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29/11/2010

Les orgues de Corse à l'honneur sur France Musique mardi 30 novembre

orgue de Costa centré blog.jpg

(le petit orgue anonyme de Costa, début XIX° s.)

Mardi 30 novembre à 22 h 30 sur France Musique

l'émission ORGANO PLENO de Benjamin François fera découvrir, pour ceux qui ne le connait pas encore, le riche patrimoine des orgues de Corse.

Petit rappel ...

LES ORGUES HISTORIQUES DE CORSE

Un patrimoine insulaire pour l’Europe à restaurer et faire vivre ...

(avec l'orgue Pagnini 1796/Agati Tronci 1878 de Muro par exemple )

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La Corse, décidément, peut nous surprendre: cette île si faiblement peuplée, trop souvent malmenée par les conflits extérieurs ou intérieurs, aurait pu ne laisser de son paysage culturel qu’une identité exsangue, morcelée. Or ce peuple de montagnards, bergers et notables confondus, a légué un riche patrimoine aux multiples facettes, qui témoigne en particulier de son sens inné de la musique : le chant (qu’il soit ou non polyphonique, religieux ou profane),  mais aussi la musique instrumentale tiennent une part primordiale dans sa vie.

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Au Temple, avec le Roi David (un rien poupon, façon Carli), le saint patron de la Musique, version Ancien Testament.
 Tiens!
je n'avais pas remarqué jusqu'ici ce petit rayon lazer émanant d'un triangle lumineux, au-dessus de la harpe de David:
 l'inspiration divine en action.
 Cher Francescu Carli, tu me plais décidément beaucoup!

 

Parmi tous les instruments populaires en Corse, invités à toutes les fêtes, cialambele, pirule, cetere, violons, cornemuses, mandolines, accordéons, guitares … pour n’en citer que quelques uns,  on est étonné de trouver sur l’île un tel engouement pour l’orgue, si admirablement représenté sur l’île .  Patrimoine important que l’on trouve non seulement dans les villes – huit instruments à Bastia, six à Ajaccio  - mais aussi, et cela est beaucoup plus surprenant,  dans les villages de l’intérieur : on peut du reste penser que les organistes de village avaient la même relation instinctive et passionnelle avec leur orgue que les violoneux du village avec leur violon …

            Aujourd’hui la Corse est riche d’une centaine d’orgues historiques dont l’histoire et la facture nous sont mieux connues grâce aux travaux de recherche de Renaissance de l’Orgue Corse et au remarquable ouvrage de Sébastien Rubellin : « L’orgue corse de 1557 à 1963 » (éditions Alain Piazzola).

 

L’Italie a définitivement, là aussi,  marqué de son empreinte la Corse, et les orgues, dès leur apparition (au 16ème siècle, aujourd’hui disparus) seront de facture italienne, avec diverses influences de la Péninsule : toscane, ligure, lombarde, romaine… Le seul orgue du 17ème siècle en état de jouer avait été construit en 1619 pour la cathédrale Sainte Marie de Bastia et chante aujourd’hui depuis 1844 à Piedicroce . Au 18ème siècle, sur les 66 orgues recensés, 36 se trouvaient dans des couvents ! Le 19ème siècle connaîtra une véritable « épidémie » organistique née de l’émulation entre communautés et verra même la naissance d’un atelier de facture d’orgue « italo-corse » dans le village de Speloncato en Balagne avec la famille des Saladini… A cette époque, la Corse devenue française reste - sur beaucoup de plans -  de culture italienne jusqu’à la fin du 19ème siècle et l’on continue, en les faisant évoluer au goût du jour, de construire des orgues italiens. Dans la Corse du Nord, plus prospère, la concentration et la qualité de ces petits orgues corses interpelle le visiteur venu parfois de très loin. Le Sud, bien que plus pauvre, offre cependant aussi quelques beaux instruments, dont l’orgue Cavaillé-Coll de la Cathédrale d’Ajaccio qui en fait une  exception française remarquable.

 

  

 Les orgues de Corse, dont une partie non négligeable a fait l’objet de « restaurations à l’identique » (le bon facteur d’orgue réutilisant le maximum de matériel d’origine et observant attentivement tous les paramètres archéologiques de l’instrument), protégées ou non au titre des Monuments Historiques, sont dans leur ensemble de taille modeste, à la mesure de l’église qui les abrite et de la bourse peu garnie des communautés concernées: un clavier unique de 45 ou 50 touches,  avec la première octave courte,  une coupure au milieu (au do ou, plus tardivement au fa), pour faire chanter sur le dessus un Cornetto, une Voce Umana, et plus tard les jeux d’orchestre, un « Ripieno » (plenum)  à rangs décomposés très lumineux, servant admirablement la polyphonie, parfois un Nazardo, souvent une Flauto à l’octave, un petit pédalier rudimentaire, quelques accessoires (Rossignol, Tamburo)… Le tout souvent logé dans un buffet élégant et installé sur une étonnante tribune construite et décorée avec goût et  créativité … 

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(Au fait, ce bien bel instrument, restauré par Jean-François MUNO en 1982, a fait l'objet d'un enregistrement par Marie Hélène Geispieler en 2005 .)

 

 A propos de restauration ...


L’intérêt de ces instruments n’est plus à démontrer. Voilà un patrimoine générateur d’émotions et promoteur d’un enjeu économique et touristique durable tant pour les communautés qui en sont responsables que pour les personnes venues de l’extérieur rencontrer la Corse dans sa richesse humaine, naturelle et culturelle. L’effort de restauration des orgues historiques de l’île entrepris il y a plus de quarante ans ne doit pas faiblir, à condition de prendre garde de restituer tout le caractère historique et archéologique de chaque instrument et de s’entourer de toutes les précautions d’usage.

 Qu’il  soit ou non classé Monument Historique, l’orgue, lors des appels d’offre, doit impérativement faire l’objet d’une véritable mise en concurrence des compétences et le sérieux des études préalables devrait pouvoir garantir aux communautés qui s’engagent sur ces dossiers onéreux l’excellence du résultat : l’argent investi pour ces restaurations largement subventionnées par la CTC, est celui du citoyen qui est en droit d’en demander des comptes.

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le volet de gauche:
"LAUDATE EUM IN TIMPANO ET CHORO"

 Michel FOUSSARD, alors chargé d’une mission financée par la Direction Régionale des Affaires Culturelles et la Collectivité Territoriale de Corse avait rédigé en 1997 une excellente étude :

« L’ISULA DI L’ORGANI », les orgues de Corse, Situation, enjeux, propositions »

 Il y évoquait l’intérêt essentiel qu’il y aurait à doter la Corse d’un CONSEIL SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE chargé en particulier d’accompagner dans leurs démarches les municipalités désireuses de faire restaurer l’orgue de leur communauté. A ce propos, lorsque l’orgue bénéficie d’un classement, le technicien conseil chargé de l’étude préalable ( subventionnée) rédige un cahier des charges détaillé qui doit mettre la municipalité à l’abri des mauvaises surprises. En absence de classement, et la technicité particulière de l’orgue n’étant pas à la portée de tout un chacun, le regard averti de ce Conseil scientifique et technique en amont de la restauration garantirait le sérieux de l’opération. L’expérience nous apprend hélas qu’un orgue insuffisamment bien restauré ne tarde pas à connaître les incidents qui vont le rendre impropre à l’usage qu’on  en attend ... accords difficiles ... claviers laborieux ... ripieno indécis  ...

Un facteur d'orgue a récemment comparé son travail de remise en vie des orgues muets au baiser du  Prince Charmant qui éveille la Belle au Bois Dormant de son long sommeil : jolie comparaison, en souhaitant pour la Belle que l'haleine du Prince soit bien fraiche, que pur soit son désir,  et ... qu'il ait auparavant acquis une solide expérience amoureuse !

Il semble donc urgent d'aider en amont les élus responsables du patrimoine lorsqu'ils s'engagent, et avec quel courage! sur la voie de la restauration de leur orgue. L'opération une fois terminée, il sera beaucoup plus difficile après coup de revenir sur un travail insatisfaisant, en particulier lorsque le vent se dispersera pernicieusement entre table, registres et chapes du maître sommier et causera des désordres qui réclameront à nouveau une intervention lourde:  devoir remettre le sommier sur l'établi n'est jamais une mince opération et les subventions  retombent rarement  deux fois dans la même escarcelle ...

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le volet de droite:
LAUDATE EUM IN CORDIS ET ORGANO
En tous cas, l'orgue de Muro va très bien, je vous rassure, et ne donne aucun signe de faiblesse!

 

***

Un autre exemple, le doyen des orgues de Corse:

L’ORGUE DE PIEDICROCE (CASTAGNICCIA).

 

à l'église Saint Pierre et Saint Paul.

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Construit en 1619, c’est le doyen des orgues historiques de Corse.

Avant d’être installé en 1842 dans la magnifique église de PIEDICROCE, cet orgue était à la Cathédrale  Sainte Marie de BASTIA. En 1619, le Maître Giogio SPINOLA, facteur d’orgue génois, construit un nouvel orgue pour la Cathédrale en remplacement d’un orgue plus ancien qui existait déjà en 1571.

En 1636, l’orgue de Spinola est déjà en mauvais état et la Magnifique Communauté de Bastia décide de confier la restauration de l’orgue à un facteur d’orgue romain , Messire Brutus VISCHEA, qui se trouve alors à Bastia. Après ces travaux, l’orgue semble donner pleinement satisfaction… jusqu’au jour où, en 1661, la cathédrale est frappée à plusieurs reprises par la foudre, entraînant un incendie dévastateur : «  l’éclair venant du campanile plongea dans la voûte de l’église et passa dans l’orgue, qu’il mit sans dessus dessous ainsi que beaucoup de ses tuyaux ; il brûla l’ornementation de l’orgue, et la rompit en tout petits morceaux ; toutes les fenêtres furent ébranlées par cette grande secousse, et réduites en miettes ; ensuite, de l’orgue, l’éclair s’enfonça dans le sol. Les ornements du buffet furent détruits, et après une forte secousse qui brisa toutes les fenêtres du chœur, l’orgue s’écroula sur le sol ».*

Restauré peu de temps après par l’organier SANTALUCCIA, l’orgue continuera sa vie  liturgique à Sainte Marie… jusqu’au moment où la Ville de Bastia décide de faire construire un nouvel orgue « au goût du jour », et commande aux frères SERRASSI un instrument prestigieux et beaucoup plus important pour sa Cathédrale. On confie alors, en 1842, à Anton Pietro SALADINI, célèbre facteur d’orgue originaire de Speloncato, le soin de restaurer l’ancien orgue de Sainte Marie de Bastia et de le transférer dans l’église Saint Pierre et Saint Paul de Piedicroce où il se trouve aujourd’hui.

 

Grâce à la restauration d’Alain SALS (1975/1985), le bel orgue de Piedicroce est aujourd’hui le seul instrument  en état de marche conservant des éléments du 17ème siècle : façade, buffet, sommier, Principale, Voce umana, Nazardo …

*Cité par Sébastien Rubellin dans : « L’Orgue Corse, de 1557 à 1963 », édition A. Piazzola.

DESCRIPTION ET COMPOSITION

 

 

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La caisse du buffet, en châtaignier, est fermée par deux volets de toiles peintes :ouverts ils montrent un élégant décor bleu et or du XVIIIe  siècle, repeint par-dessus l’ancien décor du XVIIe siècle. Fermés, les volets, repeints au XIXe siècle, illustrent le Roi David et Sainte Cécile, les saints patrons de la musique.

On peut aujourd’hui admirer l’ordonnance esthétique de cette façade exemplaire, constituée de cinq plates-faces de 5-9-5-9-5 tuyaux en étain, dont les écussons sont en ogive. Deux ensembles d’ « organetti morti » (des tuyaux décoratifs et muets) finissent d’animer cette composition typique du XVIIème siècle. Lors de la restauration, en 1975, Alain SALS a restitué la majorité de la tuyauterie du XVIIème siècle, extrêmement fragile, et refait à l'identique les 98 tuyaux qui avaient disparu.

Le grand fronton au-dessus du buffet porte les lettres signalant la dédicace à la Vierge Marie  : « A.M. », pour Ave Maria.

Le sommier à registres coulissants, est probablement celui du XVIIe siècle.

Le clavier, avec octave courte selon l’usage ancien, à l’origine de 45 notes, a été agrandi par SALADINI de 5 notes dans les aigus.

Depuis sa restauration (1975/1985) par Alain SALS, le doyen des orgues corses parle aujourd’hui pour les fêtes du village et lors des concerts.

COMPOSITION:

Principale - Ottava - Decima nona - Vigesima secunda - Vigesima sesta -

Cornetto Soprani (2 rangs) -  Cornetto Bassi (2 rangs)

Nazardo - Flauto in ottava - Voce umana

jeu de bassi (16’ et 8’).

Tempérament mésotonique (avec 6 tierces justes).

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(détail des frontons de touche: lors de son transfert à Piedicroce, Anton Pietro Saladini a augmenté l'étendue du clavier de cinq notes dans les aigus.)

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(le tirage des jeux et, au clavier, l'augmentation des touches dues à Saladini)
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(le pédalier, à octave courte, comme il se doit)

La surabondance des décors baroques, fresques, stucs et marbres qui envahissent cette grande église baroque de saint Pierre et Saint Paul de Piedicroce, édifiée en 1691, manifeste assez l'ancienne richesse de ce village, aujourd'hui plus dépeuplé qu'alors. C'est ici que l'on peut admirer le doyen des orgues corses.


Campé sur sa légère tribune de bois à claires-voies ornée de trophées musicaux réhabillés au XIX ème siècle sans trop de ménagement, le rose saumon et le bleu caeruleum recouvrant les verts d'origine ce magnifique instrument est pourvu de deux grands volets de toile peinte. Madeleine ALLEGRINI, lors de leur restauration a constaté plusieurs strates de décor : les lauriers ocres et verts du XVII ème siècle ont cédé la place, sur les volets intérieurs, à des feuilles d’acanthe qui épanouissent depuis le XVIII ème siècle leurs arabesques dorées sur un fond bleu intense. La belle façade caractéristique de SPINOLA, avec son ordonnance en cinq plate faces et ses deux séries d’organetti morti (tuyaux ornementaux, non postés), conjuguée avec les rinceaux dorés des volets ouverts donne beaucoup de majesté au vieil orgue. Au siècle dernier, on a rajouté un fronton bleu et fleuri où trône le monogramme de la Vierge (AM). Fermés, les volets font apparaître Sainte Cécile et le Roi David (les saints patrons de la musique) déclamés à nouveau au XIXème siècle par un pinceau quelque peu emphatique. La théâtralité redondante de ce décor est alors renforcée par la présence de lourdes volutes végétales, repeintes à la même époque, enroulées de chaque côté du buffet.

Depuis son transfert en 1842, le vénérable instrument tient désormais compagnie à la foule des saints et des anges qui peuplent l’église paroissiale de Piedicroce.

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J'ajoute ces deux beaux dessins réalisés par une toute jeune fille de Piedicroce, Angelina Jolie Raffali ... amenée à la découverte de l'orgue avec sa classe du collège de Folleli : une opération qui me fait toujours plaisir! La sensibilisation en milieu scolaire  est l'un des meilleurs vecteurs de la préservation de ce patrimoine organistique de la Corse.
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Merci, Angelina!

 

Pour finir cette petite note sur la valorisation des orgues de Corse, je rappelle l'énorme travail commencé et continué depuis  40 ans par Renaissance de l'Orgue Corse et celui mené par l'asssociation Saladini de Speloncato avec ses parcours, depuis 12 ans, de "la Montagne des Orgues", qui fait découvrir,  ce patrimoine à une moyenne de 500 personnes chaque année ...

voir le site: 

www.montagne-des-orgues.com


 

 

 

 

23/11/2010

Toujours Novembre ...

Et après ... comment ça se passe ?

(nous chantait-on alors)

... DIES IRAE DIES ILLA ...

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En Balagne, à Calenzana, comme dans une bande dessinée, ce Jugement dernier:

bon, ce que je constate,  c'est que de l'autre côté il y a foule!

 

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Le moment semble venu de  définitivement  séparer les Bons des Méchants, les Elus des Maudits: heureusement pour le tribunal céleste, les enquêtes sont menées rondement et sans risque d'erreur ... rien n'échappe à l'oeil du Juge suprême, pas même les plus petites rétrocommissons occultes ... ça va faire mal!


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 Une version jupitérienne de Dieu le Père, nimbé de gloire,   foudroie les "MALEDICTI",   désigne de sa main droite la Croix salvatrice et de sa gauche armée du sceptre montre les Ecritures, tandis que sonnent les trompettes annonçant la résurrection des morts.  A ses côtés, la Vierge "nostra advocata" plaide, en compagnie d'une nuée de saints, reconnaissables à leurs symboles habituels,  leur  palme,  l'instrument de leur martyre ... tous intercèdent en faveur des Morts: c'est qu'ils ont des trésors inépuisables de bienfaits à déverser sur nous ...

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... foule animée, le regard tendu vers la lumière de Dieu le Père, à moins qu' on ne vous contemple vous, pour vous mettre en garde, comme ce Saint François qui prie pour vous ... ce qui me fait penser que cette oeuvre était peut-être destinée à la pastorale franciscaine ...

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en dessous, les élus, nombreux et sereins

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tandis qu'au centre de la toile Saint Michel Archange continue de terrasser Satan et de chasser les Damnés (beaucoup moins nombreux que les Elus, je vous rassure)

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voués irrémédiablement  à leur sort misérable :

voyez ce qui nous attend si par malheur ...

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... hé hé hé! ...

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... j'espère que cet acte de dévotion lui aura été profitable, à ce Giuseppe,

le moment venu !

(à suivre)

 

 

 

 

 

 

20/11/2010

Paul Giuliani

 

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Je vous invite à retrouver Paul Giuliani dans le bel hommage rendu par Esmeralda, à Tele Paese:

sur le site de Tele Paese, ouvrez le journal du 18 novembre ...

 

 

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 Sur son répondeur, qu'il n'a jamais changé même après le décès de sa femme , on pouvait toujours entendre: "Ici Paul et Jeanine ..."

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Les voici à présent réunis

 

 

 

17/11/2010

Speloncato: Paul Giuliani nous a quittés

Paul Giuliani, le président de l'Association Saladini de Speloncato, nous a quittés.

 

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Cette nuit, brutalement. Nous lui rendrons hommage un peu plus tard: pour le moment , c'est le chagrin et le silence. Ce soir les confrères de Speloncato chanteront pour lui l'Office des Morts et demain tous ses amis  l'accompagneront pour sa messe d'enterrement, à la Collégiale de Speloncato, à 15h30.

16/11/2010

Les confréries de Corse: l'exposition de Corte, suite

Les confréries de Corse

2°/ petite suite: survivre aux mutations du monde contemporain ...

" Le déclin des anciennes certitudes n’a pas signifié la disparition des besoins psychiques qu’elles satisfaisaient." (Octavio PAZ)

 

 

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  Sant' Andreu di Boziu: la Crucifixion avec deux confrères

Lu ce beau texte, écrit par Octavio PAZ : il s'agit d'une conférence donnée à Séville en 1991 et dont le titre était:

"Démocratie: l'absolu et le relatif"

 ( Itinéraire, chez Arcades/ Gallimard) 

En voici quelques lignes significatives:

               (…) Chaque homme est soif de totalité, faim de communion. C’est pourquoi il cherche le sens de son existence, autrement dit ce chaînon qui le relie au monde, qui le fait participer au temps et à son mouvement. C’est pourquoi encore il aspire à renouer avec cette intime réalité dont la naissance l’a brutalement séparé. Nous sommes suspendus entre solitude et fraternité. Chacun de nos actes vise à rompre notre isolement – notre condition d’orphelin – et à restaurer, fût-ce de façon précaire, notre union avec le monde et avec autrui. La démocratie moderne nous épargne les exigences exorbitantes et cruelles de l’Etat sous sa forme antique, à mi-chemin de la Providence et de Moloch. Elle nous offre la liberté, donc la responsabilité. Mais cette liberté, à défaut de se traduire par une reconnaissance des autres et de les inclure, est une liberté négative : elle nous enferme en nous-mêmes. Cruel dilemme : sans fraternité, la liberté se pétrifie ;  sans liberté, la démocratie cède le pas à la tyrannie. Une contradiction fatale, au double sens du terme : nécessaire et funeste. Sans elle, nous ne serions pas libres, nous ne pourrions aspirer à notre seule dignité : être responsables de nos actes. Mais avec elle, simultanément, nous tombons dans un abîme sans fond : notre propre personne. C’est à cela que nous assistons dans les sociétés libérales modernes : la communauté se fracture, la totalité se disperse. A son tour, la scission de la société se répète en chaque individu : chacun est divisé, chacun est un fragment et chaque fragment tourne sans boussole, et heurte les autres fragments. En se multipliant, la scission engendre l’uniformité : l’individualisme moderne est grégaire. Etrange unanimité, faite de l’exaspération du moi et de la négation des autres."

***

 Les confréries d'autrefois semblent avoir développé une certaine éthique que nous aurions aimé voir mise davantage en exergue dans cette exposition de Corte : le contraire de "l'exaspération du moi et de la négation des autres " ...

Elles marchaient sous leurs bannières, rappelant  ainsi sous la trame de la vie  l'humaine destinée: en voici deux choisies parmi tant d'autres, peintes pour une confrérie du Ghjunsani

 

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Regardez bien, par transparence sous cette crucifixion veillée par nos confrères ...

 

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... la méditation  mélancolique de A FALCINA (la faucheuse)

Et sur cette autre bannière:

d'un côté la Mort à grandes enjambées

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...tenant d'une main sa grande faux sanglante  aux dents acérées

et de l'autre le sablier ailé ...

 

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... tandis qu'au revers, l'aspiration à la rédemption, à la transcendance. Sur cette bannière le Christ couve du regard les deux confrères, dont l'un tient son flambeau allumé  et l'autre, l'air épouvanté, regarde son flambeau éteint:

"Veillez: vous ne savez ni le jour ni l'heure " ...

Ces bannières populaires portent avec évidence leur message. D'un côté la Mort n'est pas, comme aujourd'hui, escamotée: elle s'inscrit dans le paysage quotidien des vivants, semblant lier  à jamais l'humanité à son mortel destin  -  " la Mort pour tous et la Mort pour soi" -  en paraphrasant le titre de l'excellent ouvrage de Marie-Hélène Froeschlé-Chopard: "Dieu pour tous et Dieu pour soi" (éditions de l'Harmattan). Mais de l'autre côté ces bannières anciennes sont avant tout une invitation à répondre communautairement à la dure loi de cette mort individuelle: un engagement éthique qui, par cette réponse confraternelle, défait les liens de la mort et ouvre les portes de la liberté...

***

"Nos aïeules récitaient d'interminables rosaires; nos filles répètent des slogans publicitaires." ( Octavio Paz, idem) 

 

Parmi les plus beaux objets présentés à l'exposition de Corte, la magnifique série des bâtons de procession de la confrérie du Rosaire de Bonifacio m'a particulièrement impressionnée: c'est le seul cas que je connaisse en Corse du Rosaire ainsi conçue pour être "déambulée" ... En revanche cette dévotion reste l'une des plus populaires dans nos églises, moulinant dans un interminable  et doux murmure la dévote prière : son iconographie récurrente, délivrant avec efficacité le cathéchisme pour tous, se retrouve illustrée au long des siècles dans les moindres chapelles de nos villages: 



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Ici l'autel du Rosaire dans l'église de l'Annonciation de Muro (anonyme, XVII°s): la Vierge et l'Enfant entre Saint Dominique et Sainte Catherine de Sienne

 

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Sainte Catherine de Sienne et détail de la Résurrection, de l'Ascension, de la Pentecôte (Mystères glorieux) ...

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... et un détail de la Nativité (Mystère joyeux): la paysanne en robe noire apporte le double réconfort d'un panier rempli d'oeufs et d'une corbeille, sur sa tête, pleine de linge, me semble-t-il...

 

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Ou ici, cette représentation plus populaire des Mystères du Rosaire peints par le peintre de Nessa , Antonio Orsini (milieu XIX°s) pour Nessa ...

Mais toujours ces liens affectifs, fraternels,  tissés entre les gens d'une communauté villageoise sur fonds de dogmes de l'Eglise ...

Que reste-t-il de l'esprit de ces époques? Le monde a changé. La survie, du moins pour une majorité des gens de notre époque est "assurée" - du moins l'on serait heureux de pouvoir l'affirmer! - par l'Etat "démocratique", cet Etat centralisé qui pense et agit à notre place pour "le bien du peuple", cet Etat dont nous voyons les visages successifs à la sacro sainte Télé  à grand renfort de suspens médiatisé ... La précarité n'est plus prise en charge par des gens reconnaissables, la charité s'exerce à distance :  les confréries n'ont plus réellement cette mission première  d'entraide au sein de la communauté sans laquelle autrefois l'on ne pouvait survivre ... Or cette nécessité  de jadis cimentait plus sûrement le groupe (la confrérie du village faisant office de famille élargie)  que la satiété de nos jours ...

[Mais gardons-nous du passéisme: les gens d'autrefois n'étaient pas meilleurs que ceux d'aujourd'hui et nous assistons chaque jour à la création d'associations caritatives très actives avec des gens formidables de tous bords qui luttent   - par les banques alimentaires, les restaus du coeur, les aides au logement, à l'éducation ,  à la recherche médicale ...  -  pour soulager la misère des innombrables laissés pour compte de notre société ... En Corse comme ailleurs.]

En revanche, ces confréries d'aujourd'hui, en dehors de leur fonction purement religieuse  ( si l'on peut dire, le religieux et l'humain se pénétrant sans relâche: il n'y a, pour s'en convaincre, qu'à assister par exemple à un Office des Morts fraternellement célébré pour un membre de la communauté ) et de  la dynamique  propre au travail du chant ( prenant en charge le riche patrimoine du chant local, dans sa recherche et dans toute sa diversité, dans sa transmission mais aussi dans sa créativité),  nos confréries, donc, ont clairement un rôle à jouer dans le maintien et l'enrichissement du lien social et dans une reconnaissance identitaire positive. Tel jeune en mal d'être, échappé des cadres structurants habituels de la société, peut retrouver là un  espace de communication, de parole, de respect. La place faite naturellement aux plus humbles, aux plus fragiles, aux plus simples, serait une raison largement suffisante pour justifier la vie de ces nouvelles confréries et exprime alors le meilleur de la spiritualité humaine.

Enfin soulignons que ce besoin de confraternité a toujours existé , il est inhérent à la nature humaine, partout dans le monde, qu'il s'exprime ou non au sein de structures religieuses, chez les chrétiens, chez les musulmans , chez les franc-maçons, etc ...  et prenant souvent le relais de structures étatiques centralisées et défaillantes , avec ses aspects positifs mais aussi parfois dangereux ... Ceci est un autre problème!

 

 

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(à suivre)