04/02/2012
le sepolcru de Castellu sort de l'ombre
Ce 31 janvier, à Castellu di Rustinu,
peu avant la neige ...
Bien sûr, ce n'est pas encore la saison, mais ... un grand merci , Richard!
A l'occasion de la rédaction d'un article sur les sepolcri peints de la Semaine Sainte en Corse pour la belle revue "Art Sacrés", et reprenant contact avec les amis de Castellu di Rustinu pour éclairer ce sujet, j'ai eu le grand plaisir de voir sortir de sa cachette et monté, tant bien que mal, pour la première fois depuis environ 80 ans, le magnifique sepolcru peint de Castellu. Son état actuel - chassis vermoulu, toiles très fragilisées ... n'a pas permis de le dresser totalement comme il le devrait, les deux panneaux latéraux épousant normalement exactement la forme trapézoïdale du" plafond" de la Résurrexion. Mais tel que (merci, Richard!) cet ensemble parle comme jamais jusqu'ici je ne l'avais entendu: la colline du Golgotha faisant le lien entre les trois panneaux. Ce remontage , très éphémère (il ne peut rester ainsi dans l'église) signe la prise de conscience de la communauté de Castellu qu'elle possède ici un héritage précieux et rare de la dévotion de ses ancêtres, et qui aboutira, j'en suis certaine, à une restauration: la municipalité est impliquée dans la restauration de son patrimoine: outre celle de la chapelle san Tumasgiu et de ses fresques, qui devrait débuter très prochainement, il est prévu de continuer l'effort de restauration dans la très belle église paroissiale : l'ensemble des autels et de leurs toiles dans un temps relativement proche également ... Le sepolcru suivra, je n'en doute pas, dans la foulée, et ... espérons-le aussi, l'orgue de Saladini retrouvera sa voix ...
Quelques détails du sepolcru
le Jugement de Ponce Pilate en compagnie de Caïphe (reconnaissable à son vêtement jaune, signe distinctif longtemps imposé aux Juifs ...)
Jésus chargé de sa croix: le trou dans la toile a probablement, comme les autres du sepolcru, été fait par la flamme des bougies ...
un premier groupe de cavaliers
Jésus tombe sous le poids de la croix, et Simon de Cyrène est appelé à la rescousse
En haut du panneau central, la scène de la Crucifixion
le groupe de soldats de la crucifixion. A noter les armes, très codifiées de ces messieurs (on les retrouve dans les sepolcri et les chemins de croix du XVIII° siècle) et leurs casques pointus. Le cavalier porte a baretta misgia, cette sorte de bonnet phrygien qui faisait partie du costume des montagnards corses, et un cimeterre tout-à-fait turc ou barbaresque. Une armée qui va pieds-nus ...
... les solutions techniques de la crucifixion ...
pas facile, mais nos gens ont de la ressource!
chorégraphie de la Déposition de croix
le groupe douloureux de la Déploration du Christ: la Vierge, Mater Dolorosa, a reçu sur ses genoux le corps supplicié de son fils et l'expose à,la compassion de tous, tandis que Marie-Madeleine - en robe jaune et cheveux dénoués,- pleure en saisissant la main de Jésus.
la Mise au tombeau. Je propose cette lecture: Joseph d'Arimathie à la tête du Christ et Nicomède à ses pieds, et le groupe de Marie-Madeleine et de saint Jean entourant la Vierge
détail: Marie-Madeleine soutient la Vierge
... et le tombeau du Christ (partie basse du panneau central): oups! les anges sont assez effrayants. De mauvaises langues en déduiraient que le Christ leur a faussé compagnie dès qu'Il a pu ...
le panneau de la Résurrection formant plafond:
ce thème de la Résurrection est suffisamment rare dans les sepolcri de Corse pour être signalé: un Christ triomphant, dans toute sa gloire. Généralement les sepolcri s'arrêtent à la Déploration de la mort du Christ et le message de Pâques reste à venir... ...
Il y a une quinzaine d’années, les hasards d’une recherche sur les orgues de Corse m’avaient conduite à Castellu di Rustinu, un village de montagne proche de la Castagniccia : seules quelques fumées paresseuses s’élevant des toits de lauze dans la lumière de janvier et au passage, une télé tonitruante mariée à une bonne odeur de soupe témoignaient encore de la vie au milieu de ces hautes maisons de schiste aux volets trop souvent clos. La délicieuse vieille dame qu’on m’avait indiquée m’accompagna pour me faire les honneurs de son église – elle venait de finir son déjeuner, me dit-elle avec un sourire serein, et n’avait rien d’autre à faire - Malgré l’état un peu dégradé des lieux, à l’époque, j’avais été frappée par la joyeuse propreté qui régnait ici, nappes impeccables soigneusement repassées, profusion attendrissante d’angelots joufflus et de fleurs artificielles, et par la qualité et la richesse du patrimoine : datant en majorité du XVIII° siècle, décors muraux, chaire de prêche et élégants autels de stuc baroques, retables, quatorze tableautins peints d’un intéressant chemin de croix populaire,
(ici le Christ mis en croix: chemin de croix peint par Giacomo Grandi pour Castellu au milieu du XVIII° siècle)
et, un peu plus tardif, un orgue hélas muet, bref … c’était ici l’une de ces surprenantes églises de la région qui racontent à foison une communauté dynamique à une époque où la majorité des Corses vivaient dans leurs villages, et où l’expression d’une religiosité dramatique et festive resserrait les liens.
Puis, passant derrière le maître-autel, ce fut pour moi un choc imprévu : contre le mur s’entassaient, abandonnées en vrac, plusieurs toiles rectangulaires, grossières et en mauvais état, de très grande taille, clouées sur des châssis vermoulus. Peintes à la détrempe, elles n’avaient rien à voir avec l’art savant des retables de l’église, mais s’apparentaient plus à l’esprit vernaculaire du chemin de croix – j’y reviendrai : elles disaient d’une façon immédiate et émouvante la Passion du Christ. Sur un premier panneau, du haut du perron de son prétoire, Pilate, enturbanné comme un oriental, prononçait son jugement, puis Jésus se trouvait chargé de la croix , gravissait un Golgotha où se tordaient de grands arbres, trébuchait, martyrisé par des soldats bigarrés, barbus, moustaches retroussées, une soldatesque disparate aux pieds nus, coiffés de casques ronds, de la barreta misghia (une sorte de bonnet phrygien, coiffure traditionnelle des corses jusqu’à la fin du XIX° siècle), armée de cimeterres, de lances et de hallebardes, montée sur de magnifiques chevaux, le tout dans un paysage abrupt de montagne … Sur un deuxième, c’était la crucifixion et la douleur de la Vierge, de saint Jean et des saintes femmes, et sur un autre, la déposition de croix, la déploration du Christ, la mise au tombeau efficacement racontées dans l’émotion, et enfin une dernière toile en forme de trapèze exaltait la Résurrection du Christ …
Comme je m’étonnais de la présence et de l’importance de ces décors, Laurence M. m’expliqua qu’il s’agissait du « Sepolcru », qu’on ne le sortait plus depuis longtemps, que lorsqu’elle était petite on le dressait dans l’église dès le jeudi saint pour accueillir le Christ mort, que chaque famille était chargée d’apporter un litre d’huile d’olive pour entretenir la flamme des lampes qui veilleraient sur le Crucifié en compagnie des fidèles : « c’est qu’ ici, on ne laisse jamais le mort seul » … et elle se souvenait de sa terreur, petite fille, lorsqu’il s’agissait de pénétrer la nuit dans cet espace étrange peuplé de ces silhouettes inhabituelles dansant à la lueur des cierges et des lampes… Par la suite, j’ai appris que ces grandes toiles servaient aussi autrefois de décor pour une Passion jouée par les villageois de Castellu - dramaturgie évoquée par les derniers anciens, et dont Laurence est désormais le dernier témoin vivant. Il semble que ce sepolcru anonyme du début XIX° siècle ne soit plus ressorti en situation depuis 1930 … Telle fut ma première rencontre avec ce monde si attachant des sepolcri peints de la Corse et elle a le visage rond et souriant d’une vieille dame optimiste née en 1917 …
le fronton triomphal que l'on n'a pas pu replacer sur le "plafond", faute de solidité
19/01/2012
la Montagne des orgues vous présente ses meilleurs voeux!
" la Montagne des Orgues"
vous présente
ses meilleurs voeux ...
(Corbara, l'orgue restauré et relevé en 2011: tribune et buffet Saladini- restauration E. Poli, orgue Saladini/Agati -Tronci/P.Hartmann/ relevage A.Faye et A.Sals)
... avant que ce mois de janvier ne s'achève, pour que vivent nos orgues de Corse, qu'ils soient joués, qu'ils soient restaurés ou relevés avec autant de grâce que ce magnifique orgue de Corbara qui a retrouvé depuis cette fin 2011 toute sa splendeur visuelle et sonore grâce au talent d'Ewa Poli (redécouverte du décor initial de la tribune et du buffet Saladini) et des facteurs d'orgues Alain Sals et Alain Faye. Ajoutons aussi la belle restauration par André Fabre de la grosse caisse de la Banda Militari ...
installée en décembre avec succès et quelques péripéties, désormais prête à officier avec fracas sous le pied énergique des organistes.
Au fait, tous nos voeux, décidément, pour que les organistes en Corse fassent des petits, c'est urgent! ou, à défaut, pour que l'on accélère la recherche sur le clonage des dits organistes ...
10:51 Publié dans corse, la montagne des orgues, orgues historiques de Corse, restauration du patrimoine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : orgue de corbara | Facebook |
01/12/2011
l'orgue de Corbara retrouve son éclat:1°/ restitution du décor du buffet/tribune/tambour
L'orgue de Corbara vient de retrouver sa voix et son esthétique du début XIX° siècle
1°/ la restitution du décor du buffet/tribune / tambour par l'atelier d' Ewa POLI
Classé Monument Historique par arrêté du 18 janvier 2007, l'orgue Agati-Tronci (1890) de la Collégiale A Nunziata de Corbara vient de faire l'objet d'un excellent relevage sous la direction de Michel COLIN, Technicien - Conseil agréé pour les Monuments Historiques.
Le relevage de la partie instrumentale de l'orgue a été confié à Alain FAYE et Alain SALS, la restauration du décor du buffet, de la tribune et du tambour à Ewa POLI.
Commençons par la partie la plus visible : la transformation saisissante de l'ensemble buffet/tribune/tambour:
Voici cet ensemble tel que nous avions l'habitude de le voir depuis des lustres, imposant par sa taille et son architecture, uniformisé sous ses repeints tardifs (fin XIX° siècle, lors de la reconstruction de l'orgue par la firme Agati Tronci) et lourdement vernissés.
Le voici aujourd'hui, restitué par l'atelier d'Ewa Poli après de longs mois d'un travail minutieux et plein d'embûches, récompensé par de belles découvertes ...
Il ne manque plus que les deux anges buccinateurs, miraculeusement retrouvés et en cours de restauration, qui retrouveront bientôt leur envol, au-dessus du buffet. Ils étaient en très fâcheuse posture et leur restauration a tenu de la chirurgie réparatrice des plus pointues ...
... des anges "à la Saladini", comme ceux de Costa ou de Speloncato:
ici, à Costa:
là aussi, feu l'ami Pierre Sibieude avait dû mettre tout son talent pour consolider et rendre à leur état initial les anges existants, ravagés par les prédateurs xylophages ...
le travail en cours , dégagement centimètre par centimètre ...
Un travail extrêmement délicat pour retrouver la grande qualité de ce décor en chiquetage ou mouchetage, des faux marbres, pour restituer l'argenture ... Cet ensemble nous rappelle irrésistiblement le petit orgue de Costa, ici sous la voûte peinte par Francescu Giavarini autour de 1820:
Le type de décor en chiquetage ou mouchetage n'apparaît en Corse que sur les buffets de Corbara, de Costa et sur les panneaux entourant le clavier du précieux petit orgue (Marracci 1780) de La Porta.
"Dans les deux cas, divers indices plaident pour évoquer l'hypothèse vraisemblable d'instruments antérieurs à leur présentation actuelle. A Costa, la rambarde, réemploi manifeste, signale un transfert après les temps révolutionnaires. A Corbara, il pourrait s'agir d'un transfert interne. Il paraîtrait en effet tout-à-fait curieux qu'une collégiale aussi bien dotée, regorgeant d'orfèvrerie, de somptueux vêtements liturgiques, et déployant une telle magnificence dans l'emploi du marbre, n'ait pas disposé d'un orgue dès le XVIII° siècle"
( Michel Foussard, alors technicien conseil agréé pour les orgues historiques, complément d'étude pour le relevage de l'orgue de Corbara, 2008)
Une même date, 1819, la seule retrouvée dans les deux cas, apparait à Costa comme à Corbara
A Costa, c'est la signature de l'artiste décorateur qui signale ostensiblement son oeuvre au-dessus du clavier: BERNARDO ZIGLIARA CYRNENSI AB ALGAJOLA INAURATORE ANNO DOMINI. 1819. 9 APRILIS
A Corbara, la date sur le volet (gauche) peint représentant sainte Cécile - sous les traits, dit la légende, de Davia, sultane du Maroc ...
et la signature de Francescu Giavarini sur le volet (droit) du Roi David
"F. Giavarini dipinse"
Enfin,
" Nous relevons la même parenté d'architecture sur les buffets de Costa et de Corbara, où le fronton s'avère toutefois plus lourd, bien qu'identique dans sa ligne, à celui de Costa. Nous retrouvons ce dessin dans un grand nombre de buffets réalisés par Anton Giuseppe Saladini (1763 - 1841). Il se pourrait que le buffet de Costa, d'un raffinement de dessin et d'exécution bien supérieur, témoigne d'une main accomplie du XVIII° siècle, et provienne, tout le suggère, d'un transfert après les saisies révolutionnaires. Son décor peint aurait alors été entièrement repris par Zigliara, assez probablement sur un existant dégradé.
Le décor d'attique, en revanche, avec ses volutes, son soleil, ses angelots, porte à l'évidence la marque d'Anton-Giuseppe Saladini, tants le thème, et l'exécution, se retrouvent dans maints de ses instruments postérieurs. Rajouté sans doute à Costa lors de l'installation de l'instrument dont nous ne connaissons pas la localisation première, il pourrait de même couronner à Corbara un orgue plus ancien. (...)
(...) tout le détail des motifs sculptés, soleils, rinceaux, têtes d'angelots ou d'hommes, fleurs, volutes ... sur les buffets, coques, et tambours de Costa et de Corbara portent la forte marque d'Anton-Giuseppe, telle qu'on la reconnaît contamment dans ses oeuvres. Leur décor peint, vert et or, s'y retrouve tout de même invariablement reproduit. (...)
(Michel Foussard, idem)
L'hypothèse de Michel Foussard s'est trouvée confortée par la découverte, lors de la restauration par Ewa Poli, d'une signature au crayon d'Anton Giuseppe Saladini,
difficilement lisible, mais l'on distingue clairement:
" ANTONIO JOSEPH SALADINI SPELONCATO HOC OPUS FECIT(?)
Rappelons qu'Anton Giuseppe Saladini, originaire de Speloncato, fut un artisan ébéniste de grand renom à son époque - à cheval sur le XVIII° et le XIX° siècles - , doué d'un savoir-faire diabolique, disait-on : on parlait de lui jusqu'à Bastia en disant "ce diable d'homme"! Notons au passage qu'il faisait aussi partie de la confrérie de Costa , en même temps que de celle de Speloncato, ce qui conforte la conviction qu'il travailla également sur l'ensemble tribune et buffet de l'orgue de Costa.
Un grand coup de chapeau à Ewa Poli et son équipe pour cette magnifique restitution parsemée d'embûches et d'heureuses découvertes ...
(à suivre pour le relevage par Alain Faye et Alain Sals de la partie phonique de l'orgue de Corbara )
09:36 Publié dans corse, orgues historiques de Corse, restauration du patrimoine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : orgue de corbara, anton giuseppe saladini, restauration de l'orgue de corbara, zigliara, giavarini, ewa poli | Facebook |
28/06/2011
l'orgue de Corbara se refait une beauté
L'orgue de Corbara
Ce magnifique instrument est actuellement déposé et en cours de relevage par les facteurs d'orgue Alain FAYE et Alain SALS, qui devraient le réinstaller à partir de septembre. Nous évoquerons le moment venu à nouveau cet orgue recomposé et augmenté par AGATI-TRONCI en 1890, restauré par Philippe HARTMAN en 1979 ...
la tribune monumentale de l'orgue,
avant le début des travaux actuels de restauration ...
... par l'atelier d'Ewa POLI : divine surprise! sous les repeints du XIX° s. dégagement d'un magnifique décor chiqueté et argenté qui habille l'ensemble ...
donnant, cela est sûr,
un certain air de famille avec ...
le petit orgue de Costa ...
A Costa, le décor créé sur cette jolie tribune "à la Antonio Giuseppe Saladini", est signé et daté par Bernardo ZIGLIARA en 1819 : une belle restauration faite en 2004 par notre regretté Pierre SIBIEUDE ...
Inutile de dire que nous suivons de près l'avancement des travaux ...
10:57 Publié dans corse, orgues historiques, restauration du patrimoine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : orgue de corbara, orgue de costa, restauration du décor de l'orgue de corbara | Facebook |
22/03/2011
Scata: suite de la note du 11/03/11
SCATA, église santa Cecilia un patrimoine digne d'intérêt à sauver
Cette église a reçu au 18°s. un beau décor malheureusement repeint sans délicatesse ...
Au fond du choeur, cette représentation de la Vierge de l'Assomption, peinte par Giacomo GRANDI, malheureusement bien maladroitement "raffraichie" ...
... ainsi que le médaillon de la voûte, brutalement rebarbouillé, dommage! représentant santa Cecilia devant "son" orgue: attribuable soit à Domenico Baino, soit à Salvatore Angeli, auteur d'un médaillon à la Collégiale de Calenzana: merci, Michel Edouard Nigaglioni, pour cette dernière suggestion.
Pour comparaison, le médaillon de Saint Blaise à Calenzana.
Décidément cette église sainte Cécile de Scata mériterait des soins appropriés: dans la note précédente, nous évoquions toutes les difficultés rencontrées par cette petite commune et pour qui le patrimoine de l'église est une surcharge de dépenses bien difficile à gérer. "Quelqu'un de la partie" (?) avait soutenu que les trois toiles de l'église ne présentaient aucun intérêt ... et pourtant ...
L'historien de l'art M.E. Nigaglioni rappelle que ce tableau de santa Cecilia est l'un des plus beaux du maître Marc Antonio de Santis: il est signalé et illustré dans l'ouvrage collectif sur la Corse publié par Christine Bonneton (Encyclopédie Bonneton), p.39, , dans l'Encyclopedia Corsicae (2004), dans les Cahiers Corsica (2007) ...
... Que le Rosaire (ici le détail de saint François en prière aux pieds de la Vierge) "peint par Grandi est projeté dans le film sur la peinture baroque corse qui est diffusé en boucle dans la salle correspondante au Musée de Bastia" ... C'est l'une des nombreuses copies exécutées d'après le retable de la Vierge du Rosaire entre saint Dominique et saint François peint pour l'église San giovanni Battista à Bastia, par le peintre génois Domenico Piola (1627 - 1703):
"Pour l'église Santa Cecilia de Scata, Giacomo Grandi exécuta également une copie du Rosaire de Bastia. Cependant il enrichit la composition en ajoutant des guirlandes de fleurs autour des deux cartouches baroques du registre supérieur." ( Michel-Edouard Nigaglioni, article de "La peinture bastiaise baroque: modèles et copies", in Etudes Corses, n° 50-51 Ajaccio, La Marge Edition 1998))
(le Rosaire avant l'attaque des champignons)
... et que , comme le Rosaire, le tableau représentant santa Lucia, en compagnie de san Roccu et un évêque (san Martinu? Sant' Agostinu?) aux pieds de la Vierge, est publié dans un article de la revue historique "Etudes Corses" en 1998:
"L'église santa Cecilia de Scata conserve un retable figurant un saint évêque, saint Roch et sainte Lucie aux pieds de la Vierge à l'Enfant. Les deux personnages masulins du registre inférieur sont directement copiés sur le modèle bastiais. Deux peintres semblent être intervenus sur cette toile. L'un d'eux est aisément identifiable car on reconnait le style très particulier de Giacomo Grandi (actif en Corse dès 1746, mort en 1772) dans le visage de la Vierge." (idem)
Tout ceci pour dire que Scata fait partie de ces petites communes rurales aujourd'hui dépeuplées et désargentées qui doit gérer un patrimoine menacé mais digne d'intérêt: il serait utile d'encourager et d'aider, par tous les moyens, ces municipalités souvent découragées devant l'ampleur des dégradations d'un héritage dont elles n'évaluent pas toujours précisément la valeur patrimoniale.
Vous avez dit priorités?
Si, par exemple, " quelqu'un de la partie" passe faire un inventaire de l'église et note devant le maire que, tout compte fait, ces toiles ne présente pas un intérêt significatif, pourquoi voudriez-vous qu'à Scata l'on cherche à sauver ce qui a été ainsi jugé, alors que tant de priorités urgentes taraudent le conseil municipal ? Le patrimoine ne fait pas partie des priorités. Les priorités s'inscrivent dans le présent des gens des villages: leur mieux-être, la lutte pour le maintien à domicile de cette population restreinte et âgée, la bagarre permanente contre la précarité, l'inconfort, la désertification... et vous parlez de patrimoine? Ce patrimoine qui s'inscrit, lui, soit dans un passé bel et bien fini, celui dont les anciens se souviennent avec nostalgie - cette époque où ils étaient jeunes et fringants, où l'église pleine de monde s'invitait à toutes les fêtes - soit dans un avenir bien incertain, celui que nous laisserons à nos enfants, s'il en reste encore au village malgré les difficultés scolaires et l'absence de projet de vie ...
Or, à Scata , tout ce patrimoine mériterait pourtant d'être protégé restauré, transmis : un ensemble qui fut cohérent, avec ses autels de stucs élégants (18°s.), comme ici la partie supérieure de l'autel des Ames du Purgatoire. On voit sur la droite les dégats des eaux, responsable de l'attaque des champignons sur les toiles. Maintenant que le toit est refait, les murs devraient s'assécher ...
ou ici, la chaire de prêche, hélas copieusement ripolinée: à nouveau, le gouffre qui sépare restauration de rénovation.
ce beau confessionnal ...
Et ce bien joli tabernacle (fin 16° s.): en forme de temple à l'antique, avec son toit caractéristique en forme de pyramide et ses deux colonnes engagées, son travail mouluré sur la corniche, la porte et la base. Son décor végétal délicat sur fond vert encadre la porte portant le calice et l'hostie. Les deux deux inscriptions traditionnelles sont encore lisibles:
"EGO SUM PANIS VIVUS" (entablement)
"HIC DEUM ADORA" (base)
Sur les côtés, deux anges en prière
Ces tabernacles anciens finement décorés se rencontrent encore dans certaines églises,
comme ici à Gavignano.
(à suivre)
Merci à Michel Edouard Nigaglioni pour son aide précieuse et sans faille.
10:17 Publié dans corse, patrimoine populaire de Corse, restauration du patrimoine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : scata, castagniccia, restauration du patrimoine, sainte cécile, marc antonio de santis, giacomo grandi | Facebook |