09/09/2019
Exposition de sculptures de Pierre Pardon au Domaine d'Alzipratu
Le Domaine d'Alzipratu à Zilia
http://www.domaine-alzipratu.com/
accueille actuellement l'exposition de
Pierre PARDON
"une vie rêvée des pierres"
(à l'atelier, "entre nous", marbre de Carrare)
"Il est des choses
qui ne peuvent être dites
qu’avec une pierre
un morceau de bois"
Jean-Louis GIOVANNONI
( Ce lieu que les pierres regardent, Collection Terre de Poésie)
"L’ensemble présente une partie essentielle de mon travail sur ces trois dernières années.
Après une longue période intimiste qui a donné une importante famille de « Plaques sensibles » en ardoise, j’ai ressenti le besoin de respirer au grand air, d’où cet affrontement avec l’espace, la pesanteur et l’élan vertical.
Les titres peuvent proposer des indices sur la formation de ces rêves de pierre."
Pierre PARDON
(à l'atelier, "mon doux menhir", marbre rose du Portugal)
("érosion" marbre noir de Belgique)
("nuage" dans le chai d'Alzipratu...)
("je suis là" , marbre, métal et bronze)
Vernissage le 13 septembre à partir de 18 h ...
en pleines vendanges!
et l'occasion de découvrir les excellents crus du Domaine d'Alzipratu!
Un grand merci à Pierre Acquaviva pour son accueil chaleureux!
22/05/2018
1/ la chapelle San Quilicu à Cambia
En Castagniccia, la chapelle San Quilicu di Cambia. Pieve di e Vallerustie.
(Je reprends la note de l'hiver 2008 et la complète avec des images des fresques restaurées dernièrement par Madeleine ALLEGRINI)
1°/ La chapelle romane et ses décors sculptés
(à la lumière de cet été, le chevet de la chapelle, orientée comme il se doit à l'est)
Pour la visite, s'adresser à la mairie de Cambia.
Cette chapelle San Quilico (alias saint Cyr) - comme sa petite sœur voisine dédiée à Santa Maria- semble dater du début du XIIIème siècle - leur fondation n’étant confirmée par aucun témoignage historique. On la découvre avec émerveillement blottie au secret d’une chênaie vigoureuse, au bord d'un ancien chemin muletier fort pentu qui descend à l'ombre des arbres. En hiver le grondement du torrent caché ajoute au mystère du lieu ...
(La nef mesure 12,60 m de long, 4,60m de large; l'abside: 3,20m en ouverture et 1,65m en profondeur, mesures données par l'archéologue Geneviève MORACCHINI-MAZEL dans "Les églises romanes de Corse", ouvrage de référence publié en 1967
Ses murs de schiste gris blondissent au moindre rayon de soleil , rythmés par la musique des arcatures et de leurs modillons sculptés sous la corniche, des fenêtres meurtrières, des deux portes surmontées de leurs tympans en fort relief. L’élégance dynamique de l’ensemble, la variété des sculptures, leur formidable vitalité est, à chaque visite, un enchantement …
( en ce mois d'août 2010, la façade ouest, avec notre chère Marie -Germaine Mary Conrad)
Une histoire verticale
(Où l'espèce humaine devient à son tour, tant bien que mal, championne de la verticalité)
"Si vous mangez du fruit de l'arbre, vous serez comme des dieux"
Le tympan de la porte de la façade occidentale illustre la scène de la tentation au Paradis du couple originel. Un arbre puissamment enraciné pousse droit, et le Serpent qui s'enlace autour du tronc avec force et élégance dépose dans la main d'Eve le fruit de la Connaissance par où l'humanité évolue vers son destin.
Avez -vous remarqué? Le Serpent semble sortir du corps d'Eve et lui fait l'offrande d'amour (et de la petite graine si utile à la croissance et la multiplication de la descendance humaine - ce que le bon Adam pour l'instant ignore).
Le serpent se dresse.
Animal par la suite rampant et voué à la terre, fluide ou immobile, il s'arrache du monde horizontal et glaiseux auquel il appartiendra pour se dresser de toute sa volonté, s'élèver de toute sa vigueur intelligente. Dans cette recherche verticale, il a besoin de l'arbre pour atteindre le plus haut des degrés supérieurs concevables ...
Dualité du serpent: symbole de mort, de luxure, bref, du Mal, ou bienveillant et guérisseur (le serpent d'airain érigé par Moïse dans le désert, le serpent d'Esculape sur le caducée, le Christ rédempteur figuré sous forme de serpent sur la Croix...). Quoi qu'il en soit, si besoin est, le serpent se dresse. A moins qu'il ne se morde la queue - mort et résurrection de l'ouroboros ... En tous cas si souvent présent sur le tympan de nos chapelles romanes qu'il faut bien s'accommoder de cette rencontre fatale.
Car le serpent est le symbole de l'intelligence, de tous les animaux, c'est même le plus rusé. Sa sagesse acquise, volée? se double de séduction: à la fois tentateur et gardien du sacré, il utilise l'arbre du Paradis pour s'élever et, en faisant goûter ses fruits, entraîne, nous dit-on, la mort spirituelle de ceux qu'il a séduits en leur faisant la promesse trompeuse d'une élévation au rang des dieux. Connaissance et Immortalité.
- Il a choisi Eve pour atteindre Adam: c'est la plus vive, la plus avide de sensations nouvelles, la plus téméraire, la plus spontanée peut-être aussi? Ou bien la plus intéressée, la plus envieuse, la plus calculatrice? Et qui pourrait dire à quel moment précis ces deux-là en ont fini avec la pureté de coeur?
"Si je parle à l'homme, il ne m'écoutera pas, car il est difficile d'infléchir l'esprit d'un homme. Voilà pourquoi je préfère m'adresser d'abord à la femme dont l'esprit est plus superficiel (et la voilà entamée, la vaste histoire des femmes trop curieuses, en passant par Barbe Bleue!). Je sais qu'elle m'écoutera car la femme prête attention à chacun. (Glosez comme vous voudrez)
Adam, tout comme Eve, tend la main du désir vers le fruit défendu: ils ne l'ont pas encore croqué le fruit que déjà ils ont pris la mesure de leur nudité, de leur différence, et se cachent le sexe de leur grande main maladroite... Leur conscience s'éveille... Deux étoiles stylisées accompagnent dans leur chute celle de nos pauvres parents... Annonce d'amour, d'exil et de mort.
L'Arbre du Paradis lui aussi s'élève, mais naturellement et sans artifices, sans engrais chimiques ni tripotages transgéniques - pas encore eu besoin de les inventer, la terre d'Eden est naturellement bio et généreuse ... A lui seul il contient toute notre nostalgie de l'ascension après la chute et d'une communication terre/ciel. Le monde judéo-chrétien partage cette symbolique universelle de l'arbre/ axe du monde/ échelle cosmique avec bien d'autres civilisations:
"Dans l'ordre rituel, rappelons-nous le cas typique des chamanes qui dressent le tronc d'un bouleau au centre de leur hutte, le sommet passant par le trou de fumée assimilé au pôle céleste, et en font l'ascension rituelle pour déboucher dans l'au-delà"
(Le monde des Symboles, éditions Zodiaque, p. 331)
Le futur Arbre de la Croix.
Axe cosmique de l'univers, l'Arbre exprime la croissance naturelle de la vie et l'aspiration de l'homme intérieur à se régénérer par la vie spirituelle: ses racines solides plongent dans le monde souterrain, celui des enfers, celui de l'obscurité - d'aucuns diraient celui de l'Inconscient, celui des trépassés, mais aussi celui de l'humus nourri des reliques des Saints, et il projette ses branches vers le monde céleste, en recevant lumière, spiritualité ("Pater noster qui es in caelis") et eaux fécondantes. Curieusement, les branches de l'arbre préfigurent à leur façon les bras de la Croix.
(enlacés, dans leur message cohérent, l'Arbre de la connaissance et la Croix: église pisane de la Trinité à Aregno, Balagne)
L'Arbre de la Croix :
"(...) Cet Arbre qui s'étend aussi loin que le ciel, monte de la terre aux cieux. Plante immortelle il se dresse au centre du ciel et de la terre: ferme soutien de l'univers, lien de toutes choses, support de toute la terre habitée, entrelacement cosmique, comprenant en soi toute la bigarrure de la nature humaine. Fixé par les clous invisibles de l'esprit, pour ne pas vaciller dans son ajustement au divin; touchant le ciel du sommet de sa tête, affermissant la terre de ses pieds, et, dans l'espace intermédiaire, embrassant l'atmosphère entière de ses mains incommensurables. (...)
Hymne composé par Hippolyte de Rome au IIIème siècle
A propos du fruit offert à Eve par le serpent.
En Corse on pourrait y voir, à la place de la pomme, une figue, ce qui faciliterait grandement par la suite le premier habillage d’Adam et Eve : les feuilles du figuier sont juste d'une taille adéquate- sinon d'un grand confort lorsqu'on en connait les vertus urticantes - pour cacher ce sexe qu’ils viennent honteusement de découvrir – c’est du reste ainsi qu’Albert Dürer choisit de figurer cette scène - La feuille du pommier serait trop petite, la feuille de bardane assurément trop encombrante et peut-être n’en auraient-ils pas eu sous la main, bref la figue fait parfaitement l’affaire, d’autant que c’est un fruit plutôt chargé de sens : la figue et le raisin ne sont-ils pas les attributs de Dionysos et de Priape ? Une invitation à « consommer » la figue dont nous sommes tous issus…
Et si ce n’est pas une figue, c’est une pomme, bien sucrée et toute féminine, même si l’on sait que la pomme n’était encore présente en Orient à l’époque de la Genèse … Et si c’est une pomme, cela facilite aussi grandement l’interprétation puisque son nom latin est malum, le terme recouvrant du reste d’autres fruits comme le coing, la grenade, le citron, la pêche, l’orange, homonyme de malum, le Mal. Nous y voilà ! Et c’est Eve bien sûr qui en fait cadeau à son grand benêt d’Adam, lequel manque de s’étouffer en la mangeant trop avidement (on le représente souvent portant la main à sa gorge : d’où la pomme d’Adam).
Si l’on trouve fréquemment sculptée sur nos églises romanes de Corse cette représentation de la Tentation d’Adam et Eve, elle disparaît de l’iconographie dans les églises baroques de l’île : c’est que le Concile de Trente est passé par là transformant cette malédiction du péché originel en message de rédemption.
C’est ainsi que Marie, la mère du Christ venu racheter le péché originel, a transmuté le nom de EVA, notre mère originelle, en AVE et en message de paix:
"Sumens illud ave
Gabrielis ore
Funda nos in pace
Mutans Hevae nomen"
( l'Annonciation de l' église d'Altiani )
Désormais, sur les autels retables de nos églises, la Vierge nimbée de lumière écrasera sous ses pieds nus le serpent du Mal, et, regardez bien, la plupart du temps, le Malin tient dans sa gueule une pomme … juste un petit rappel sympathique.
l'autel de l'Immaculée Conception à St Pierre et St Paul de Piedicroce
(sale Bête, va!)
Les symboles traversent les siècles sans se soucier du politiquement correct et les sculpteurs de cette époque n’étaient pas pudibonds, on en aura quelques exemples savoureux sur les murs de cette chapelle ...
Le petit personnage impudique installé au-dessus du chevet salue béatement chaque matin le soleil levant.
Sur les façades latérales, tous les modillons des arcs sont ornés de décors sculptés: têtes humaines ou animales, étoiles, fleurs, cordelières, croix , alternent avec des motifs géométriques.
(Oyez, oyez, Grandez'oreilles)
(le Serpent bicéphale)
( le tireur de langue: faire la grimace pour éloigner les mauvais esprits ?)
Et voici une charmante image, mi-ange, mi -diablotin , l'une de mes préférées !
(Alleluia!)
et un peu plus loin, cette bien curieuse sirène bifide... que l'on retrouve du reste ailleurs sur nos chapelles (Murato, Aregno ...) :
... plutôt triton ou drac, non? ... En tous cas, voilà un être symbolique qui semble contrôler son aventure : thème fréquent chez les imagiers romans. Vous pouvez retrouver sur ce sujet un essai d'interprétation dans le livre d'Anne et Robert Blanc: " Monstres, Sirènes et Centaures, symboles de l'art roman" , aux Editions du Rocher.
(le tympan de la porte sud)
La façade latérale sud est percée d’une porte surmontée d’un très beau tympan posé sur un linteau massif et mouluré : sous l’arc surhaussé où courent des entrelacs élégants lui faisant une auréole, un personnage se tient solidement debout, jambes écartées, sa tunique (me semble-t-il) serrée à la taille par une ceinture. De sa main gauche il empoigne le cou d’un gros serpent aux dents menaçantes et de l’autre il s’apprête à trancher la tête du monstre avec son glaive : le serpent monstrueux se tord puissamment autour de l’homme dont toute l’attitude déterminée et calme proclame la victoire du Bien sur le Mal…
C’est par cette porte que j'entrerai: dans la pénombre, les fresques nous attendent, nouvellement restaurées par Madeleine Allegrini ...
(à suivre)
09/09/2012
Exposition des sculptures de Pierre Pardon à Marseille
Pierre PARDON expose ses nouvelles sculptures à la Galerie SORDINI
51, rue Sainte - 13001 Marseille
Tel/fax: 04 91 55 59 99
du 11 septembre au 13 àctobre 2012
... marbres et ardoises sensibles ...
Voici le texte que Michel Butor écrivit pour Pierre - et son oeuvre:
LA PEAU DES PIERRES
pour Pierre Pardon
Sur le clavier vertical
on effleure la portée
glissant sur le pédalier
on descend jusqu’aux cavernes
Entre les branches des nuages
des oiseaux parquent leurs chants
sur la neige du silence
les patinoires du vent
Insensiblement le souffle
ouvre le coffre aux trésors
une main vient caresser
les étoffes d’autrefois
Une poitrine de nacre
un ventre d’ombre et d’émail
une cuisse de hautbois
une tempe de cristal
La chevelure du soir
tombe sur les rochers vifs
entre les lèvres du noir
une flamme resurgit
Retrouvant les plissements
origines des montagnes
dormant se réfléchissant
sur les fleuves et les lacs
Jusqu’aux avions dans le ciel
aux sous-marins dans les eaux
lissant l’écorce des jours
démêlant les fils du temps
Michel Butor
***
Il sera en compagnie des peintures de Dagmar MARTENS
(à suivre ...)
16:30 Publié dans Exposition d'art contemporain, sculpture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre pardon sculpteur, michel butor, dagmar martens, galerie sordini, sculptures sur ardoise | Facebook |
25/02/2012
Ampugnani: les stèles ésotériques de Truchinacce (suite à suivre)
Entre Casalta et Silvareccio, ce site onirique de Truchinacce dans l'Ampugnani continue de nous interroger.
et chacun y peut apporter ses analyses et chacun peut y nourrir ses rêves les plus poétiques: le langage symbolique est constitutif de l'homme.
Pour le moment, en attendant la connaissance du site avant son pillage avéré (voir les notes précédentes du 2/1 et du 10/1/2012), et l'analyse du lieu par les amis préhistoriens qui pourrait confirmer ou infirmer que nous sommes bien en présence d'une expression mégalithique, nous tentons d'explorer son univers symbolique le plus récent.
Premier constat, les trois stèles gravées qui nous restent sont alignées face à l'est. Ce "recto" comporte de très nombreux symboles qu'il conviendrait d'analyser dans un contexte historique précis. Le verso comporte toujours - entre autres signes - une grande croix. Beaucoup d'éléments nous incitent de plus en plus à penser que nous sommes devant un discours gravé lié au monde de la carboneria (carbonarisme), bien ancrée dans l'Ampugnani du XIX° siècle .
On lira avec grand profit l'écrit consacré à ce sujet par Francis POMPONI : "La voie corse du passage du carbonarisme napolitain à la Charbonnerie française sous la Restauration (1818-1823)", dans "Secret et République (1775-1840)" par Bernard GAINOT, publié aux Presses Univ. Blaise Pascal en 2004.
Je vous invite aussi à découvrir dans l'Encyclopédie Imago Mundi le long article qui traite du carbonarisme :
http://www.cosmovisions.com/$Carbonari.htm
En voici un extrait, témoignant d'un rituel chargé de symboles:
"On a souvent confondu le Carbonarisme avec la Franc-maçonnerie, dont il n'est, en réalité, qu'un dérivé. Comme la Franc-maçonnerie, ou l'ordre des Illuminati (Illuminisme), dont on a parfois dit que les Carbonari avaient pu s'inspirer, le Carbonarisme a son cérémonial particulier, son langage symbolique, dont les termes sont empruntés au commerce du charbon. C'est ainsi que le lieu d'assemblée s'appelle hutte, en italien baracca; le pays où se tient l'assemblée, la forêt; la réunion elle-même, - ce qu'en langage maçonnique on nomme la tenue, - la vente, en italien vendita. Une réunion de huttes est une république. Purger la forêt des loups signifie délivrer la patrie des tyrans et des oppresseurs. De là, le cri de ralliement du Carbonarisme : Vengeance au mouton opprimé par le loup. Les statuts et règlements sont particulièrement sévères contre les parjures et les traîtres. L'indiscrétion, même involontaire, a son châtiment.
Chaque associé jurait de garder le secret sur l'existence du Carbonarisme, sur ses signes, son règlement et ses mots de passe; d'obéir aveuglément et sans réserve aux ordres intimés par la vente suprême, les choses commandées cessant d'être injustes dès qu'elles deviennent un moyen d'arriver au bonheur commun et, d'obtenir le but général; de dévouer sa fortune et même sa vie à la cause de la liberté et de la patrie.
En outre, pour être prêt à résister à l'oppression, à secourir ses « frères », appelés ici ses bons cousins, tout Carbonaro devait se munir, à ses frais, d'un fusil de munition et de cinquante cartouches à balle. Le parjure était puni de mort. Les grades par lesquels devait passer successivement le « bon cousin » étaient ceux d'apprenti, de maître et de grand-élu.
Un rituel d'initiation.
Voici, d'après Saint-Edme (Constitution et organisation des Carbonari), les détails du cérémonial usité pour une initiation au troisième grade : la vente se tient loin des profanes, dans une grotte obscure, cachée et connue seulement des Carbonari déjà reçus grands élus. La salle est triangulaire, tronquée aux trois pointes. Le grand maître, grand élu, qui préside la réunion, est placé sur un trône, à l'orient, dans l'angle tronqué supérieur. En face de lui, à l'occident, au milieu de la base même du triangle, se trouve la porte de la grotte. Elle est défendue par deux gardiens nommés flammes ou porte-épée, tenant à la main des sabres faits comme des flammes de feu. Les assistants sont rangés en deux files, à droite et à gauche du président. Ils ont la face tournée vers lui pour se conformer à tous ses mouvements, quand il fera des avantages ou autres cérémonies et solennités. Deux des assistants, ceux qui sont placés à l'extrémité des files, se nomment premier et second éclaireur; un troisième qui sert d'orateur est appelé étoile. Trois lumières en forme de soleil, de lune et d'étoile sont suspendues aux trois angles pour la clarté de la vendita. Le trône et les bancs sont couverts de drap rouge parsemé de flammes nombreuses. Le grand élu est en costume de l'ordre, ainsi que les autres assistants. Il a le front enveloppé d'un long mouchoir rouge enroulé en forme de turban, Il porte des sandales bleues, une tunique de même couleur et, au-dessus de la tunique, une longue robe noire serrée par une ceinture de laine rouge à laquelle sont suspendus une hachette et un poignard. Outre le costume ci-dessus, commun à tous les assistants, le grand élu président porte en sautoir un large ruban moiré tricolore, bleu céleste, jaune et vert, où sont attachés trois bijoux, marques de sa dignité : un triangle azur, image du ciel et de la divinité, un soleil d'or et un globe terrestre d'un vert pâle.« LE GRAND ÉLU. - Bon cousin, premier éclaireur, quelle heure est-il?Les sept avantages étant célébrés par les acclamations d'usage, lecture est faite aux assistants du procès-verbal de la dernière séance; puis, le procès-verbal adopté, le grand élu donne la parole à l'orateur appelé Etoile. Celui-ci explique et développe le but de la réunion. Après avoir fait une description de l'âge d'or, où les humains, obéissant aux lois de la nature, étaient bons et vertueux, l'orateur décrivait la situation malheureuse de la belle Ausonie et présentait le tableau navrant de son affreuse destinée.LE PREMIER ECLAIREUR . - Respectable grand élu, le tocsin sonne de toutes parts et retentit jusque dans les profondeurs de notre grotte. Je pense que c'est le signal du réveil général des hommes libres.
LE GRAND ÉLU. - Bon cousin, second éclaireur, à quelle heure doivent s'ouvrir nos travaux secrets?
LE SECOND ÉCLAIREUR. - A minuit, respectable grand élu, lorsque les masses populaires, conduites par nos affidés, les bons cousins directeurs, sont rassemblées, organisées, marchent contre la tyrannie et sont prêtes à frapper les grands coups.
LE GRAND ÉLU. - Bons cousins, flammes et gardiens de la sûreté de notre asile, êtes-vous sûrs qu'il ne s'est glissé parmi nous aucun profane et que tous les carbonari réunis dans cette vendita sont bien grands maîtres, grands élus?
UNE DES FLAMMES. - Oui, vénérable grand élu, les Introducteurs ont fait leur devoir. Il n'existe ici ni profane, ni Carbonaro subalterne.
LE GRAND ÉLU. - Tous les directeurs des divers grades carboniques, destinés au mouvement général qui va s'opérer, sont-ils à leur poste, bien armés, mes bons cousins, premier et second éclaireurs?
LES DEUX ÉCLAIREURS en même temps. - Oui, vénérable grand élu; tous sont partis après avoir réitéré le serment sacré de périr ou de vaincre.
LE GRAND ÉLU. - Puisque tout est si bien disposé, mes bons cousins, je vous invite à m'aider dans l'ouverture de nos travaux nocturnes en célébrant le septuple avantage que je commence à l'instant. A moi, mes bons cousins.
1° Au Créateur de l'Univers; 2° au Christ, son envoyé sur la terre, pour y rétablir la philosophie, la liberté, l'égalité; 3° à ses apôtres et prédicateurs; 4° à saint Tibaldo, fondateur des Carbonari; 5° à François Ier, comme notre protecteur et l'exterminateur de nos anciens oppresseurs; 6° à la chute éternelle de toutes les tyrannies; 7° à l'établissement d'une liberté sage et sans fin, sur la ruine éternelle des ennemis des peuples. »
« Elle obéit maintenant, disait-il, à trente soi-disant souverains, qui, rétrécis dans ce qu'ils appellent leurs domaines, n'en tyrannisent qu'avec plus d'impudence les peuples infortunés soumis à leur autorité dure, mais chancelante. C'est pour en débarrasser le sol que nos aïeux, les premiers bons cousins, ont établi la respectable Carboneria. Exilées du monde, n'osant se montrer au grand jour, la liberté, l'égalité, se réfugièrent dans les rand se cachèrent dans les ventes, dans les grottes les plus reculées, et là, reprenant la robe virile dont nous sommes revêtus, aiguisèrent leurs hachettes et leurs poignards et jurèrent de renverser en un seul jour tous les oppresseurs de ces belles contrées. Nous avons tous fait, sur le signe éclatant de la rédemption du Sauveur du monde, le serment sacré de rétablir sa sainte philosophie. Le moment est arrivé, mes bons cousins ; le tocsin de l'insurrection générale a sonné, les peuples armés sont en marche. Au lever de l'astre du jour, les tyrans auront vécu, la liberté sera triomphante. Employons le peu d'heures qui vont s'écouler avant d'arriver aux moments d'une courte et terrible vengeance, à relire et proclamer les nouvelles lois qui vont régir la belle Ausonie, la réunir en un seul peuple dans ses limites naturelles et la rendre libre, heureuse, florissante à l'exemple du reste de l'univers. »Ce discours achevé, le grand élu président prononçait à haute voix la formule du serment :« Moi, citoyen libre de l'Ausonie, réuni avec mes frères sous le même gouvernement et les mêmes lois populaires que je me dévoue à établir, dût-il m'en coûter tout mon sang, je jure, en présence du grand maître de l'univers et du grand élu, bon cousin, d'employer tous les moments de mon existence à faire triompher les principes de liberté, d'égalité, de haine à la tyrannie, qui sont l'âme de toutes les actions publiques et secrètes de la Carboneria. Je promets de propager l'amour de l'égalité dans toutes les âmes sur lesquelles il me sera possible d'exercer quelque ascendant. Je promets, s'il n'est possible de rétablir le régime de la liberté sans combattre, de lutter jusqu'à la mort. Je consens, si j'ai le malheur de devenir parjure à mes serments, à être immolé par mes bons cousins les grands élus, de la manière la plus douloureuse. Je me dévoue à être mis en croix au sein d'une vendita, nu, couronné d'épines et de la manière que le fut le Christ, notre rédempteur et notre modèle. Je consens de plus à ce que mon ventre soit ouvert de mon vivant, que mon coeur et mes entrailles soient arrachés et brûlés, que mes membres soient coupés et dispersés et mon corps privé de sépulture. Telles sont nos obligations à tous, mes bons cousins, jurez-vous de vous y conformer?TOUS LES ASSISTANTS à la fois. - Nous le jurons.
LE GRAND ÉLU. - Dieu vous entend, mes bons cousins! son tonnerre gronde; vos serments sont agréés. Le peuple est prêt à combattre, il triomphera! Malheur à vous si vous le trahissiez! »
L'orateur donnait ensuite lecture du pacte constitutionnel de l'Ausonie, qui devait être soumis à la sanction de la nation libre et unie."Comme on peut le voir, les bons cousins ne plaisantent pas!Voici une première grille de lecture de ces trois stèles proposée par un jeune chercheur féru d'ésotérisme en Corse:
(la face nord de la stèle centrale)
Je cite:
" Cœur (placé au sommet): N'est pas sans rappeler l'anthropomorphisme dont étaient dotées certaines « stantare ». Le coeur tient lieu de visage et s'apparente par la forme à la feuille de peuplier (arbre initiatique tenu pour sacré dans l'antiquité, lié à la résurrection).
Croix celtique écourtée (gauche) :
Symbole solaire apparenté à la roue solaire. Cycle (saison, course du temps …).
Symbole apparaissant dès le néolithique ou, si plus tardif, chrétien (signaculum domini = plaies du Christ).
Soleil (droite): Symbole solaire classique.
Croissant de lune vers le bas :
Symbole de minuit (passage du soleil à l’antipode).
Obscurité=secret=occulte
Croix : Se rapporter à la symbolique chrétienne et solaire.
Deux cercles concentriques radiants :
Couronne – Œil de la Providence – Soleil
Symbole surmonté par une croix.
Course du soleil (croix + astre) ou suprématie du «Christ-Roi» (couronne + croix + radiance)
Niveau (Figure centrale): Figure maçonnique (essentiellement celle du grade de surveillant) = équilibre ou harmonie, l'œuvre est réalisé et équilibré.
Figures pointues avec point au centre (sur les côtés du niveau): symbole inconnu. Possibilité d'être la lettre « D » dans l'alphabet maçonnique.
Eventuellement une allégorie des deux colonnes du temple (J et B)
Soleil et lune (gauche et droite) : Symboles maçonniques classiques.
Les gravures circulaires et rectangulaires, voire carrées, semblent être en rapport avec les degrés dans la hiérarchie des maçons ou compagnons ayant œuvré sur le site.
(la face ouest de cette stèle centrale et son percement au sommet, qui disait-on, laissait passer un rayon de soleil qui illuminait l'église pievane de Casalta)
(la face ouest de la stèle de droite)
INRI : Igne Natura Renovatur Integra (la nature est intégralement renouvelée par le feu).
Parole du rituel de Chevalier Rose+Croix (REAA) héritée de l’alchimie.
Croix à pointe aiguisée : Symbole héraldique (tranchant, aiguisé). Certainement un rapport avec l’arme (poignard rituel du Carbonaro ou Pinatu du Topu Pinutu).
Deux soleils : Symbole maçonnique typique. Saint Jean de l’Apocalypse (Solstice d’hiver) et Saint Jean le Baptiste (Solstice d’été), similitudes avec le dieu Janus aux deux visages.
(la face est de cette même stèle: le chêne qui a poussé entre temps ne permet pas de faire une photo d'ensemble)
(la face nord de la stèle de gauche)
Œil de la providence : Elément courant dans la symbolique maçonnique.
2 : Symbole évident de la dualité. En rapport certainement avec les deux colonnes du temples, les deux surveillants et le damier initiatique (noir et blanc).
S : Certainement symbole du serpent (symbole compagnonnique du tailleur de pierre).
Pentagramme : Elément maçonnique du grade de compagnon. 5 éléments (eau, terre, air, feu, éther) ou 5 sens.
Humain accompli et achevé.
Deux lunes superposées au dessus de l’horizon : Apogée et périgée.
4 : Chiffre de la matière. Croix dont l’axe horizontal et l’axe vertical sont reliés. Chiffre du carré.
3 : Trinité. Peut être même Troïka (organisation de cellules de 3 personnes). Chiffre du triangle.
(Peut-être le Chapitre 4 verset 3 des Corinthiens: « Si notre Evangile est encore voilé, il est voilé pour ceux qui périssent »)
Compas : Sert à tracer le cercle, qui garde en lui les secrets de l’initié. Symbole de l’esprit et composante des 3 grandes lumières.
Les trois dernières figures sont un rappel évident de la géométrie et sa symbolique ésotérique.
Cette stèle est certainement celle d’un compagnon devenu maitre. Elle a du être gravée progressivement du bas vers le haut
(la face ouest de cette stèle)
... et enfin, sa première conclusion:
Les monolithes sont certainement très anciens.
Il est essentiel de pratiquer un relevé topographique de la disposition des monuments ainsi qu’une analyse géologique des pierres.
Les éléments disparus ont de toute évidence, de façon coutumière en Corse, été certainement récupérés et insérés dans le paysage architectural (probablement dans les environs proches du site), que ce soit dans une bergerie ou dans les parois d’une maison.
Nous pouvons, aux vues des symboles et « styles » de gravures, qu’il s’agit d’une œuvre collective. Les gravures ont du se succéder au fur et à mesure du temps.
L’iconographie religieuse et maçonnique est quasiment classique mais la présence conjointe de celle-ci avec des éléments chrétiens nous laisse à penser qu’une société secrète du XVIIIème ou XIXème siècle a utilisé ces éléments en vue de rituels.
La maçonnerie dite « du bois », les Pinnuti ou Carbonari sont effectivement à l'origine des gravures. Des références au Compagnonnage sont évidentes. "
(à suivre ...)
11:16 Publié dans corse, histoire de la Corse, les pierres qui signent, les stèles de Trucchinacce, préhistoire corse, sculpture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : casalta, castagniccia, silvarecciu, stèles ésotériques de l'ampugnani, carbonarisme corse, franc-maçonnerie corse, symbolique franc-maçonne, francis pomponi | Facebook |
22/08/2011
Le voyage onirique de Xavier Chilini au Spaziu d'Ile Rousse
... au commencement du monde: les pierres qui signent ...
"Derrière Deucalion naissent des hommes, derrière Pyrrha des femmes. Race nouvelle des humains, résistante au travail, dure à la peine, puisqu'elle a la force des pierres"
( les Métamorphoses d'Ovide)
le grand Totem (marbre de Carrare) et Xavier (de chair et d'os).
Correspondances et métamorphoses.
Où les Mazzeri de Corse et autres Benandanti du Frioul croisent sur les chemins du rêve les Chamans du Pays Dogon
Déesse (marbre de Carrare)
à gauche la pierre de fertilité et jeune fille en rêve
la pierre de fertilité (granit saumoné)
jeune fille en rêve (marbre de Carrare)
petite divinité bleue (granit bleu du Brésil)
la pierre du chaman (diorite)
le retour du cercle (marbre de Carrare)
un guerrier (fer) et incantation (fer)
le petit sorcier (fer)
les accessoires du chaman:
quel imprudent n'a pas ses grigris?
la jeune fille en rêve (marbre)
une tranche divine et saumonée
Janus (diorite orbiculaire)
chasses et batailles nocturnes
tête de pythie grecque (albâtre)
sourire de Théodore Monod: tombées d'un ciel rêvé, les météorites (bronze)
trois boîtes sacrées d'Egypte
une boîte sacrée: tabernacle! comme jurent nos amis québecquois ...
la table de divination aux huit dés (marbre): où le renard du pays Dogon trace ses prophéties
une serrure Dogon (marbre)
le chaman Xavier:
ton père, Joseph, trailleur de pierre d'Ajaccio peut être fier de toi ... Quant aux artisans de Carrare qui t'avaient accueilli dans l' atelier de l'ami Luiggi il y a quelques années, ils se souviennent encore de ta frénésie au travail, diable de corse! ébauchant dans l'effervescence de ton inspiration tant de ces belles pièces que tu nous donnes aujourd'hui à voir. Invitation au voyage de l'âme dans l'inconscient collectif.
... à voir au Spaziu jusqu'à la fin du mois d'août ...
12:54 Publié dans corse, Exposition d'art contemporain, les pierres qui signent, sculpture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : xavier chilini sculpteur corse, spaziu ile rousse, art chamanique, pays dogon, inconscient collectif, mazzeri, benendanti, chasses et batailles nocturnes | Facebook |