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28/01/2009

... petit dieu de proximité...

Encore lui, et toujours en service au jardin, pour qui sait le voir. Il a accompagé les premières récoltes de mon amoureux-jardinier

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Flore, dis bien à Lia que c'est le terrain de jeu des jeunes fées du coin: elles y font la galipette avec leurs petits camarades...

27/01/2009

..."la plus haute espérance, ce serait..."

paysage Costa hiver blog.jpg

En ce début d’année si troublé, si incertain, si destructeur pour beaucoup, je voudrais partager avec vous ces quelques lignes lumineuses et apaisantes de Philippe JACCOTTET, qui achèvent son recueil « Paysages avec figures absentes » (éditions Poésie / Gallimard). Dans notre paysage humain commun, sans pathos, sans emphase, l’expérience et l’acceptation de l’inconnu, de ses signes ténus, de sa clarté fugace à travers les nuées opaques et folles de notre temps.

 

Mais avant, et précédant ce texte, cette citation faite par Jaccottet de Simone Weil (Attente de Dieu) :

« (…) Tout être humain est enraciné ici-bas par une certaine poésie terrestre, reflet de la lumière céleste, qui est son lien plus ou moins vaguement senti avec sa patrie universelle. Le malheur est le déracinement. »

 

Et maintenant, Jaccottet :

 

« En fait, de toutes mes incertitudes, la moindre (la plus éloignée d’un commencement de foi) est celle que m’a donnée l’expérience poétique ; c’est la pensée qu’il y a de l’inconnu, de l’insaisissable, à la source, au foyer même de notre être. Mais je ne puis attribuer à cet inconnu, à cela, aucun des noms dont l’histoire l’a nommé tour à tour. Ne peut-il donc me donner aucune leçon – hors de la poésie où il parle -, aucune directive, dans la conduite de ma vie ?

Réfléchissant à cela, j’en arrive à constater que néanmoins, en tous cas, il m’oriente, du moins dans le sens de la hauteur ; puisque je suis tout naturellement conduit à l’entrevoir comme le Plus Haut, et d’une certaine manière, pourquoi pas ? comme on l’a fait depuis l’origine, à le considérer à l’image du ciel…

Alors, il me semble avoir fait un pas malgré tout. Quand même je ne pourrais partir d’aucun principe sûr et que mon hésitation se prolongeât indéfiniment, quand même je ne pourrais proposer à mon pas aucun but saisissable, énonçable, je pressens que dans n’importe quelles conditions, à tout moment, en tout domaine et en tout lieu, les actes éclairés par la lumière de ce « ciel) supérieur ne pourraient être « mauvais » ; qu’une vie sous ce ciel aurait plus de chance qu’une autre d’être « bonne ». Et pour être moins vague, il faudrait ajouter que la lumière qui nous parviendrait de ces hauteurs, par éclaircies, lueurs éparses et combattues, rares éclairs, et non continûment comme on le rêve, prendrait les formes les plus diverses, et non pas seulement celles que lui a imposées telle morale, tel système de pensée, telle croyance. Je l’apercevrais dans le plaisir (jugeant meurtrier celui qu’elle n’atteindrait pas), mais aussi, ailleurs, dans le renoncement au plaisir (en vue d’une clarté accrue) ; dans les œuvres les plus grandes où elle m’a été d’abord révélée et où je puis aller la retrouver sans cesse, mais aussi dans une simple chanson, pourvu qu’elle fût vraiment naïve ; dans l’excès pur, la violence, les refus de quelques-uns, mais non moins, et c’est là ce que m’auront appris surtout les années, dans la patience, le courage, le sourire d’hommes effacés qui s’oublient et ne s’en prévalent pas, qui endurent avec gaieté, qui rayonnent jusque dans le manque.Sans doute est-on sans cesse forcé d’affronter de nouveau, avec étonnement, avec horreur, la face mauvaise de l’homme ; mais sans cesse aussi, dans la vie la plus banale et le domaine le plus borné, on peut rassembler ces autres signes, qui tiennent dans un geste, dans une parole usée faite beaucoup moins pour énoncer quoi que ce soit que pour amorcer un échange, ajouter au strict nécessaire du « commerce » une peu de chaleur gratuite, un peu de grâce : autant de signes presque dérisoires, de gestes essayés à tâtons, comme pour rebâtir inlassablement la maison, refaire aveuglément le jour ; autant de sourires grâce auxquels mon ignorance me pèse moins.

J’aimerais bien aller au-delà de ce peu ; tirer de ces signes épars une phrase entière qui serait un commandement. Je ne puis. Je me suis prétendu naguère « serviteur du visible ». Ce que je fais ressemblerait plutôt, décidément, au travail du jardinier qui nettoie un jardin, et trop souvent le néglige : la mauvaise herbe du temps…

Où sont les dieux de ce jardin ? Quelquefois je me vois pareil, dans mon incertitude, à ces flocons de neige que le vent fait tournoyer, soulève, exalte, lâche, ou à ces oiseaux qui, moitié obéissant au vent, moitié jouant avec lui, offrent à la vue une aile tantôt noire comme la nuit, tantôt miroitante et renvoyant on ne sait quelle lumière.

 

(On pourrait donc vivre sans espérance définie, mais non pas sans aide, avec la pensée – bien proche de la certitude, celle-là – que s’il y a pour l’homme une seule chance, une seule ouverture, elle ne serait pas refusée à celui qui aurait vécu « sous ce ciel ».)

 

 

(La plus haute espérance, ce serait que tout le ciel fût vraiment un regard.) »

 

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... avec le petit dieu du jardin...

 

 

 

 

 

 

22/01/2009

voeux...

Mona voeux carte blog copie.jpg

13/01/2009

Méditerranée, l'enfance

« Nul n’aborde ici, qu’il n’ait gardé son âme d’enfant », disait Dominique Fernandez.

 

A chacun sa rencontre de la Méditerranée.

 

Ceux qui sont nés sur ses rives, y boivent depuis l’enfance  à la source des couleurs pures, dans les bleus de cobalt intense agités sous la houle, la première couleur dont mon âme s’est trouvée assoiffée, dans les bleus de caeruleum et la chevauchée des nuages lenticulaires drossés par le vent, dans les ocres rouges et les safrans des terres calcinées, les verts sombres par-dessus l’éclat jaune paille des herbes sèches … Y respirent depuis leur premier souffle les odeurs mêlées des pierres âpres, imprégnées de soleil, d’urine de brebis, de larmes de ciste poisseux, de chardons. Vivent sans y penser les mythes civilisateurs, l’ombre des héros, la nuit des tragédies antiques, la lumière de l’enfance cajolée. Ceux qui sont nés sur ses rives apprennent à souffrir de l’absence seulement s’ils en sont séparés, reconnaissent alors la douleur, la soif, la faim, de ce qui était donné à chaque instant et n’existe plus à chaque instant. Réapprennent à vivre, sans. Cherchent à y revenir pour mourir.

 

Pour les autres, à chacun son histoire, sa musique. La mienne commence dans la chanson du train qui nous emmène, mes parents, ma sœur et moi, de Paris vers le Sud. Nous sommes suffisamment petites alors pour tenir pelotonnées entre deux gros sacs de camping dans le filet des bagages. La nuit s’allonge. Bercée au rythme des roues sur les rails, tata, tata, tata, tatata, dans le mi-sommeil de mes sept ans je compte un deux, un deux,  parfois un deux trois et me rendors, dans cette odeur piquante de la locomotive à vapeur, nuit moite un peu trop chaude dans notre compartiment, ponctuée d’arrêts mystérieux, de crissements de freins, de lumières soudaines à travers les rideaux tirés, de la présence d’une main maternelle qui vérifie la sécurité de notre nid en hauteur…

Au petit matin,  embuées, courbatues, nous glissons un oeil par la fenêtre : le jour se lève à peine, on cherche la mer, mais il faut encore attendre, nous disent les parents. C’est quand, la mer ? Déjà quelque chose a changé dans la lumière. Ce n’est pas l’aube de Paris ni même celle de la Sarthe. Des flaques brillantes fusent entre les pins noirs : ciel ou eau ? On guette la mer. On attend la mer. Ce sera bleu quand ce sera la mer. Ulysse, il y a peu, naviguait sur la Grande Bleue, parole paternelle. Lors d’un arrêt, on  baisse la vitre (« e pericoloso sporgersi ») et le parfum du Sud envahit l’espace confiné de notre nuit, un parfum sec, poivré, indéfinissable, vivifiant qui s’engouffre au fond du nez, de la gorge,  mord au cœur pour la première fois. Avant le bleu de la mer, c’est l’odeur des rives de la Méditerranée qui m’accueille et déjà je sais qu’elle va me manquer : j’apprends dans l’instant, jusqu’au vertige, la nostalgie. Je ne sais pas alors la nostalgie de quoi, mais c’est comme si je reconnaissais là ma parenté oubliée. A se demander par quel sort, par quel brassage de migrations, ces gènes-là sont venus se fixer dans les chromosomes sarthois et lorrains. Côté arbre généalogique, je sais depuis longtemps que nous ne sommes pas très étanches chez les aïeules: à l’ouest les Vikings, à l’Est les hordes barbares, Attila et ses collègues, et puis peut-être aussi, sur le marché aux esclaves de Verdun, que sais-je ? Alors pourquoi pas du sang méditerranéen ?

 

Après ce premier contact, pour nous, les filles (mes parents, en amoureux passionnés de la culture et de la langue grecque classique,  avaient explorés passionnément le pays d'Homère et de Socrate quelques années auparavant)  où nous avions campé à La Capte près d’Hyères (les siestes bercées par les cigales, à regarder ce bleu incroyable du ciel,  à travers les longs cils des pins maritimes, et la douceur salée de la mer), l’année suivante l’aventure familiale nous emmenait camper en Italie, confirmant cette appartenance … Entre temps, à Paris, la nostalgie s’était installée, alimentée par une grande carte postale épinglée dans ma chambre montrant je ne sais plus quel beau rivage méditerranéen, bleu à en perdre la raison. Depuis j’ai appris la météo capricieuse de la Méditerranée, les orages violents et leurs pluies diluviennes, et beaucoup plus tard les hivers froids et parfois gris, d’abord en Tunisie, puis en Corse. Mais à l’époque, la Méditerranée de mon enfance était bleue, d’un bleu insolent, focalisant tous mes désirs enfantins de bien vivre. Pourtant nous étions  heureux à Paris, et j’adorais aussi nos vacances sarthoises dans la ferme de Mémé, dans le creux de l’aine des vaches à la traite, derrière les petites troupes de poussins et de canetons, dans la carriole tirée par les solides percherons à la crinière tressée,  à la croupe fumante et aux pattes chevelues ...

 Cette année là, on m’avait offert pour mes huit ans le Gargantua de Rabelais illustré par Samivel et, dans l’édition enfantine des contes et légendes, l’Odyssée. Dans le même temps, l’éducation paternelle nous conduisait souvent, le jeudi, à la découverte du Louvre : il s’agissait de corriger notre « sens esthétique » quelque peu perturbé par la vision des statues saint sulpiciennes subies à la petite école religieuse de notre enfance (le choix de maman, parce qu'il y avait des beaux arbres remplis de merles chanteurs dans le jardin des bonnes soeurs). Pour ma part, je prenais tout avec un égal plaisir : le manteau bleu parsemé d’étoiles dorées de la Sainte Vierge en plâtre, les crucifix tourmentés, les roses pâles sur les joues des saints pâmés aux yeux de verre, le parfum des lys, l’encens et les cantiques aux messes allumaient mon émotion tout autant que les belles statues grecques et romaines, ou - il fallait descendre par quelques marches dans le mystère et la pénombre - le grand Sphinx à la fesse percheronne derrière lequel je pouvais jouer à cache-cache en face d’Osiris et d’Anubis dans leur niche (tout cela a désormais changé de place), les grands taureaux ailés de Babylone, le code d'Hammourabi avec son écriture si serrée, si inconnue (ah, inventer de nouvelles écritures!), si régulière sur son basalte si noir, si lisse  . Tout me faisait rêver, Gargantua et Pantagruel, Ulysse, Circée, la douce France de Chinon et les flots bleus de la Méditerranée, les Saints et les Anges, les héros de l’Antiquité, le Chat botté et la Petite Sirène (naturellement pour moi il était évident qu'elle était méditerranéenne, celle-là!), Aladin et Peau d'Ane, tous des proches... Le fait est qu'encore aujourd'hui, c'est ma famille élargie.

11/01/2009

"Mère Méditerranée", avec Dominique Fernandez et Flore

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"( ... ) Depuis la désormais lointaine dans le temps mais toujours proche dans mon coeur nuit de Pegli, je ne cesse deparcourir ces rives, mythiques par leur passé, restées vivifiantes et nécessaires, parce que, dans la musique du ressac, elles répètent inlassablement le même chant: " Nul n'aborde ici, qu'il n'ait gardé son âme d'enfant."
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Un paradis, mais il faut s'entendre sur le mot. Rien de fade ni de niaisement édénique dans ces côtes pauvres, nues, brûlées, souvent tragiques. La Méditerranée, c'est un esprit. Une façon d'être. Une morale, bien plus qu'un décor. Le refus des valeurs bourgeoises. Pas de croyance aveugle dans l'utilité de la réussite. Un dédaigneux scepticisme envers tout ce qui fait trembler l'Occident. La poésie du désordre, de l'incurie, de l'incomplet, le règne enfantin des chimères, payé par un marasme économique chronique.(...)"
Dominique FERNANDEZ- Mère Méditerranée. Editions Grasset.
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(Lozari hivernal)