18/06/2007
Chapelles en chemin
Petites chapelles
au bord des chemins
(L'Annunziata)
Une grande religiosité nourrit le monde rural d’autrefois : fêtes patronales et processions scandent la vie des gens de la campagne, soumise aux incertitudes météorologiques, aux grandes épidémies, aux ravages des criquets, aux destructions de la guerre, aux sévices attribués au Malin, aux streghe (sorciers), aux mazzeri, à l’occhju : dans une même crainte et avec une ardente dévotion, on priera les Saints intercesseurs pour que vienne la pluie, que cesse la tempête, que soient épargnés troupeaux, récoltes et gens d’ici-bas, pour que soit protégée, rassurée, consolée cette communauté précisément, si méritante, si exemplaire dans sa relation avec l’Au-delà…
On marche donc, le long des chemins, pieds nus, en processions serrées, priantes et chantantes, ordonnées et disciplinées sous la conduite des Confréries qui portent la statue du Saint patron, ouvrent la marche avec leurs belles bannières peintes, les bâtons sculptés (pace), les lanternes ornées, vers ces chapelles en dehors du village… Ces Saints intercesseurs vigilants, exigeants on les vénère dans la proximité d’une relation communautaire où chacun a son rôle à tenir, et où même la spiritualité est l’affaire de tout un village…
(San Filippu)
Aujourd’hui, l’on se rassure plus volontiers en souscrivant aux sociétés d’assurances multirisques qu'en fréquentant nos petites chapelles: cachées au bord des chemins, depuis bien longtemps ni les hommes ni leurs bêtes ne les visitent plus, c'est à peine si on connait encore leur nom. Désormais, dans la fraîcheur de leur pénombre voûtée, quelques vaches paisibles viennent se gratter l’échine sur ce qui reste des autels…
L’abandon, l’absence, le vent et la pluie rongent ces ultimes témoins d’une collaboration quotidienne entre l’humble communauté des hommes et le monde divin: puissions-nous les protéger de notre déni de mémoire.
Elizabeth
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10/06/2007
orgues: Olmi Cappella
La vie d’un petit orgue de montagne au milieu des siens…
Aujourd’hui installé à Olmi Cappella dans le silence d’une église qui subit l’exode rural et l’inévitable évolution du monde moderne, le petit orgue a vécu dans sa jeunesse une existence certainement plus mouvementée : l’absence de pupitre porte-partitions nous indique clairement que nos anciens organistes n’avaient pas besoin de notes pour musiquer, qu’ils avaient un rapport instinctif avec leur instrument, le même qu’avaient les violoneux lorsqu’ils empoignaient leur violon pour faire danser les villageois lors des fêtes ou des veillées, accompagner les sérénades ou rythmer la mauresque …
L’orgue avait été construit pour magnifier les fêtes religieuses : l’église d’alors était vécue comme le lieu festif et unificateur de la communauté qui se reconnaissait dans les manifestations de sa confrérie, de ses chants, de son orgue… comme dans le choix de ses maîtres-maçons et de ses peintres. A la polyphonie des chants répondait celle de l’orgue, l’organiste ayant appris à jouer l’instrument pour le service de la liturgie, l’accompagnement des cantiques, et chacun selon ses talents et son tempérament se donnait à sa charge. S’il le fallait, il attaquait une vigoureuse ouverture d’opéra en entrée de messe ou improvisait « assai pietoso » pour l’offertoire quelque valse à la mode . Le grand Bach n’a pas agi autrement en réutilisant ses compositions profanes dans ses cantates religieuses. Je me souviens d’une grande messe patronale en Espagne, à Viana, sur le chemin de St Jacques en 1989, dans une église bondée de fidèles, où l’organiste emmena la foule fervente vers la table de communion au son d’un tango… Et aussi, en Corse, à Monticello, cet organiste des années trente, qui, après avoir joué une valse à l’offertoire, avait tenté la java à la communion : là, le prêtre s’était rebellé, arguant que la java faisait trop lever la jambe aux jeunes filles…
Nous sommes là bien loin de Frescobaldi et l’écriture polyphonique de l’époque serait sans doute paru une bizarrerie d’extraterrestre aux organistes du XIXème siècle. Et pourtant ! Le petit orgue d’Olmi Cappella, avec sa fraîcheur et sa vaillance retrouvées grâce à J.F.Muno, chante avec justesse cette musique intérieure qui ne demande pas des effets spectaculaires. Non seulement lors de concerts, mais aussi lors des messes : il apporte alors cette poésie intemporelle et méditative où il n’est pas besoin de connaître la grammaire pour ressentir l’émotion… La pratique de l’alternance du chant et de l’orgue dans la messe de Frescobaldi, commune à tous les musiciens de cette époque prend sa source dans le chant responsorial des premiers chrétiens : le dialogue d’un soliste avec le chœur, représentant la communauté des fidèles. Elle est proche également de l’usage traditionnel du chant religieux de nos villages, où alternent la chjama (« l’appel » d’une seule voix) et le chant en paghjella (« réponse » polyphonique à trois voix), comme on peut l’entendre à Olmi Cappella. La fonction est la même : ainsi recréé et sacralisé dans ce dialogue qui pourrait évoquer le dogme de la Trinité , l’espace sonore de l’église resserre la communauté, un pour tous, tous pour un . Le rôle du chant et de l’orgue dépasse alors largement le pur plaisir musical ou la réplétion ethno-touristico-musicologique.
C’est à Olmi-Cappella et sur la tribune de l’orgue que j’ai commencé à comprendre de l’intérieur la réalité et l’enjeu du chant religieux d ‘un village mais aussi la relation des villageois avec leur orgue. Le dernier chantre d’Olmi Cappella, Ceccu Saladini transmettait alors de sa voix nerveuse et ténue cet héritage direct, suspendu à la frontière de deux mondes. Passage, lumière et paix d’un crépuscule éphémère où tout devient possible avant l’assaut de la nuit. L’intensité de son chant n’avait rien à voir avec les décibels médiatisés : elle était nourrie de cette vie âpre mais idéalement structurée de naguère où rien n’était donné sans peine mais où tout était objet de partage. Je peux témoigner qu’il était aussi très fier de ce petit orgue, conscient de la volonté des anciens qui avaient souhaité sa présence dans l’église.
Il était heureux de l’entendre à nouveau parler, dialoguer avec la polyphonie des chantres et accompagner les cantiques que chantait si bien sa femme : cloches, chants, orgue … lui redonnaient sa jeunesse . Je sais qu’il se réjouit là où il est de savoir que les chants et l’orgue revivent. Merci à Marie-Hélène Guespieler qui a voulu et rendu possible par sa ténacité et son talent la réalisation de ce témoignage.
Lors de cette belle restauration du petit instrument montagnard d'Olmi Cappella par Jean-François MUNO, le décor du buffet avait été confié à la verve créatrice de Pierre SIBIEUDE, grand Prix de Rome de peinture: il avait signé là une oeuvre délicate mais non dénuée de malice... Pierre nous a quittés en juillet 2006, alors qu'il venait en Corse pour l'inauguration du très bel orgue de COSTA, où il avait assuré avec beaucoup d'amour la restauration du décor exceptionnel du buffet et de la tribune... Lui aussi revit à chaque fois que chantent ces instruments sur lesquels il improvisait du reste avec grand talent et qu'il aimait tant!
Elizabeth .
08:40 Publié dans orgues historiques de Corse | Lien permanent | Commentaires (5) | Facebook |
08/06/2007
remerciements publogs à l'ami Olivier!
Oui, merci à l’ami Olivier de m’avoir supportée, souris-coupe-coupe à la main, alors que nous tentions de nous frayer un chemin à travers la jungle inextricable de mes neurones antédiluviens…
Coups de cœur et coups de gueule seront au programme du blog, mais aussi, des informations sur l’identité de ce patrimoine rural de la Corse que nous ne souhaiterions surtout pas voir disparaître dans une soupe insipide, lyophilisée, aseptisée.
J'en profite pour annoncer le travail en cours et à venir avec plusieurs écoles primaires de Balagne en vue d'enfin réaliser avec les enfants leur "CHARTE DU PATRIMOINE RURAL DE LA CORSE"
Au menu, la sensibilisation au patrimoine sous toutes ses formes: lecture de paysage, bâti, chemins, églises ... et leurs orgues historiques, histoire et préhistoire, botanique, cuisine, écologie ( ah! les ruisseaux, et les fous criminels qui y balancent batteries de voiture, javel et autres produits détergeants!), et ... non des moindres, langue, toponymie, contes...
11:40 | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
03/06/2007
Orgues: La Porta
L'orgue historique de l'église Saint Jean-Baptiste de La Porta : clavier, tirage des jeux et tuyauterie…
Au-dessus du clavier, une inscription dit en latin : « si tu ne me vois pas, au moins écoute ma voix » … Les frontons de touches, délicatement sculptés à la façon des clavecins italiens de l’époque et le tirage des jeux, présenté sur la droite du clavier dans un élégant ovale tout à fait inhabituel, indique une facture raffinée.
Cet orgue est doublement historique car il a été le premier à être restauré « à l’identique », en 1963, par le facteur d’orgue italien Bartholémy FORMENTELLI , qui a su lui restituer toute son âme en réemployant au maximum le matériau ancien et en refaisant à l’identique ce qui n’avait pas pu être sauvé. C’est là, malgré sa petite taille, l’un des orgues les plus raffinés et les plus chantants de Corse.
Bien qu’aucune archive n’ait été retrouvée sur l’histoire de l’instrument, on sait que ce petit orgue a été construit à Rogliano en 1780 par un Franciscain lucquois, le père Benedetto MARRACCI pour le couvent franciscain San Antonio della Casabianca (à 8 km de La Porta ), qui avait reçu dans ses murs la célèbre Consulta au cours de laquelle Pascal PAOLI fut élu Général des Corses. Lors de la Révolution française, le conventionnel SALICETI, en lutte contre les insurgés réfractaires du mouvement de la Crucetta né d’une assemblée générale au couvent de Casabianca, aurait sauvé l’orgue avant la destruction du couvent, en 1793, le faisant transférer à l’église Saint Jean-Baptiste de LA PORTA , village natal de sa femme… Depuis sa restauration, l’orgue ne cesse d’être joué en concert par les meilleurs organistes qui expriment toujours un grand plaisir dans cette rencontre musicale.
COMPOSITION :
Clavier : 45 notes avec octave courte.
Pédalier : 8 notes et tamburo.
Principale primo et secundo (soprani) couplés et « obligés », Ottava, Decima Quinta, Decima Nona et Vigesima secunda, Vigesima sesta et Vigesima nona, Flauto Nazardo, Voce Umana , Cornetto.
18:10 Publié dans orgues historiques de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
02/06/2007
double CD orgues corses
Double CD, avec textes en Français, Corse et Anglais
Disponible à l'adresse de:
Mme GEISPIELER Marie-Hélène
12 Chemin des Eglantiers - 34830 JACOU
Les chantres d’Olmi Cappella témoignent de la diversité des messes chantées traditionnellement en Corse : chaque communauté a généré une façon profondément originale de chanter « sa » messe.
La transmission orale, largement fragilisée en son temps par l’abandon progressive de la vie rurale de naguère - pour cause de guerres, et d’évolution inéluctable du monde moderne, entraînant le dépeuplement des villages de l’intérieur au bénéfice des villes côtières, n’a cependant pas fini de nous offrir ses témoignages : les confréries actuelles relèvent le défi, non seulement en reconstituant l’existant, mais aussi en montrant leur capacité à renouer avec l’esprit ancien dans des créations contemporaines.
22:05 Publié dans orgues historiques de Corse | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |