23/11/2011
El Greco à Tolède : la "nuit obscure" de l'Ame
L'ardent cantique de l'âme:
portraits des Apôtres d'El Greco
( Dhomenikos Theotokopoulos, Candie en Crète 1541 - Tolède 1614 ),
en compagnie de saint Jean de la Croix:
"En una noche oscura
con ansias en amores inflamada
oh dichosa ventura
sali sin ser notada
estando ya mi casa sosegada " ( ...)
" Par une nuit obscure,
Ardente d'un amour plein d'angoisses,
Oh! l'heureuse fortune!
Je sortis sans être vue,
Ma maison étant désormais accoisée
A l'obscur et en assurance,
Par l'échelle secrète, déguisée,
Oh! l'heureuse fortune!
A l'obscur et en cachette,
ma maison étant désormais accoisée.
Au sein de la nuit bénie,
En secret - car nul ne me voyait,
Ni moi je ne voyais rien -
Sans autre lueur ni guide
Hors celle qui brûlait en mon coeur.
Et celle-ci me guidait,
Plus sûre que celle de midi,
Où Celui-là m'attendait
Que je connaissais déjà,
Sans que nul en ce lieu ne parût.
O nuit! toi qui m'a guidée,
O nuit! plus aimable que l'aurore,
O nuit! toi qui as uni
L'Aimé avec son aimée,
L'aimée avec son Aimé transformée.
Sur mon coeur couvert de fleurs,
Qui se gardait, entier, pour lui seul,
Il reste là -endormi-
Et moi, je le caressais,
L'éventant de l'éventail des cèdres.
L'air qui soufflait du créneau,
Quand je lui caressais les cheveux,
De sa main sereinement
Venait me blesser au cou,
Et tenait en suspend tous mes sens.
Je me tins coi, dans l'oubli,
Le visage penché sur l'Aimé.
Tout cessa. Je restai là,
Abandonnant mon souci,
Parmi les fleurs des lis, oublié."
(La montée du Mont Carmel)

(les fleurs de l'Assomption, vers 1612, Musée Santa Cruz)

(les larmes de saint Pierre: attribué au Greco ou à son atelier )
à écouter, Roland de Lassus:
http://youtu.be/zjHVO0MU0g8
"Où T'es-Tu caché, Ami,
Toi qui me laissas dans les gémissements?"

le saint Luc de la sacristie de la Cathédrale de Tolède. La série des Apôtres de la cathédrale fut exécutée, pense-t-on, entre 1601 et 1610.

douceur mystique du visage allongé, strabisme troublant de ce regard perdu en dedans: le strabisme de l'âme .
C'est peut-être un autoportrait
Voici le dernier cycle des "Apostolados", peinte par El Greco entre 1610 et 1614, juste avant sa mort. Cette série avait été peinte à l'origine pour l'hôpital de Santiago à Tolède.
On peut aujourd'hui l'admirer au Musée d'El Greco à Tolède, où la proximité des toiles rend encore plus intense la rencontre de ces visages souvent inachevés ...

Saint Pierre

et son visage

saint Paul

saint Jean: tenant la coupe empoisonnée.
Probable intervention des collaborateurs de l'atelier.

son visage juvénile ...

et sa main:
réminiscence de l'art premier de Greco le Crétois

saint Barthélémy

Puissant!

saint Jacques Majeur

et son visage, si proche

Saint Jacques Mineur

son visage, avec cette assymétrie troublante ...

et sa main

Saint Thomas

et son visage ...

saint Philippe

son visage: le nez pointu, une constante.

Saint André

et son visage ...

Saint Jude Thaddée

et son visage: un oeïl interrogatif pour vous scruter, l'autre pour le dedans

Saint Simon

et son visage: concentré sur le Livre

Saint Mathieu

son visage: nulle frontière entre le dehors et le dedans, rien n'est fermé, tout est passage

... et sa main ...

enfin, le Christ Rédempteur,
comme une icône de Christ Pantocrator

mais les yeux dans les yeux.
"O vive flamme d'amour
Qui navres avec tendresse"
(Saint Jean de la Croix)
à écouter: Manus tuae Domine, Cristobal de Morales
http://www.youtube.com/watch?v=WuHZnghwtJQ&feature=colike

Le Greco, partagé à Tolède avec mon Pierre, le bon apôtre:
un vrai air de famille ...
(à suivre)
00:41 Publié dans el Greco, regards sur l'art | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tolède, el greco, les apôtres, musée el greco, saint jean de la croix, montée du mont carmel |
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