique religieuse aurait donc une origine liturgique."
Quant à l'orgue antique, pourquoi pas, puisque notre Cécile est une sainte du II° ou III° siècle après J.C. et que l'on attribue à l'ingénieur alexandrin Ctésibios, au III° siècle avant J.C. la paternité de l'invention du premier orgue hydraulique ...
Voir à ce sujet l'excellent article consacré à l'orgue hydraulique antique sur le site: www.unicaen.fr/puc/ecrire/preprints/preprint0022005.pdf
Revenons à Corbara: la tradition veut que Davia Franceschini, Sultane du Maroc, ait prêté ses traits à Sainte Cécile : et le Roi David? Peut-être inspiré du Sultan Sidi Mohammed ben Abdallah, son royal époux ? En tous cas, voilà une bien belle histoire dont ne sont pas peu fiers nos amis de Corbara!
Extrait du site de Curbara:
" Marthe FRANCESCHINI, dite Davia FRANCESCHINI, Sultane du Maroc (1756-1799) :
Davia Franceschini
Alors qu’ils cultivent leurs champs près de la mer, Jacques-Marie FRANCESCHINI, son épouse Silvia MONCHI sont capturés, quelques mois après leur mariage, par des pirates tunisiens. Nous sommes en 1751. Conduits à TUNIS, ils sont achetés par l’intendant du DEY pour le compte de son maître. Surveillant des esclaves du DEY, Jacques-Marie gagne sa confiance, se révélant un bon administrateur, ce qui lui permet de se constituer une belle fortune. Il apprend un jour qu’un complot se trame pour assassiner le DEY et après hésitations, se décide à le lui révéler. Pour le remercier, celui-ci lui fait de riches cadeaux et lui rend sa liberté.
Au cour de leur séjour à TUNIS, les époux FRANCESCHINI ont une fille, née le 25 avril 1756, baptisée le 29 du même mois par le Frère Stephanus Antonius, capucin de Gênes, préfet et provicaire apostolique de la mission de Tunis et des lieux voisins. (acte de baptême rédigé et paraphé par le père Stéphanus Antonius).
Libres, les époux FRANCESCHINI et leur fille Marthe quittent la Tunisie pour rentrer en Corse. Au cours du voyage, ils sont enlevés par des Marocains qui les conduisent dans leur pays. Ils sont vendus comme esclaves au Sultan Sidi Mohammed ben Abdallah qui confie à Jacques-Marie la direction des travaux du jardin impérial à Marrakech. Jacques-Marie a l’idée de faire parvenir au Sultan, un mémoire relatant le fait qu’il est sujet du Bey de Tunis à qui il a sauvé la vie et qu’il ne peut être considéré comme un étranger. Il est reçu par le Sultan devant lequel il se rend avec sa femme et ses deux enfants, Marthe et Vincent (Né à Marrakech le 29 novembre 1759).
Le Souverain est « impressionné par la grande beauté, la grâce et l’esprit » de la jeune Marthe » au point « d’ordonner qu’elle soit immédiatement emmenée pour faire l’ornement du sérail ». Marthe a alors 7 ans.
Jacques-Marie, son épouse Silvia et son fils Vincent regagnent la Corse. Leur troisième enfant, Augustin, naîtra à CORBARA. Il ne supporte pas toutefois l’absence de Marthe dont la présence au harem du Sultan est pour lui la pire des injures. Il conçoit donc le projet de retourner au Maroc. Il demande même l’aide de Pascal PAOLI qui lui conseille de « laisser sa fille suivre sa destinée ». Il arme un navire avec un équipage et part pour le Maroc. Le destin veut qu’il meurt au Maroc, à Salé, atteint de la peste.
Marthe est obligée de se convertir à l’Islam et reçoit le nom de DAWIYA (DAVIA). Le sultan dit d’elle qu’elle est « La plus belle rose de son harem ». Il apprécie en elle « la fraîcheur, le charme et la vivacité d’esprit ». En 1786, elle devient sa femme légitime, et Première Sultane. Dans son village, en CORSE, on la dit « IMPERATRICE DU MAROC ».
La beauté légendaire de DAVIA suscite beaucoup de jalousies. Le Sultan lui demande même de suivre des cours de droit coranique et obtient le diplôme de Talba (licenciée en droit), ce qui est quasiment unique à l’époque. Il la charge même « de la correspondance avec les cours européennes » et l’admet « à son conseil privé ». Son influence est immense sur la politique intérieure et extérieure du Maroc et a un grand ascendant sur les populations musulmanes. Elle a entretenu une correspondance avec la Reine d’Espagne et les deux femmes ont procédé à un échange de portraits.
La Sultane se considère comme française et décide le souverain d’entrer en relation avec NAPOLEON, se disant fière qu’un corse soit souverain des Français.
Plus tard, DAVIA souhaite revoir sa famille. Son époux accéde à sa demande, et des envoyés du Sultan sont dépêchés à CORBARA, chez la veuve de Jacques-Marie à qui on remet une lettre de sa fille lui demandant de rejoindre le Maroc. La mère de DAVIA n’a aucune hésitation, et après intervention de Monsieur Chiappe, Consul de Venise au Maroc, LOUIS XVI charge le Vicomte Dubarin de Pélivier, Consul de France à Tanger, de délivrer les passeports nécessaires au voyage de la famille FRANCESCHINI. Ils sont reçus à la cour chérifienne « avec tous les honneurs dus aux princes de la famille impériale ». Ils s’installent dans la ville de LARACHE où DAVIA se serait retirée après le décès de son époux, Sidi Mohammed Ben Abdallah.
DAVIA meurt à LARACHE en 1799. Sa mère meurt dans cette même ville le 19 janvier 1811.
DAVIA a eu une fille, morte à l’âge de quatre ou sept ans.
Vincent FRANCESCHINI, son frère, sur intervention du Roi Moulay Sliman auprès de Premier Consul, est nommé Consul de France à Mogador. Après 1804, il se retire en CORSE, dans le village de CORBARA où, « avec l’argent gagné au service du Directoire et grâce aussi aux cadeaux de sa sœur et du Sultan, il fait construire une maison, située près de l’église, et qui est appelée « A CASA DI I TURCHI ».
Augustin FRANCESCHINI le dernier des frères de DAVIA, est né à CORBARA en 1772. Après quelques années de vie dans ce village, il part à PORTO-RICO en février 1829."
A Palasca (Balagne), sous le regard impavide de Jeanne d'Arc (!), l'orgue d'A.P. Saladini (1833) sur sa tribune du papa Anton Giuseppe Saladini,
se place lui aussi sous la protection de Ste Cécile et du Roi David, peints en médaillons sur les volets.
A Sant' Antonino, sur la magnifique tribune baroque peinte par Vicente Suarez en 1789, trône l'orgue Pomposi aujourd'hui vide, et construit à l'origine pour le couvent de Marcassu tout proche:
(les panneaux peints avant leur réinstallation sur le buffet)
le concert mystique de Sainte Cécile,
en compagnie des anges musiciens,
et toujours par la main élégante de Vicente Suarez ...
A Piedicroce, les volets de l'orgue vénérable de Spinola (1619)
accueillent aussi nos deux saints patrons, maladroitement et fortement repeints au XIX° siècle après le transfert en 1844 de la cathédrale Ste Marie de Bastia à St et St Paul de Piedicroce:
En vérité, et si je puis me permettre,
le ramage vaut mille fois mieux que le plumage!
(photo de Michel-Edouard Nigaglioni)
à Lozzi (Niolu), sur le rideau cachant un orgue désormais vide (on m'a raconté que les tuyaux ont naguère été joués aux cartes !) le Roi harpiste joue en duo
avec Ste Cécile, non plus à l'orgue mais à la cetera (ce bel instrument traditionnel de la Corse, de la famille des cistres) , cette fois-ci!
Peinture de Desanti (1824-1892).
à Ochjatana (Balagne), sur la tribune signée de Fabio Lecca, l'orgue de Luiggi de Ferrari (1839) ,
cette jolie peinture de notre Ste Cécile à l'orgue entourée de dévots: le peintre (?) se serait-il représenté en bas à gauche ?
A Pioggiola (Ghjunsani), la tribune (1814) de l'orgue d'A.P. Saladini (1844)
accueille sa Ste Cécile sage comme une image
Et à Omessa, voisine de Corte, la pauvre petite Ste Cécile se sent désormais bien solitaire sur sa tribune muette et vide ...
Quant à Speluncatu,
notre petite organiste Ste Cécile, peinte comme tout cet ensemble par l'énigmatique Grunwaldo Graffini, s'est modestement nichée dans le coin gauche sur la conque de la somptueuse tribune d'A.G. Saladini de l'orgue Crudeli de la Collégiale (1810) ,
cédant au Roi David la place de choix sur les volets:
si, si, c'est bien lui, même s'il est imberbe,
je reconnais sa harpe et tout le decorum!
à Piedigrisgio (Ghjuvellina),
sur le petit orgue anonyme,
un peu trop ripoliné, c'est toujours lui,
revêtu de pourpre et d'hermine comme un vieux Roi
sur les buvards de mon enfance
il accompagne la mélopée de ses Psaumes:
avec Darius Milhaud:
http://youtu.be/gPqfoq4Gd4Y
***
A Castiglione (Ghjuvellina), dans la petite église on aurait bien aimé avoir un orgue: la tribune (mi- XIX° s.) abrîte un vieil harmonium sous la protection de Ste Cécile, du Roi David et de St Antoine de Padoue
au centre, notre Cécile, porte un bien joli turban.
Le même peintre réalise des années plus tard le décor de la tribune du petit orgue anonyme de la confrérie Santa Croce de Corte: cet orgue vient d'être relevé par Jean-François Muno et l'église va prochainement faire l'objet d'une restauration devenue urgente, comme on le voit ici ...
Mais l'on rencontre également Sainte Cécile en dehors des tribunes d'orgues:
Comme ici, peinte par Marc-Antoine de Santis (XVII° s.) à San Martinu di Lota (Cap Corse): elle intercède en compagnie de St Michel pour les âmes du Purgatoire,
tant est grand le pouvoir de la foi et de la musique: elle tient à la main la palme de son martyre et un petit orgue posé sur le Livre.
A Scata (Castagniccia), le même et talentueux M.A. de Santis peint cette belle Ste Cécile qui malheureusement souffre terriblement de l'humidité de l'église paroissiale Ste Cécile et de l'impécuniosité de cette petite commune de l'Ampugnani ...
A Pianellu (vers Aleria), le peintre Giordani exprime en 1862 la même dévotion dans son tableau d'autel dans l'église Sainte Cécile: merci M.E. Nigaglioni!
Et pour ceux qui veulent en savoir plus sur Ste Cécile:
http://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9cile_de_Rom
la Sainte Cécile de Raphaël (1514, Pinacothèque de Bologne) ornait à l'origine l'autel de la chapelle cécilienne de San Giovanni in Monte à Bologne.
Ici Cécile délaisse les instruments terrestres, déglingués, fracassés au sol pour mieux participer à la musique des anges.
Sa Passio date de la fin du V° siècle et sa légende doit beaucoup à l'Histoire de la persécution vandale de Victor de Vite (486).
L'histoire raconte que le pape Pascal 1er transféra en 821 ses reliques du cimetière de Saint Calixte dans la basilique de Sainte Cécile- du-Transtévère, élevée sur l'emplacement du palais qu'elle habitait ( Sainte Cécile était une jeune patricienne de la gens Caecilia ,du nom caecus, aveugle).
En 1599, le pape Clément VIII fit ouvrir le cercueil de Ste Cécile et l'on découvrit avec stupéfaction que le corps de la jeune sainte gisait intact, la tête à moitié tranchée, et couchée sur le côté droit dans la position de son martyre, semblant faire un dernier signe de la main, trois doigts levés pour témoigner la Trinité. Cette découverte fut immortalisée par le sculpteur Stefano Maderno
la Sainte Cécile de Moderno à l'église Sainte Cécile du Trastevere à Rome
voir le lien:
www.rome-passion.com/sainte-cecile-trastevere.html
Ce qu'en dit Jacques de Voragine
dans La Légende dorée ( rédigée entre 1261 et 1266 par Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes)
SAINTE CÉCILE,
vierge et martyre, célébrée le 22 novembre:
Cécile, jeune fille romaine, de race noble, et nourrie dès le berceau dans la foi du Christ, portait toujours un évangile caché dans sa poitrine, priait nuit et jour, et demandait au Seigneur de lui conserver sa virginité. Elle fut cependant fiancée à un jeune homme nommé Valérien. Le jour de ses noces, elle revêtit ses chairs d’un cilice, par-dessous les robes dorées ; et, pendant que les orgues jouaient, elle, s’adressant à Dieu seul, chantait : « Permets, Seigneur, que mon cœur et mon corps restent immaculés ! » Vint enfin la nuit, et Cécile se trouva seule avec son fiancé dans le silence de sa chambre. Et elle lui dit : « Doux jeune homme bien-aimé, j’ai un mystère à te révéler, à la condition seulement que tu me jures de ne point me trahir ! » Puis, Valérien le lui ayant juré, elle lui dit : « Sache donc que j’ai pour amant un ange de Dieu, et que mon amant est jaloux de mon corps. S’il apprenait que, même légèrement, tu m’aies touché d’un amour impur, aussitôt il te frapperait et te ferait perdre la fleur de ta belle jeunesse. Mais si, au contraire, il apprend que tu m’aimes d’un amour pur, il t’aimera autant que moi et te montrera sa gloire ! » Alors Valérien, inspiré de Dieu, dit : « Si tu veux que je te croie, fais-moi voir cet amant ! Et si c’est en vérité un ange, je ferai ce que tu me demandes. Mais si ton amant est un homme, je. le tuerai avec toi ! » Et Cécile : « Pour que tu voies mon amant, il faut que tu croies dans le vrai Dieu, et que tu promettes de te faire baptiser. Va à trois milles d’ici, dans la voie Apienne ! Tu y trouveras des pauvres, à qui tu diras que Cécile t’envoie vers eux pour qu’ils te conduisent auprès du saint vieillard Urbain. Et quand tu seras en présence de ce vieillard, répète-lui. mes paroles ! Il te purifiera ; et, à ton retour ici, tu verras l’ange ! » Valérien se mit en route, et alla trouver l’évêque saint Urbain, qui se cachait parmi les tombeaux des martyrs. Et quand il lui eut répété les paroles de Cécile, le vieillard, levant les mains au ciel, s’écria : « Seigneur Jésus-Christ, bon pasteur, recueille le fruit de la semence que tu as semée en Cécile! Car voici que, ayant reçu pour mari un lion farouche, ta servante te l’as envoyé comme un doux agneau ! » Aussitôt apparut un vieillard tout vêtu de blanc, qui tenait un livre écrit en lettres d’or. À sa vue, Valérien, épouvanté, se jeta sur le sol; mais le vieillard le releva et lut dans son livre : « Un seul Dieu, une seule foi, un seul baptême! » Puis il dit à Valérien : « Crois-tu à tout cela, ou bien doutes-tu encore ? » Et Valérien de s’écrier : « Il n’y a rien sous le ciel à quoi je croie davantage ! » Aussitôt le vieillard disparut. Valérien reçut le baptême des mains de saint Urbain ; et, quand il revint auprès de Cécile, il la trouva s’entretenant avec un ange, dans sa chambre. Et cet ange tenait en main deux couronnes de roses et de lis, dont il donna l’une à Cécile et l’autre à Valérien, en disant : « Gardez ces couronnes avec un cœur pur et un corps immaculé, car je vous les ai apportées du paradis de Dieu ! Jamais elles ne se faneront ni ne perdront leur parfum ; mais ceux-là seuls pourront les voir qui aimeront la chasteté. Quant à toi, Valérien, puisque tu as suivi le sage conseil de Cécile, demande ce que tu veux, et tu l’obtiendras ! » Et Valérien : « Il n’y a rien dans cette vie qui ne me soit plus précieux que l’affection de mon frère unique. Je désirerais donc, que comme moi, il reconnût la vérité ! » Et l’ange : « Ta demande plaît à Dieu. Sache que tous deux, ton frère et toi, vous irez au Seigneur avec la palme du martyre! »
Là-dessus entra dans la chambre le frère de Valérien, Tiburce. Et, frappé du parfum des fleurs, il dit : « Je me demande d’où peut venir, en cette saison, ce parfum de roses et de lis. Sans compter que, si même j’avais les mains pleines de ces fleurs, je ne me sentirais pas imprégné de leur parfum aussi profondément ! » Et Valérien : « C’est que nous avons des couronnes faites de ces fleurs, et dont l’éclat n’est pas moins merveilleux que le parfum. Mais tes yeux ne peuvent les voir ; ils le pourront, seulement, si tu consens à partager notre foi. » Et Tiburce : « Est-ce que je rêve, ou bien me parles-tu vraiment ? » Et Valérien : « C’est jusqu’à présent que nous avons rêvé ; et désormais nous nous sommes éveillés à la vérité. » Et Tiburce : « Comment sais-tu cela ? » Et Valérien : « C’est un ange qui me l’a appris ; et tu pourrais le voir, comme nous, si, après avoir renoncé aux idoles, tu te faisais purifier. » Après quoi Cécile lui démontra avec tant d’évidence l’inanité des idoles, que Tiburce s’écria : « Celui qui ne croit pas à cela est une bête brute! » Alors Cécile, lui baisant la poitrine, dit : « Je reconnais en toi mon frère, et c’est Dieu qui a fait de toi mon frère, comme de ton frère il a fait mon mari. Va donc avec Valérien pour te faire purifier, afin qu’à ton retour tu puisses contempler le visage de l’ange ! » Et elle demanda à Valérien de conduire son frère auprès de l’évêque Urbain. Alors Tiburce : « Serait-ce le même Urbain qui se cache quelque part, après avoir été tant de fois condamné ? Mais, si on le découvre, on le brûlera, et nous serons brûlés avec lui ; et, pendant que nous chercherons au ciel une divinité cachée, nous trouverons sur la terre les angoisses du supplice ! » Et Cécile : « Si la vie d’ici-bas était notre seule vie, nous aurions raison de redouter de la perdre. Mais il y a une autre vie, meilleure, et qui ne se perdra point. C’est celle que nous a annoncée le-Fils de Dieu. » Puis elle lui raconta l’avènement du Christ et sa passion. Si bien que Tiburce dit à son frère : « Par pitié, conduis-moi vite vers cet homme de Dieu, pour que je reçoive ma purification ! » Et dès qu’il fut baptisé, il put, lui aussi, voir l’ange, et obtenir de lui ce qu’il désirait.
Ainsi convertis, Valérien et Tiburce passaient leur temps à distribuer des aumônes et à ensevelir les corps des martyrs. Ce qu’apprenant, le préfet Almaque leur demanda pourquoi ils ensevelissaient des hommes justement condamnés pour leurs crimes. Et Tiburce : « Plût à Dieu que nous fussions dignes d’être les esclaves de ceux que tu appelles des criminels ! Car ils ont su dédaigner ce qui paraît exister et n’existe pas ; et ils ont trouvé ce qui paraît ne pas exister et qui existe ! » Et Almaqué : « De quoi parles-tu là ? » Et Tiburce : « Ce qui paraît exister et qui n’existe pas, c’est tout ce qui est dans ce monde ; et c’est cela qui conduit l’homme, lui aussi, à ne pas exister. Et ce qui paraît ne pas exister et qui existe, c’est le salut des justes. » Le préfet lui répondit qu’il déraisonnait. Puis, s’adressant à Valérien : «. Puisque ton frère a le cerveau dérangé, toi, du moins, essaie de me répondre raisonnablement ! Dis-moi ce qui vous porte à dédaigner les plaisirs de la vie et à rechercher les souffrances. » Valérien répondit que, l’hiver, il avait vu des oisifs se moquant du pénible travail des laboureurs ; mais, l’été venu, et la saison des moissons, ceux-là se réjouissaient dont on s’était moqué, tandis que les railleurs se mettaient à pleurer. « Et de même, nous aussi, nous supportons la fatigue et les injures ; mais plus tard nous recevrons la gloire et la récompense éternelles. Et vous, qui éprouvez ici-bas une joie partagée, vous trouverez dans l’avenir le deuil éternel ! » Et le préfet : « Ainsi nous, princes glorieux, nous n’aurions à attendre qu’un deuil éternel, tandis que vous, misérables, vous posséderiez une joie sans fin ? » Et Valérien : » Vous n’êtes-que de pauvres hommes, et non pas des princes. Nés comme nous, vous aurez seulement à rendre à Dieu des comptes plus forts. » Alors le préfet : « A quoi bon tous ces bavardages ? Sacrifiez aux dieux, et vous vous en irez librement ! » Et comme les deux saints se refusaient à sacrifier, le préfet les confia à la garde de Maxime, qui allait, lui aussi, devenir un saint. Et Maxime leur dit : « Ô fleur pourprée de la jeunesse, ô couple charmant et tendre, d’où vient que vous couriez ainsi à la mort comme à un festin ? » Valérien lui répondit que, s’il voulait partager leur foi, il pourrait, après leur mort, contempler la gloire de leurs âmes. Et Maxime : « Je veux que la foudre m’anéantisse, si, quand j’aurai vu ce que vous me promettez, je ne proclame pas que votre Dieu est le seul vrai Dieu ! » Sur quoi Maxime et toute sa famille et tous les gardiens se convertirent, et reçurent le baptême des mains d’Urbain, qui vint en secret dans la prison.
Le lendemain, à l’aurore, Cécile s’écria : « Allez, soldats du Christ, rejetez l’œuvre des ténèbres, et revêtez les armes de lumière! » On conduisit les martyrs à quatre milles de Rome, devant une statue de Jupiter. Et comme ils se refusaient à sacrifier, ils eurent la tête tranchée. Et Maxime affirma sous serment qu’il avait vu des anges briller autour d’eux et emporter leurs âmes vers le ciel, pareilles à des vierges qu’on porte dans leur lit. Ce qu’entendant, Almaque ordonna que Maxime fût frappé de verges plombées jusqu’à ce que mort s’ensuivît. Cécile recueillit son corps et l’ensevelit à côté de ceux des deux saints.
Après cela, Almaque s’enquit des biens laissés par ceux-ci. Et, découvrant que la femme de Valérien était chrétienne, il lui ordonna de sacrifier aux idoles, sous peine de mort. Les soldats qui la conduisaient l’engageaient à se soumettre, désoles de voir une jeune femme si belle et si noble se livrer à la mort. Et elle leur dit : « Chers amis, ce n’est point là perdre sa jeunesse, mais faire un échange ; c’est donner de la boue et recevoir de l’or, c’est donner une cabane et recevoir un palais. Si quelqu’un vous offrait une livre pour un sou, ne vous hâteriez-vous pas d’accepter son offre? Or Dieu rend au centuple tout ce qu’on lui donne. Croyez-vous à tout ce que je vous dis ? » Et eux : « Nous croyons que ton maître le Christ est le vrai Dieu, puisqu’il possède une servante telle que toi ! » Et l’évêque Urbain les baptisa, au nombre de plus de quatre cents.
Puis Cécile comparut devant Almaque et répondit à ses questions en proclamant sa foi. Alors Almaque : « Laisse maintenant tes folies, et sacrifie aux dieux ! » Et Cécile : « C’est toi qui me parais atteint de folie : car, là où tu vois des dieux, nous ne voyons que des pierres. Étends la main, et constate du moins parle toucher ce que tes yeux ne parviennent pas à voir ! » Almaque, furieux, la fit ramener dans sa maison, où, jour et nuit, il ordonna qu’elle fût plongée dans un bain d’eau bouillante. Mais elle y resta comme en un lieu frais, et sans que même une goutte de sueur parût sur elle. Ce qu’apprenant, Almaque ordonna qu’elle eût la tête tranchée dans son bain. Le bourreau la frappa de trois coups de hache ; et comme elle vivait toujours, et que la loi défendait de frapper les condamnés de plus de trois coups, la sainte fut laissée encore respirante. Elle survécut trois jours à son supplice. Elle distribua aux pauvres tous ses biens, et recommanda à l’évêque Urbain tous les fidèles qu’elle avait convertis, en disant : « J’ai demandé au ciel ces trois jours de délai pour te faire une dernière fois mes recommandations, et pour te prier de consacrer une église sur l’emplacement de cette maison où je meurs. » Puis elle rendit l’âme, et saint Urbain, après l’avoir ensevelie, transforma sa maison en église, comme elle l’avait de- mandé. Elle mourut à l’âge de vingt-trois ans, en l’an du Seigneur 200, sous l’empereur Alexandre. Mais d’autres historiens veulent que son martyre ait eu lieu vingt ans plus tard, sous le règne de Marc-Aurèle."
Je rappelle au sujet des volets d'orgues peints en Europe ce beau livre paru en 2001 à Rotterdam (où se glisse un chapitre sur la Corse dans le concert de l'Europe) :
Je ne suis pas sûre, hélas, qu'il soit encore disponible.
ISBN 90-804439-2-1
NUGI 912
17:16 Publié dans corse, iconographie des saints, patrimoine populaire de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ste cécile, le roi david, tribunes et volets d'orgues peints en corse, psaumes de david, davia, corbara, zilia, sant antonino, speloncato, piedigrisgio, castiglione, san martinu di lota, lozzi, ochjatana, palasca, pianellu | Facebook |
11/08/2012
La saison 2012 des concerts de ROC: Cimbalata academia
Renaissance de l'Orgue Corse présente
son festival d'orgues historiques corses
avec Cimbalata academia
du 17 au 23 août 2012
les concerts de Roc chanteront l'amour ...
"de l'amour profane à l'amour sacré"
sous la direction artistique de Lisandro NESIS
et avec la participation, à l'orgue, d'Umberto FORNI
Dans la mythologie
grecque, les Grâces
sont des déesses qui incarnent la
vie dans toute sa plénitude, et
plus spécifiquement la séduction,
la beauté, la nature, la créativité et
la fécondité. Elles étaient au
nombre de trois : Euphrosyne,
Thalie et Aglaé, personnifications
respectives de l’allégresse,
l’abondance et la splendeur.
Ces trois personnages ont inspiré
un grand nombre d’artistes au fil
des siècles et leurs portraits en
peinture, sculpture et musique
sont demeurés célèbres. Parmi les
chefs-d’oeuvre les plus connus,
nous pouvons citer les tableaux
de Botticelli (Le Printemps),
Rubens, Raphaël ou Cranach, ainsi
que les sculptures de Canova. En
musique, les compositeurs
baroques font volontiers de ces
trois suivantes de Vénus un
symbole du pouvoir de l’Amour, à
la fois divin et humain, profane et
sacré, ce qui leur assure une place
de choix dans les opéras ou dans
les divertissements des cours
françaises et italiennes.
Accompagnées de l’orgue
lorsqu’elles évoquent le Seigneur
et son amour divin ou du clavecin,
du théorbe et de la viole de
gambe lorsqu’elles se réjouissent
des bienfaits de Cupidon sur terre
ou quand elles se plaignent de ses
blessures amères, nos trois
chanteuses incarnent à merveille
les Trois Grâces. Nous vous
invitons à vous laisser guider par
elles dans un voyage entre le ciel
et la terre, le temps d’un concert,
pour pouvoir découvrir tous les
charmes qui ont fait la renommée
de ces trois déesses.
Les dates, les lieux et les orgues:
17/08 : SPELUNCATU, 21 h - orgue Crudeli 1810
18/08 : CORTI, 21 h - orgue Werle 1766
19/08 : A PORTA, 18 h - orgue Marracci 1780
21/08 : CORBARA, 21 h - orgue Saladini
début 19°/ Agati Tronci 1890
22/08 : MURU, 21 h - orgue Pagnini 1796/ Agati Tronci 1878
23/08 PIOGGIULA , 21 h -orgue Saladini 1844
Le programme du concert de Speluncatu:
17 Août 2012, 21h, SPELUNCATU
Première Partie : « Amour et les Trois Grâces »
Michel Lambert (1610-1696), Dialogue des Trois Grâces
Claudio Monteverdi (1567-1643), Come dolce oggi l’auretta
Domenico Mazzocchi (1592-1665), Signor, non sotto l’ombra
Domenico Mazzocchi, Folle cor
Deuxième Partie : « De la Terre au Ciel » (orgue de tribune: Umberto Forni)
Alessandro Scarlatti (1660-1725), Toccata nel I° Tono:
Preludio
Adagio
Presto
Fuga
Adagio cantabile ed appoggiato
Folia
Claudio Monteverdi, Salve Regina à 2, da “Selva Morale e Spirituale” (Venezia, 1640)
Troisième Partie : « Du Ciel à la Terre »
Jean-Baptiste Lully (1632-1687), Ballet de la Raillerie
Jean-Baptiste Lully, extrait du Ballet de Flore, Scocca Pur
Luigi Rossi (1597-1653), Orfeo : Coro di ninfe, Ah, Piangete !
Luigi Rossi, Orfeo (extrait Acte II, début de la scène 9) : Euridice, grazie e ninfe, Che può far Citherea… Dormite begl’occhi… Ciaccona All’impero d’Amore...
à bientôt!
A propos du concert des Trois Grâces ...
Le 2 mars 2011, exactement 364 ans après la création de l’Orfeo de Luigi Rossi, les Trois Grâces de Lucas Cranach rentrent au Musée du Louvre grâce aux dons qui ont permis l’acquisition du tableau. Aujourd’hui, le Concert des Trois Grâces vient donner vie en musique à ces trois déesses qui incarnent les plaisirs intenses de la vie dans toute sa splendeur.
Lisandro nesis
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06/05/2012
l'orgue de Corbara: inauguration et dossier technique du relevage (partie instrumentale)
CORBARA
Dimanche 13 Mai 2012,
" inauguration" de l'orgue restitué dans sa splendeur en 2011
à 17 h à la Collégiale Santa Nunziata
relevage de la partie instrumentale:
Alain FAYE et Alain SALS
restauration du décor tambour/tribune/ buffet :
Ewa POLI
restauration de la grosse caisse:
André FABRE
Voir la note précédente:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/11/28/l-orgue-de-corbara-retrouve-son-eclat.html
et bénédiction de l'orguepar Mgr Olivier DE GERMAY, évêque de Corse,
cérémonie où se déroulera le beau rituel du "réveil" de l'orgue au cours duquel l'orgue dialoguera avec l'évêque célébrant, lors des huit invocations solennelles qui signent la mission première de l'orgue au sein de sa communauté.
(pour comprendre la cérémonie de bénédiction d'un orgue, vous pouvez ouvrir le lien suivant: )
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=b%C3%A9n%C3%A9diction%20d'un%20orgue&source=web&cd=1&sqi=2&ved=0CFcQFjAA&url=http%3A%2F%2Fmichele-gabriel.chez-alice.fr%2Fpge77-32.html&ei=AxumT6CQLofn8QOVyLjmBA&usg=AFQjCNHYewK8cL2Je8yZqqQYKZ0s_kikWQ
Notons que ce sera la première visite officielle du nouvel évêque de la Corse en Balagne et que cette belle cérémonie de bénédiction d'un orgue, déjà rarissime en Corse, trouvera ici une résonnance particulière grâce à la présence de Mgr Olivier De Gamay: un honneur pour Corbara et toute la Balagne, une reconnaissance pour le rôle liturgique des orgues dans nos églises. L'évêque sera reçu, comme le veut le protocole, par les confrères à la Casazza, puis, après leur entrée à l'église, commencera la messe au cours de laquelle sera célébrée la bénédiction de l'orgue.
La dernière bénédiction d'un orgue à laquelle j'avais participé fut célébrée à Costa, par l'archiprêtre Pinelli, grand amoureux des orgues: un bien beau souvenir!
Suivra à 18h30 un concert donné par l'organiste Wladimir MATESIC, organiste à la cathédrale de Bologne
A présent, le dossier du relevage:
en mai 2006, notre ami Michel Foussard, alors technicien-Conseil pour les orgues de Corse avait établi un excellent dossier de protection pour cet orgue qui aboutit à son classement, et par la suite à l'implication de la commune de Corbara dans l'effort financier considérable pour sa restauration.
Montant total: 132.332 € H.T.
Participation de la Collectivité Territoriale de Corse: 70% du montant H.T.
Participation de la Commune de Corbara:
les 30% restants.
Mémoire et observations faits à l'occasion du relevage de la partie instrumentale, par les facteurs d'orgues Alain Faye et Alain Sals
(à l'usage des "fous d'orgue" ... et de tous les curieux : quelle mécanique et quelle technique ! et comme souvent, beaucoup de questions et d'hypothèses, car trop peu d'archives: l'art des organiers restaurateurs dépend en premier de leur analyse concertée du matériel existant.
Après cette réflexion archéologique vient le savoir-faire de chacun, doublé de la plus grande exigence possible : un bon relevage, comme une bonne restauration, garantit longuement la vie de l'orgue et minimise les risques d'incidents )
l'orgue, vu depuis le choeur (somptueux!) de la collégiale.
Composition de l’instrument :
Etendue du clavier
52 touches de do1 à sol5 avec première octave courte
Etendue du pédalier
18 touches de do1 à la2
17 gravures de do1 à sol#2
Tirasse de do1 à la2
Composition du clavier manuel
Principale nei bassi 8’ (sol1 en façade)Principale nei soprani 8’
Ottava nei bassi 4’
Ottava nei soprani 4’
Decimaquinta 2’
Ripieno di 4 canne per tasto 1’1/3, 1’, 2/3’, 1/2’
Flauto in ottava 4’
Ottavino nei Soprani 2’
Cornetto 4’, 2’2/3, 1’3/5
Viola ei Bassi 4’
Voce Umana 8’
Campanette 8’
Corno inglese nei soprani 16’
Trombe nei bassi 8’
Trombe nei soprani 8’
Clarone nei Bassi 4’
Composition du pédalier
Contrabbassi 16’-8’en bois ouvert
Tirage des jeux
A droite, sur deux lignes verticales, déplacement latéral avec encoche
Coupure en basses et dessus
mi3 - fa3
Pedalier de C1 à A2, avec octave courte. :
Contrabassi 8+4
Tirasse permanente
Timpano. Banda militare.
Tiraripieno Polisire.
Ecoutons le facteur d'orgue restaurateur Alain FAYE:
"L’histoire de cet orgue s’est faite en deux principales étapes :
L’orgue d’origine, correspondant au buffet et à la tribune, vraisemblablement construits en même temps, semble être des Saladini. La tribune est signée par Anton Giuseppe Saladini (le père, ébéniste). Les volets ont été peints en 1819, et cette date serait plausible pour l’ensemble de l‘ouvrage.
De cette époque, il reste :
- tous les tuyaux du Principale, ainsi que la plupart des tuyaux composant les jeux de : Ottava, Flauto in ottava, Decimaquinta, Ripieno, Ottavino, Cornetto. Comme on le verra plus tard, ces tuyaux pourraient être de Saladini fils, Anton Pietro (*né en 1799: en 1819, il a donc tout juste 20 ans). Il faut cependant savoir que l’activité à ce jour recensée de ce dernier s’étend de 1825 à 1863, du moins en ce qui concerne les instruments signés de sa main.
- les tuyaux de bois de la pédale.
- le sommier de Pédale et son abrégé, et un portevent.
En 1890 l’orgue est reconstruit par Agati et Tronci, (opus 1124), dont les éléments facilement identifiables sont bardés d’étiquettes d’expédition (Livorno Maritima) et de marques au pochoir :
- Le sommier manuel à ressorts.
- la charpente intérieure.
- La soufflerie.
- Clavier, pédalier et mécanismes.
- Grand abrégé et abrégés de campanette (campanelli) et terza mano.
- Tirage de jeux.
- les jeux de Corno cinese , Voce umana, Viola bassi, et les jeux d’anches : Tromba, Clarone nei bassi, Corno inglese nei soprani, plus quelques compléments dans le ripieno .
- 4 tuyaux de bois des compléments chromatiques de pédale, ainsi que la basse commune d’Ottava et Flauto in ottava et le ré grave du Principale.
- les percussions : campanette , grosse caisse, cymbale.
D’après les marques sur la tuyauterie ancienne qu’ils ont réemployée, on constate que ces facteurs avaient grossi les tailles par décalage .
Une autre intervention marquante est celle d’Hartmann en 1979 .
Il y eut peu d’éléments neufs apportés par ce facteur, à part un ventilateur électrique, sa boite et son porte-vent.
Mais des interventions lourdes effectuées sur place : sur le sommier ( déposé pour remplacer une partie vermoulue), sur la soufflerie, et surtout sur la tuyauterie.
La pression a alors été baissée à 50 mm, les languettes de jeux d’anches remplacées et les jeux de principaux à partir de l’ottava décalés d’un ton ou plus apparemment dans le but de rétablir les tailles d’origine (= d’avant Tronci). Hartmann a pris soin d’identifier les marques qu’il a trouvées, ce qui donne une idée des décalages successifs."
[* mon commentaire: : d'un côté l'esprit encore relativement classique italien des premières décennies du XIX° siècle , possiblement attribuable à Saladini, ( je dis relativement, car le Saladini des débuts, en partie autodidacte, conçoit un ripieno sans rangs de quintes, comme on peut le trouver à Palasca: choix déroutant qui ne favorise pas la cohésion de l'ensemble du ripieno et rend l'accord plus que difficile, et choix qu'il abandonnera dans ses orgues ultérieurs, comme à Pioggiola en 1844) auquel succède d'un autre côté l'esprit résolument orchestral de la fin XIX° des Agati-Tronci - Hartmann va chercher à tirer le meilleur parti possible du matériel existant en s'orientant vers une esthétique baroque qui lui est chère.
Lorsque j'ai interrogé Philippe Hartmann sur l'état de l'orgue de Corbara lorsqu'il l'a vu la première fois, en 1978, la question étant de savoir s'il jouait encore, sa réponse fut " oui, mais il jouait affreux!", ajoutant que Tronci avait mis une pression trop forte qui faisait "gueuler" les tuyaux ...
C'est ce troisième état de l'orgue que les facteurs d'orgues Alain Faye et Alain Sals, en accord avec le technicien-conseil Michel Colin, ont décidé de conserver et de relever en 2011. Cette intervention d'Hartmann a transformé cet orgue, certes italo/corse mais à l'époque passablement ingérable en un magnifique instrument à la personnalité un peu "hors normes" dans le paysage habituel des orgues historiques présents sur l'île.
Notons que depuis ce beau travail de relevage de Philippe Hartmann en 1979, l'orgue de Corbara n'a pas cessé de vivre pour sa communauté grâce au talent et au dévouement sans faille de l'organiste de l'époque, Lina Vigouroux, servant tant qu'elle l'a pu, l'instrument pour tous les offices religieux et veillant à son entretien avec le concours, à l'époque, du regretté Antoine Massoni. Ajoutons également l'implication passionnée de Michel Franceschini pendant de nombreuses pour sauvegarder et mettre en valeur le patrimoine de l'église: qu'on leur rende ici hommage!
Par ailleurs concerts et stages complétaient la vie de cet orgue dont tous les utilisateurs ont toujours célébré le charme et l'intérêt. ]
à nouveau, Alain Faye:
" Description des différents éléments de mécanismes :
- Sommiers :
Sommier de Pédale ancien (datant de l’orgue d’origine ?) avec ses 9 soupapes anciennes pour 8 notes (octave courte) de contrabassi doublées en 4 pieds, et un timpano de deux tuyaux.
Fait d’une pièce de noyer, avec tampons encastrés munis d’un anneau en fer. Quatre soupapes ont été rajoutées par Tronci, pour avoir les demi-tons manquant à l’octave courte. La disposition des tuyaux est compliquée, certains sont postés là où il y a de la place, car les perces correspondantes ont été intercalées comme on pouvait,.
Pour le tambour à vent (Timpano) , il est utilisé une soupape supplémentaire dans une petite laye extérieure au sommier, qui commande un autre tuyau en même temps que le La 2 du pédalier.
La transmission mécanique permet par le jeu des abrégés d’avoir l’effet suivant :
- première octave courte en 8+4 , puis 8+8 à partir du La .
- deuxième octave chromatique redoublant en 16+8.
Le jeu de contrabassi possède son propre tirant et peut être utilisé ou non. Dans ce cas, on a seulement la tirasse, qui est permanente et suit normalement de Do1 à La 2. Le tirant de jeu est relié à une soupape qui alimente le portevent de Pédale, dérivation du portevent principal.
Grand sommier du clavier manuel :
à ressorts, typique d’Agati-Tronci. Fait en noyer , avec fond de laye en peuplier ou en aulne. Laye divisée en trois parties, avec tampons à verrous tournants en bois, s’encastrant dans une rainure. Comporte 16 registres , plusieurs des jeux étant coupés en basses et dessus (Principale, Ottava, Tromba).
Une pièce importante (flanc de laye en noyer très vermoulu, retrouvé dans le soubassement de l’orgue) a été changée sur place par Hartmann . Le fond de laye a également été réparé, et les boursettes de la laye probablement remplacées . L’un des registres est récent. Depuis, les rats avaient attaqué les boursettes supérieures.
Le faux sommier est fait de panneaux minces en peuplier sur un cadre soutenu par des tiges filetées avec écrous de bois. Comme toujours, les pieds de tuyaux sont courts et beaucoup de bouches se trouvent en dessous.
- Clavier/console : clavier axé en queue en os et ébène d’Agati Tronci, avec couvercle et entourage en beau noyer. Le couvercle relevé sert de pupitre. Sous Agati et Tronci, l’entourage de la console a été redécoré en faux bois.
- pédalier a leggio , en noyer, d’Agati-Tronci. Touches montées sur des charnières en peau.
- Mécanique :
Tous les abréges manuels ( grand sommier, terza mano et campanette), ainsi que l’abrégé de tirasse sont d’Agati & Tronci, à l’italienne , montés sur des mouches de feutre ou de peau. L’abrége du sommier de pédale est ancien, et a été adapté et complété lors de la reconstruction. Les vergettes , équerres et fils de liaison sont de cette époque.
- tirage de jeux :
Le système est entièrement de Tronci, selon sa fabrication habituelle (comme Muro, Piedicorte, etc.).
A la console : leviers horizontaux à cran, avec mouvement permettant d’enclencher la combinaison (Polisire). Nom des jeux calligraphiés à l’encre sur des plaquettes de buis.
Ces leviers sont reliés par des crochets de fers à l’abrégé de jeux, lui même relié aux équerres placées en bout de registres par des fils d’acier réglables par des écrous de bois.
La terza mano se trouve avec les autres tirants. Les Campanette sont actionnées par un levier à part.
Les tirants peuvent tous être actionnés par la pédale du Polisire, et ceux de Principale, 8a, 15a et ripieno par celle du Tiraripieno.
- Soufflerie
La soufflerie placée dans le soubassement de l’instrument consiste en un réservoir à plis compensés de 0,80 par 1,40 m., avec ses deux pompes placées dans le sens de la longueur. Ces pompes sont actionnées par le mécanisme habituel d’Agati-Tronci , un levier vertical en T inversé avec deux bielles articulées. Le système est très efficace et d’un maniement aisé.
Le vent des pompes donne dans un antisecousses placé à l’envers sous la soufflerie, avec deux gros ressorts de lit. Il en ressort vers le réservoir par un unique trou étonnamment petit ( moins de 40 mm. de diamètre).
Cette soufflerie très usée avait été réparée à plusieurs reprises. Il semble qu’il y ait eu un démontage important par Hartmann. (neutralisation de soupapes dans des endroits normalement inaccessibles). En 2010, la plupart des joints de peau étaient fissurés et fuyaient. De plus, des rats avaient attaqué tout ce qui est en peau dans l’orgue.
La pression est donnée par deux dalles de schiste posées sur la table. Elle était de 50 mm. au démontage, et identique après restauration de la soufflerie. Il restait deux dalles similaires à la tribune. En les rajoutant, on a 70 mm, ce qui a pu être la pression de Tronci.
Ventilateur Meidinger triphasé, datant vraisemblablement de 1979,
Portevent et boite à rideau branchés à la base du portevent principal sur une sorte de collecteur.
-Tuyaux de bois :
La plupart sont antérieurs à Agati-Tronci, peut-être de plusieurs provenances, en châtaignier, avec un bloc assez bas et une lèvre inférieure clouée. Ils se ressemblent, mais ne sont pas vraiment de tailles suivies. Parmi eux, une série de tuyaux de très grosse taille, de section approximativement carrée, a du constituer les contrabassi de l’orgue antérieur, et correspondent à la division du sommier.
Ces tuyaux sont peints d’une couche assez claire de badigeon à la colle, ocre rouge. De même facture, des tuyaux très étroits servant à la doublure à l’octave des contrabassi ont pu appartenir à un jeu d’Ottava. Beaucoup de bouches ont été baissées par Hartmann lors du changement de pression.
Ceux des demi-tons rajoutés par Agati-Tronci sont facilement reconnaissables : en sapin clair, non peints, avec des rebouchages au mastic blanc. Ils sont de section carrée pour la pédale et rectangulaire pour la Flauto in 8a et les lèvres inférieures sont vissées.
- Accessoires ( Percussions) : banda militare : grosse caisse + cymbale. Reste de transmission et traces de frottement pour un troisième mécanisme, vraisemblablement chapeau chinois aujourd’hui disparu.
Campanette (campanelli) série de timbres en bronze embrochés sur un tige filetée avec entretoises en bois. La frappe est assurée par de petits marteaux en forme de boules en bronze.
Mémoire des travaux exécutés lors de notre intervention de 2010/2011 :
1 ) Installation du chantier, démontage :
- Relevé photographique et établissement des pièces . Essais avant démontage.
Relevé du ton et de la pression.
- Dépose de la tuyauterie, de métal comme de bois.
Etude détaillée de la tuyauterie: tailles, embouchage, marques.
- Dépose du clavier et du pédalier
- Dépose du soufflet.
- Transport en atelier de tous les éléments devant être restaurés
2)Buffet :
La restauration du décor faisant l’objet d’un marché séparé, exécuté par la restauratrice
Ewa Poli, nos opérations concernant ce buffet sont succinctes :
- Nettoyage intérieur.
- Vérification de l’ensemble de la boiserie, calages concernant principalement les supports de mécanismes.
- Traitement insecticide des bois : panneaux, charpente intérieure.
- réajustage de panneaux du soubassement.
3 ) Alimentation :
- Fabrication d’un caisson en bois isolant le ventilateur et empêchant le passage des poussières. (panneau de particules peint au pigment vieux bleu à la colle, comme le reste de l’alimentation. Isolant intérieur: mousse alvéolée)
Soufflerie:
Remise en peau de la soufflerie, réservoir et pompes. (travaux en atelier)
- Démontage des éléments de la soufflerie : tables et éclisses. Décollage à la vapeur de l’ancienne peau. Mise à nu des éclisses.
Cependant une partie des joints du réservoir était encore en très bon état et a pu être préservée. D’autres joints ont été doublés, évitant ainsi le démontage du pli compensé.
- Remise en peau : joints, aines, charnières du réservoir à plis compensés et des pompes. (peau blanche, fournisseur Varcuir) . Collages à chaud (colle d’os + nerf)
- Réfection de la peinture de la table supérieure du réservoir, pigment vieux bleu +colle Totin.
- nettoyage du mécanisme, levier et bielles.
Ces opérations ont été faites en utilisant les mêmes techniques qu’à l’origine, notamment en ce qui concerne le montage en peau et la place des bandes , chanfreinées partout où il y a lieu.
Autres opérations :
- Révision de la boîte régulatrice et de sa commande.
- réfection des joints des portevents de bois , et essais de l’étanchéité en général.
- Remise en forme des postages endommagés.
4) Sommiers:
- Nettoyage intérieur et extérieur des sommiers du manuel et de pédale, compresseur+aspirateur.
- nettoyage du faux sommier. Réparation localement par entoilage.
- Vérification et réparation des joints de peau scellant les flipots de gravures.
- nettoyage des soupapes des layes. Vérification des guides et des ressorts.
- Remplacement des joints de tampons de layes.
- réfection des boursettes de jeux endommagées par les rats à la partie supérieure du sommier à ressorts. Il y a une boursette pour chaque note de chaque jeu. Le nombre de ces boursettes à refaire était de 56 . (travaux effectués sur place, en peau fine spéciale , fournisseur Weiblen, collée à chaud sur le bois, et cousue sur les picots de soupapes).
- essais en pression, et vérification de l’étanchéité de chaque soupape de jeux après remontage des réglettes. Tous les pleurements qui subsistaient étaient dus à des saletés coincées sur les soupapes, qui ont pu être chassées par soufflage vers l’intérieur.
- Vérification des fixations des grands tuyaux.
5 ) Console , clavier, mécanique :
- Clavier:
Nettoyage. Remplacement des garnitures de feutre et vérification du jeu des mortaises de touches. Polissage des placages.
- Pédalier : Reprise du jeu et remplacement des garnitures. Remplacement des charnières de peau. Réglage des ressorts. Finition.
- banc, couvercle, pupitre : vérification et remise en état. Pose d’un éclairage adéquat .
6) Transmissions
- mécanique de notes: Nettoyage, vérification et remise en état au cas par cas de toutes les pièces : abrégés, équerres, fils de laiton.
Vérification du jeu des abrégés : abrégé principal, terza mano et campanelli, en remédiant à tous les frottements.
- Réglage de la transmission de notes.
- Tirage de jeux :
Nettoyage et vérification des pièces: tirants, équerres, liaisons en fil de fer, écrous de bois, ressorts. Réglage de la course des registres et des combinaisons : tiraripieno, polisire. Les registres (réglettes) doivent avoir un peu de jeu pour garantir une bonne fermeture de toutes les soupapes.
Traitement insecticide des bois.
Protection à la cire des parties en fer.
Ces travaux ont été exécutés par Alain Faye
et Eric Menguy.
8) Tuyauterie :
Les opérations sur la tuyauterie ont été effectuées par Alain Sals en ce qui concerne la restauration des tuyaux de métal (rapport ci-joint), l’atelier Alain Faye se chargeant de la fabrication des compléments neufs et de la remise en état des tuyaux de façade et tuyaux de bois.
A part quelques tuyaux particulièrement dégradés, la tuyauterie présentait un état général acceptable dans le cadre d’un relevage et ne nécessitait pas d’intervention en profondeur.
Etant convenu que l’on ne remettait pas en question l’intervention de 1979 par Hartmann, il n’était pas nécessaire de retransformer ni décaler quoi que ce soit de la tuyauterie.
Les opérations effectuées ont donc été les suivantes :
- Nettoyage de tous les tuyaux : fonds, jeux d’anches, de façade et tuyaux de bois.
- Remise en forme des tuyaux bosselés , pieds et corps .
- Soudures au niveau des bouches (Hartmann avait déjà renforcé la plupart des petits tuyaux de part et d’autre de la bouche).
- Pièces diverses et points de soudures aux endroits où le métal était attaqué par les rats (tuyaux de plomb)
- Rallonges au cas par cas de tuyaux trop courts, qui avaient été pincés exagérément : Viola entre autres.
- Ripieno : fabrication à l’identique de quatorze tuyaux manquants, en alliage à 12% d’étain.
- tuyaux de façade :
Ces tuyaux sont en alliage riche en étain. Ils sont assez lépreux, aux endroits habituels : hauts de tuyaux, bouches, bouts de pieds. Etant très fragiles, nous avons limité les interventions à ce qui était strictement nécessaire : nettoyage, réparation d’un des tuyaux particulièrement abîmé qui avait du tomber, points de soudures aux endroits où le métal était attaqué par la lèpre, reprise de cordons de soudure défectueux à l’arrière. Réparation des agrafes de fixation. Ces opérations ont été effectuées sur place. L’aspect du métal étant irrégulier à cause de la lèpre, en plus de la fragilité, nous n’avons pas tenté de passer un produit de lustrage.
- jeux d’anches: Dressage des rigoles, nettoyage des languettes, dérouillage des rasettes et vérification des coins. Vérification des soudures des pieds et corps en fer blanc. Réparation de pointes dessoudées.
- tuyaux de bois: Vérification de l’étanchéité des pieds, des blocs, des lèvres inférieures .
Vérification des collages et réencollage intérieur au cas par cas . Traitement insecticide des tuyaux en sapin. Une couche de peinture à la colle de peau et pigment minéral .
- Vérification en atelier de l'embouchage et préparation à l’harmonie de tous les jeux
Accessoires :
- Vérification des mécanismes d’accessoires. Réglage de la frappe des Campanelli. Reconstitution du mécanisme disparu de la Cymbale ; remise en état du mécanisme de la gran cassa, la restauration du tambour lui-même étant assurée par André Fabre, spécialiste en la matière.
- Trompettes : fabrication de deux tuyaux d’anches en fer blanc, parlant à la quinte, reproduisant l’effet des « trombe degli angeli » du buffet. Fabrication d’un postage et d’une boite à soupape avec sa commande à la console par une tirette placée sur le panneau de gauche.
Fabrication de deux trompettes en étain , tenues par les anges couronnant le buffet.
9) Remontage, égalisation, accord général.
L’orgue étant remonté et réglé mécaniquement, les tuyaux ont été remis en place. La pression de 50 mm. s’est avérée cohérente . Le ton retrouvé est de 440 à 16 degrés. Les opérations d’harmonie et d’accord ont été exécutées en majeure partie par Alain Sals, dont le rapport suit.
Quant à l’esprit général de nos travaux, on peut dire que l’objectif était la conservation sans sur-restauration et la remise en fonction de tous les éléments tels qu’ils ont été apportés au fil du temps jusqu’à l’intervention de 1979, sans privilégier un état antérieur.
Alain Faye. 12/2011 "
(les "étiquettes" de Tronci)
Et à présent, le relevage de la tuyauterie et l'harmonisation de l'orgue, par Alain Sals:
"Alain SALS
FACTEUR D’ORGUES
84340 ENTRECHAUX
RAPPORT
SUR LA TUYAUTERIE ET
L’HARMONISATION DE L’ORGUE
DE L’ EGLISE DE CORBARA.
Si l’orgue de CORBARA est en grande partie dû aux facteurs Agati et Tronci qui signent l’instrument et le répertorient sous le N° 1124 année 1890. Le sommier manuel, le soufflet, la mécanique sont de ces facteurs. Le sommier de pédale est lui, de Saladini.
La tuyauterie est en grande partie de Saladini. Construite en plomb retendu selon l’usage, hormis le principale en façade au fa 1 construit en étain fin. Les 3 premiers tuyaux étant en bois.
Les tuyaux de Tronci sont en métal avec un titrage d’étain plus riche, certainement autour de 40 % Les jeux complets de Tronci sont la viola bassi, la voce umana, le corno inglese le clarone bassi, la tromba.
Il y a divers tuyaux de Tronci dans les autres jeux pour remplacer les manques ponctuels. Ils sont reconnaissables par leurs aplatissages de bouches et par la couleur du métal.
Les tuyaux de Saladini ont des bouches étroites, au 2/9° de la circonférence.
Les biseaux sont très peu dentés, et beaucoup ne sont même pas dentés du tout. Cela est étonnant sur un orgue dont le dernier intervenant est Tronci qui lui surdentait souvent ses tuyaux.
Il y a là un anachronisme difficile à expliquer.
Du fait que les biseaux ne soient pas surdentés , le son de l’orgue est resté pur et plus en rapport avec un orgue plus ancien, plus “baroque.” ( c'est moi qui surligne)
Les tuyaux d’anches ont des corps en fer blanc comme d’habitude dans la facture Italienne. Les anches sont larges et grosses. Il y a des doubles languettes dans les basses.
Le Clarone bassi possède des corps côniques sur les 3/4 de la longueur, puis cylindrique sur le haut des tuyaux.
Le Corno Inglese soprano (16.p.) a les pieds et les pointes en fer blanc. Les corps, à doubles cône et sont en étain.
Tous les pieds de tous les tuyaux sont en fer blanc.
Les noyaux sont en plomb de type classique pour cette facture. On en trouve de même forme dans toute la Corse et en Italie. Ils sont légèrement coniques pour bien s’ajuster sur le pied, ils ont un épaulement réduit par rapport aux anches françaises et les pointes des tuyaux sont soudées très en arrière pour laisser un bon passage à la rasette.
Les tuyaux de bois proviennent en partie de Saladini pour les grosses basses de 8, y compris les 3 premiers du principale. Les compléments sont de Tronci.
L’impression de l’ensemble fait penser à une restauration de Tronci sans souci d’authenticité pour ce qu’il a trouvé de l’orgue de Saladini. La pose de tuyaux avec des pieds courts au milieux de tuyaux aux pieds longs en remplacement de manquants, en métal différent sont une constatation de ceci.
Philippe Hartmann, a trouvé le “ripieno” de cet orgue avec des quintes uniquement dans la basse, les dessus ne comportant que des rangs d’octaves. Saladini était coutumier du fait. À Palasca, ainsi qu’à Zilia ces orgues ne comportent aucune quinte dans le ripieno.
Hartmann a recomposé un Ripieno normal, avec reprises au 1/8° de pieds. Bien sûr quelques tuyaux manquaient dans les aigus, tuyaux que nous avons construits au modèle.
Philippe Hartmann a rallongé une grande partie de la tuyauterie. Les grosses tailles laissées par Tronci ne pouvant convenir pour la reconstitution d’un Ripieno classique.
De même, il a renforcé les bouches des tuyaux en soudant un cordon sur les côtés de ces bouches. Les tuyaux de plomb de ce genre d’instrument sont toujours très fragiles, et ne demandent qu’à plier sous l’effet de l’accordoir.
Il faut dire que l’orgue sorti des mains d’Hartmann sonnait magnifiquement malgré les altérations du temps, de la poussière et des rats. Bien que faux on sentait la qualité sonore de cet orgue qui est l’un des plus beaux de la Corse.
Nous prenons donc le parti de respecter le dernier état de l’orgue. Celui de Philippe Hartmann. On ne pourra en effet jamais retourner à un orgue de Tronci, qu’il n’a jamais été entièrement, ni à un orgue de Saladini trop transformé.(c'est moi qui souligne ce propos important)
Après la restauration des tuyaux, l’embouchage est révisé et l’accord général est effectué avec un tempérament légèrement inégal de type Vittino.
TUYAUTERIE
MESURES ET OBSERVATIONS
PRINCIPALE: 4 tuyaux de bois, 33 en façade 15 intérieurs en étain.
Diamètres :
G1- 100 mm C 2 - 80 G2- 58 C3- 46 G3- 34 C 4- 28,5 C5 - 16
CI en bois : 105 x 107 mm
Les tuyaux de Saladini, comportent 3 marquages à la pointe
2 placés sur l’arrière des tuyaux au niveau du dessus du biseau.
Le 3° sur le pied du tuyau devant, sous la bouche est de Saladini.
Le marquage de gauche est de Tronci
Le marquage de droite est d’Hartmann
celui de devant est de Saladini.
Sur le 1° tuyau de la 19° on trouve une inscription d’Hartmann
“ Disposition Tronci trouvée en 1979
“ Disposition adoptée pour reconstituer l’original.
OTTAVA:
La 1° Octave est en bois. C1 : 58 x 72 . G1- 38 x 48
Diamètres C 2 - 45 mm G2- 34 C3 - 26 G3 - 17 C 4-14
G4- 9,5 C5- 8,2
Les 51 et 52 Manquants ont été reconstruits
QUINTA DECIMA:
Diamètres
C1 -40mm - G1 - 30 C2 - 22 G2 -15 C3-13 G3-10
C4 - 8 C5 - 6.
Reprise d’octave à C # 5.
Les C 45 et D47 Manquants ont été reconstruits
DECIMA NONA
C1 - 29 G1 - 21 C2 - 17 G2 - 12 C3 - 10 G3 - 7
Reprise au 1/8° de Pied Fa#
Les 49 ,50, 51 et 52 Manquants ont été reconstruits
VIGESIMA SECUNDA:
Même taille le n° 13 Ag. Tr. Pied rallongé
Le n° 20 Ag. Tr. Pied court. jeu complet
VIGESIMA SESTA
Même taille. Les n° 45 et 47 c et d manquants ont été reconstruits.
Reprise à fa # 27 et fa # 39
VIGESIMA NONA :
De Saladini jusqu’a fa 2 ensuite de Tronci mais en plomb.
Les n° 49 et 50 manquants ont été reconstruits.
C1 Fa # 2 Fa# 3 Fa # 4
1/2 1 2 4
VOCE UMANA :
27 tuyaux tous d Agati Tronci. pieds courts, 105 mm
marquage à gauche de la soudure dorsale.
DIAMETRES : Fa # 3 - 26 C4 - 24 C5 - 15 G 5 - 11,5.
FLAUTO IN OTTAVA :
1° octave en bois, commune avec l’ottava.
44 tuyaux de Saladini.
DIAMETRES : C2 - 54 F#2 45 C3 - 42 F# 3 - 39
C 4 - 31 F# 4 - 24 C5 - 18,4 FA#5 - 16 G5 - 12,5
VIOLA BASSI :
25 Tuyaux en étain d’Agati Tronci . Aucune dent.
C1- 55 F#1 - 40 C2 - 31 F# 2 - 24 C3 - 19 E3 - 16
CORNO CINESE Soprani.
27 Tuyaux de Tronci en étain coniques.
Diamètre haut Diam. Bas Long. Corp Long pieds
F 3 - 16 39 250 200
C4 - 11 30 165 “
F# 4 - 10 25 110 “
C5 - 8 19 77 “
G5 - 6,5 13 52 “
CORNETTO 3 FILE
4 P. : 27 T de Tronci, sauf le n°51 Saladini
Diametres F 3 -25 C 4 - 21 F# 4 - 18 C 5 - 15 G 5 - 12
2, 2/3 : Saladini
F 3 - 21 C 4 - 16,5 F# 4 14,2 C 5 - 12 G 5 - 10
1 3/5 : Saladini sauf F 3 et A # 3 de Tronci
17 tuyaux de F 3 à A 4. Ce jeu s’arrête au la 4 sur le sommier. Soit au 1/8° de pied. En principe les Italiens font une reprise d’octave en 3 1/5 P non effectuée présentement.
F 3 - 14 C 4 - 10 A 4 - 8
OTTAVINO : Saladini sauf n° 50 (récup.)
F 3 - 21 C 4 - 16,5 F# 4 - 13 C 5 - 10 G5 - 7.
CLARONE BASSI :
25 Tuyaux de Tronci, en fer blanc pieds de fer blanc ainsi que les pointes. Coniques puis cylindriques sur le haut des tuyaux.
Longueur conique Longueur cylindrique Diametre cylindre
C1 - 900 145 75
G1 - 550 130 67
C2 - 380 100 55
G2 - 260 60 43
C3 - 160 55 37
E3 - 120 40 31
CORNO INGLESE: Soprani. Dessus de 16 P
De Tronci corps doubles cônes en étain, pointes en fer blanc.
Doubles languettes de F3 à B3.
1 = diamètre sommet
2 = longueur cône supérieur
3 = Diamètre centre
4 = longueur cône inférieur
5 = diamètre bas du tuyau.
F 3: 1 = 34 2 = 226 3 = 49 4 = 280 5 = 14
Epp languettes = 30/100°
C4 : 1 = 32 2 = 137 3 = 45 4 = 196 5 = 11,5
Epp. Languettes 20 /100°
G 4 : 1 = 28 2 = 95 3 = 40,5 4 = 131 5 = 10
Epp. Languettes 18/100°
G 4: 1 = 28 2 = 95 3 = 40,5 4 = 131 5 = 10
Epp; Languettes 18/100°
C 5 : 1 = 23 2 =75 3 = 33 4 = 89 5 = 9
Epp. Languettes : 13/100°
G 5: 1 = 18,5 2 = 42 3 = 27 4 = 60 5 = 7,5
TROMBA: Fer blanc.
Diamètres Haut. Epaisseur Languettes
C1 - 121. 40/100°
G1 - 100. 48/100°
C2 - 81. 35/100°
Fa2 -74. 30/100°
C3 - 67. 22/100°
F3 - 58. 25/100°
C4- 50. 18/100°
F4 - 48. 15/100°
C5 - 44 12/100°
G5 - 30 10/100°
Doubles languettes jusqu’a A # 2.
- CONCLUSION:
De par sa particularité sonore, l’orgue de Corbara ne suit pas fidèlement les canons standards de la facture d’orgue Italo-Corse telle que nous en trouvons de nombreux exemples codifiés.
Cela en fait un instrument des plus personnalisés, et l’un des plus beaux de la Corse dans un ensemble esthétique complet avec son décor (tribune et buffet) ainsi que sa merveilleuse église.
Alain SALS Octobre 2011 "
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29/03/2012
L'expression de l'esprit baroque dans les églises de Corse: une balade avec les lycéens de Balagne
Découverte du patrimoine baroque des églises de Balagne avec les lycéens d'Ile Rousse:
Ce jeudi 29 mars, les élèves de seconde du lycée de Balagne iront à la rencontre de l'esprit baroque de nos églises de Balagne: parfaitement préparés par leur professeur d'histoire, Madame Marika Agostini qui est à l'initiative de ce projet, cet après-midi viendra compléter leur approche déjà solide du sujet, avec la découverte festive du Baroque dans tous ses états, architecture, stucs, peintures ... et musique, puisque les orgues historiques seront de la fête.
la façade de l'église San Salvatore de Costa, sobre et unissant deux édifices mitoyens: l'église et la confrérie.
(vue d'ensemble de l'église de Costa,vers le choeur)
Au programme, la minuscule église san Salvatore de Costa (Pieve de Tuani, diocèse de Mariana ed'Accia) , construite dans la seconde moitié du XVIII° s), avec son incroyable décor plafonnant du corse Francesco GIAVARINI (début XIX°s.),
(vue de la voûte, vers l'orgue: fenêtres et rideaux en trompe-l'oeïl, motifs végétaux: un art baroque qui perdure même s'il glisse vers le néo-classicisme )
http://youtu.be/ZnIcQVjz-Tk
et son petit orgue anonyme du début XIX° siècle, restauré en 2004, sur sa précieuse tribune baroque de bois galbé, dorée à la feuille et délicatement décorée, oeuvre présumée d'Anton Giuseppe SALADINI, ébéniste virtuose de Speluncatu ( 1763/ 18441) et de Bernardo ZIGLIARA pour le décor (signé et daté en 1819).
et la confrérie du Rosaire, attenante à l'église, avec son très bel autel de stuc, oeuvre en 1778 d'Antonio SARTORI delle VILLE, un italien d'origine milanaise élève et suiveur de l'école de peintre-stucateur des Raffalli de Piedicroce (Castagniccia) , qui entre en apprentissage en 1770 auprès du maître stucateur Domenico Impernetti (lui même formé par les Raffali) lors de la campagne de décor de la Collégiale Santa Maria Assunta de Speloncato, toute proche.
Il faut souligner la continuité d'un art appris par des corses, les Raffali de Piedicroce, auprès de grands maîtres stucateurs venus oeuvrer en Corse au début du XVIII° s. de Lombardie (Domenico Baino, Angela Maria Fontana) ou de Suisse (les frères Lucchini), puis transmis quelques décennies plus tard, à un jeune italien ...
Cet autel de Sartori delle Ville marque une évolution du baroque par rapport aux oeuvres de ses maîtres: une certaine raideur s'instaure dans le discours, les rampants du fronton brisé basculent vers le cartouche central, l'expression se durcit... Par comparaison, voici deux autels de la Collégiale de Speloncato, réalisés par ses maîtres :
l'autel-retable dédié à San Filippo Neri en extase devant la Vierge, érigé en 1767 par Ignazio Saverio Raffali, en compagnie de deux "élèves", dont Domenico Impernetti: notons la présence des colonnes torses, réalisés, comme le reste, en stuc, à l'imitation du marbre.
tout comme le petit monde animé du fronton: anges en ronde-bosse, installés en amortissement et enseignement par l'image: le coeur emblème de San Filippo Neri, mis en exergue dans le médaillon central, tandis que, pour bien rappeler le message, l'ange de droite brandit lui aussi un coeur : mes amis pédagogues le savent, "bis repetita placent", il faut répéter les choses plusieurs fois pour que "ça rentre". L'art baroque dans les églises s'inscrit dans cette pédagogie et les messages sont multipliés à l'envie. Ainsi en est-il des nombreux anges et angelots qui peuplent les églises baroques de Corse. Le message de l'époque est clair: on n'arrivera pas au paradis sans l'aide de ce monde ailé et intermédiaire ... Leur nombre est impressionnant dans chaque église et leur comptage vous garantit un bon torticolis.
Autre image récurente: la Colombe de l'Esprit Saint, qui accompagne presque toujours et annonce une dévotion à la Vierge Marie. C'est une référence à l'Annonciation. Regardez bien, elle est présente sous le coeur enflammé du médaillon central.
et, toujours à Speloncato, l'autel de l'Immaculée Conception, érigé le 7 octobre 1770 par Domenico Impernetti, passé maître stucateur, avec son élève Antonio delle Ville ... Malheureusement ici la cuve de l'autel baroque a été détruite et remplacée, ce qui nous fait perdre un élément important de la structure baroque initiale. Malgré cette perte, l'ensemble de l'architecture reste délicieux, et extrêmement rythmé : volutes, colonnes torses, pilastres, entablements, médaillons, rampants ... l'art baroque est une musique fantasque qui conduit le regard et l'âme vers le haut.
et son fronton.
Ne croyez pas que les pots de fleurs soient purement ornementaux, non, ils s'inscrivent dans la pédagogie du regard, car il ne s'agit pas de simples fleurettes, ce sont des roses, la fleur emblématique de la Vierge, et c'est une sorte de message "subliminal" complémentaire de l'image principale exprimée dans le médaillon central supérieur: la Colombe de l'Esprit Saint qui plonge, rayonnante, vers la Vierge ... Dans le médaillon inférieur, on retrouve un autre message important: le A et M entrelacés désigant à nouveau la Vierge Marie par la salutation Ave Maria, surmontée ici d'une couronne.
Il faut rappeler cette époque tourmentée de l'histoire de la Corse : nous sommes au lendemain de la bataille de Ponte Novu qui signe la fin de l'indépendance de la Nation Corse qui s'était placée sous la protection de la Vierge - Reine de la Corse -, et le culte marial prend un essort considérable pendant tout ce XVIII°siècle : dans la Corse d'aujourd'hui, l'hymne du Diu Vi Salve Regina témoigne de cette réalité.
Muro : le discours élaboré d'une façade baroque accomplie: trois niveaux allant en se rétrécissant, scandés par des pilastres, des niches, des statues, conduisent le parcours du regard et enseignent le fidèle. Ici l'aspiration vers le haut, vers le ciel, est particulèrement puissante.
La grande église de la Santa Nunziata de Muro ( Pieve de sant Andrea, diocèse de Mariana ed'Accia): reconstruite ( après la destruction de la première église, en 1743) au milieu du XVIII°s. "à la moderne": une louange baroque commencée au XVIII° s. et qui enchante toujours en plein XIX° s. " A la moderne": une nef élargie pour recevoir une nombreuse population, redistribuant l'espace au détriment des chapelles latérales, qui perdent la profondeur initiale qu'elles devaient avoir dans l'église du XVII°s.; un choeur rétréci par rapport à la nef, et un décor foisonnant qui chante la louange divine et enseigne le peuple.
l'autel des Âmes du Purgatoire: le décor festif de la Mort
crâne et tibias font partie de la fête, tout comme les flammes, en amortissement des colonnes. Un dialogue mouvementé entre les éléments de l'architecture et les messages de la piété baroque, où chacun joue sa partition pour la plus grande gloire divine ...
et son orgue Pagnini XVIII°/ Agati-Tronci XIX° siècle, logé dans un élégant ensemble tribune/buffet où l'on retrouve le travail d'A.P. Saladini.
Enfin, Corbara:
Vue de haut de la Collégiale de la Santa Nunziata de Corbara , l'une des quatre de Corse, dont trois en Balagne ( Speloncato, Corbara, Calenzana) et une dans le Cap Corse ( Luri) : signe de richesse de ces deux régions.
On remarque la hauteur trompeuse de la façade par rapport au corps de l'édifice, et le haut campanile: ces deux éléments, ainsi que l'enduit éclatant signalent de loin l'égise parmi les maisons du village: "regardez comme je suis grande et belle!".
la façade de la Collégiale Santa Nunziata de Corbara: élevée sur deux niveaux surmontés d'un édicule au centre du fronton, rythmés par des pilastres, annonçant un volume composé d'une nef centrale et de deux collatéraux. La scène de l'Annonciation racontée par des sculptures de marbre: l'ange Gabriel, Marie et la colombe de l'Esprit Saint.
Enfin, à l'intérieur, la lumineuse Collégiale Santa Nunziata de Corbara ( Pieve d'Aregno, diocèse d'Aleria) et, dialoguant de part et d'autre de la nef, le majestueux maître-autel baroquissime,
en marbre de Carrare de Pietro Cortesi: une richesse inouïe pour une église de village! sous son dais et le décor à larges rideaux en trompe-l'oeïl du XIX° siècle (une mise en scène théâtrale caractéristique de l'esprit baroque) et, de l'autre côté de la nef, non moins majestueux,
l'orgue imposant Saladini/Agati-Tronci XIX° siècle, restauré et relevé en 2011: on vient de retrouver le décor d'origine qui s'apparente directement à celui du petit orgue de Costa. Voir la note:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2011/11/28/l-orgue-de-corbara-retrouve-son-eclat.html
et que le festin baroque commence!
Faut-il rappeler que toutes ses églises avaient une voix, celle de l'orgue, qui dialoguait avec la voix des chantres, chaque communauté de la Balagne mettant son point d'honneur à chanter différemment de sa voisine (et mieux, si possible!) : un véritable patrimoine immatériel que certains villages ont su sauver et remettre en vie, en particulier grâce au renouveau des confréries . Quant à la musique de l'orgue, elle exprime toutes les nuances de la sensibilité baroque, toutes les émotions, allant de l'intime au solennel, de la tristesse à la joie. Dans leurs polyphonies, orgues et chants participent à l'expression d'une même piété issue du Concile de Trente : c'est " l'art de la Contre-Réforme", qui sollicite tous les sens pour élever l'homme vers Dieu.
Je vous propose en annexe de retrouver deux vidéos intéressant notre sujet:
la première , enregistrée pour l'émission de FR3 Stantari
http://ma-tvideo.france2.fr/video/iLyROoafIUfF.html
la seconde, enregistrée pour France 2, et l'émission des Racines et des Ailes, évoque plus précisément les problèmes de la restauration de ce patrimoine baroque:
http://patrimoine.blog.pelerin.info/2009/08/07/video-le-tresor-fragile-des-eglises-baroques-en-corse/
(le sommet de l'autel de stuc de l'Annonciation à Corbara: dans le fronton interrompu, l'édicule où se déroule la scène de l'Annonciation, et tout autour s'affairent les anges: assis sur les rampants, l'un sagement médite sur un livre de prière, l'autre vous interpelle; au-dessus du fronton interrompu de l'édicule, en écho, deux angelots tiennent la couronne de la Vierge, tandis que volètent dans le ciel de l'arc, tenant une guirlande de roses ...)
Bibliographie:
enfin, l'on peut retrouver beaucoup d'informations nourries d'archives dans les ouvrages didactiques de Nicolas Mattei,
1/ Les églises baroques de Corse, à la recherche d'un langage oublié, CRDP de Corse, 1998
2/Le baroque religieux corse, éditions Albiana, 2009
et divers cahiers de la Fagec :
3/ Cahiers n°172-173-174-175. L'art baroque en Corse.
4/ Cahier Corsica n° 191: Les Raffali de Piedicroce d'Orezza peintres stucateurs dans les églises de Corse aux XVIII° et XIX° siècles, de Caroline Paoli
5/ Cahiers Corsica n° 228-229-230-231 : Colorations extérieures des monuments baroques , de Rino Fontana et Monique Traeber-Fontana
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01/12/2010
Brève du Purgatoire: "organo pleno" sur les orgues de Balagne
L'émission "ORGANO PLENO" de Benjamin François en Balagne
(l'orgue de Catteri, 1902, de Gaspard Domini, restauré par Alain SALS: aussi artisanal que ses frères des 17° et 18° siècles)
A l'écoute de cette première émission d'hier soir, je n'ai eu aucun doute sur le plaisir qu'ont eu les réalisateurs de l'émission et les jeunes claviéristes Pierre GALLON, Jean-Luc HÔ, Yoann MOULIN et Arnaud PASQUALE en compagnie d'Elisabeth JOYE, Nicole CASALONGA, Jean-Louis LORIAUT à se ballader d'un orgue à l'autre à travers une Balagne parée de toutes ses grâces automnales et gustatives. La convivialité et l'hospitalité corses sont proverbiales ...
Nous avons du reste bien saisi qu'il s'agissait essentiellement d'une balade rafraichissante pour nos jeunes et talentueux musiciens et que le but de cette émission n'était pas une quelconque initiation à l'orgue italo-corse - encore moins une approche historique de ce patrimoine de l'île. Il eût fallu, si tel avait été le but, s'engager sur d'autres chemins et faire d'autres rencontres pour parler de la genèse et de l'histoire de la résurrection des orgues en Corse: mais là n'était manifestement pas le choix du moment.
Quant aux auditeurs de France Musique qui ne connaitraient pas nos petits instruments, peut-être se sont-ils fait hier soir une idée assez particulière de la musique que l'on peut y jouer: ce beau répertoire de l'Europe musicale du 17°s qui nous enchante volontiers aujourd'hui aurait sans doute bien étonné - et peut-être bien ennuyé nos organistes du 18° et 19° siècles dans les villages ou les couvents ...
(le clavier et le pédalier du petit orgue de La Porta: restauration Barthélémy Formentelli)
Du reste le seul orgue en état de marche actuellement du 17°s qui aurait pu servir ces musiques des Frescobaldi , Gibbons, Cabanilles etc..., à l'époque où il trônait dans la cathédrale sainte Marie de Bastia est celui de Piedicroce ... (cf la note précédente).
(l'orgue Spinola 1619 de Piedicroce avec Alain Sals, son restaurateur) Il est probable que les organistes des églises conventuelles du 18°s. ou les musiciens dans les villes et même dans les villages étaient à l'affut de la nouveauté et servaient leur instrument avec toute la curiosité et la gourmandise musicales requises. Et exploitaient aussi assurément en toute connaissance les possibilités de registration de leur orgue. ... cela pour bien dire que les musiciens corses de cette époque n'avaient rien à envier à leurs congénères d'Italie ou de France. On aurait du reste aimé, au cours de cette émission avoir une approche plus fine des différents jeux de ces orgues pour en dégager la spécificité ... et en particulier faire comprendre le parti musical que l'on peut tirer de ces rangs décomposés du ripieno, évoquer la couleur de la Voce Umana , du cornetto - s'il est présent ... Mais là aussi, sans doute manquait -on de temps, ou n'était-ce pas là non plus le but de cette "balade". A moins que l'on ne craigne de fatiguer les neurones des auditeurs de France Musique à cette heure tardive...
(le délicat tirage des jeux de La Porta
L'esthétique musicale du 19°s. entraîne une évolution significative de nos petits instruments de village et du répertoire pour l'orgue (et pour l'harmonium) qu'on enseignait - y compris dans les séminaires (ah! les méthodes de l'époque!) : nous voilà, alors bien loin de Frescobaldi et de ses contemporains . La solennité du 19°s. déménage, les anches et les clochettes s'invitent à la fête, ainsi que fréquemment la "Banda Militari " (mécanisme de percussion très persuasif !): à la fin du siècle, la firme Agati Tronci nous laissera une quinzaine de beaux specimens du genre ... dans le genre de l'orgue de Muro (restauration Jean-François Muno: voir la note précédente)
(la Banda Militari, à Muro)
ou de celui de Corbara :
(l'orgue de Corbara, reconstruit par la firme Agati-Tronci, restauration Philippe Hartmann, en cours de relevage)
Pendant que notre bon Gaspard Domini, depuis Feliceto, oeuvrait comme un dernier et honnête facteur d'orgue artisanal ...
(le petit orgue privé de Gaspard Domini, à Feliceto)
(... et quelques uns de ses outils ...)
Le deuxième volet de l'émission est programmée pour le 28 décembre ... pour ceux qui n'auront pas été rebutés par le premier volet.
Nous devrions entendre un concert donné par Viviane LORIAUT qui devrait se servir avec le brio qu'on lui connait de toute la palette sonore de l'orgue Agati Tronci d'Aregno
(l'orgue Agati Tronci d'Aregno, 1888, restauré en 1980 par B. Formentelli, relevé par J.L. Loriaut ces dernières années.)
Sur cet orgue l'ancien organiste du village jouait allègrement "Etoile des Neiges, mon coeur amoureux ..." pour les messes de mariage.
Ce que j'ai fait à mon tour un jour, à la demande des jeunes mariés, pour leur sortie de messe et pour notre plus grand plaisir!
(à suivre)
23:55 Publié dans orgues historiques de Corse | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : émission organo pleno, elizabeth joyé, benjamin françois, balagne, catteri, aregno, muro, corbara | Facebook |