03/10/2010
Altiani, suite et fin : deux toiles de Giacomo GRANDI et autres ...
ALTIANI, église de l'Annonciation, suite:
deux peintures de Giacomo GRANDI
1°/ La Vierge du Scapulaire avec l'Enfant Jésus
entre saint Antoine de Padoue
et saint Nicolas
Cette toile pleine de douceur nous présente la Vierge apparaissant avec l'Enfant Jésus à Saint Antoine de Padoue et à Saint Nicolas. Une athmosphère intime règne dans cette pièce, ouverte sur un paysage familier des alentours. La Vierge d'une main délicate tend le Scapulaire à Saint Antoine, cet objet de dévotion que l'on mettait au cou des enfants pour les protéger des entreprises du Diable et de la gente malfaisante des mauvais esprits et autres sorcières malveillantes ... Pochette (ici double et peinte) contenant des morceaux de cierge béni de la Chandeleur ... et du sel (on n'est jamais trop prudent: les sorcières, on le sait, détestent le sel)
La Vierge, toute de bienveillance, ouvre largement les bras, tout en gardant debout contre elle l'Enfant Jésus: ce blondinet tout frisotté pose sa menotte bien gentiment sur la tête de l'humble Saint Antoine, en prière devant un livre sacré et tout confit de tendresse. Dans l'autre main, Jésus tient le globe terrestre: le message est simple ... les hommes - et plus précisément nos bons villageois d'Altiani - peuvent s'en remettre à ces deux bons saints intercesseurs, Antoine et Nicolas.
De l'autre côté l'évêque Saint Nicolas de Bari regarde intensément la Vierge. Il porte un somptueux habit épiscopal, manteau chatoyant de roses rouges par-dessus sa robe travaillée de dentelles raffinées. C'est l'Eglise glorifiée à travers la richesse et la beauté de son costume chamarré ... Ce style fleuri est l'une des marques propres à l'inspiration de Giacomo Grandi .
Le grand saint Nicolas, si populaire dans toute l'Europe, porte la mitre, la crosse pastorale et un livre surmonté de trois boules d'or (or donné anonymement par le bon Nicolas pour empêcher la prostitution de trois jeunes filles pauvres que leur père s'apprêtait à livrer au bordel, faute d'argent ... terrible histoire, non?). On connait aussi l'autre histoire, celles des " trois petits enfants qui s'en allaient glaner aux champs" , "mis au saloir comme des pourceaux" et ressucités par saint Nicolas... Nous la chantions tous les ans le soir du 6 décembre , en bonnes petites filles de notre papa lorrain, pour fêter dignement notre grand saint Nicolas et en espérant bien que le Père Fouettard ne viendrait pas à sa place nous tourmenter.
... tandis que par la fenêtre la vie continue...
2°/ La Mort de Saint Joseph en compagnie de la Vierge Marie et de Jésus
Saint Joseph est au bout du rouleau, il vit ses derniers instants. A son chevet, la Vierge le soutient de ses prières et à ses côtés Jésus plein de compassion l'accompagne de sa bénédiction : ceci se passe avant le début de sa vie publique. Un angelot bouclé s'apprête à donner au vieillard l'huile de l'extrême onction . Joseph git sur son joli lit aux pieds artistement travaillés: c'est que, toute sa vie, le bon Joseph a travaillé comme "falegname"," bancalaru", bref comme un honnête et excellent menuisier. Il a même, dit-on, travaillé jusqu'à son dernier souffle, en témoignent ses outils qui jonchent le sol: scie, hache, marteau, tenailles, rabot, équerre, compas, rien ne manque ... C'est que Saint Joseph est le patron des menuisiers, et Dieu sait s'il a du travail en cette région de Corse où poussent tant d'arbres magnifiques ...
A la tête du lit un élégant récipient qui pourrait bien être un pot de chambre: Saint Joseph n'est plus en état de se lever ... scène bien familière pour accompagner la fin de celui que l'on vénère ici aussi comme le " le patron de la Bonne Mort" : mourir dans son lit, entouré de l'amour des siens, et muni des sacrements de l'Eglise, un espoir pour des populations soumises à bien des risques de mort subite ...
Giacomo GRANDI, peintre originaire de Milan, a choisi de vivre en Corse où l'on suit sa riche production picturale de 1742 à 1772. Après avoir vécu en Balagne dans le village de Monticello où il s'était marié, il se remarie en 1758 après le décès de sa première épouse avec une jeune fille de Quercitello , village qui surplombe La Porta, en Castagniccia, et y vit de nombreuses années avant de s'éteindre (1772) à Borgo où il est enterré.
Beaucoup d'indices nous font penser que Grandi et Carli se connaissaient, Carli ayant peut-être même travaillé dans l'atelier de Grandi avant de voler de ses propres ailes: en tous cas, leur style est proche, sans toutefois se confondre. Pour l'anectote, leurs nuages en forme de galettes bretonnes semblent sortir de la même fabrique .
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... Dernières oeuvres ...
Saint Michel terrassant le Dragon de son épée de feu:
peinture anonyme du XVIII°siècle. M.E. Nigaglioni pense qu'il s'agit peut-être du "Maître des Anges Musclés" (sic !), bon peintre fort prolifique de la deuxième moitié du XVIII° que nous rencontrons souvent en Balagne.
(la sale Bête)
En attendant de découvrir enfin dans quelque fond de tiroir de sacristie le nom de cet artiste qui ne signe jamais, mais compose toujours fort habilement ses toiles et ses séries de Chemin de Croix, je remarque que notre saint Michel d'Altiani a bien sa place dans l'église paroissiale, doublant ainsi la dévotion déjà en place à la chapelle romane qui lui est dédiée un peu plus bas dans la campagne. Nos amis d'Altiani ont entrepris de sauver cette chapelle aujourd'hui ruinée mais qui dut être fort belle et ornée de fresques ... dont nous avons retrouvé quelques traces, en particulier au fond de l'abside. Restes trop lacunaires pour pouvoir imaginer l'iconographie de l'ensemble. Cela dit, surmontant le maître-autel de cette chapelle romane de saint Michel, l'on aperçoit encore l'épée brandie par l'arhange:
... deux épées qui se ressemblent étrangement!
( l'ensemble, bien que fort dégradé, laisse voir encore ce décor fleuri et élégant)
Revenons à l'église paroissiale pour une toile accrochée en dehors de toute dévotion d'autel: sans doute un legs du cardinal Fesch, mais dont on ne saisit pas , à ce jour le sens. En tous cas, une belle toile du XVII° siècle, en mauvais état hélas.
Les personnages gardent beaucoup de présence,
figés dans une gestuelle noble et efficace ... mais demeurée mystérieuse.
Voilà, mes bons amis d'Altiani! Bon courage pour votre courageuse entreprise de sauvegarde du patrimoine!
18:11 Publié dans corse, découverte du patrimoine en Corse, la mort, patrimoine populaire de Corse | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : altiani, giacomo grandi, mort de saint joseph, vierge du sacapulaire, saint nicolas de bnari, saint antoine de padoue | Facebook |