Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/11/2012

Sainte Cécile et le Roi David en Corse patrons de la musique sacrée

le 22 novembre on fêtait

Sainte Cécile de Rome

 

http://youtu.be/fkxZZFEAkiM

http://youtu.be/vhIA3RcrLYk

comme on le sait, patronne de la musique sacrée, des organistes et des facteurs d'orgue, tâche qu'elle partage fort souvent et bien volontiers  avec son collègue de l'Ancien Testament, le Roi David, du moins sur les tribunes et les volets d'orgues de Corse, et ce, souvent avec une verve toute populaire ...

 

Zilia Orgue Saladini 1831  blog.jpg

à Zilia (Balagne), du haut de la belle tribune d'Aton Giuseppe Saladini, peints sur les volets de l'orgue ( (Saladini 1831) ,Sainte Cécile et le Roi David veillent sur la destinée de la  "Musica sacra" au village:

 

Zilia volet d'orgue ste Cécile.jpg

Cécile , drapée dans sa dignité de vierge martyre des premiers âges, s'appuie sur "son" orgue,

Zilia le Roi David.jpg

tandis que le Roi David assure, le regard inspiré ( du moins je veux bien le croire) et affublé d'un costume à l'antique d'opéra,  une main sur le coeur, l'autre tenant sa harpe biblique . Bref, ils  se donnent à voir avec toute l'intention adéquate ... et la meilleure bonne volonté du moment, 

Zilia  volets ouverts.jpg

avant que ne s'ouvrent les ailes de la musique:

 hélas, aujourd'hui l'orgue n'est pas au mieux de sa forme et j'imagine sans peine la déception de ses saints patrons !


 

Corbara orgue volets fermés blog.jpg

 A Corbara (Balagne), peints sur les volets de l'orgue Saladini (début XIX°)/ Agati-Tronci,  (1890)

Corbara volets ste Cécile et le Roi David.jpg

  Francesco Giavarini peint sa Sainte Cécile enturbannée en compagnie du Roi David en 1819  : à nouveau d'un côté la harpe pour David ( l'Ancien Testament), de l'autre l'orgue pour Cécile ( le Nouveau Testament).

Cette représentation de Cécile jouant de l'orgue, semble reposer sur un contresens. Voici ce qu'en dit Louis Réau dans son Iconographie de l'Art Chrétien ( cet ouvrage précieux et convoité, édité en 1958 aux Presses Universitaires de France, malheureusement aujourd'hui épuisé ):

   "On lisait en effet dans la  Passio légendaire de sainte Cécile la phrase suivante: " Cantantibus organis, Caecilia in corde suo soli Domino decantabat, dicens: Fiat cor et corpus meum immaculatum"; ce qui veut dire : " Pendant qu'on conduisait Cécile, le jour de ses noces, dans la maison de son fiancé au son des instruments de musique, c'est Dieu seul qu'elle invoquait dans son coeur pour lui demander la gâce de conserver son coeur et son corps sans tâche."

   Ainsi  non seulement , si l'on interprète correctement ce passage, Cécile n'est pas elle-même musicienn, elle ne joue ni de l'orgue ni d'un instrument quelconque; mais elle ferme ses oreilles à la marche nuptiale exécutée en son honneur pour concentrer sa pensée sur Dieu seul et implorer la sauvegarde de sa virginité. Elle aurait été plutôt mélophobe que mélomane.

    Comment, dans ses conditions sainte Cécile a-t-elle pu passer pour une amie de la musique? C'est parce que l'antienne extraite de sa Passio, en détachant les mots : cantatibus organis et en supprimant in corde suo a dénaturé le sens de la phrase : on a compris que Cécile chantait au son des instruments ou même en s'accompagnant de l'orgue. En réalité organa ne signifie pas orgues et decantabat doit être pris au sens figuré.

   La fable de sainte Cécile musicienne et son patronage usurpé de la musique religieuse aurait donc une origine liturgique."

 

Quant à l'orgue antique, pourquoi pas, puisque notre Cécile est une sainte du II° ou III° siècle après J.C. et que l'on attribue à l'ingénieur alexandrin Ctésibios, au III° siècle avant J.C. la paternité de l'invention du premier orgue hydraulique ...

Voir à ce sujet  l'excellent article consacré à l'orgue hydraulique antique sur le site:  www.unicaen.fr/puc/ecrire/preprints/preprint0022005.pdf


Revenons à Corbara: la tradition veut que Davia Franceschini, Sultane du Maroc, ait prêté ses traits à Sainte Cécile : et le Roi David? Peut-être inspiré du Sultan Sidi Mohammed ben Abdallah, son royal époux ? En tous cas, voilà une bien belle histoire dont ne sont pas peu fiers nos amis de Corbara!

Extrait du site de Curbara:

" Marthe FRANCESCHINI, dite Davia FRANCESCHINI, Sultane du Maroc (1756-1799) :

Davia Franceschini

 

Alors qu’ils cultivent leurs champs près de la mer, Jacques-Marie FRANCESCHINI, son épouse Silvia MONCHI sont capturés, quelques mois après leur mariage, par des pirates tunisiens. Nous sommes en 1751. Conduits à TUNIS, ils sont achetés par l’intendant du DEY pour le compte de son maître. Surveillant des esclaves du DEY, Jacques-Marie gagne sa confiance, se révélant un bon administrateur, ce qui lui permet de se constituer une belle fortune. Il apprend un jour qu’un complot se trame pour assassiner le DEY et après hésitations, se décide à le lui révéler. Pour le remercier, celui-ci lui fait de riches cadeaux et lui rend sa liberté.

Au cour de leur séjour à TUNIS, les époux FRANCESCHINI ont une fille, née le 25 avril 1756, baptisée le 29 du même mois par le Frère Stephanus Antonius, capucin de Gênes, préfet et provicaire apostolique de la mission de Tunis et des lieux voisins. (acte de baptême rédigé et paraphé par le père Stéphanus Antonius).

Libres, les époux FRANCESCHINI et leur fille Marthe quittent la Tunisie pour rentrer en Corse. Au cours du voyage, ils sont enlevés par des Marocains qui les conduisent dans leur pays. Ils sont vendus comme esclaves au Sultan Sidi Mohammed ben Abdallah qui confie à Jacques-Marie la direction des travaux du jardin impérial à Marrakech. Jacques-Marie a l’idée de faire parvenir au Sultan, un mémoire relatant le fait qu’il est sujet du Bey de Tunis à qui il a sauvé la vie et qu’il ne peut être considéré comme un étranger. Il est reçu par le Sultan devant lequel il se rend avec sa femme et ses deux enfants, Marthe et Vincent (Né à Marrakech le 29 novembre 1759).

Le Souverain est « impressionné par la grande beauté, la grâce et l’esprit » de la jeune Marthe » au point « d’ordonner qu’elle soit immédiatement emmenée pour faire l’ornement du sérail ». Marthe a alors 7 ans.

Jacques-Marie, son épouse Silvia et son fils Vincent regagnent la Corse. Leur troisième enfant, Augustin, naîtra à CORBARA. Il ne supporte pas toutefois l’absence de Marthe dont la présence au harem du Sultan est pour lui la pire des injures. Il conçoit donc le projet de retourner au Maroc. Il demande même l’aide de Pascal PAOLI qui lui conseille de « laisser sa fille suivre sa destinée ». Il arme un navire avec un équipage et part pour le Maroc. Le destin veut qu’il meurt au Maroc, à Salé, atteint de la peste.

Marthe est obligée de se convertir à l’Islam et reçoit le nom de DAWIYA (DAVIA). Le sultan dit d’elle qu’elle est « La plus belle rose de son harem ». Il apprécie en elle « la fraîcheur, le charme et la vivacité d’esprit ». En 1786, elle devient sa femme légitime, et Première Sultane. Dans son village, en CORSE, on la dit « IMPERATRICE DU MAROC ».

La beauté légendaire de DAVIA suscite beaucoup de jalousies. Le Sultan lui demande même de suivre des cours de droit coranique et obtient le diplôme de Talba (licenciée en droit), ce qui est quasiment unique à l’époque. Il la charge même « de la correspondance avec les cours européennes » et l’admet « à son conseil privé ». Son influence est immense sur la politique intérieure et extérieure du Maroc et a un grand ascendant sur les populations musulmanes. Elle a entretenu une correspondance avec la Reine d’Espagne et les deux femmes ont procédé à un échange de portraits.

La Sultane se considère comme française et décide le souverain d’entrer en relation avec NAPOLEON, se disant fière qu’un corse soit souverain des Français.

Plus tard, DAVIA souhaite revoir sa famille. Son époux accéde à sa demande, et des envoyés du Sultan sont dépêchés à CORBARA, chez la veuve de Jacques-Marie à qui on remet une lettre de sa fille lui demandant de rejoindre le Maroc. La mère de DAVIA n’a aucune hésitation, et après intervention de Monsieur Chiappe, Consul de Venise au Maroc, LOUIS XVI charge le Vicomte Dubarin de Pélivier, Consul de France à Tanger, de délivrer les passeports nécessaires au voyage de la famille FRANCESCHINI. Ils sont reçus à la cour chérifienne « avec tous les honneurs dus aux princes de la famille impériale ». Ils s’installent dans la ville de LARACHE où DAVIA se serait retirée après le décès de son époux, Sidi Mohammed Ben Abdallah.

DAVIA meurt à LARACHE en 1799. Sa mère meurt dans cette même ville le 19 janvier 1811.

DAVIA a eu une fille, morte à l’âge de quatre ou sept ans.

Vincent FRANCESCHINI, son frère, sur intervention du Roi Moulay Sliman auprès de Premier Consul, est nommé Consul de France à Mogador. Après 1804, il se retire en CORSE, dans le village de CORBARA où, « avec l’argent gagné au service du Directoire et grâce aussi aux cadeaux de sa sœur et du Sultan, il fait construire une maison, située près de l’église, et qui est appelée « A CASA DI I TURCHI ».

Augustin FRANCESCHINI le dernier des frères de DAVIA, est né à CORBARA en 1772. Après quelques années de vie dans ce village, il part à PORTO-RICO en février 1829."


DSC_0147.JPG

A Palasca (Balagne), sous le regard impavide de Jeanne d'Arc (!), l'orgue d'A.P. Saladini (1833) sur sa  tribune du papa Anton Giuseppe Saladini,

Palasca Ste Cécile et le roi David.jpg

se place lui aussi sous la protection de Ste Cécile et du Roi David, peints en médaillons sur les volets.

Sant Antonino orgue tribune et buffet.jpg

A Sant' Antonino, sur la magnifique tribune baroque peinte par Vicente Suarez en 1789, trône l'orgue Pomposi aujourd'hui vide, et construit à l'origine pour le couvent de Marcassu tout proche:

 

 

ste cécile,le roi david,tribunes et volets d'orgues peints en corse,psaumes de david,davia,corbara,zilia,sant antonino,speloncato,piedigrisgio,castiglione,san martinu di lota,lozzi,ochjatana,palasca,pianellu

(les panneaux peints avant leur réinstallation sur le buffet)

 le concert mystique de Sainte Cécile,

en compagnie des anges musiciens,

et toujours par la main élégante de Vicente Suarez ...

 

DSCN5981.JPG

A Piedicroce,  les volets de l'orgue vénérable de Spinola (1619)

 

Piedicroce orgue Spinola 1619 volets repeints XIX°Ste Cécile et le Roi David .jpg

accueillent aussi nos deux saints patrons, maladroitement et fortement repeints au XIX° siècle après le transfert en 1844 de la cathédrale Ste Marie de Bastia à St et St Paul de Piedicroce:

Piedicroce orgue Spinola  volets ouverts.jpg

En vérité, et si je puis me permettre,

le ramage vaut mille fois mieux que le plumage!



 

6328356.jpg

(photo de Michel-Edouard Nigaglioni)

à Lozzi (Niolu), sur le rideau cachant un orgue désormais vide (on m'a raconté que les tuyaux ont naguère été joués aux cartes !) le Roi harpiste joue en duo

 

6270456.jpg

avec Ste Cécile, non plus à l'orgue mais à la cetera (ce bel instrument traditionnel de la Corse, de la famille des cistres) , cette fois-ci!

Peinture de Desanti (1824-1892).


Ochjatana orgue Luiggi de Ferrari 1839 et tribune Fabio Lecca blog.jpg

à Ochjatana (Balagne), sur la tribune signée de Fabio Lecca, l'orgue de Luiggi de Ferrari (1839) ,

Occhiatana orgue détail ste Cécile blog.jpg

cette jolie peinture de notre Ste Cécile à l'orgue entourée de dévots: le peintre (?) se serait-il représenté en bas à gauche ?

 

ste cécile,le roi david,tribunes et volets d'orgues peints en corse,psaumes de david,davia,corbara,zilia,sant antonino,speloncato,piedigrisgio,castiglione,san martinu di lota,lozzi,ochjatana,palasca,pianellu

A Pioggiola (Ghjunsani), la tribune (1814) de l'orgue d'A.P. Saladini (1844)

ste cécile,le roi david,tribunes et volets d'orgues peints en corse,psaumes de david,davia,corbara,zilia,sant antonino,speloncato,piedigrisgio,castiglione,san martinu di lota,lozzi,ochjatana,palasca,pianellu

accueille sa Ste Cécile sage comme une image

 

ste cécile,le roi david,tribunes et volets d'orgues peints en corse,psaumes de david,davia,corbara,zilia,sant antonino,speloncato,piedigrisgio,castiglione,san martinu di lota,lozzi,ochjatana,palasca,pianellu

Et à Omessa, voisine de Corte, la pauvre petite Ste Cécile se sent désormais  bien solitaire sur sa tribune muette et vide ...

 

 

Speloncato orgue Crudeli volets ouverts blog.jpg

Quant à Speluncatu,

l' organiste de Speloncato blog.jpg

notre petite organiste Ste Cécile, peinte comme tout cet ensemble  par l'énigmatique Grunwaldo Graffini, s'est modestement nichée dans le coin gauche sur la conque de la somptueuse tribune d'A.G. Saladini de l'orgue Crudeli de la Collégiale (1810) ,

Speluncato volets fermés blog.jpg

cédant au Roi David la place de choix sur les volets:

Speloncato le Roi David volet détail.jpg

si, si, c'est bien lui, même s'il est imberbe, 

je reconnais sa harpe et tout le decorum!

Piedigriggio orgue.jpg

à Piedigrisgio (Ghjuvellina),

sur le petit orgue anonyme,

orgue de Piedigriggio Roi David.jpg

un peu trop ripoliné,  c'est toujours lui,

revêtu de pourpre et d'hermine comme un vieux Roi

sur les buvards de mon enfance

il accompagne la mélopée de ses Psaumes:

 

avec Darius Milhaud:

http://youtu.be/gPqfoq4Gd4Y

***

castiglione tribune ste Cécile.jpg

A Castiglione (Ghjuvellina), dans la petite église on aurait bien aimé avoir un orgue: la  tribune (mi- XIX° s.) abrîte un vieil harmonium sous la protection de Ste Cécile, du Roi David et de St Antoine de Padoue

Castiglione ste Cécile blog.jpg

au centre, notre Cécile, porte un bien joli turban.

Corte orgue sta Croce.jpg

Le même peintre réalise des années plus tard le décor de la tribune du petit orgue anonyme de la confrérie Santa Croce de Corte: cet orgue vient d'être relevé par Jean-François Muno et l'église va prochainement faire l'objet d'une restauration devenue urgente, comme on le voit ici ...



Mais l'on rencontre également Sainte Cécile en dehors des tribunes d'orgues:

 

San Martinu di Lota Ste Cécile Michel  Ames du purgatoire.jpg

Comme ici, peinte par Marc-Antoine de Santis (XVII° s.) à San Martinu di Lota (Cap Corse): elle intercède en compagnie de St Michel pour les âmes du Purgatoire,

San Martinu di Lota Ste Cécile Michel  Ames du purgatoire détail orgue.jpg

tant est grand le pouvoir de la foi et de la musique: elle tient à la main la palme de son martyre et un petit orgue  posé sur le Livre.

 

Scata Ste Cécile M A de Santis blog.jpg

A Scata (Castagniccia), le même et talentueux M.A. de Santis peint cette belle Ste Cécile qui malheureusement souffre terriblement de l'humidité de l'église paroissiale Ste Cécile et de l'impécuniosité de cette petite commune de l'Ampugnani ...

 

Giordani J -  Tableau d'autel - 1862 - église de  Pianello.jpg

 A Pianellu (vers Aleria), le peintre Giordani exprime en 1862 la même dévotion dans son tableau d'autel dans l'église Sainte Cécile: merci M.E. Nigaglioni!


Et pour ceux qui veulent en savoir plus sur Ste Cécile:

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9cile_de_RomRaffaël Ste Cécilia 1514 Pinacoteca Nazionale Bologna.jpg

la Sainte Cécile de Raphaël (1514, Pinacothèque de Bologne) ornait à l'origine l'autel de la chapelle cécilienne de San Giovanni in Monte à Bologne.

Ici Cécile délaisse les instruments terrestres, déglingués, fracassés au sol pour mieux participer à la musique des anges.

Sa Passio date de la fin du V° siècle et sa légende doit beaucoup à l'Histoire de la persécution vandale de Victor de Vite (486).

L'histoire raconte que le pape  Pascal 1er  transféra en 821 ses reliques du cimetière de Saint Calixte dans la basilique de Sainte Cécile- du-Transtévère, élevée sur l'emplacement du palais qu'elle habitait ( Sainte Cécile était une jeune patricienne de la gens Caecilia ,du nom caecus, aveugle).

En 1599, le pape Clément VIII fit ouvrir le cercueil de Ste Cécile et l'on découvrit avec stupéfaction que le corps de la jeune sainte gisait intact, la tête à moitié tranchée, et couchée sur le côté droit dans la position de son martyre, semblant faire un dernier signe de la main, trois doigts levés pour témoigner la Trinité. Cette découverte fut immortalisée par le sculpteur Stefano Maderno

 

la ste Cécile de Maderno.jpg

 

la Sainte Cécile de Moderno à l'église Sainte Cécile du Trastevere à Rome

voir le lien:

www.rome-passion.com/sainte-cecile-trastevere.html

 

Ce qu'en dit Jacques de Voragine

dans La Légende dorée ( rédigée  entre 1261 et 1266 par Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes)


SAINTE CÉCILE,

vierge et martyre, célébrée le 22 novembre:

 

 

Cécile, jeune fille romaine, de race noble, et nourrie dès le berceau dans la foi du Christ, portait toujours un évangile caché dans sa poitrine, priait nuit et jour, et demandait au Seigneur de lui conserver sa virginité. Elle fut cependant fiancée à un jeune homme nommé Valérien. Le jour de ses noces, elle revêtit ses chairs d’un cilice, par-dessous les robes dorées ; et, pendant que les orgues jouaient, elle, s’adressant à Dieu seul, chantait : « Permets, Seigneur, que mon cœur et mon corps restent immaculés ! » Vint enfin la nuit, et Cécile se trouva seule avec son fiancé dans le silence de sa chambre. Et elle lui dit : « Doux jeune homme bien-aimé, j’ai un mystère à te révéler, à la condition seulement que tu me jures de ne point me trahir ! » Puis, Valérien le lui ayant juré, elle lui dit : « Sache donc que j’ai pour amant un ange de Dieu, et que mon amant est jaloux de mon corps. S’il apprenait que, même légèrement, tu m’aies touché d’un amour impur, aussitôt il te frapperait et te ferait perdre la fleur de ta belle jeunesse. Mais si, au contraire, il apprend que tu m’aimes d’un amour pur, il t’aimera autant que moi et te montrera sa gloire ! » Alors Valérien, inspiré de Dieu, dit : « Si tu veux que je te croie, fais-moi voir cet amant ! Et si c’est en vérité un ange, je ferai ce que tu me demandes. Mais si ton amant est un homme, je. le tuerai avec toi ! » Et Cécile : « Pour que tu voies mon amant, il faut que tu croies dans le vrai Dieu, et que tu promettes de te faire baptiser. Va à trois milles d’ici, dans la voie Apienne ! Tu y trouveras des pauvres, à qui tu diras que Cécile t’envoie vers eux pour qu’ils te conduisent auprès du saint vieillard Urbain. Et quand tu seras en présence de ce vieillard, répète-lui. mes paroles ! Il te purifiera ; et, à ton retour ici, tu verras l’ange ! » Valérien se mit en route, et alla trouver l’évêque saint Urbain, qui se cachait parmi les tombeaux des martyrs. Et quand il lui eut répété les paroles de Cécile, le vieillard, levant les mains au ciel, s’écria : « Seigneur Jésus-Christ, bon pasteur, recueille le fruit de la semence que tu as semée en Cécile! Car voici que, ayant reçu pour mari un lion farouche, ta servante te l’as envoyé comme un doux agneau ! » Aussitôt apparut un vieillard tout vêtu de blanc, qui tenait un livre écrit en lettres d’or. À sa vue, Valérien, épouvanté, se jeta sur le sol; mais le vieillard le releva et lut dans son livre : « Un seul Dieu, une seule foi, un seul baptême! » Puis il dit à Valérien : « Crois-tu à tout cela, ou bien doutes-tu encore ? » Et Valérien de s’écrier : « Il n’y a rien sous le ciel à quoi je croie davantage ! » Aussitôt le vieillard disparut. Valérien reçut le baptême des mains de saint Urbain ; et, quand il revint auprès de Cécile, il la trouva s’entretenant avec un ange, dans sa chambre. Et cet ange tenait en main deux couronnes de roses et de lis, dont il donna l’une à Cécile et l’autre à Valérien, en disant : « Gardez ces couronnes avec un cœur pur et un corps immaculé, car je vous les ai apportées du paradis de Dieu ! Jamais elles ne se faneront ni ne perdront leur parfum ; mais ceux-là seuls pourront les voir qui aimeront la chasteté. Quant à toi, Valérien, puisque tu as suivi le sage conseil de Cécile, demande ce que tu veux, et tu l’obtiendras ! » Et Valérien : « Il n’y a rien dans cette vie qui ne me soit plus précieux que l’affection de mon frère unique. Je désirerais donc, que comme moi, il reconnût la vérité ! » Et l’ange : « Ta demande plaît à Dieu. Sache que tous deux, ton frère et toi, vous irez au Seigneur avec la palme du martyre! »

Là-dessus entra dans la chambre le frère de Valérien, Tiburce. Et, frappé du parfum des fleurs, il dit : « Je me demande d’où peut venir, en cette saison, ce parfum de roses et de lis. Sans compter que, si même j’avais les mains pleines de ces fleurs, je ne me sentirais pas imprégné de leur parfum aussi profondément ! » Et Valérien : « C’est que nous avons des couronnes faites de ces fleurs, et dont l’éclat n’est pas moins merveilleux que le parfum. Mais tes yeux ne peuvent les voir ; ils le pourront, seulement, si tu consens à partager notre foi. » Et Tiburce : « Est-ce que je rêve, ou bien me parles-tu vraiment ? » Et Valérien : « C’est jusqu’à présent que nous avons rêvé ; et désormais nous nous sommes éveillés à la vérité. » Et Tiburce : « Comment sais-tu cela ? » Et Valérien : « C’est un ange qui me l’a appris ; et tu pourrais le voir, comme nous, si, après avoir renoncé aux idoles, tu te faisais purifier. » Après quoi Cécile lui démontra avec tant d’évidence l’inanité des idoles, que Tiburce s’écria : « Celui qui ne croit pas à cela est une bête brute! » Alors Cécile, lui baisant la poitrine, dit : « Je reconnais en toi mon frère, et c’est Dieu qui a fait de toi mon frère, comme de ton frère il a fait mon mari. Va donc avec Valérien pour te faire purifier, afin qu’à ton retour tu puisses contempler le visage de l’ange ! » Et elle demanda à Valérien de conduire son frère auprès de l’évêque Urbain. Alors Tiburce : « Serait-ce le même Urbain qui se cache quelque part, après avoir été tant de fois condamné ? Mais, si on le découvre, on le brûlera, et nous serons brûlés avec lui ; et, pendant que nous chercherons au ciel une divinité cachée, nous trouverons sur la terre les angoisses du supplice ! » Et Cécile : « Si la vie d’ici-bas était notre seule vie, nous aurions raison de redouter de la perdre. Mais il y a une autre vie, meilleure, et qui ne se perdra point. C’est celle que nous a annoncée le-Fils de Dieu. » Puis elle lui raconta l’avènement du Christ et sa passion. Si bien que Tiburce dit à son frère : « Par pitié, conduis-moi vite vers cet homme de Dieu, pour que je reçoive ma purification ! » Et dès qu’il fut baptisé, il put, lui aussi, voir l’ange, et obtenir de lui ce qu’il désirait.

Ainsi convertis, Valérien et Tiburce passaient leur temps à distribuer des aumônes et à ensevelir les corps des martyrs. Ce qu’apprenant, le préfet Almaque leur demanda pourquoi ils ensevelissaient des hommes justement condamnés pour leurs crimes. Et Tiburce : « Plût à Dieu que nous fussions dignes d’être les esclaves de ceux que tu appelles des criminels ! Car ils ont su dédaigner ce qui paraît exister et n’existe pas ; et ils ont trouvé ce qui paraît ne pas exister et qui existe ! » Et Almaqué : « De quoi parles-tu là ? » Et Tiburce : « Ce qui paraît exister et qui n’existe pas, c’est tout ce qui est dans ce monde ; et c’est cela qui conduit l’homme, lui aussi, à ne pas exister. Et ce qui paraît ne pas exister et qui existe, c’est le salut des justes. » Le préfet lui répondit qu’il déraisonnait. Puis, s’adressant à Valérien : «. Puisque ton frère a le cerveau dérangé, toi, du moins, essaie de me répondre raisonnablement ! Dis-moi ce qui vous porte à dédaigner les plaisirs de la vie et à rechercher les souffrances. » Valérien répondit que, l’hiver, il avait vu des oisifs se moquant du pénible travail des laboureurs ; mais, l’été venu, et la saison des moissons, ceux-là se réjouissaient dont on s’était moqué, tandis que les railleurs se mettaient à pleurer. « Et de même, nous aussi, nous supportons la fatigue et les injures ; mais plus tard nous recevrons la gloire et la récompense éternelles. Et vous, qui éprouvez ici-bas une joie partagée, vous trouverez dans l’avenir le deuil éternel ! » Et le préfet : « Ainsi nous, princes glorieux, nous n’aurions à attendre qu’un deuil éternel, tandis que vous, misérables, vous posséderiez une joie sans fin ? » Et Valérien : » Vous n’êtes-que de pauvres hommes, et non pas des princes. Nés comme nous, vous aurez seulement à rendre à Dieu des comptes plus forts. » Alors le préfet : « A quoi bon tous ces bavardages ? Sacrifiez aux dieux, et vous vous en irez librement ! » Et comme les deux saints se refusaient à sacrifier, le préfet les confia à la garde de Maxime, qui allait, lui aussi, devenir un saint. Et Maxime leur dit : « Ô fleur pourprée de la jeunesse, ô couple charmant et tendre, d’où vient que vous couriez ainsi à la mort comme à un festin ? » Valérien lui répondit que, s’il voulait partager leur foi, il pourrait, après leur mort, contempler la gloire de leurs âmes. Et Maxime : « Je veux que la foudre m’anéantisse, si, quand j’aurai vu ce que vous me promettez, je ne proclame pas que votre Dieu est le seul vrai Dieu ! » Sur quoi Maxime et toute sa famille et tous les gardiens se convertirent, et reçurent le baptême des mains d’Urbain, qui vint en secret dans la prison.

Le lendemain, à l’aurore, Cécile s’écria : « Allez, soldats du Christ, rejetez l’œuvre des ténèbres, et revêtez les armes de lumière! » On conduisit les martyrs à quatre milles de Rome, devant une statue de Jupiter. Et comme ils se refusaient à sacrifier, ils eurent la tête tranchée. Et Maxime affirma sous serment qu’il avait vu des anges briller autour d’eux et emporter leurs âmes vers le ciel, pareilles à des vierges qu’on porte dans leur lit. Ce qu’entendant, Almaque ordonna que Maxime fût frappé de verges plombées jusqu’à ce que mort s’ensuivît. Cécile recueillit son corps et l’ensevelit à côté de ceux des deux saints.

Après cela, Almaque s’enquit des biens laissés par ceux-ci. Et, découvrant que la femme de Valérien était chrétienne, il lui ordonna de sacrifier aux idoles, sous peine de mort. Les soldats qui la conduisaient l’engageaient à se soumettre, désoles de voir une jeune femme si belle et si noble se livrer à la mort. Et elle leur dit : « Chers amis, ce n’est point là perdre sa jeunesse, mais faire un échange ; c’est donner de la boue et recevoir de l’or, c’est donner une cabane et recevoir un palais. Si quelqu’un vous offrait une livre pour un sou, ne vous hâteriez-vous pas d’accepter son offre? Or Dieu rend au centuple tout ce qu’on lui donne. Croyez-vous à tout ce que je vous dis ? » Et eux : « Nous croyons que ton maître le Christ est le vrai Dieu, puisqu’il possède une servante telle que toi ! » Et l’évêque Urbain les baptisa, au nombre de plus de quatre cents.

Puis Cécile comparut devant Almaque et répondit à ses questions en proclamant sa foi. Alors Almaque : « Laisse maintenant tes folies, et sacrifie aux dieux ! » Et Cécile : « C’est toi qui me parais atteint de folie : car, là où tu vois des dieux, nous ne voyons que des pierres. Étends la main, et constate du moins parle toucher ce que tes yeux ne parviennent pas à voir ! » Almaque, furieux, la fit ramener dans sa maison, où, jour et nuit, il ordonna qu’elle fût plongée dans un bain d’eau bouillante. Mais elle y resta comme en un lieu frais, et sans que même une goutte de sueur parût sur elle. Ce qu’apprenant, Almaque ordonna qu’elle eût la tête tranchée dans son bain. Le bourreau la frappa de trois coups de hache ; et comme elle vivait toujours, et que la loi défendait de frapper les condamnés de plus de trois coups, la sainte fut laissée encore respirante. Elle survécut trois jours à son supplice. Elle distribua aux pauvres tous ses biens, et recommanda à l’évêque Urbain tous les fidèles qu’elle avait convertis, en disant : « J’ai demandé au ciel ces trois jours de délai pour te faire une dernière fois mes recommandations, et pour te prier de consacrer une église sur l’emplacement de cette maison où je meurs. » Puis elle rendit l’âme, et saint Urbain, après l’avoir ensevelie, transforma sa maison en église, comme elle l’avait de- mandé. Elle mourut à l’âge de vingt-trois ans, en l’an du Seigneur 200, sous l’empereur Alexandre. Mais d’autres historiens veulent que son martyre ait eu lieu vingt ans plus tard, sous le règne de Marc-Aurèle."


Je rappelle au sujet des volets d'orgues peints en Europe ce beau livre paru en 2001 à Rotterdam (où se glisse un chapitre sur la Corse dans le concert de l'Europe)  :

 

ste cécile,le roi david,tribunes et volets d'orgues peints en corse,psaumes de david,davia,corbara,zilia,sant antonino,speloncato,piedigrisgio,castiglione,san martinu di lota,lozzi,ochjatana,palasca,pianellu

ste cécile,le roi david,tribunes et volets d'orgues peints en corse,psaumes de david,davia,corbara,zilia,sant antonino,speloncato,piedigrisgio,castiglione,san martinu di lota,lozzi,ochjatana,palasca,pianellu

Je ne suis pas sûre, hélas, qu'il soit encore disponible.

ISBN 90-804439-2-1

NUGI 912



 

 

 

 

 

 

 

 

 


25/11/2012

Ste Catherine d'Alexandrie, 25 novembre

 

Sainte Catherine d'Alexandrie 

Santa Catarina

quelques  témoignages en Corse 

Loriani ste Catherine blog.jpg

à Loriani, petit village de la Castagniccia, dans l'église sainte Catherine,

cette  toile très intéressante représentant

le martyre de sainte Catherine

(voir en fin de note le récit de Jacques de Voragine dans " La Légende dorée)

en résumé :

Sainte Catherine, s'étant vouée au Christ,  refuse d'épouser l'empereur Maxence et de sacrifier aux dieux. Mieux, elle sort victorieuse d'une célèbre dispute avec les plus sages de l'entourage de Maxence, une cinquantaine de philosophes et d'orateurs qu'elle parvient à convertir ...  C'est que, on le sait, les Catherines sont de grandes intellectuelles! Maxence après l'avoir longuement emprisonnée sans nourriture la voue au martyre par le supplice des roues dentées de pointes acérées de fer: mais l'intervention divine brise en éclats la machine infernale qui se retourne contre les bourreaux et l'assistance ... Pour en finir il faudra tout de même décapiter notre redoutable, brave et coriace sainte Catherine ... et de son cou jaillit du lait


super Catherine blog.jpg

notre sainte Catherine en son martyre opère bien malgré elle un miracle sanglant

Exterminator blog.jpg

avec l'aide d'un angélique Exterminator: avis aux malveillants!


martyre de sainte catherine

Cette belle toile porte une signature ( Marc Antonio De Santis, le peintre napolitain installé à Bastia) et une date surprenantes (1655): peut-être  G. Grandi l'a-t-il, un siècle plus tard, reprise ?

Des références hors de Corse de cette scène:


martyre de sainte catherine

 vue par Masolino da Panicale (début XV°s.)

à l'église San Clemente de Rome


martyre de sainte catherine

ou par Lucas Cranach (XVI° s.), avec toute sa féroce sensualité ...

Revenons en Corse:

 

le Rosaire, 1613 blog.jpg

à Nonza (Cap Corse), la Vierge et l'Enfant, entourés de St Antoine Abbé et st Jean-Baptiste

Nonza le Rosaire 1613 détail central blog.jpg


 remettent le Rosaire à st Dominique, ste Catherine d'Alexandrie (présentant à la Vierge pour requérir sa protection,  un vaisseau  battant pavillon génois), Pie V, Philippe II, Don Juan d'Autriche , la reine Anne d'Espagne etc ...

 

Nonza Ste Catherine détail Rosaire.jpg


Ici, Sainte Catherine a revêtu des vêtements royaux, signalant sa noblesse .

 

Gavignano chapelle san Pantaleu Ste Catherine  et San Pantaleu.jpg

à la chapelle à fresques de San Pantaleu de Gavignano, le détail représentant Ste Catherine au côté de San Pantaleu. Cette chapelle fait l'objet d'une restauration cette année.

 

Gavignano ste Catherine portrait.jpg

le beau visage pensif de Catherine, détail

 

Santa Cristina ste Catherine.jpg

à la chapelle Santa Cristina ( Valle di Campoloro), Santa Cristina tient la palme de son martyre,


San Tumasgiu les saints intercesseurs.jpg

tandis qu'à San Tumasgiu di Pastureccia (Rustinu), Catherine fait partie des six saints intercesseurs,

San Tumasgiu Ste Catherine en pied.jpg

du moins ce qu'il en reste ...

San Tumasgiu Ste Catherine.jpg

La roue a disparu, mais reste le bâton de son supplice.

Hélas, la restauration prévue n'a toujours pas démarré et l'eau qui ruisselle a continué son oeuvre destructrice. Aux dernières nouvelles, le toît a reçu quelques rafistolages de lauzes en attendant mieux: incompréhensible pour l'une des plus belles fresques de Corse!


                                               Un dernier thème:

le mariage mystique de Sainte Catherine

Sant Antonino le mariage mystique de ste Catherine.jpg

ici représenté  à Sant Antonino (Balagne) - avec la donatrice à ses pieds : on sait que l'attribut traditionnel de Sainte Catherine d'Alexandrie est la roue de son martyre, qui est symbolisé ici  par  l'anneau de son mariage à Jésus.

 

Hans Memling mariage mystique de ste Catherine.jpg

 

... et le même thème peint par Hans Memling vers 1480 (Nationam Gallery of Art, New York).


 

 
 

 

Et maintenant, pour les plus courageux, La Légende dorée de Jacques de Voragine:

( http://fr.wikisource.org/wiki/La_L%C3%A9gende_dor%C3%A9e/Sainte_Catherine)


SAINTE CATHERINE, vierge et martyre

(25 novembre)

Catherine, fille du roi Coste, fut instruite dès son enfance dans tous les arts libéraux. Lorsque l’empereur Maxence convoqua à Alexandrie tous les habitants de la province, riches et pauvres, pour sacrifier aux idoles. Catherine, qui avait alors dix-huit ans, et qui était restée seule dans son palais avec de nombreux serviteurs, entendit un jour un grand bruit mêlé de chants et de gémissements. Elle demanda d’où cela provenait ; et quand elle le sut, prenant avec elle quelques serviteurs et se munissant du signe de la croix, elle se rendit sur la place, où elle vit de nombreux chrétiens qui, par peur de la mort, se laissaient conduire aux temples pour y sacrifier. Blessée de cette vue jusqu’au fond de son cœur elle aborda audacieusement l’empereur et lui dit : « Je viens te saluer, empereur, à la fois par déférence pour ta dignité et parce que je veux t’engager à t’éloigner du culte de tes dieux pour reconnaître le seul vrai créateur ! » Puis, debout devant la porte d’un temple, elle se mit à discuter avec Maxence, conformément aux diverses modes du syllogisme, par allégorie et par métaphore. Après quoi, revenant au langage commun, elle dit : « Je me suis adressée jusqu’ici au savant, en toi. Mais à présent, dis-moi comment tu as pu rassembler cette foule pour célébrer la sottise des idoles ! » Et comme elle démontrait savamment la vérité de l’incarnation, l’empereur, stupéfait, ne sut d’abord que lui répondre. Enfin il lui dit : « Ô femme, laisse-moi achever le sacrifice, et ensuite je te répondrai ! » Et il la fit conduire dans son palais, où il ordonna qu’elle fût soigneusement gardée : car il avait été très frappé de sa science et de sa beauté. Catherine était en effet d’une beauté merveilleuse, que personne ne pouvait voir sans en être ravi.

Après la fête, l’empereur se rendit au palais et dit à Catherine : « J’ai entendu ton éloquence et admiré ta sagesse ; mais, absorbé comme je l’étais par la cérémonie, je n’ai pas pu pleinement comprendre tout ce que tu disais. Dis-moi donc à présent qui tu es ! » Et elle : « Je suis Catherine, fille du roi Coste. Née dans la pourpre, et élevée dès l’enfance dans les arts libéraux, j’ai dédaigné tout cela pour me réfugier auprès de mon Seigneur Jésus-Christ. Et quant aux dieux que tu adores, ils ne sauraient secourir ni toi, ni personne ! » Et l’empereur : « Je le vois, tu cherches à nous décevoir par ta pernicieuse éloquence, en t’efforçant d’argumenter à la manière des philosophes ! » Et, comprenant qu’il ne parviendrait pas à lui répondre lui-même, il manda en grande hâte, à Alexandrie, tous les grammairiens et rhéteurs du temps, leur promettant de grandes récompenses s’ils parvenaient à réfuter la jeune fille. Il en vint ainsi plus de cinquante, tous fameux dans les sciences de ce monde. Et comme ils demandaient pourquoi on les avait fait venir de régions si lointaines, l’empereur répondit : « C’est que nous avons ici une jeune fille d’une sagesse et d’un esprit incomparables, qui réfute tous les savants, et prétend que tous nos dieux ne sont que des démons. Réfutez-la, et je vous renverrai chez vous chargés d’honneurs et de présents ! » Alors un des orateurs s’écria : « Ô étrange projet, de rassembler tous les savants des quatre coins du monde pour tenir tête à une jeune fille que le moindre de nos clients réduirait au silence ! » Et l’empereur : « Je pouvais en vérité la contraindre à sacrifier aux dieux, ou la châtier en cas de refus ; mais j’ai jugé meilleur qu’elle fût confondue par vos arguments. » Alors les orateurs : « Qu’on amène donc en notre présence cette jeune fille, afin qu’elle avoue sa témérité, et reconnaisse n’avoir même jamais vu de vrais savants ! »

Mais,Catherine, en apprenant le combat qui se préparait pour elle, se recommanda au Seigneur ; et un ange descendit vers elle pour l’engager à la fermeté, lui affirmant que, non seulement elle ne serait pas vaincue par ses adversaires, mais que même elle les convertirait et leur procurerait la palme du martyre. Amenée en présence des orateurs, elle dit à Maxence : « De quel droit opposes-tu cinquante orateurs à une seule jeune fille ? et pourquoi promets-tu de les récompenser, en cas de victoire, tandis que tu me forces à lutter sans espoir de récompense ? Mais j’aurai ma récompense dans mon Seigneur Jésus-Christ, espoir et couronne de ceux qui luttent pour lui ! » Les orateurs lui dirent alors que c’était chose impossible qu’un Dieu devînt homme et connût la souffrance. Mais elle répondit en leur montrant que les païens eux-mêmes avaient prédit l’incarnation du Christ. La Sibylle n’avait-elle pas dit : « Heureux le Dieu qui pend sur une croix de bois ! » Et Catherine continua de discuter ainsi avec les orateurs » les réfutant par des raisons évidentes, jusqu’à ce que, stupéfaits, ils ne surent plus que lui dire. Alors l’empereur, furieux, leur reprocha de se laisser vaincre honteusement par une jeune fille. Et l’un de ces orateurs, qui était le plus savant, et parlait au nom de ses confrères, dit : « Tu sais, empereur, que personne jamais n’a pu nous résister ; mais c’est l’esprit même de Dieu qui parle en cette jeune fille ; et elle nous a remplis d’une telle admiration que nous n’osons plus dire un, seul mot contre ce Christ qui nous apparaît désormais comme le seul vrai Dieu ! » Ce qu’entendant, l’empereur, exaspéré, les fit tous brûler au milieu de la ville ; et Catherine, en même temps qu’elle les réconfortait, achevait de les instruire des vérités de la foi. Et, comme ils se plaignaient d’avoir à mourir sans être baptisés, elle leur répondit : « Soyez sans crainte, car l’effusion de votre sang vous tiendra lieu de baptême ! » Alors, s’étant munis du signe de la croix, ils furent précipités dans les flammes ; et ils rendirent leurs âmes de telle façon que ni leurs cheveux, ni leurs vêtements, ne furent touchés par le feu.

Pendant que les chrétiens s’occupaient de les ensevelir, Maxence dit à Catherine : « Noble jeune fille, aie pitié de ta jeunesse, et je te ferai impératrice dans mon palais, et le peuple entier adorera ton image, au milieu de la ville ! » Mais elle : « Cesse de dire des choses dont la pensée même est un crime. J’ai pris le Christ pour fiancé, lui seul est ma gloire et mon amour ; et ni caresses ni tourments ne pourront me détourner de lui ! » L’empereur la fit alors dépouiller de ses vêtements ; il la fit frapper de griffes de fer, puis, l’ayant jetée dans une obscure prison, il ordonna que pendant dix jours on la laissât sans nourriture.

Là-dessus, l’empereur se vit forcé de se rendre dans une autre province. Or sa femme, qui avait pour amant un officier nommé Porphyre, vint, la nuit, dans la prison de Catherine. Et, y étant entrée, elle vit la cellule remplie d’une clarté immense, et elle vit que les anges pansaient les plaies de la prisonnière. Et celle-ci, s’étant mise à lui décrire les joies éternelles, la convertit et lui prédit la couronne du martyre. Ce qu’apprenant, Porphyre alla se jeter, lui aussi, aux pieds de Catherine, et il reçut la foi du Christ avec deux cents de ses hommes. 

Quand l’empereur revint, douze jours après son départ, il se fit amener la jeune fille, qu’il s’attendait à voir anéantie par ce jeûne prolongé. La voyant au contraire resplendissante de vie, il soupçonna que quelqu’un l’avait nourrie, dans sa prison, et décréta que ses gardiens fussent mis à la torture. Mais Catherine : « Aucun être humain ne m’a nourrie, mais bien le Christ par l’entremise de ses anges. » Alors l’empereur, plus frappé que jamais de sa beauté, lui proposa, une fois de plus, de l’élever au trône avec lui. Et comme elle s’y refusait, il lui dit : « Choisis entre deux choses, ou bien de sacrifier aux idoles, et de vivre, ou bien de mourir dans des tourments effroyables ! » Et elle : « Quelques tourments que tu puisses imaginer, n’hésite pas à me les infliger, car j’ai soif d’offrir ma chair et mon sang à Jésus, qui a offert pour moi sa chair et son sang ! Lui seul est mon Dieu, mon maître, mon mari et mon amant ! » Alors un préfet conseilla à l’empereur de faire préparer quatre roues garnies de pointes de fer, et de s’en servir pour déchirer les chairs de Catherine, de façon à épouvanter, par un tel exemple, les autres chrétiens. Et l’on décida que, de ces quatre roues, où l’on attacha la sainte, deux seraient poussées dans un sens et deux dans un autre, pour que les membres de Catherine fussent arrachés et broyés en morceaux. Mais la sainte pria Dieu que, pour la gloire de son nom et pour la conversion des assistants, il anéantît cette affreuse machine. Et voici qu’un ange secoua si fortement la masse énorme des quatre roues, que quatre mille païens périrent écrasés.

En ce moment l’impératrice, qui avait assisté à la scène du haut du palais, s’enhardit à descendre, et reprocha à son mari tant de cruauté. Le roi lui fit arracher les mamelles, puis trancher la tête. Et l’impératrice, allant au martyre demanda à Catherine de prier pour elle. Et Catherine : « Sois sans crainte, princesse aimée de Dieu, car ta royauté passagère va se changer aujourd’hui en une royauté éternelle, et en échange d’un mari mortel tu en acquerras un immortel ! » Sur quoi, l’impératrice, raffermie, encouragea ses bourreaux à exécuter leur mission. Ils la conduisirent donc hors de la ville, lui arrachèrent les mamelles avec des pointes de fer et lui coupèrent la tête. Et Porphyre, recueillant ses restes, les ensevelit.

I. Le lendemain, Maxence envoya au supplice les bourreaux de sa femme, qu’il soupçonnait d’avoir dérobé le corps de celle-ci. Mais Porphyre, s’élançant au milieu de la foule, s’écria : « C’est moi qui ai enseveli la servante du Christ, ayant reçu comme elle la foi chrétienne ! » Maxence, fou de douleur, poussa un rugissement terrible et s’écria : « Malheureux que je suis ! voici maintenant que Porphyre lui-même s’est laissé séduire, mon seul confident, le seul en qui j’avais confiance ! » Et comme il le dénonçait à ses soldats, ceux-ci répondirent : « Nous aussi, nous sommes chrétiens et prêts à mourir ! » Sur quoi, l’empereur, ivre de rage, les fit tous décapiter ainsi que Porphyre, et ordonna que leurs restes fussent jetés aux chiens.

Puis, se tournant vers Catherine : « Bien que, par tes sortilèges, tu aies causé la mort de l’impératrice, je t’offre encore, cependant, de devenir la première dans mon palais ! » Et comme, de nouveau, elle repoussait son offre avec indignation, il la condamna à être décapitée. Or, pendant qu’on la menait au supplice, elle dit, les yeux levés au ciel : « Espoir et salut des croyants, honneur et gloire des vierges, Jésus, mon bon maître, exauce ma prière ! Fais en sorte que toute personne qui m’invoquera, soit à l’heure de la mort ou dans le danger, se trouve secourue en souvenir de ma passion ! » Et une voix, du haut du ciel, lui répondit : « Viens, ma chère fiancée, les portes du ciel sont ouvertes devant toi. Et à ceux qui célébreront pieusement ton martyre je promets le secours qu’ils demanderont ! » Après quoi la sainte eut la tête tranchée, et de son corps jaillit du lait au lieu de sang. Et des anges, recueillant ses restes, les transportèrent de ce lieu sur le mont Sinaï, où ils ne l’ensevelirent que vingt jours après. Aujourd’hui encore, une huile miraculeuse découle de ses os, qui guérit aussitôt les membres affaiblis. Sainte Catherine fut martyrisée vers l’an du Seigneur 310. Quant à la façon dont Maxence fut puni de ce crime et des autres qu’il avait commis, nous l’avons racontée déjà en traitant de l’Invention delà Sainte Croix [1].

III. Un moine de Rouen s’était rendu au mont Sinaï, et, pendant sept ans, avait pieusement prié sainte Catherine. Au bout de ce temps, il demanda à la sainte la grâce de posséder un fragment de ses reliques ; et aussitôt de la main de la sainte se détacha un doigt, que le moine emporta joyeusement dans son monastère. – Un autre moine, après avoir eu longtemps une dévotion spéciale pour sainte Catherine, avait peu à peu négligé d’invoquer la sainte. Or un jour, étant en prière, il vit passer devant lui une troupe de vierges dont l’une, en l’approchant, se détourna et se couvrit le visage. Et comme il demandait à ses compagnes qui elle était, une d’elles lui répondit : « C’est Catherine, que jadis tu connaissais bien ! Mais comme maintenant tu parais ne plus la connaître, elle s’est voilé le visage en t’apercevant, pour passer près de toi comme une inconnue ! »

IV. Certains auteurs se demandent si, au lieu de Maxence, ce n’est pas plutôt Maximin qui a présidé au martyre de sainte Catherine. Il y avait alors trois empereurs : 1° Constantin, qui avait succédé à son père ; 2° Maxence, fils de Maximilien, élu à Rome par les soldats ; 3° Maximin, proclamé César en Orient. Et, suivant les chroniques, Maxence persécutait les chrétiens à Rome, pendant que Maximin les persécutait en Orient. On suppose donc qu’il y aura eu, dans le premier récit du martyre de sainte Catherine, une faute d’écriture, et que c’est Maximin qu’on doit lire au lieu de Maxence."

                             

iconographie de sainte catherine

Epilogue:


 

" Cath’rine était chrétienne

Bibiboum bidiboum bidi boum boum boum

Cath’rine était chrétienne

sont père ne l’était pas Ah ah ! Ah ah ! (bis)

son père ne l’était pas

 

Un jour dans sa prière

Bibiboum bidiboum bidi boum boum boum

Un jour dans sa prière

son père la trouva Ah ah ! Ah ah ! (bis)

son père la trouva

 

Que faites-vous ma fille

dans cette pose là

 

Je prie Dieu mon père

que vous n’connaissez pas

 

Relevez-vous ma fille

ou bien l’on vous tuera

 

Tuez-moi donc mon père

mais je n’faillirai pas

 

Le roi dans sa colère

d’un glaiv’ la transperça

 

Les anges descendirent

chantant alléluia

 

Les démons accoururent

et enfourchèrent le roi

 

Cette histoire est trop triste

on n’la r’commenc’ra  "

 




 

19/11/2012

Jugement dernier : le poème eschatologique d'Autun

le Jugement dernier d'Autun

avec Olivier Messiaen et le Quatuor pour la fin du Temps (1941):

http://youtu.be/DjZ3HAIfGwo

http://youtu.be/hybAbTbh5wY

 

 en ces temps inquiets et troublés,

où les anges de l'Apocalypse embouchent leurs terribles trompettes pour annoncer la Fin des Temps,

je réédite cette note de novembre 2010 sur le tympan de la cathédrale Saint Lazare d'Autun, d'autant plus volontiers que nous lui avons dernièrement à nouveau rendu visite et dévotion  en ce mois de novembre.

J'en profite pour signaler la parution du dernier numéro d'Arts Sacrés

(n° 20) et en particulier de son dossier  sur "la fin des temps":

passionnant!


"En ces temps-là, après une terrible détresse, le soleil s'obscurcira et la lune perdra son éclat. Les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l'homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, de l'extrémité de la terre à l'extrémité du ciel"  (Evangile selon Saint Marc, 13, 24-32)

avec notre frère Gislebertus, 

le tympan de la cathédrale Saint Lazare d'Autun:

quelques images du Jugement Dernier


autun,jugement dernier

Autun, cathédrale Saint Lazare,

l'ensemble du porche qui, à l'origine, jouxtait un cimetière.

Le trumeau, refait au XIX° siècle, porte les sraues de Saint Lazare, au centre, et de ses soeurs. La première voussure intérieure, aujourd'hui vide, accueillait à l'origine les vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse (on a retrouvé quelques-unes des têtes). Sur la voussure extérieure, on reconnait les signes du Zodiaque ainsi  que les Travaux des mois (de janvier à décembre en partant de la  gauche ).

Autun tympan ensemble blog.jpg

Au centre du tympan, la figure lumineuse du Christ en majesté dans sa mandorle. A sa droite le Ciel, la Jérusalem Céleste, la Vierge, le Soleil (le Nouveau Testament); à sa gauche, la pesée des âmes, l'Enfer, les prophètes Enoch et Elie, la Lune (l'Ancien Testament).

Voici venu le moment de la Parousie: la seconde venue du Christ dans sa gloire  à la fin des temps et le Jugement dernier :

autun,eschatologie,jugement dernier,parousie,apocalypse,psychostasie,gislebertus,olivier messiaen




"Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges, alors il prendra place sur son trône de gloire. Devant lui seront rassemblées toutes les nations, et il séparera les gens les uns des autres, tout comme le berger sépare les brebis des chèvres." (Evangile selon Saint Matthieu, 25, 31- 32)




Tout autour, que de monde!

autun,eschatologie,jugement dernier,parousie,apocalypse,psychostasie,gislebertus,olivier messiaen

à sa droite - coté Nouveau Testament, au plus haut des cieux, Notre-Dame assise sur un trône, paumes levées pour l'adoration . A son côté, un ange de l'Apocalypse sonne de sa trompe.

 

autun,eschatologie,jugement dernier,parousie,apocalypse,psychostasie,gislebertus,olivier messiaen

et, faisant pendant, à sa gauche, côté Ancien Testament, les prophètes Enoch et Elie, les deux Témoins de la Fin des Temps

Autun Jugement debout les morts.jpg

au son de la trompette:

DEBOUT LES MORTS!

Autun Jugement dernier  pesée des âmes et damnés blog.jpg


Voici venue l'heure du Jugement dernier,

la main de Dieu tient la balance: c'est la "Psychostasie",

Autun pesée des âmes blog.jpg


 la pesée des âmes :

                     d'un côté la douceur, l'harmonie des formes,                      

   de l'autre le chaos, la monstruosité des corps hybrides.


 Saint Michel Archange fait pencher la balance du côté des élus : c'est que, dans ce contexte, l'âme des élus pèse plus lourd que celle des damnés -

"Tu as du poids à mes yeux" [Isaïe 43-4], cité dans l'excellent article du frère Philippe Markiewicz sur "Les jugements derniers dans les églises" (Arts Sacrés, n° 20)


 

Autun les élus ensemble blog.jpg


à la droite du Christ,

les Elus et les Réprouvés ...

"Alors le Roi dira à ceux de droite: "Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis les origines du monde. Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous m'avez accueilli, nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir." (...)( St Matthieu, 25, 34-36)

 

Autun dans les plis de l'ange.jpg

les petites âmes ont cherché et trouvé refuge et sécurité dans les vagues de sa robe, ...

 

Autun les Elus blog.jpg


en marche dans l'attente du jugement, tête levée vers le ciel et toute la tendresse du monde:

 

Autun les Elus la famille blog.jpg


le père et la mère se tiennent par la main. Elle le retient et le force à se retourner:  "Eh! regarde le petit, il s'est réveillé lui aussi!"

 

Autun les élus  détail avec ange.jpg

Venez, les enfants, c'est par ici! L'ange indique le bon chemin

 

Autun les élus évêque enfant et dame.jpg


Répondant à l'appel des trompettes des anges, tous, nus ou habillés, ont le visage tendu vers la lumière: dame, enfant, évêque ...

 

Autun les Elus moinillon.jpg


... moinillon, croisé ...

 

Autun Jugement les Elus détail solidarité blog.jpg

 

Si menus, si fragiles, il faut les aider: regardez l'ange qui hisse à bout de bras cette petite âme pour la faire entrer dans la Jérusalem céleste, tandis qu'un petit enfant s'accroche à ses jambes ... Et à côté voilà que saint Pierre, bienveillant, saisit les mains d'un autre marmot: gestes de compassion, de douceur ...

 

Autun le groupe des saints.jpg


Pour ce faire, il s'est détourné quelques instants du groupe des saints en adoration ...

 

autun,eschatologie,jugement dernier,parousie,apocalypse,psychostasie,gislebertus,olivier messiaen



... devant le Christ revenu à la fin des temps et qui accueille, mains et bras ouverts, l'humanité entière. Révélé dans sa mandorle soutenue par les anges, il est la porte, la voie, la lumière pour toutes les créatures ("EGO SUM LUX MUNDI ET VIA VERITAS",  comme on pourrait lire sur le livre tenu par le Christ Pantocrator de nos petites chapelles à fresques de Corse - et d'ailleurs ...). Sur le pourtour de sa mandorle on peut lire:

 

 

 

autun,eschatologie,jugement dernier,parousie,apocalypse,psychostasie,gislebertus,olivier messiaen" OMNIA DISPONO SOLUS MERITOSQUE CORONO; QUOS SCELUS EXERCET ME JUCICE POENA COERCET" ( Seul, Je dispose de tout et couronne les mérites. La peine que j'inflige comme juge retient ceux qu'entraîne le vice.)

Et sous Ses pieds, une longue inscription:

à sa droite, côté Elus:

"QUISQUE RESURGET ITA QUEM NON TRAHIT IMPIA VITA ET LUCEBIT EI SINE FINE LUCERNA DIEI" (Ainsi ressucitera quiconque ne sera pas victime d'une vie impie)


Et à sa gauche, côté Damnés:

"TERREAT HIC TERROR QUOS TERREUS ALLIGAT ERROR NAM FORE SIC VERUM NOTAT HIC HORROR SPECIERUM" ( Que cette terreur terrifie ceux que détient l'erreur terrestre car l'horreur de ces images montre ce qui les attend)

 

Autun les affreux blog.jpg

A Sa gauche,  côté damnés, cuirassés comme des insectes, les affreux grimaçants à longues pattes hurlent leur fureur de voir échapper leurs proies ... Le petit monstre dans la balance a l'air de grogner: "si j'avais su !".

 

Autun l'Enfer et monstres.jpg

Tandis que l'ange de l'Apocalypse souffle, souffle , souffle dans son énorme trompette pour réveiller les morts, déjà le grand jugement a commencé:  la gueule du Léviathan avale, avale, avale les damnés crochetés...

(avec Saint Matthieu, 25, 41-44:)

"Puis il dira encore à ceux de gauche: "Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel qui a été préparé pour le Diable et ses anges. Car j'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger, j'ai eu soif et vous ne m'avez pas donné à boire, j'étais un étranger et vous ne m'avez pas accueilli, nu et vous ne m'avez pas vêtu, malade ou prisonnier et vous ne m'avez pas visité." Et ceux-ci lui demanderont à leur tour:" Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé ou assoiffé, sans gîte ou sans vêtement, malade ou prisonnier, et de ne point te secourir ?"

Autun les damnés blog.jpg


Dessous, la grande solitude des Damnés: toute cette souffrance longuement ruminée qui alourdit les têtes, fléchit les genoux, effondre les âmes, isole:

Autun damnés chassés blog.jpg

définitivement condamnés, chassés , exilés sans espoir de retour ...

les exclus de la lumière "sont reconduits à la frontière" manu militari

Autun damnée  luxure.jpg

trop tard: deux serpents lui mordent les mamelles

Autun les damnés l'avare.jpg

l'avare

autun,eschatologie,jugement dernier,parousie,apocalypse,psychostasie,gislebertus,olivier messiaen

 

l'ivrogne et son tonneau: en ce pays béni de vignobles, il avait pourtant des circonstances atténuantes, non?

 

Autun entre les griffes.jpg

et celui là , les genoux immobilisés entre ses mains - faute d'avoir marché vers la lumière - crie sa terreur entre les griffes de Satan ...


"Alors il leur répondra:" En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous n'avez rien fait pour l'un de ces tout petits, pour moi non plus vous n'avez rien fait." Et ils s'en iront, ceux-ci à une peine éternelle, et les justes à une vie éternelle."

Celui, du moins le pense-t-on, qui a insufflé la vie à ce monde de pierre, dégageant amoureusement chaque corps de sa gangue minérale, l'inscrivant dans cette chorégraphie spontanée, chaleureuse, charitable, tendre pour les élus,  compatissante pour les damnés, c'est Gislebertus d'Autun, ce génial sculpteur du XII°siècle .

 

Autun signature Gislebertus.jpg

Voyez, il a signé (du moins on peut le penser) sous les pieds du Christ:

" GISLEBERTUS HOC FECIT"

 

autun,jugement dernier,parousie,psychostasie

... tout ça à cause de notre petite mère Eve!

et à nouveau Messiaen, et dans le texte s'il vous plait!:

http://youtu.be/UeSVu1zbF94


 

 

 

 

15/11/2012

Flore de l'Agriate: annonce de la 5ème journée de l'Agriate

 

5 ème journée de l'Agriate consacrée à la flore


Je relaie bien volontiers cette information transmise par Isabelle

Guyot, chargée de Mission pour l'Agriate: 


" Le Département de la Haute-Corse, le Conservatoire du littoral et l'association 'les amis des Agriate' ont le plaisir de vous annoncer que la 5ème journée de l'Agriate se déroulera le 24.11.2012 à partir de 10h30 au camping de l'Ostriconi et sera consacrée à la flore du territoire (voir affiche en  pièce jointe).

Seront abordées :
-        les plantes aromatiques et leurs principaux usages, avec Stéphanie Orsini de l'Association "Fior' di vita", et Stan Leclercq et Julien Fauconnier de l'Association balanine d'agroécologie "Una Lenza da annacquà", qui feront sur place une distillation d'huile essentielle de lentisque,
-        les espèces endémiques, les plantes protégées, la flore d'intérêt patrimonial et les plantes introduites (et invasives) du site avec Alain Delage du Conservatoire Botanique National de Corse (Office de l'Environnement).

Une petite randonnée est prévue à partir de 13h30 pour découvrir la flore des dunes et des zones humides du site.

Pour les personnes souhaitant participer à l'intégralité de la journée, il faut prévoir un pique nique, des chaussures confortables et si possible des bottes pour la traversée des cours d'eau."

 

Ifana détail ensemble bâtiments.jpg

Isabelle Guyot me confirme par ailleurs, suite à la récente note sur la ferme d'Ifana,  que " le Conservatoire du littoral a l'intention de remettre en valeur ce beau site, avec l'installation sur place d'un agriculteur (...), et pour cela actuellement un groupe d'architectes et dingénieurs travaillent au projet de restauration des bâtiments."

Voici des informations réconfortantes!

(à suivre)

 


 

12/11/2012

la prochaine exposition du Musée de la Corse, à Corte.

Une programmation du Musée de la Corse qui nous intéresse tout particulièrement pour l'année à venir:

" La Corse et la musique. Entre tradition et modernité "

 

cetera et clavier.jpg

( décor du petit orgue Saladini de la maison Giuliani: cetera et clavier)

 

Extrait de la présentation à retrouver sur le site du Musée:

http://www.musee-corse.com/index.php/fre/Nos-expositions/Les-expositions-en-preparation/La-Corse-et-la-musique.-Entre-tradition-et-modernite

" L'exposition ouvrira ses portes en juin 2013 ...

 

Le sujet choisi, permet d’aborder le phénomène de la musique, perçu comme une entité identitaire que le peuple corse ressent, transmet et a su alimenter depuis des siècles.

La période historiquement abordée de cette exposition, se déroule du dernier quart du XIXème siècle jusqu’à nos jours et embrasse toutes les formes d’expression musicale répertoriables, allant de l’opéra à la chanson corse, de la danse aux musiques instrumentales, des chants polyphoniques emprunts du sacré et du profane, tout en tenant compte des précieux rouages nécessaires à leurs transmissions.

Une sémantique poétique entre une spécificité d’expression artistique et verbale est liée à la langue corse et à la musique. Cette fusion est impliquée dans la vie de tous les jours ainsi qu’aux différents lieux de son territoire et cela au rythme des saisons. Elle en est un symbole permanent.

Cette symbiose unique implique une étude descriptive des moyens mis en œuvre par la communication, la diffusion et l’apprentissage de la pratique et de la création musicale.

Ce pouvoir musical alimente un mouvement ininterrompu, intensifié de toutes ses particularités en exprimant sa propre ontologie par une force de cohérence et de cohésion exceptionnelles.

L’éternelle jeunesse de la musique corse tient en elle son passé, son présent et son avenir. De sa tradition populaire, de son oralité depuis toujours, de sa musique écrite et celle dite savante depuis le XXème siècle, sont enrichies années après années, des particularités de sa typologie originelle.

La musique corse permet de définir les éléments immanents d’une richesse humaine et sociale au-delà du temps.

 

 

Commissaire général d'exposition :

Joseph-François KREMER-MARIETTI, Directeur de la culture et du patrimoine de la Collectivité territoriale de Corse.

Commissaire d'exposition :

Philippe SALORT, ethnomusicologue, chargé du secteur de musicologie générale au musée de la Corse.

Commissaire associé d'exposition :

Bernard PAZZONI, ethnomusicologue, responsable de la Phonothèque du musée de la Corse."


Vaste et riche programme !  Ne doutons pas que que toutes les pratiques musicales seront abordées, qu'elles soient populaires ou plus bourgeoises, qu'elles soient collectives ou individuelles, pratiques qui reflètent fidèlement le tissu humain de chaque village ou des villes. 

Nul doute que les musiques traditionnelles seront à l'honneur, après l'oeuvre pionnière de Felix Quilici sillonnant la Corse au lendemain de la guerre, riche de ces kilomètres d'enregistrement (dont a hérité le Musée de la Corse) qui mettaient en lumière l'incroyable diversité de la musique et des musiciens sur l'île, mais aussi sa cohésion profonde.

Il est également vrai que la musique se jouait aussi dans les demeures des notables, une musique écrite, celle-là, et au goût du jour: il m'est arrivé de rencontrer dans les maisons des Sgiò  (notables villageois) un piano ancien,  voire un  piano-forte, près duquel dormait encore toute une littérature jouée autrefois par les jeunes filles "de bonne famille" : entre deux chansons mélancoliques, toutes ces réductions d'opéras à la mode dont on était friand à l'époque.

Ces mêmes opéras qui pouvaient également alimenter l'inspiration de l'organiste* en quête d'une bonne ouverture solennelle pour la messe, parfois vigoureusement ponctuée par la " Banda Militari" ,

 

Muro banda militari blog.jpg

(la Banda Militari de l'orgue de Muro)


  quitte à jouer par la suite une petite valse sentimentale à l'offertoire ou quelque polka  guillerette pour le retour de la communion ... Il suffit de lire certaines méthodes d'harmonium et d'orgue de la seconde moitié du XIX° siècle ( comme celle d'Alexandre Bruneau qu'avait eu entre les mains au petit séminaire l'ancien curé de Belgodère)  pour comprendre combien les frontières entre profane et sacré sont perméables. Dans le nord de la Corse en particulier, l'esthétique orchestrale, influencée par l'opéra, s'épanouit en cette fin du XIX° siècle avec les orgues de la firme Agati-Tronci (de Pistoia) et offre aux villageois les plus modestes comme aux notables le partage des joies d'une musique plutôt populaire, variée dans ses sonorités et ses émotions ...

Ajoutons que nos organistes de village, bons musiciens d'oreille et rendant service à l'église, abordaient à la messe le clavier de l'orgue avec autant de spontanéité que, pour leurs sérénades ou leurs contre-danses,  les boutons de leur accordéon diatonique ou que le manche de leur violon.  Le répertoire favori de l'ancien organiste d'Aregno pour ses sorties de messe,  (et qui a laissé des souvenirs émus chez les anciens du village) était :   " Etoile des neiges" ,  de quoi  affronter sereinement le restant de la semaine !
( Nous évoquons un temps où les distractions n'étaient pas, comme aujourd'hui,  pléthoriques)

Bref, j'espère que les orgues de Corse, qu'ils soient joués par des organistes confirmés ou   "de routine",  trouveront aussi la place qu'ils méritent dans cette exposition, d'autant plus qu'ils ont baigné à cette époque, comme les chants, le quotidien de  la communauté ou du moins participé chaque dimanche à la fête liturgique.

Je rappelle aussi à ce sujet que les orgues, sortant de l'espace liturgique,  ont parfois trouvé place dans les salons de musique des Sgio du XIX° siècle, comme le petit orgue  d'Anton Giuseppe Saladini ( début XIX° s.) construit pour la maison Giuliani, à Muro, et acquis par le Musée de la Corse ou comme celui que le facteur d'orgue Gaspard Domini construisit en 1876 à Feliceto dans sa maison familiale pour enseigner la musique à ses nombreux enfants:

 

Gaspard Domini orgue entier.jpg

À ce propos, vous pouvez visiter la note concernant notre cher Gaspard Domini, auteur de cinq orgues en Corse entre 1867 et 1902 :

http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2008/08/06/gaspard-domini1.html

 

01 orgue Crudeli volets ouverts blog.jpg

Ajoutons enfin que la facture d'orgue insulaire a engendré l'éclosion de cet art  monumental des tribunes qui faisait encore la fierté des villageois des décennies après la mort de leur créateur. Citons,  (extrait du livre de Sébastien Rubellin: L'Orgue Corse de 1557 à 1963, éditions Piazzola, page  161)  cet article du Bastia-Journal daté du 9 Janvier 1905, sous le titre

"Les vieilles orgues de la Collégiale Insigne de Speloncato"


"Parmi les monuments remarquables, et ils sont nombreux, de cette église, nous signalerons à ses visiteurs, amateurs de sculpture, peinture, musique, la tribune ou l'orchestre, d'où émerge le buffet contenant l'orgue.

Que l'on se figure une admirable coquille marine ailée, semblant s'élancer dans l'espace, aux sons entraînants, sublimes, d'une musique religieuse.

Ce monument est l'oeuvre, non, le chef-d'oeuvre d'un enfant de Speloncato, Anton, Giuseppe, Domenico, Saladini, célèbre ébéniste, sculpteur du premier Empire dont les meilleurs meubles datent de 1806 à 1840.

Aux descendants de cet homme de génie, qui habitent Speloncato, Bastia, et le Cap Corse, nous souhaitons de s'illustrer en ébénisterie comme leur ancêtre [...]"

Cetera Salvatore Saladini 1 petit.jpg

 ( la cetera de Salvatore Saladini )

Enfin, entre autres ouvrages sur le sujet, signalons à nouveau ce beau livre posthume d'Antoine Massoni paru en 2006 (après sa disparition en 2003) chez Piazzola et consacré aux musiques de Corse:

 

Untitled-1.jpg

qui succède à des années d'étude menées par "E voce di u cumune", concrétisées par des publications comme: " Etat des recherches sur les instruments traditionnels en Corse ( Accademia d'Ivagabondi, 1981), ou  " Contributions aux recherches sur le chant corse" (Centre d'ethnologie française, Musée national des arts et traditions populaires, Associu e voce di u cumune, 1992).

Voir également l'ouvrage de Dominique Salini ( professeur à l'Università di Corsica): Musiques traditionnelles de Corse  (publié en 1996 : A Messagera/ Squadra di u Finusellu).

 

* Comme en  témoignage le livre d'orgue manuscrit des Stacchino, père et fils organistes à Bonifacio à la fin du XIX° siècle et au XX° siècle: je garde un très beau souvenir de notre rencontre avec J.B. Stacchino, alors très âgé, en compagnie du tout jeune Bernardu Pazzoni dans les années 1980.

           museu di a corsica,la corse et la musique,antoine massoni

Voir la note:

 http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2010/11/05/cimetiere-bonifaziu-avec-jean-tardieu.html