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12/03/2013

Michel-Edouard Nigaglioni au Spaziu d'Ile Rousse

 

Echos de la conférence de Michel Edouard Nigaglioni,

Vendredi dernier, 8 mars, au Spaziu d'Ile Rousse, 

Speloncato Ste Catherine Castiglione copie.jpg

Sainte Catherine d'Alexandrie, vue par le peintre corse Nicolao Castiglioni ( né à Castiglione, dans la pieve de la Ghjuvellina, vers 1592 , actif à Bastia entre 1615 et 1651: cf l'Encyclopédie de M.E.Nigaglioni) ) , à Speloncato.

Une dame, venue en avance un peu hésitante à la conférence, m'a demandé si ce ne serait pas trop ardu pour les non spécialistes ... Je l'ai tout de suite rassurée: l'ami Michel-Edouard a enchanté -comme prévu -  son auditoire en présentant avec l'humour et l'inépuisable connaissance qu'on lui connait le patrimoine des peintres actifs en Corse depuis les origines jusqu'à la fin du XIX° s.

Patrimoine d'une grande richesse où cohabitent les artistes corses et européens: Michel-Edouard, un rien chauvin, mais pourrait-on le lui reprocher ? n'a pas manqué de pousser son cocorico chaque fois que les artistes corses étaient à l'honneur, l'objet de ses recherches visant à prouver - contre les avis émis avec persistance par les intellectuels de naguère - que l'art a toujours fait partie intégrante de la vie des corses, en qualité et en nombre. Diaporama à l'appui ... qui complétait l'abondante information contenue dans son" Encyclopédie des peintres actifs en Corse" (édition Alain Piazzola). J'espère que vous aurez d'autres occasions d'entendre ce passeur généreux et amoureux du patrimoine qui sait si bien faire partager sa passion.

Un patrimoine bien diversifié où "petits" et "grands" peintres agissent en Corse au cours des siècles avec leurs talents spécifiques.  Ma tendresse va souvent en particulier vers ces oeuvres minimes, naïves et d'un charme absolu, 

Canavaggia Vierge ZA.S. Benigni blog.jpg

Par exemple celles peintes par Anton Santo Benigni (né en 1797, mort en 1863)  pour nourrir la dévotion des particuliers, comme cette Vierge à l'Enfant en compagnie du petit St Jean-Baptiste,

 

DSCN2168.jpg

(cliché Nigaglioni)

 ou cette craquante petite Ste Vierge berlingo, si proche d'un art populaire indien ...

(à suivre!)

03/03/2013

Conférence de Michel-Edouard Nigaglioni au SPAZIU

Vendredi 8 mars à 18 h, au Spaziu à l'Ile Rousse,

conférence de Michel-Edouard Nigaglioni

sur l'invitation du Spaziu et de l'Association Saladini 


C'est avec beaucoup de plaisir et d'intérêt que nous viendrons écouter ce passionné du patrimoine insulaire: merci à Marie-Noëlle Acquaviva et au Spaziu de l'accueillir en Balagne.


Pour ceux qui ne connaitraient pas Michel-Edouard Nigaglioni:

 

Michel-Edouard Nigaglioni, né en 1964 à Marseille, est issu d’une famille originaire de Morsiglia, dans le Cap Corse. Historien de l’art, il est diplômé de l’Université de Provence et de l’Université de Corse ; il s’est spécialisé dans la peinture corse de la période baroque. Directeur du Patrimoine de la Ville de Bastia, et Conservateur Délégué des Antiquités et Objets d’Art du Département de la Haute-Corse, il est l’auteur de nombreux articles publiés dans des revues historiques ou des catalogues d’exposition, publiés en France et en Italie. Il est l’auteur de notices biographiques concernant des peintres corses publiées dans l’Encyclopaedia Corsicae (2004), le Dictionnaire historique de la Corse (2006) et l’Encyclopédie Bonneton – Corse (2006). Il vient de publier récemment aux éditions Alain Piazzola une Encyclopédie chronologique illustrée des peintres, dessinateurs et graveurs actifs en Corse, des origines à la fin du XIXe siècle. Cet ouvrage de 372 pages fait la synthèse de 18 années de recherches menées dans les archives, les musées, les églises, les collections particulières et les demeures privées.

 

***

 

J'avais fait l'annonce (ci-dessous) de la parution de son Encyclopédie en décembre 2012 : un ouvrage essentiel à acquérir impérativement, si vous ne l'avez pas encore fait!

 

 

 

La nouvelle qu'on attendait avec impatience:

Encyclopédie  des peintres recto.jpg

  l'Encyclopédie des peintres actifs en Corse  de Michel-Edouard NIGAGLIONI vient enfin de sortir en librairie, une somme et un très bel ouvrage édité par Alain Piazzola, qui couronne d'innombrables années d'études et de recherches de notre infatigable ami historien de l'art .

Encyclopédie verso.jpg

Une prouesse et une mine de renseignements pour tous ceux qui s'intéressent à l'expression artistique en Corse et à ses créateurs, que ce soit dans le patrimoine public ou privé.Merci, cher Michel-Edouard, de ce beau cadeau de fin d'année, à consommer et à offrir sans compter!

Nous manque seulement la note biographique de Monsieur ANONYME, né il y a déjà tant de siècles, et toujours vaillant en plein XIX°, omettant d'apposer sa signature sur les chemins de croix populaires des petites églises ou les ex-votos, bref, un artiste humble et protéiforme, toujours prêt à mettre son pinceau ou sa gouge au service de la communauté, parfois bien inspiré, et malgré quelques maladresses, toujours efficace.



Encyclopedie des peintres corses.pdf

26/06/2009

Murato, suite 12 : San Michele et l'homme armé

 

San Michele et l' Homme armé de Murato

( note du 8/5/09) 

Aujourd'hui 8 mai Murato célèbre la fête de son Archange San Michele: "victoriosus, princeps militiae caelestis, pugnat cum dracone".

Saint Michel/Michael, chef des milices célestes, des armées de Yahvé  qui apparaît à Josué près de Jéricho, précède le peuple d'Israël lors de l'exode, l' archistratège du royaume céleste, le champion infatigable de la lutte contre les forces du Mal, celui qui précipite les anges rebelles dans l'abîme, celui qui sauve la Femme de l'Apocalypse qui vient d'accoucher (la Vierge et l'Eglise) en remportant la victoire sur le dragon à sept têtes... Mais aussi, le grand saint psychopompe, celui qui, à la suite d'Anubis, d'Hermès, de Mercure, conduit les âmes et, le jour du Jugement dernier, les pèse.

Aregno San Michele blog.jpg

Aregno: fresque  de San Michele terrassant le Dragon et pesant les âmes; malheureusement les fresques qui ornaient les murs intérieurs de l'église San Michele de Murato ont presque entièrement disparu: on ne peut qu'imaginer un Saint Michel aussi magnifique que celui-ci...)

 
statue San Michele de Murato.jpg
C'est sa statue qui, sortant de l'église paroissiale de Murato, a pris ce matin le chemin de l'église San Michele... Je n'ai malheureusement pas pu assister à ces festivités aujourd'hui, mais je me joins aux amis de Murato par cette petite note sur St Michel, si présent dans nos églises. A Murato, cette date du 8 mai célèbre son apparition , le 8 mai 492 sur le Monte Gargano, promontoire  de l'Adriatique en Apulie. En voici le récit (Iconographie de l'Art chrétien, de Louis Réau):
    "Un certain Garganus, ayant vu un des taureaux de son troupeau s'échapper dans une caverne de la montagne, le poursuivit et lui décocha une flèche. Mais, au lieu de frapper le taureau, elle se retourna contre lui.
    L'évêque de Sipontum (Manfredonia), étonné par ce prodige, ordonna un jeûne de trois jours au bout desquels saint Michel apparut à l'entrée de la caverne et déclara que cette grotte serait dorénavant son sanctuaire."
    Le Mont Saint Michel, en Normandie,  partage une origine presque identique.
 
    La plupart des sanctuaires consacrés à l'Archange sont construits sur les sommets (comme le Saint Michel de l'Aiguille du Puy), ou dans le Campu Santu, l'espace cimétéral. Quand on sait qu'à Murato, un peu plus loin vers l'est, on a découvert sur le Monte à Lucciana un grand funérarium de l'âge du fer : "a Grotta di a Regina" ( la sépulture de la Reine), qui a connu plusieurs campagnes de fouilles et a livré un important matériel en cours d'étude au Musée de Sartène (merci à l'équipe de Murato: messieurs Magnan, Giacomoni, Grazziani pour leurs renseignements inépuisables...), on peut se dire que l'ensemble de ce site montre une permanence certaine dans sa fonction!
Monte Lucciana blog.jpg
("a Grotta di a Regina", Teppa à Lucciana)
    Toujours est-il que St Michel est un Ange bien armé qui ne cesse de ferrailler contre son adversaire de toujours:
Zilia, diable blog.jpg
comme ici, maîtrisant Satan à Zilia,
Piedigriggiu St Michel blog.jpg
ou ici, à Piedigriggiu, avec ce méchant petit Diable en position foétale et à sale tête cornue,
confrérie-corbara-002 BLOG.jpg
 
ou encore là, à la confrérie de Corbara, frais et rose, et étripant un vilain démon noir...
Toujours est-il que l'église San Michele de Murato me parait  fortement masculine: pas d'image clairement sculptée de la Vierge Marie, une Eve (sur la scène du Péché originel) peu féminine; nous avons à faire à un univers plutôt mâle, comme l'est celui des seigneurs locaux Cortinchi en leur fief de Lorecta tout proche, visité l'autre jour en compagnie de messieurs Magnan et Grazziani:
Lorecta ruine.jpg
(ruines de Lorecta)
    Aussi ne faut-il pas s'étonner de rencontrer sur le mur nord de San Michele de Murato ce dynamique petit personnage, virile image d'un guerrier en mouvement, tenant d'une main un glaive et de l'autre?  Un olifant? à moins qu'il ne s'agisse d'un volumen? Nu, menaçant et plein de promesse: si l'on ôte la vie il faut aussi savoir la donner... La mâle attitude de l' "Homme armé". Comme dit cette chanson célèbre de la Renaissance: "L'homme armé, l'homme armé doibt-on doubter. On a fait partout crier, Que chacun se viengne armer, d'un haubregon de fer (...)".
De cette chanson on a tiré une quarantaine d'oeuvres portant le nom de "Missa l'homme armé"  et certains exégèses y voient l'évocation de l'Archange St Michel... (il est vrai que l'Archange Gabriel, dans les scènes d'Annonciation, donne davantage un sentiment de douceur angélique...)
Toujours est-il que cet homme là a tous les attributs d'un fier Seigneur des Armées, solidement outillé et bien décidé à faire règner sa Loi, la vigueur sexuelle garantissant la vigueur du gouvernement.
San Michele, lieu de pouvoir religieux et féodal.
 
 
 
 
 
 
 
l'homme armé blog.jpg
(à suivre)
 
 
 

Murato, San Michel (suite 10)

 

                                                                                       

 L'ARBRE ET LA CROIX

(note du 12/4/09)

(suite de la note 9 sur la vigne: petite méditation de Pâques)

Murato arbre mur nord.blog jpg.jpg
"l'Arbre de Vie"
Prologue en amont de ce dimanche de Pâques.
Genèse (traduite par CHOURAQUI)
"Ils sont achevés, les ciels, la terre et toute leur milice.
Elohîm achève au jour septième son ouvrage qu'il avait fait.
Il chôme, le jour septième, de tout l'ouvrage qu'il avait fait.
Elohîm bénit le jour septième, il le consacre (...)
Tout buisson du champ n'était pas encore en terre,
toute herbe du champ n'avait pas encore germé:
oui IHVH Elohîm n'avait pas fait pleuvoir sur la terre,
et de glébeux, point, pour servir la glèbe.
Mais une vapeur monte de la terre,
elle abreuve toutes les faces de la glèbe.
IHVH Elohîm forme le glébeux - Adâm, poussière de la glèbe -Adama.
Il insuffle en ses narines haleine de vie:
et c'est le glébeux, un être vivant.
IHVH Elohîm plante un jardin en Edèn au levant.
Il met là le glébeux qu'il avait formé.
IHVH Elohîm fait germer de la terre tout arbre
convoitable pour la vue et bien à manger,
l'arbre de la vie, au milieu du jardin
et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
Un fleuve sort de l'Edèn pour abreuver le jardin
(...)
IHVH Elohîm prend le glébeux et le pose au jardin d'Edèn,
pour le servir et pour le garder.
IHVH Elohîm ordonne au glébeux pour dire:
"De tout arbre du jardin, tu mangeras, tu mangeras,
mais de l'arbre de la connaissance du bien et du mal,
tu ne mangeras pas,
oui, du jour où tu en mangeras, tu mourras, tu mourras."
(...)
Le destin de l'humanité est scellé. Dieu sait.
Dieu sait comment tout cela doit finir!
En attendant, il faut mettre en marche l'histoire de l'homme.
Eden.jpg
(Jérome Bosch: le Jardin des délices)
 ... S'ensuit la création de la femme, tirée du côté d'Adam (et non de sa côte):
"il colle à sa femme et ils sont une seule chair.
Les deux sont nus, le glébeux et sa femme: ils n'en blêmissent pas."
L'Arbre de la Vie se dresse au milieu de l'Eden. Arbre cosmique, pivot et centre de l'univers, échelle parfaite pour une ascension vers l'immortalité: Adam et Eve n'auront pas le temps d'y goûter, leur humanité qui les élève à la verticalité, la tête vers le ciel, les conduit aussi avec un instinct irrémédiable vers l'Arbre de la Connaissance du bien et du mal, celui dont il ne fallait surtout pas manger les fruits, sous peine de mourir. Mourir? Qu'est-ce que cela pouvait bien dire, dans ce Jardin de l'Eden, comment auraient-ils pu seulement concevoir la mort, ces pauvres innocents? Quant au bien et au mal...?  Leur nudité est  légère, lumineuse, sans arrière-pensée, de même leur union: "ils sont une seule chair" . UN à l'image de Dieu. "Res simplex", la chose simple.
Ils ne savent pas ce qui les attend un peu plus loin dans le jardin, pas plus que l'arbre de vie ne connait sa destinée, cet arbre solaire aux racines obscures qui deviendra le bois de la croix, le jour de la Passion du Christ, arbre de mort conduisant à la rédemption des hommes: je vous dis cela parce qu'aujourd'hui les chrétiens fêtent Pâques, la résurrection, la renaissance de la lumière après l'épreuve des ténèbres...
Donc Adam et Eve ne savent pas encore. En fait ils ne savent pas grand chose les pauvres petits, sinon que les fruits de ce jardin sont délectables à regarder et à manger . Adam a sans doute appris à Eve l'interdit qui pèse sur l'arbre de la connaissance du bien et du mal, et en bons enfants qu'ils sont, ils ne s'interrogent pas sur la signification du bien et du mal et ne se sentent même pas frustrés (la psychanalyse n'est pas encore inventée, mais ça ne saurait tarder).
Quand soudain, au détour d'un bosquet...
tentation blog.jpg
(Murato: la Tentation, mur Nord)
... un bel arbre ressemblant fort à l'arbre de vie s'élève dans une prairie souriante. Ses fruits semblent être des figues, mûres à souhait. Aucun écriteau ne signale qu'il s'agit du fameux arbre de la connaissance, et quand bien même il y en aurait un, ils ne savent pas lire, pauvres petits.
 
A dire vrai, j'ai beau relire la Genèse, je ne sais toujours pas comment nos ancêtres devaient reconnaître ces deux arbres: sans doute que Dieu leur a fait faire le tour du propriétaire avant de les poser là et leur a montré les deux plus beaux arbres du jardin. Un grand serpent s'est enroulé autour du tronc, il se balance entre les branches. Moi qui sais la suite, je voudrais crier à Eve: méfie-toi du serpent! Si seulement je pouvais lui montrer ce monstre qui guette au-dessus de cette scène, gueule ouverte et narines dilatées, un vrai gouffre infernal...
Mais le drame se noue inexorablement dans la pierre:
"Le serpent était nu,
plus que tout vivant du champ qu'avait fait YHVH Elohîm.
Il dit à la femme: "Ainsi Elohîm l'a dit:
"vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin" ..."
(Une pareille mauvaise foi!)
"La femme dit au serpent:
"Nous mangerons les fruits des arbres du jardin,
mais du fruit de l'arbre au milieu du jardin, Elohîm a dit:
"Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas,
afin de ne pas mourir". "
Le serpent dit à la femme:
Non vous ne mourrez pas, vous ne mourrez pas,
car Elohîm sait que le jour où vous en mangerez
vos yeux se dessilleront et vous serez comme Elohîm,
connaissant le bien et le mal."
La femme voit que l'arbre est bien à manger,
oui, appétissant pour les yeux,
convoitable, l'arbre, pour rendre perspicace.
Elle prend de son fruit et mange.
Elle en donne aussi à son homme avec elle et il mange.
Les yeux des deux se dessillent, ils savent qu'ils sont nus."
Ici curieusement Eve est ce personnage plutôt androgyne, sans marque de féminité, qui tend une main vers le serpent et se cache le sexe de l'autre, comme si le sculpteur avait voulu évoquer dans ce seul personnage le couple humain fusionnel au moment de sa chute, c'est-à-dire de son arrachement à l'unité divine. Où de 1 l'on passe à 2. C'est la première expérience de la mort.
Cambia péché originel blog.jpg
(tympan de la porte ouest de San Quilicu, à Cambia, la scène du péché originel: la"chute" de l'homme est évoquée, me semble-t-il par la chute des deux étoiles stylisées: cf les notes sur San Quilicu de Cambia des 28/1, 31/1 et 6/2 2008)
 
Ce thème de l'Arbre  et de la Croix, si profondément relié à Pâques, se retrouve magnifiquement imagée sur le mur nord de l'église de la Trinità d'Aregno, en Balagne: à droite, sans doute, l'Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, évoquant la chute d'Adam et Eve, et, à gauche, l'Arbre de Vie qui fournit le bois de la Croix.
 
L'Arbre, redisons-le, est une échelle qui plonge ses racines au plus profonds de nos ténèbres intérieures et tend ses branches vers le ciel. Une histoire "d'ascension", le symbole du haut (le monde céleste, la valeur positive) et du bas (le monde infernal, la valeur négative) se retrouvant constamment illustré dans l'art roman: le spirituel s'illustre par le monde céleste de l'oiseau, le charnel par le monde rampant du serpent... Dans ce contexte précis, voyez comme la Croix est une échelle posée sur, non plus enracinée, toute dirigée vers le monde céleste: "haec est scala peccatorum" (Adam de Saint Victor)
Aregno arbre et croix.jpg
 
( L'Arbre et de la Croix entrelacés, à Aregno, église de la Trinità, la soeur granitique de San Michele de Murato)
 
Le chemin parcouru entre les deux va reconduire à l'unité de ce qui était divisé. Nous retrouvons alors pour les chrétiens la symbolique alchimique du Cantique des Cantiques. Unité mystique de l'Epoux (Sponsus) et de l' Epouse (Sponsa), de "l' âme du Christ (anima Christi) vivant dans le corps mystique ( corpus mysticum) de l'Eglise" (C.G.JUNG, Psychologie du transfert).
 
(à suivre)

Murato (suite 8): le Cantique des Cantiques

Conjonction conjugale
petite suite de la note précédente, où je fais le choix de la rencontre conjugale, source de fécondité spirituelle.
 
Dans la pensée chrétienne, l' Epoux évoque le Christ, et l'Epouse, l'âme ou l'Eglise.
 
couple humain.jpg
 
Le Cantique des Cantiques.
 
PROLOGUE
 
" Qu'il me baise des baisers de sa bouche.
Tes amours sont délicieuses plus que le vin;
L'arôme de tes parfums est exquis,
ton nom est une huile qui s'épanche,
c'est pourquoi les jeunes filles t'aiment.
Entraîne-moi sur tes pas, courons!
Le Roi m'a introduite en ses appartements;
tu seras notre joie et notre allégresse.
Nous célèbrerons tes amours plus que le vin;
comme on a raison de t'aimer!"
 

DIALOGUE DES EPOUX

"Tandis que le Roi est en son enclos,

mon nard donne son parfum.

Mon Bien-Aimé est un sachet de myrrhe,

qui repose entre mes seins.

Mon Bien-Aimé est une grappe de cypre,

dans les vignes d'En-Gaddi." (...) (premier poème)

L'EPOUX:

(...) "Elle est un jardin bien clos,

ma soeur, ma fiancée;

un jardin bien clos,

une source scellée.

Tes jets font un jardin de grenadiers

et tu as les plus rares essences:

le nard et le safran,

le roseau odorant et le cinnamone,

avec tous les arbres à encens;

la myrrhe et l'aloès,

avec les plus fins aromes.

Source qui féconde les jardins,

puits d'eau vive,

ruisseau dévalant du Liban!

L'EPOUSE:

Lève-toi, aquilon,

accours, autan!

Soufflez sur mon jardin,

qu'il distille ses aromates!

Que mon Bien-Aimé entre dans son jardin;

qu'il en goûte les fruits délicieux!

 

L'EPOUX:

J'entre dans mon jardin,

ma soeur, ma fiancée,

je récolte ma myrrhe et mon baume,

je mange mon miel et mon rayon,

je bois mon vin et mon lait.

Mangez, amis, buvez,

enivrez-vous, mes bien-aimés!"

(troisième poème)

Je cite Marie-Madeleine DAVY (Initiation à la symbolique romane (XIIème siècle), Champs histoire), citant ici elle-même St Bernard:

"Si le mariage charnel - dira Bernard - unit deux êtres en une seule chair, l'union spirituelle les unit en un seul esprit (Sermon VIII,9). "Tu as conçu -dira l'Epoux à l' Epouse - tes seins sont gorgés de lait" (Sermon IX,7). L'Epouse est fécondée quand l'âme possède l'expérience de Dieu, un "flot de lait" coule dans son sein(id.), par son exhortation et sa compassion elle abreuve de nombreux nourrissons (Sermon IX, 8)

Un seul point commun se présente entre l'homme charnel et l'homme spirituel: ils ne sont jamais rassasiés."

(...) La réalité du symbole roman implique la connaissance, l'amour, l'union, la fécondité.

Le symbole conjugal s'ouvre sur une perspective eschatologique dans laquelle l'unité s'ébauche avant d'être parfaitement réalisée. Seront unis l'extérieur et l'intérieur de telle sorte qu'il n'y aura plus ni extérieur ni intérieur, ni masculin, ni féminin."

Je vous invite à retrouver ce beau texte très inspiré de M.M. Davy

( éditions Flammarion)

Murato motifs oiseaux est blog.jpg