19/05/2013
l'exposition des Cartelami à Gênes: du 11 Mai au 25 Août 2013
Prélude:
où San Damianu en Castagniccia s'invite au Palazzu Ducale de Gênes ...
San Damianu, dans son environnement - photo de Paularella
l'église
et ses saints Côme et Damien.
Ces dignes saints tutélaires de cette - aujourd'hui - paisible région de Castagniccia,
ont fait un étrange voyage à Gênes
cherchant leur chemin dans les airs au-dessus de la ville tentaculaire
avec son port,
la multitude de ses palais,
et leurs jardins bien ordonnés,
ses immeubles hauts à l'assaut des collines,
ses innombrables coupoles, ses clochers émergeant entre les terrasses en quête de lumière,
faisant en vol d'étranges rencontres, tels ces deux molosses immobiles sur leur cabanon entre deux cordes à linge, , bref,
j'imagine mes bons Saints Côme et Damien quelque peu dépaysés,
atterrissant après un long périple au hasard dans l'une de ces innombrables rues étroites de Gênes et demandant leur chemin:
" S'il vous plait, pour aller au Palazzu Ducale?"
et admirant d'un oeïl connaisseur l'abondance divine ...
- je les imagine toujours, presque arrivés à destination, décidant d'entrer dans l'église du Gesu,
et, complètement enivrés par tant d'ors , virevoltant dans les airs,
à la rencontre des saints confrères
et des anges - saluant au passage Saint Matthieu :
(le maître-autel de San Damianu)
... et se disant : "bien sûr, c'est bien plus grand et plus riche qu'à San Damianu, mais à la maison c'est plus intime" ...
... maintenant allons Place de Ferrari, voir le Palazzu Ducale et cette fameuse exposition des Cartelami dont on voit les affiches partout en ville et pour laquelle nous avons fait ce voyage ...
L'imposant Palazzu accueille cette exposition qui nous fait honneur, à San Damianu, et à toute la Corse:
"Il Gran Teatro dei CARTELAMI, scenografie tra mistero e meraviglia " ...
Nous y avons rendez-vous avec notre sepolcru de San Damianu,
et avec un homme heureux: Michel-Edouard Nigaglioni, grâce à qui notre sepolcru a pu être sauvé. Tout impressionné de le voir exposé parmi tant de chef-d'oeuvres, dans un lieu aussi prestigieux, pensez donc, San Damianu au Palazzu Ducale, belle revanche sur l'histoire!
Disons-le tout de suite, notre sepolcru ne démérite pas et n'a rien à envier à ses confrères : même les Génois n'en reviennent pas ...
Il faut dire que Giacomo Grandi, le peintre milano-corse (Milan vers 1715 - Borgo 1772), réalise là en 1758 un ensemble magnifique pour la petite communauté de San Damianu. Restauré par la "Scuola Regionale per la valorizzazione dei beni cultirali" - ENAIP Lombardia - Botticina (Brescia)
(le Jugement de Pilate aux côtés de sa femme Procula)
Courez, si vous le pouvez, voir cette exposition dans les appartements du Palazzu Ducale, elle dégage une intense émotion populaire qu'il faut redécouvrir et faire connaître: un patrimoine "éphémère", car uniquement exposé lors de la Semaine Sainte, qu'il soit signé ou anonyme, du plus modeste au plus monumental, et qui ne peut se comprendre sans l'environnement humain des communautés qui l'a fait naître. La Corse, en ce domaine, même si seul le sepolcru de San Damianu est exposé à Gênes. tient une place importante dans cet "Arc latin ",
tel qu'il apparait dans le livre publié en 2009, actes des premières Rencontres Méditerranéennes sur les décors de la Semaine Sainte :
²
Le théâtre de la Passion dans l'aire méditerranéenne en ces quelques images, prises lors de l'inauguration ... mais rien ne vaut le choc de la visite!
Pour la scénographie de l'exposition, l'on a disposé des éléments parfois d'origines variées pour faciliter l'appréhension d'un tout: ici, ces silhouettes en bois découpé à taille humaine, i cartelami, proviennent de la chapelle du Saint Sépulcre des Pénitents Bleus de Nice (fin XVIII), début XIX° s.).
Elles accompagnent un Christ mort en bois polychrome de 1911: oeuvre de Cesare Zonca (Treviolo 1857 - Bergamo 1935) pour l'église du Sacré Coeur de Jésus à Sanremo (Imperia).
à comparer avec cet admirable Christ mort, présenté à la dévotion des gens de Feliceto (Balagne) pendant la Semaine Sainte, en bois polychrome -anonyme, fin XVI° s.
Ici, les sept figures de cette Déposition ont été peintes à l'huile sur des silhouettes découpées dans le métal - Castelnuovo Magra (la Spezia), Oratoire Nostra Signora Assunta début XIX°s.
Le Christ mort, lui, a été fait en " cartapesta " ( carton pâte), au XVII° siècle - Imperia Porto Maurizio.
Deux confrères pénitents, huile sur métal, Nice, chapelle Sainte Croix (mi XIX°), entourant le Christ peint par Eugenio Ardoino en 1886 - huile sur toile collée sur bois.
Flagellation, huile sur bois - Sasello (Savona) - Peintre ligure
Groupe de la Flagellation - Cosio d'Arroscia (Imperia) -église san Pietro
A Bastia, cette année pour le Jeudi Saint, dans l'oratoire de la Conception, le groupe des silhouettes empruntées à l'oratoire Saint Charles
(détail)
(détail)
Retour à l'exposition:
ces deux très belles Dépositions
Déposition de Domenico Torrielli - huile sur bois - Sassello (Savona), oratoire de San Roccu.
et celle de Tommaso (1739-1821) et Maurizio (1737- 1819) Carrega (Porto Maurizio)
Un thème dont on retrouve un écho savoureux et populaire dans nos petits chemins de croix de Corse, comme ici à Vallica, peint par Giacomo Grandi en 1757
L'immense "sepolcro istoriato" de Giuseppe Musso ( 1806-1866) pour l'église San Matteo de Laigueglia ( Savona).
Un ensemble monumental et grandiose dans un univers végétal très exotique
pour accueillir la Déploration du Christ
Déploration ici exprimée dans le modeste sepolcru de Castiglione, en Corse, 19°s.
Fontpédrouse, église Sainte Marie de Prats-Balaguer, dans les Pyrénées Orientales: un charme fleuri pour ce petit Monument,
gardé par deux farouches soldats empannachés et abrutis
... une constante dans nos sepolcri: ici l'un des deux gardes du sepolcru de Castiglione ...
ces soldats qui veillent sur le reposoir du Jeudi Saint : dans son tabernacle le saint Sacrement pour la communion lors de l'office du lendemain, le Vendredi Saint (Fontpédrouse).
Autre tabernacle "a tempietto" du Jeudi saint, celui de Villanova d'Albenga (Savone)
Parenthèse insulaire:
Il a un petit air de famille avec celui de Santa Lucia di Mercurio, dans la chapelle latérale dont l'autel abrite ce sepolcru de stuc (XVIII°):
l'ensemble de la Déploration du Christ, à Santa Lucia di Mercurio: chapelle du reposoir du saint Sacrement et du Christ mort, pour un même message.
Elle fait l'objet de l'installation du sepolcru peint par Francescu Carli (XVIII°s.) lors de la Semaine Sainte.
Revenons à l'exposition:
Reposoir eucharistique - mi 18° s - Bottega dei Carrega,
veillé par la Vierge et Marie-Madeleine, silhouettes peintes -fin 19°s. - par un artiste niçois - Sospel, chapelle de la Sainte Croix.
J'ai été très intéressée par ce message polysémique : le reposoir eucharistique n'est plus un simple tabernacle dédié à recevoir la réserve eucharistique du Jeudi Saint, mais il devient un sarcophage qui s'inscrit dans une veillée funèbre au coeur d' une "chapelle ardente", avec cette belle représentation du Christ mort veillé par les anges,
représentation que l'on retrouve aussi en Corse, comme ici pour le sepolcru de Quercitellu (Castagniccia) - Anonyme 18°s.
Porte du Sepulcre - Molini di Prelà (Imperia). Au-dessus de l'arc, les angelots présentent les instruments de la Passion.
le Monument d'Espira-de-Conflent, Pyrénées -Orientales - XVIII°s. : le sepulcre est solidement gardé par de redoutables soldats d'opérette ... tandis qu'en haut du premier arc, l'on peut contempler les "Arma Christi", instruments de la Passion ...
Tout-à-fait dans l'esprit du sepolcru peint par Filippo Malavesi pour Barretali (Cap Corse) ,
avec en bouquet les trophées des Arma Christi ...
... Ces instruments de la Passion que l'on retrouve peints sur la toile du sepolcru de Nessa (Balagne) , du peintre local Orsini (XIX°)
Maurizio Carrega (, ' Apparata delle Quarantore": l'adoration du saint Sacrement des Quarantes heures et les Âmes du Purgatoire:
magnifique!
A retrouver dans le beau catalogue de l'exposition, richement illustré et documenté, sous la direction éclairée de Franco Boggero et Alfonso Sista:
édité par SilvanaEditoriale:
www.silvanaeditoriale.
Une très belle exposition qui mérite le voyage! Et surtout l'incitation à sauver et remettre en valeur ce monde si particulier des décors éphémères de la Semaine Sainte.
Enfin, dans le même registre, nous avons été touchés, à la cathédrale San Lorenzo de Gênes, par l'affliction muette de ce petit calvaire de marbre, anonyme du XV° s.:
Saint Jean prostré
La Vierge évanouie dans les bras de Marie-Madeleine
Il s'agit bien d'un même partage émotionnel ...
00:04 Publié dans corse, expositions, la Semaine Sainte en Corse, sepolcri de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gênes, palazzu ducale, cartelami, sepolcri, san damianu, castagniccia | Facebook |