23/11/2014
Entre Naples et Murato, les Sept Oeuvres de Miséricorde ...
Dans le Nebbiu, à Murato,
(je reprends brièvement une note ancienne pour l'occasion)
l'ancien couvent des Récollets fondé en 1615, aujourd'hui propriété privée, et son église de la Nunziata, début XVIII° siècle, devenue église paroissiale du village.
L'orgue, dont on ne sait plus rien sinon qu'il a disparu "corps et âme" dans la tourmente de la Révolution française, était logé, comme il se doit selon l'usage des églises conventuelles, au fond du choeur, au-dessus des stalles des religieux, avec une porte - aujourd'hui condamnée - communiquant directement avec le reste du couvent. La niche désormais vide, nous donne une bonne indication de la taille de l'orgue: quand a-t-il disparu et que sont devenus les différents éléments, clavier, tuyaux, mécanismes ... ?
"La tribune située au fond du chœur de la chapelle de l'ancien couvent de Murato supportait un orgue jusqu'au début du XX° siècle. On peut déduire d'après cette tribune qu'il s'agissait d'un instrument du XVIII°" .
(Sébastien Rubellin, l'Orgue Corse, éditions Piazzola, p. 55)
Au centre de la tribune, entre deux scènes intrigantes, le blason des Franciscains: le bras nu du Christ et celui, habillé de bure, de St François, autour de la Croix, dédient l'orgue disparu à cette famille franciscaine des Récollets.Le panneau de gauche :Une femme charitable étanche la soif d'un malheureux en piteux état, en compagnie d'un étranger appuyé sur son bourdon qui lui tend sa gourde de pèlerin. De sa main droite pleine d'éloquence cette femme accueille les étrangers démunis.
- Sera-ce du vin? la vue des belles barriques à droite de la scène invitent à le penser. Soyons clairs: à cette époque, le vin est une denrée "de première nécessité", même dans les couvents, où, nous dit-on dans ce beau livre collectif "Les Servites de Marie en Corse" ( édition Piazzola), chaque religieux avait droit à sa ration d'un litre et demi de vin par jour. Un vin, cela dit, qui ne devait pas être trop méchant (le réchauffement climatique n'est pas encore passé par là) et en ces temps, chacun possède sa petite vigne - sauf les plus indigents, les vagabonds, les immigrés, donc...Une autre femme souriante nourrit avec douceur un petit enfant .Sur le panneau de droite, dans un cadre bucolique, une autre scène charitable : un homme estropié et pieds nus reçoit dans son chapeau l'aumône d'un pain (?) offert par une jeune dame à la toilette raffinée.
Entre les jambes douloureuses du vieil homme, une béquille, et à nouveau, la gourde du voyageur.
ce beau visage ...
En haut à gauche, ce curieux personnage véhément : la duègne? ou bien plutôt une béguine? éloquence des mains ...
la jeune dame élégante en sa piété, ses dentelles et ses rubans, le tablier rempli de bonnes intentions,
pose les yeux vers l'autre pèlerin agenouillé, un jeune homme au regard suppliant : le fils du vieillard ? on croit lire un épisode de roman de l'époque ...
Charité aux miséreux, aux affamés, aux estropiés de la vie, aux étrangers ... aux immigrés ... bref, une histoire toujours bien actuelle et qui me semble ici, sur cette tribune d'orgue franciscain une incitation aux Oeuvres de Miséricorde:Evangile selon St Matthieu 25, 31-46
Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres : il placera les brebis à sa droite, et les chèvres à sa gauche.
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car j'avais faim, et vous m'avez donné à manger ; j'avais soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ; j'étais nu, et vous m'avez habillé ; j'étais malade, et vous m'avez visité ; j'étais en prison, et vous êtes venus jusqu'à moi !'
Alors les justes lui répondront : "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu...? tu avais donc faim, et nous t'avons nourri ? tu avais soif, et nous t'avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t'avons accueilli ? tu étais nu, et nous t'avons habillé ? tu étais malade ou en prison... Quand sommes-nous venus jusqu'à toi ?"
Et le Roi leur répondra : "Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait.'Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : "Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges. Car j'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'avais soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'étais un étranger, et vous ne m'avez pas accueilli ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas habillé ; j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité."
Alors ils répondront, eux aussi : "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu avoir faim et soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?"
Il leur répondra : "Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l'avez pas fait à l'un de ces petits, à moi non plus vous ne l'avez pas fait."Et ils s'en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle.
Exigeant évangile de ce dimanche 23 novembre 2014 !
Si la facture de l'oeuvre ne nous est pas familière en Corse, le sujet en est encore plus inhabituel, de même que la façon de traiter les paysages et les personnages, qui évoquent un art plutôt nordique: en tous cas cette oeuvre du XVIII ème siècle ne manque pas d'élégance et cet ultime témoignage de la présence ancienne de l'orgue devrait mériter tous les soins de Murato.***Début octobre, nous étions à Naples où nous avons rencontré ce thème magnifiquement traité par le Caravage pour la Congrégation du Pio Monte della Misericordia -
Enterrer les morts. Deux hommes portent un mort dont on ne voit que les pieds. dépassant du linceul :
Visiter les prisonniers et nourrir les affamés. Une fille visite son père emprisonné (l'allaitement symbolique et la légende de Pero et Micon) et lui donne le sein à travers les barreaux pour le nourrir.
Ce thème dit de "la Charité romaine" est connu depuis l'Antiquité, et repris parfois par l'iconographie chrétienne de la Vierge allaitant des saints ...
Comme ici, "la Lactation de "Saint Bernard de Clairvaux qui, prononçant devant une statue de la Vierge ces paroles de l' Ave Maris Stella : "Monstra te esse Matrem", reçoit le lait jaillissant du sein de Marie ... (Art flamand c. 1480)
Héberger les sans-abri. Comme ce pèlerin reconnaissable à la coquille sur son chapeau. L'ardent Caravage aurait pu, aujourd'hui, prendre ses modèles dans les rues de nos villes ...
Visiter les malades. Le paralysé dénudé git sur le sol, et ...
Vêtir ceux qui n'ont rien . ... et reçoit l'aide du jeune homme charitable qui lui donne son manteau, à l'instar de Saint Martin.
Donner à boire à ceux qui ont soif. Samson boit de l'eau dans la mâchoire d'un âne.
(à gauche, ce qui pourrait être un auto-portrait du Caravage ... ou d'un pieux donateur de la Congrégation ?)
En un seul retable magistral (peint autour de 1607), le Caravage organise ces Sept Œuvres de Miséricorde :
Œuvres de Miséricorde encouragées par le groupe de la Vierge et l'Enfant soutenus par deux anges vigoureux
plongeant vers la terre, j'entends le battement de leurs ailes
la terre des hommes sous le regard miséricordieux de la Vierge et de l'Enfant
17:13 Publié dans les sept oeuvres de miséricorde | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : murato, le caravage, pio monte della misericordia | Facebook |
24/05/2013
San Michele de Murato
Demain nous devons retrouver en parcours cette merveille romane restaurée:
San Michele de Murato
L'occasion pour moi de réactualiser enfin mes images et, en attendant, de retrouver les notes déjà un peu anciennes, inspirées par cette église piévane qui porte le décor le plus foisonnant de Corse ... Regroupées ci-dessous, pour les plus courageux!
1°/Murato, église San Michele, ancienne piévanie de Bevinco:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/03/02/san-michele-de-muratu.html
2°/ Murato, San Michele, toujours la façade Sud:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/03/14/murato-eglise-san-mieli-suite.html
3°/Murato, San Michele, suite 3
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/03/19/murato-san-michele-suite-3.html
4°/ Murato, à propos des Sirènes:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/03/22/murato-san-michele-suite-4.html
5°/ Murato, à propos des symboles:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/03/26/murato-san-michele-suite-5.html
6°/ Murato, autour du carré, du cercle, de la croix :
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/03/27/murato-san-michele-suite-6.html
7°/ Murato, à propos de la dualité et du couple:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/03/31/murato-san-michele-suite7-dualite.html
8°/ Murato, conjonction conjugale:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/04/02/murato-suite-8-le-cantique-des-cantiques.html
9°/ Murato, le Cep et la Vigne:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/04/05/murato-san-michele-suite-9-la-vigne.html
10°/ Murato, l'Arbre et la Croix:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/04/12/murato-san-michel-suite-10.html
11°/ Murato, la Vendange mystique:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/04/26/murato-san-michele-la-vendange.html
12°/ Murato, Saint Michel et l'Homme armé:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/05/08/murato-suite-12-l-homme-arme.html
13°/ Murato, l'Agneau mystique:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/06/26/murato-suite-13.html
14°/ Murato, l'intérieur de l'église San Michele:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2009/06/27/muratu-san-michele-l-interieur-de-l-eglise.html
(à suivre!)
19:27 Publié dans chapelles romanes corses, découverte du patrimoine en Corse, diaporama sur le patrimoine, les pierres qui signent | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : murato, chapelle san michele de murato | Facebook |
12/12/2012
Santa Lucia
Sainte Lucie, Vierge et Martyre de Syracuse,
fêtée le 13 décembre,
(Francesco del Cossa, les yeux de Ste Lucie
une sainte patronne bien populaire en Europe
et en Corse :
à Cateri (Pieve d'Aregno), la statue de procession en papier mâché, art populaire (XIX° s.):
comme souvent, les doigts sont les premiers à souffrir de la procession dans le village. Ce n'est pas une raison pour la priver de sa promenade annuelle!
... et ses yeux, présentés par ce gentil petit angelot : ce sont les armes parlantes de Sainte Lucie. La popularité de Santa Lucia repose sur le fait qu'elle passe pour guérir tous les maladies des yeux, y compris la cécité. Quoi qu'il en soit sa fête, le 13 décembre, célèbre la fin des jours sombres et le retour proche de la lumière.
Comme vous le verrez, notre Santa Lucia a bien gagné par les souffrances variées de son interminable martyreson statut de Vierge Martyre. heureusement pour ses porteurs, la sainte Lucie de Cateri ne pèse pas le poids de sa légende:
" columna es immobilis, Lucia sponsa Christi "
(tu es une colonne immobile, Lucie, épouse du Christ)
Voici ce qu'en dit Jacques de Voragine dans la Légende dorée:
Lucie, vierge syracusaine de famille noble, voyant se répandre à travers toute la Sicile la gloire de sainte Agathe, se rendit au tombeau de cette sainte, en compagnie de sa mère Euthicie, qui, depuis quatre ans déjà, souffrait d’un flux de sang incurable. Les deux femmes arrivèrent à l’église pendant la messe, et au moment ou on lisait le passage de l’Évangile qui raconte la guérison miraculeuse, par Jésus, d’une femme atteinte d’un flux de sang. Alors Lucie dit à sa mère : « Si tu crois à ce qu’on vient de lire, tu dois croire aussi qu’Agathe est maintenant en présence de Celui pour le nom de qui elle a subi le martyre. Et si tu crois cela, tu retrouveras la santé en touchant le tombeau de la sainte ! » Aussitôt, tous s’écartant pour leur livrer passage, la mère et la fille s’approchèrent du tombeau, et se mirent à prier. Et voici que la jeune fille tomba soudain endormie, et eut un rêve où elle vit sainte Agathe debout au milieu des anges, toute parée de pierreries, et lui disant : « Ma sœur Lucie, vierge consacrée à Dieu, pourquoi me demandes-tu une chose que tu peux toi-même accorder sur-le-champ à ta mère ? Vois, ta foi l’a guérie ! » Et Lucie, s’éveillant, dit à sa mère : « Ma mère, tu es guérie ! Mais au nom de celle aux prières de qui tu dois ta guérison, je te prie de me délier désormais de mes fiançailles, et de distribuer aux pauvres la dot que tu me destinais ! » Sa mère lui répondit : « Attends plutôt de m’avoir fermé les yeux, et tu feras ensuite ce que tu voudras de nos biens ! » Mais Lucie : « Ce que tu donnes en mourant, dit-elle, tu le donnes parce que tu ne peux pas l’emporter avec toi. Mais, si tu le donnes de ton vivant, tu en auras la récompense là-haut ! »
(Bruges, Maître de la Légende de Ste Lucie, XV° s.)
De retour chez elles, Lucie et sa mère commencèrent à distribuer, peu à peu, tous leurs biens aux pauvres. Et le fiancé de Lucie, l’ayant appris, en demanda compte à la nourrice de la jeune fille. Cette femme, en personne rusée, lui répondit que Lucie avait trouvé une propriété meilleure, qu’elle voulait l’acquérir, et que c’était pour cela qu’elle vendait une partie de ses biens. Et lui, dans sa sottise, il crut à un commerce matériel, et se mit à les encourager dans la vente de leurs biens. Mais quand tout fut vendu et qu’on sut que tout était allé aux pauvres, le fiancé, furieux, porta plainte devant le consul Paschase, disant que Lucie était chrétienne et n’obéissait pas aux lois impériales.
(Lorenzo Lotto - 1532- Pinacoteca civica de Iesi)
Paschase, l’ayant aussitôt mandée, lui enjoignit de sacrifier aux idoles. Mais Lucie lui répondit : « Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est de visiter les pauvres et de les aider dans leurs besoins. Et comme je n’ai plus rien à offrir, je vais m’offrir moi-même au Seigneur ! » Et Paschase : « Ce sont là des paroles bonnes à dire à des sots de ton espèce ; mais à moi, qui garde les décrets de mes maîtres, tu les dis en vain ! » Et Lucie : « Tu gardes, toi, les décrets de tes maîtres, et moi je veux garder la loi de mon Dieu. Tu crains tes maîtres, et moi je crains Dieu. Tu évites de les offenser, et moi j’évite d’offenser Dieu. Tu désires leur plaire, et moi je désire plaire au Christ. Fais donc ce que tu jugeras t’être utile, et moi je ferai ce que je jugerai m’être utile ! » Alors Paschase : « Tu as dépensé ton patrimoine avec des corrupteurs, et voilà pourquoi tu parles en prostituée ! » Mais Lucie : « Mon patrimoine, je l’ai placé en lieu sûr ; et jamais n’ai admis auprès de moi des corrupteurs, ni du corps, ni de l’âme. » Paschase lui dit : « Qui sont donc ces corrupteurs du corps et de l’âme ? » Et Lucie répondit : « Les corrupteurs de l’âme, c’est vous, qui engagez les âmes à se détourner de leur créateur ; quant aux corrupteurs du corps, ce sont ceux qui conseillent dé préférer le plaisir corporel aux fêtes éternelles. » Et Paschase : « Tes paroles (verba) cesseront bien quand nous en viendrons à te rouer de coups (verbera) ! » Et Lucie : « Les paroles de Dieu ne cesseront jamais. » Et Paschase : « Prétends-tu être Dieu ? » Lucie répondit : « Je suis la servante de Dieu, qui a dit : « Quand vous serez en face des rois et des princes, etc. » Et Paschase : « Prétends-tu donc avoir en toi le Saint-Esprit ? » Et Lucie : « Celui qui vit dans la chasteté, celui-là est le temple du Saint-Esprit ! » Et Paschase : « Alors je te ferai conduire dans une maison de débauche. Ton corps y sera violé, et tu perdras ton Saint-Esprit ! » Mais Lucie : « Le corps n’est souillé que si l’âme y consent ; et si, malgré moi, on viole mon corps, ma chasteté s’en trouvera doublée. Or jamais tu ne pourras contraindre ma volonté. Et quant à mon corps, le voici, prêt à tous les supplices ! Qu’attends-tu ? Fils du diable, commence à satisfaire ton désir malfaisant ! »
Alors Paschase fit venir des proxénètes, et leur dit : « Invitez tout le peuple à jouir de cette femme, et qu’on use de son corps jusqu’à ce que mort s’ensuive ! » Mais quand les proxénètes voulurent l’entraîner, l’Esprit-Saint la rendit si pesante qu’en aucune façon ils ne purent la mouvoir.
(Leandro Bassano, Venise, église san Giorgio Maggiore)
Et Paschase fit venir mille hommes, et lui fit lier les pieds et les mains ; mais on ne parvenait toujours pas à la soulever. Il fit venir mille paires de bœufs, mais la vierge continua à rester immobile. Il fit venir des mages ; mais leurs incantations restèrent sans effet. Alors il dit : « Quel est donc ce maléfice, qui permet à une jeune fille de ne pas pouvoir être soulevée par un millier d’hommes ? » Et Lucie lui répondit : « Ce n’est pas un maléfice, mais un bienfait du Christ. Et tu aurais beau ajouter encore dix mille hommes, ils ne parviendraient pas à me faire bouger. » Paschase s’imagina alors, suivant l’invention de quelqu’un, que l’urine détruisait les maléfices, et il la fit asperger d’urine bouillante : mais cela encore fut inutile. Alors le consul, exaspéré, fit allumer autour d’elle un grand feu, et ordonna de jeter sur elle de la poix, de la résine, et de l’huile bouillante. Et Lucie dit : « Dieu m’a accordé de supporter ces délais, dans mon martyre, afin d’ôter aux croyants la peur de la souffrance et aux non-croyants le moyen de blasphémer ! »
(Brescia, église ste Agathe, martyre de Ste Lucie)
Les amis de Paschase, le voyant devenir sans cesse plus furieux, enfoncèrent une épée dans la gorge de la sainte ; mais elle, loin d’en perdre la parole, elle dit : « Je vous annonce que la paix est rendue à l’Église ! Aujourd’hui même, Maximien est mort et Dioclétien a été chassé du trône. Et de même que Dieu a accordé pour protectrice à la ville de Catane ma sœur Agathe, de même il vient de m’autoriser à être auprès de lui la protectrice de la ville de Syracuse. » Et, en effet, pendant qu’elle parlait encore, voici que des envoyés de Rome vinrent saisir Paschase pour l’emmener, prisonnier, devant le Sénat : car celui-ci avait appris qu’il s’était rendu coupable de déprédations sans nombre dans toute la province. Il fut donc conduit à Rome, déféré au Sénat, convaincu de crime, et puni de la peine capitale.
(Tiepolo dernière communion de Ste Lucie -
Venise église Santi Apostoli)
Quant à la vierge Lucie, elle ne bougea pas du lieu où elle avait souffert, et elle resta en vie jusqu’à l’arrivée de prêtres qui lui apportèrent la sainte communion ; et toute la foule y assista pieusement. C’est dans le même lieu qu’elle fut enterrée, et que fut construite une église en son honneur. Son martyre eut lieu vers l’an du Seigneur 310.
"Selon une autre version, Lucie se serait arraché les yeux et les aurait envoyés sur un plat à son fiancé; mais la sainte Vierge lui aurait fait repousser des yeux encore plus beaux (occhi belli, lucenti) .
Cette légende repose sur l'étymologie populaire de son nom: Lucia, rattachée au mot lux, lumière (Lucia a luce, Lucia quasi lucis via)
(Louis Réau, Iconographie de l'Art Chrétien)
(Francesco del Cossa, Washington
National Gallery)
(Francesco Zurbaran 1625)
A Syracuse, la cathédrale lui est consacrée et son culte semble s'être très rapidement répandu dans toute l'Italie, en France, en Allemagne, en Flandre, en Espagne, en Suède (http://youtu.be/Mk0FyZqNp5Q), chacune se réclamant de ses reliques ... En Corse Santa Lucia est très vénérée et ce, depuis bien longtemps:
" Au Moyen-Age comme dans les siècles antérieurs, de nombreux sanctuaires en Corse portèrent le nom de S. Lucia, une trentaine environ." ( Corsica Sacra, Geneviève Moracchini Mazel, p. 24)
Le beau visage mélancolique de Santa Lucia
à San Tumasgiu di Pastureccia (Pieve du Rustinu), fresque du début XVI° s.
" Pour la Corse, je suppose que ce culte est venu directement, -les voyageurs allaient d'île en île - (...). Ce pourrait être dès la fin du IV °s., depuis les côtes de Sicile jusqu'à celles de Corse" (idem)
Murato (Pieve du Bevinco) ancienne église conventuelle- Giuseppe Maria Casalta,
peintre corse domicilié à Prunelli di Casaconi (Haute-Corse), actif entre 1687 et 1713.
Cateri (Pieve d'Aregno) Valerio Castello, peintre génois (1624 - 1659: mort de la peste ...): magnifique!
Croce (Pieve d'Ampugnani) Sta Lucia aux pieds de la Vierge de l'Immaculée Conception et aux côtés de san Cesariu di Terracine. Francescu Carli ( "peintre principal de l'école castano-balanine de la fin du XVIIIe siècle, né dans l'état de Lucques vers 1735, actif dès les années 1760 en Corse, il y est mort en 1821." M.E. Nigaglioni)
Ortiporio (Pieve de Casacconi) détail avec Santa Lucia: le coq est là car la toile est consacrée à St Pierre.
Castellare di Mercurio (pieve du Mercurio): la Vierge allaitante avec Ste Lucie.
Santa Lucia di Mercurio (Pieve du Mercurio) (hélas très repeint! dessous, peut-être la main de Marc Antonio De Santis)
Lento, Ste Lucie (détail) peinte par Paul-Mathieu Novellini :
Ce bon peintre Novellini est né à Lento en 1831 ( mort en 1918).
à Pied'Orezza (Pieve d'Orezza) Santa Lucia peinte en 1872 par Alberti (le peintre qui réalise le décor de l'église St Pierre St Paul de Piedicroce): un art populaire et coloré ... Ici Ste Lucie est représentée en pleine "dispute" théologique devant le consul Paschase, barbu et moustachu (pas très règlementaire pour un consul romain!), amenée sous bonne garde par des soldats mauresques d'opérette. A ses côtés, je crois voir ste Agathe (martyre portant sa palme) et derrière elle , peut-être la mère Euthicie.
En Corse, nombre de fontaines lui sont consacrées où l'on va, le jour de sa fête, puiser "l'acqua di Santa Lucia", l'eau de Sainte Lucie, avec laquelle il est conseillé de se laver les yeux. Par ailleurs, toujours en liason avec ses vertus exceptionnelles pour la vue, la clarté, on trouvera des lieux-dits qui signalent sainte Lucie - écoutons ce qu'en dit Geneviève Moracchini-Mazel dans sa Corsica Sacra, p.24 et 25), parlant d'un sanctuaire aujourd'hui disparu, construit à 1.300m d'altitude dans la pieve de Mercurio et qui a donné son nom à la Cima di Santa Lucia:
(...) en tous cas la monachia qui devait se trouver sur la Cima, a des chances d'avoir jouxté une aire de feux destinée à la signalisation"
et plus loin, parlant du Col de Sta Lucia et de sa chapelle ancienne et disparue (restent les arases) , entre Luri et Pino:
Sortie de la Fagec, le 18/05/2008: au Col de Santa Lucia
"Toutefois il y a lieu de supposer qu'à l'origine c'était une monachia, liée à la surveillance des deux mers au moyen de feux de signalisation."
(...) En somme il parait probable qu'en montagne, durant le Haut Moyen-Age, on ait souvent choisi le vocable S. Lucia, en raison de la Lux et de la vue exceptionnelle dont on pouvait bénéficier depuis les sanctuaires."
Santa Lucia a donné son nom à plusieurs villages en Corse : Santa Lucia di Tallà, Santa Lucia di Muriani, Santa Lucia di Mercurio ...
Elle sera donc à l'honneur le 13 décembre dans de nombreux villages ...
(photo M.E. Nigaglioni)
Comme à Ville di Petrabugno: oeuvre magistrale du peintre corse Nicolao Castiglioni, 1628: la Vierge à l'Enfant entre Ste Catherine d'Alexandrie et Sainte Lucie
(à suivre!)Allez, avec Luciano Pavarotti :
http://youtu.be/Gb4jaK1k5BQ
12:13 Publié dans corse, fresques de corse, iconographie des saints, patrimoine populaire de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sainte lucie, santa luci, geneviève moracchini mazel, cateluciano pavarotti, ri, murato, ortiporio, lento, novellini, casalta, fagec | Facebook |
07/10/2011
Comment Lépante s'invite à Aïti ...
Aujourd'hui où l'on célèbre à la fois l'anniversaire de la bataille de Lépante ( 7 Octobre 1571) et la dévotion du Rosaire, je vous invite à découvrir une oeuvre singulière à Aïti (Pieve de Vallerustie) ...
ce village de Castagniccia fièrement implanté dans un paysage à couper le souffle ...
en l'église st Etienne: vous pourrez tout savoir sur Aiti et son église en allant visiter le site amoureusement réalisé par René Casamatta:
http://aitipaese.canalblog.com
Dans cette église étonnante à plus d'un titre, nous allons rencontrer une iconographie bien en phase avec la commémoration d'aujourd'hui:
la Remise du Rosaire, par la Vierge et l'Enfant à saint Dominique et à sainte Catherine de Sienne. Jusqu'ici, rien de bien extraordinaire:
cette dévotion est si coutumière dans nos églises de Corse que l'on finit par s'étonner lorsqu'elle manque. Mais qui donc sont ces personnages énigmatiques représentés au registre inférieur sous ce premier groupe?
A gauche, le Pape Pie V et à droite, le Roi Philippe II d'Espagne, les vainqueurs de la Bataille de Lépante en ce 7 Octobre 1571 qui opposa la flotte chrétienne de la Sainte Ligue ( laborieusement liguée ... ) à la flotte ottomane -
Je vous renvoie à l'oeuvre magistrale de Fernand BRAUDEL: la Méditerranée et le monde méditerranéen et aux pages foisonnantes qui resituent cette immense bataille dans le contexte pour le moins complexe de l'époque - en particulier dans le chapitre "Aux origines de la Sainte-Ligue: 1566 -1570".
Avec, en prélude, l'élection de Pie V, portant sur le trône pontifical le cardinal Ghislieri, "un de ces innombrables fils de pauvres en qui l'Eglise a souvent trouvé, au siècle de la Contre-Réforme, ses serviteurs les plus passionnés."(...). "A cette époque, ce vieil homme chauve, à longue barbe blanche, cet ascète qui n'a plus que la peau sur les os, est cependant d'une vitalité exceptionnelle, d'une activité sans bornes." (Braudel).
Et c'est ce pape visionnaire, vertueux, intransigeant jusqu'à la violence qui, par son ardente conviction qu'il faut mener une nouvelle croisade sans merci contre les Infidèles, va contribuer à l'armement maritime de l'Espagne, sceller le destin de la Chrétienté alors mise à mal en Méditerranée par l'expansion ottomane, bref va arriver à constituer, malgré les intérêts divergents des uns et des autres, une alliance entre Venise (qui vit entre autres du commerce avec l'Empire Ottoman), les royaumes espagnols et les puissances qui leurs sont affiliés, comme la République de Gênes : la prise terrifiante de Chypre (possession de la République de Venise) par les Ottomans en 1570 et le massacre qui l'accompagne convaincra la Chrétienté de l'urgence de cette coalition réclamée par Pie V. La Sainte Ligue est née.
Sainte Ligue où brillera par son absence la (très catholique) France, elle-même alliée des Turcs depuis quelques décennies pour lutter contre l'hégémonie espagnole - alliance ambigüe à laquelle la Corse se trouvera mêlée lors du soulèvement de Sampiero Corso:
" On ne peut pas ( écrit le roi Philippe II ) laisser Sampiero (...) s'emparer de l'île entière, lui, un aficionado de la France qui ferait de la Corse une "scala para los Turcos moros enemigos de nuestra santa fe catholica"...
Revenons-en à nouveau au Rosaire. Pie V, entré très jeune chez les dominicains, voue un culte passionné à la Vierge et au Rosaire. Ce culte s'était développé au siècle précédent sous l'impulsion d'un autre dominicain, Alain de la Roche (1428/1475), qui avait en son temps contribué à la (re)naissance de nombreuses confréries du Rosaire.
Pie V demande donc à toute la chrétienté, pour aider la Sainte-Ligue dans sa croisade, de prier la Vierge du Rosaire et lui attribuera la victoire à l'issue de la bataille de Lépante...
Emile Mâle rappelle (dans l'Art religieux après le Concile de Trente): "Le Sénat de Venise fit inscrire sous un tableau de la bataille de Lépante (...) cette inscription: "Non virtus, non arma, non duces, sed Maria rosarii victores nos fecit" (Ce ne sont ni les armes , ni les chefs, ni le courage, qui nous ont donné la victoire, mais la Vierge du Rosaire)
(Serpotta: la bataille de Lépante et la Vierge du Rosaire, à l'Oratoire du Rosaire, à Palerme).
La dévotion du Rosaire s'était auparavant déjà largement répandue sous l'impulsion de la Contre-Réforme: on avait bon espoir que le Rosaire ayant gagné la bataille contre les hérétiques albigeois, il serait également d'un grand secours contre tous les autres hérétiques - comme les protestants ... ou les Infidèles qui écumaient la Méditerranée.
(Chapelle Sixtine, le Jugement dernier peint par Michel-Ange)
Ce Rosaire était: "une chaîne qui unit la terre au ciel" (sainte Thérèse):
dans l'ensemble de la fresque du Jugement dernier de la Chapelle Sixtine, peint entre 1535 et 1541, quelques années avant l'ouverture du Concile de Trente (1545),
Michel-Ange montre un élu qui tend, pour les hisser vers le ciel, un rosaire à deux autres élus, soulignant ainsi l'importance du culte de Marie (en réponse aux protestants ...)
Une génération plus tard, la bataille de Lépante:
Dans le Golfe de Lépante, non loin de Patras en Grèce, sous le commandement du prince Juan d'Autriche, un tout jeune stratège de 24 ans lors de la bataille de Lépante et demi-frère de Philippe II, la Sainte Ligue aligne ses forces composées par l'Espagne, la République de Venise, les Etats Pontificaux, la République de Gênes (et ses Corses) , le Duché de Savoie, l'Ordre de Saint Jean de Jérusalem. En face d'elle l'Empire Ottoman et ses alliés barbaresques, sous le commandement du kapudan pacha Ali Pacha Moezzin,
qui finira la journée la tête tranchée au bout d'une pique, pour le plus grand effroi des Ottomans ...
Un "recyclage" qui dit en dit long : exposé à Madrid, au Musée de la Marine, cet étendard d'un général des galères espagnoles en 1670, peint sur une voile de galère ottomane prise lors de la bataille de Lépante, un siècle plus tôt.
(Véronèse 1572, Gallerie dell'Accademia, à Venise)
Un an après la bataille, Véronèse peint cette image de ce qui fut bien un carnage d'une violence indescriptible: côté ottoman, 62 galères coulées, 117 galères et 13 galiotes capturées - les Turcs perdent plus de 30.000 tués et blessés, 3.000 prisonniers; 15.000 forçats sont libérés. Côté Chrétiens, perte d'une douzaine de galères, 8.000 morts, 21.000 blessés ... Certes cette bataille est une victoire éclatante des Chrétiens sur les Infidèles, mais à quel prix!
Comme on le sait, Miguel de Cervantès, "le Manchot de Lépante", y perdit l'usage de sa main gauche... On peut penser qu'il eut de la chance - et notre chance, à nous, est qu'il n'y perdit pas la vie. Il passera, après sa capture pendant son retour en 1575 par les Barbaresques, 10 années en captivité à Alger... de quoi, pour le moins, affûter sa volonté de vivre et son sens de l'observation.
Il dira (dans son prologue de Don Quichotte) que la bataille de Lépante fut " le plus grand évènement que virent les siècles passés, présents, et que ceux qui viennent ne peuvent espérer" ...
"Heureux esprits qui francs du voile de la mort, pour le bien que vous fîtes vous vîtes élevés de cette vile terre au plus haut des cieux.
Une fureur, un honorable zèle ont animé vos corps et vous ont fait rougir de votre sang et du sang étranger la mer voisine et le sable des plages.
La vie vous fit défaut, non la valeur, et vos bras fatigués, en retombant vaincus, emportèrent la victoire.
Entre le mur et le fer, une si funeste chute vous acquiert à tout jamais la glore que donne le monde et celle que donne le ciel "
Don Quichotte, Partie I, chapitre XL: ce sonnet est intégré dans le récit du Captif, qui raconte, dans le chapitre XXXIX sa vie et ses aventures - dont sa participation à la bataille de Lépante:
"Et en cette journée -là, qui fut si heureuse pour la chrétienté, parce qu'en cette journée tout le monde fut désabusé de l'erreur où l'on était, croyant que les Turcs fussent invincibles sur mer " ...
Le Pape Pie V instituera, à la suite de Lépante, la fête du Rosaire qui sera désormais célébrée dans toute la chrétienté chaque premier dimanche d'Octobre, en mémoire de la bataille de Lépante.
Si vous pouvez acquérir à la boutique de l'Ina un documentaire déjà bien ancien (1977) sur la bataille de Lépante, vous aurez une idée de ce que fut réellement cette bataille et de ce que vécurent les pauvres bougres galériens enchaînés dans leurs excréments sur les bancs de leurs galères et autres galéasses, toutes origines confondues ... et parmi ces galériens, des corses ...
Revenons à Aïti:
quant au personnage de Philippe II, fils de Charles Quint, Roi d'Espagne en 1571, la Corse génoise de l'époque est sous sa suzeraineté, et de nombreux Cap Corsins vont partir se battre au sein de la Sainte-Ligue:
"à partir de Macinaggio sur quatre galéasses (la Capitana, la Padrona, la Bastarda et la Quarta) armées par les Negroni de Rogliano. A l'issue de la bataille, gagnée par les Chrétiens sur les forces ottomanes de Sélim II, successeur de Soliman le Magnifique mort en 1566, la Vierge foulant aux pieds le croissant ottoman se mit à apparaître sur les drapeaux corses" (in: Les Corses, la Méditerranée et le Monde Musulman, p. 161, douzièmes Journées Universitaires de Bonifacio, Juin 2011éditions Piazzola)
Sur le Rosaire d'Aïti, entre Pie V et Philippe II, l'on a représenté des dévots et des dévotes en prière, et, au-dessus d'eux, un paysage maritime avec une côte battue par les flots: venant de la mer, évocation du danger toujours omniprésent des razzias barbaresques, dont on espère se protéger par l'intercession de la Vierge du Rosaire. Ce qu'elle a fait pour la gloire chrétienne de Lépante, elle peut encore le faire au jour le jour pour les petites gens victimes de coups de main à terre ou sur mer... il faut bien continuer à vivre, cultiver, caboter, commercer malgré le risque ...
(Murato, église du couvent, le Rosaire)
A Murato, l'église conventuelle des franciscains héberge un autre exemple de ce Rosaire accompagnés des vainqueurs de la bataille de Lépante:
st Dominique est aux pieds de la Vierge en compagnie de st Pie V, st Jean-Baptiste,
st François, ste Catherine de Sienne, Philippe II, un roi (?) : cette peinture où couronnes et auréoles sont rehaussées de feuilles d'or est datable des années 1590/1610, donc assez peu de temps après la bataille de Lépante.
D'autres dévotions similaires se trouvent dans les églises de Corse, comme ici à Nonza, ce retable de 1613, date de l'érection de la confrérie du Rosaire:
(Nonza, église sainte Julie, le Rosaire)
La Vierge et l'Enfant, entourés de St Antoine Abbé et st Jean-Baptiste,
remettent le Rosaire à st Dominique, ste Catherine d'Alexandrie (offrant un vaisseau battant pavillon génois), Pie V, Philippe II, Don Juan d'Autriche , la reine Anne d'Espagne etc ...
don Juan d'Autriche: quel beau jeune homme!
... en tous cas un portrait proche des représentations habituelles de ce prince hors du commun, comme ici (à gauche) en compagnie d'autres vainqueurs de la Bataille de Lépante.
Et à Algajola, ce beau Rosaire du XVII°s....
qui présente une scène inquiétante:
Algajola encerclée par seize galères barbaresques
battant le pavillon de l'Islam ...
Je vous renvoie pour toute cette thématique à l'excellent article écrit par Michel-Edouard Nigaglioni dans: "Périls de mer et iconographie dans les églises de Corse", publié dans l'ouvrage collectif: Mer et religion, neuvièmes Journées Universitaires de Bonifacio (mai 2008), éditions Piazzola.
Michel Edouard Nigaglioni que je remercie ici à nouveau pour son aide et ce formidable travail mené patiemment depuis tant d'années pour mettre en lumière le patrimoine artistique et religieux de la Corse.
En appendice ...
A propos des galères de cette époque et plus particulièrement celle de Juan d'Autriche, consultez cet article très intéressant:
Sylvène Édouard « Un songe pour triompher : la décoration de la galère royale de don Juan d'Autriche à Lépante (1571) », Revue historique 4/2005 (n° 636), p. 821-848.
URL :
www.cairn.info/revue-historique-2005-4-page-821.htm.
DOI : 10.3917/rhis.054.0821.
Extrait:
"En 1568, durant les négociations pour la constitution d’une Sainte Ligue, Philippe II ordonna la construction d’une galère royale pour son jeune frère, don Juan d’Autriche, qu’il venait de nommer capitaine général de la mer. L’année suivante, l’humaniste sévillan Juan de Mal Lara élabora le programme iconographique pour la décoration des poupes extérieure et intérieure de la galère. Les décorations renvoyaient au discours messianique des Habsbourg, avec, entre autres, des représentations de la quête de la Toison d’or par Jason. Les tableaux et les statues de la poupe servaient à légitimer l’ambition hégémonique de Philippe II. Toutefois, l’essentiel du programme était destiné au capitaine don Juan pour le guider sur le chemin des vertus, à travers la représentation d’un combat intérieur pour le triomphe des vertus chrétiennes, les seules pouvant vaincre le Turc infidèle".
une galéasse espagnole
hélas, non! ce n'est pas une image de la fameuse Galère royale de don Juan d'Autriche: mais il en existe une reconstitution au Musée de la Marine à Barcelone.
19:48 Publié dans corse, découverte du patrimoine en Corse, Livre, Méditerranée | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bataille de lépante, bataille de lépante et le rosaire en corse, aïti, murato, nonza, algajola, fernand braudel, cervantès, don quichotte et la bataille de lépante | Facebook |
17/02/2011
Où en sont les projets de restauration des chapelles à fresques en Corse?
Mais où en est donc la deuxième tranche de restauration de nos chapelles à fresques ?
(Ped'Orezza: San Tumasgiu et San Matteu)
Lors du Salon du Patrimoine Culturel tenu à Paris au Carrousel du Louvre début novembre 2009, la Collectivité annonçait ainsi les travaux engagés pour sauver et restaurer ce patrimoine insulaire des chapelles à fresques. Je cite:
"Programme de sauvegarde et de restauration des chapelles à fresques insulaires
La Corse dispose d’un ensemble de chapelles à fresques d’une richesse exceptionnelle,
menacé de dégradations irréversibles voire de disparition.
C’est pourquoi, dès 2007, la Collectivité Territoriale de Corse a engagé un ambitieux
programme de sauvegarde et de restauration sur quatorze édifices aux décors monumentaux
conservés datés entre la fin du XIVè siècle (Sainte Marie des Neiges à Brando) et le début du XVIè
siècle (San Tumasgiu di Pastureccia à Castello di Rostino). Ces chapelles, situées sur les
communes d’Aregno, Brando, Calvi, Cambia, Castello di Rostino, Castirla, Favalello, Furiani,
Gavignano, Murato, Pied’Orezza, Pruno, Sermano, Valle di Campoloro seront restaurées d’ici la fin
2010." ( ...)
"La poursuite de la restauration des chapelles à fresques aboutira
fin 2009 à l’engagement de six opérations nouvelles constituant la seconde tranche fonctionnelle
de cet ambitieux programme de sauvegarde du patrimoine insulaire :
❚ l’église de la Trinité d’Aregno
❚ l église Saint Thomas de Pastureccia, à Castello di Rostino
❚ l’église Saint Michel de Castirla
❚ l’église Saint Pantaléon de Gavignano
❚ l’église Saint Michel de Murato
❚ l’église Santa Maria Assunta, à Pruno
La Collectivité Territoriale de Corse assurera la direction des travaux de conservation dont
la livraison est prévue fin 2010."
Si San Quilicu a recouvré ses couleurs,
et sainte Julitte sa grâce mystérieuse,
et si, à la chapelle santa Cristina de Valle di Campuloru, on a démonté depuis longtemps les échaffaudages,
laissant méditer Sant' Ipolito,
et si à San Nicolau de Sermanu, San Michele ...
et la douce Vierge ont aussi retrouvé fraicheur et paix ...
que sont devenus les projets, pourtant bien avancés semblait-il l'an dernier, de restauration de la deuxième tranche ? Espérons que "la crise" ... ou ... "les crises" ... ne feront pas pâtir ces chapelles qui appellent urgemment nos soins ...
A l'occasion de ces restaurations a été installé (février 2007) un Comité Scientifique de l'Opération Chapelles à Fresques - à consulter sur le site:
www.corse.fr/attachment/167588/
"(...)
Création du comité scientifique de suivi de l'opération "Chapelles à fresques"
Dans la suite du rapport d'orientation relatif au patrimoine, voté par l'Assemblée de Corse le 30 juin 2005 à l'unanimité (délibération n°05/109 AC), ainsi que de l'affectation au BP 2006 des moyens relatifs aux travaux de la première tranche de l'opération chapelles à fresques, un comité scientifique de suivi de l'opération "Chapelles à fresques" vient d'être créé.
Ce comité est composé de spécialistes chargés de donner un avis éclairé sur la méthodologie et la procédure d'intervention telles qu'elles sont proposées dans le PAT soumis par l'architecte en chef des monuments historiques, puis d'évaluer la qualité des travaux au fur et à mesure de leur avancement.
pour la CTC, l'intérêt de la création de ce comité est triple:
- la garantie apportée par une caution scientifique plurielle (c'est moi qui souligne)
- le partage d'expériences avec des professionnels hautement qualifiés dans le domaine concerné, et la mise en place d'un réseau européen de spécialistes (c'est moi qui souligne)
- l'élaboration d'un projet de mise en valeur de ce corpus patrimonial, au moyen d'expositions et de publications qui pourront être réalisées avec la participation des membres du comité scientifique.
(...) "
(à suivre)
19:53 Publié dans chapelles romanes corses, corse, fresques de corse, patrimoine des chapelles à fresques en Corse, restauration du patrimoine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : programme de sauvegarde et de restauration du patrimoine des ch, ctc patrimoine, comité scientifique pour les chapelles à fresques, aregno, calvi, cambia, castello di rostino, castirla, favalello, furiani, gavignano, murato, pie'orezza, pruno, sermano, valle di campoloro | Facebook |