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01/12/2011

l'orgue de Corbara retrouve son éclat:1°/ restitution du décor du buffet/tribune/tambour

L'orgue de Corbara vient de retrouver sa voix et son esthétique du début XIX° siècle

1°/ la restitution du décor du buffet/tribune / tambour par l'atelier d' Ewa POLI

Classé Monument Historique par arrêté du 18 janvier 2007, l'orgue Agati-Tronci (1890) de la Collégiale A Nunziata de Corbara vient de faire l'objet d'un excellent relevage sous la direction de Michel COLIN, Technicien - Conseil agréé pour les Monuments Historiques.

Le relevage de la partie instrumentale de l'orgue a été confié à Alain FAYE et Alain SALS, la restauration du décor du buffet, de la tribune et du tambour à Ewa POLI.

Commençons par la partie la plus visible : la transformation saisissante de l'ensemble buffet/tribune/tambour:

 

46 Orgue-Corbara volets ouverts1.jpg

Voici cet ensemble tel que nous avions l'habitude de le voir depuis des lustres, imposant par sa taille et son architecture, uniformisé sous ses repeints tardifs (fin XIX° siècle, lors de la reconstruction de l'orgue par la firme Agati Tronci) et lourdement vernissés.

 

orgue de Corbara restauré blog.jpg

Le voici aujourd'hui, restitué par l'atelier d'Ewa Poli après de longs mois d'un travail minutieux et plein d'embûches, récompensé par de belles découvertes ...

Il ne manque plus que les deux anges buccinateurs, miraculeusement retrouvés et en cours de restauration, qui retrouveront bientôt leur envol, au-dessus du buffet. Ils étaient en très fâcheuse posture et leur restauration a tenu de la chirurgie réparatrice des plus pointues ...

 

anges retrouvés.jpg

... des anges "à la Saladini", comme ceux de Costa ou de Speloncato:

l'ange de gauche.jpg

ici, à Costa:

là aussi, feu l'ami Pierre Sibieude avait dû mettre tout son talent pour consolider et rendre à leur état initial les anges existants, ravagés par les prédateurs xylophages ...



DSC_2936 copyensemble en travaux.jpg

le travail en cours , dégagement centimètre par centimètre ...

détail central de la tribune.jpg

Un travail extrêmement délicat pour retrouver la grande qualité de ce décor en chiquetage ou mouchetage, des faux marbres, pour restituer l'argenture ... Cet ensemble nous rappelle irrésistiblement le petit orgue de Costa, ici sous la voûte peinte par Francescu Giavarini autour de 1820:

orgue Costa entier blog.jpg

Le type de décor en chiquetage ou mouchetage n'apparaît en Corse que sur les buffets de Corbara, de Costa et sur les panneaux entourant le clavier du précieux petit orgue (Marracci 1780) de La Porta.

"Dans les deux cas, divers indices plaident pour évoquer l'hypothèse vraisemblable d'instruments antérieurs à leur présentation actuelle. A Costa, la rambarde, réemploi manifeste, signale un transfert après les temps révolutionnaires. A Corbara, il pourrait s'agir d'un transfert interne. Il paraîtrait en effet tout-à-fait curieux qu'une collégiale aussi bien dotée, regorgeant d'orfèvrerie, de somptueux vêtements liturgiques, et déployant une telle magnificence dans l'emploi du marbre, n'ait pas disposé d'un orgue dès le XVIII° siècle"

( Michel Foussard, alors technicien conseil agréé pour les orgues historiques,  complément d'étude pour le relevage de l'orgue de Corbara, 2008)

Une même date, 1819, la seule retrouvée dans les deux cas, apparait à Costa comme à Corbara

costa clavier et pédalier  et signature blog.jpg

 A Costa,  c'est la signature de l'artiste décorateur qui signale ostensiblement son oeuvre au-dessus du clavier: BERNARDO ZIGLIARA CYRNENSI AB ALGAJOLA INAURATORE ANNO DOMINI. 1819. 9 APRILIS

volet Davia et date.jpg

A Corbara, la date sur le volet (gauche) peint représentant sainte Cécile - sous les traits, dit la légende, de Davia, sultane du Maroc ...

volet David et signature Giavarini.jpg

et la signature de Francescu Giavarini sur le volet (droit) du Roi David

 

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"F. Giavarini dipinse"

Enfin,

" Nous relevons la même parenté d'architecture sur les buffets de Costa et de Corbara, où le fronton s'avère toutefois plus lourd, bien qu'identique dans sa ligne, à celui de Costa. Nous retrouvons ce dessin dans un grand nombre de buffets réalisés par Anton Giuseppe Saladini (1763 - 1841). Il se pourrait que le buffet de Costa, d'un raffinement de dessin et d'exécution bien supérieur, témoigne d'une main accomplie du XVIII° siècle, et provienne, tout le suggère, d'un transfert après les saisies révolutionnaires. Son décor peint aurait alors été entièrement repris par Zigliara, assez probablement sur un existant dégradé.

 

Le décor d'attique, en revanche, avec ses volutes, son soleil, ses angelots, porte à l'évidence la marque d'Anton-Giuseppe Saladini, tants le thème, et l'exécution, se retrouvent dans maints de ses instruments postérieurs. Rajouté sans doute à Costa lors de l'installation de l'instrument dont nous ne connaissons pas la localisation première, il pourrait de même couronner à Corbara un orgue plus ancien. (...)

(...)  tout le détail des motifs sculptés, soleils, rinceaux, têtes d'angelots ou d'hommes, fleurs, volutes ... sur les buffets, coques, et tambours de Costa et de Corbara portent la forte marque d'Anton-Giuseppe, telle qu'on la reconnaît contamment dans ses oeuvres. Leur décor peint, vert et or, s'y retrouve tout de même invariablement reproduit. (...)

(Michel Foussard, idem)

L'hypothèse de Michel Foussard s'est trouvée confortée par la découverte, lors de la restauration par Ewa Poli, d'une signature au crayon d'Anton Giuseppe Saladini,

Corbara signature Saladini blog.jpg

difficilement lisible, mais l'on distingue clairement:

" ANTONIO JOSEPH SALADINI SPELONCATO HOC OPUS FECIT(?)

Rappelons qu'Anton Giuseppe Saladini, originaire de Speloncato, fut un artisan ébéniste de grand renom à son époque - à cheval sur le XVIII° et le XIX° siècles - , doué d'un savoir-faire diabolique, disait-on : on parlait de lui jusqu'à Bastia en disant "ce diable d'homme"!  Notons au passage qu'il faisait aussi partie de la confrérie de Costa , en même temps que de celle de Speloncato, ce qui conforte la conviction qu'il travailla également sur l'ensemble tribune et buffet de l'orgue de Costa.
 

Un grand coup de chapeau à Ewa Poli et son équipe pour cette magnifique restitution parsemée d'embûches et d'heureuses découvertes ...

(à suivre pour le relevage par Alain Faye et Alain Sals de la partie phonique de l'orgue de Corbara )